25.

Je me sentais sans doute toujours coupable d'avoir fait défaut à Niall ce tout premier soir, je m'emballai donc légèrement sur le nettoyage en attendant son retour. L'appartement rutilait de fond en comble, même si j'avais fait un effort pour ne pas toucher à son désordre, qui lui permettait de se sentir chez lui. J'avais commandé en ligne une fabuleuse parure de draps vert pâle -sa couleur préférée-, acheté quelques coussins décoratifs et lui avais préparé un lit digne d'un prince. J'avais également fait l'acquisition d'une table pivotante spéciale petit-déjeuner au lit afin qu'il puisse manger dans sa chambre.

J'allai chercher des fleurs. Des chocolats. Je remplis le congélateur de ses glaces Ben & Jerry's favorites.

Je disposai sur sa table de chevet une pile composée de ses derniers numéros de tous les magazines que je l'avais déjà vu lire et de deux cahiers de Sudoku et de mots croisés. Pour couronner le tout, j'installai dans sa chambre un petit écran plat avec lecteur DVD intégré. C'était peut-être un peu trop pour une personne censée rester alitée seulement deux semaines, mais je ne voulais surtout pas qu'il s'ennuie.

«  Oh, mon Dieu ! »

Niall écarquilla les yeux en pénétrant dans son petit nid. Un bras autour de la taille de Liam, il contempla, tout sourire, chaque nouveauté de la pièce où se trouvaient déjà Elodie, Clark et Harry. Les enfants avaient repris l'école, ils ne furent donc pas témoins du « Louis en fait des tonnes ». Niall se tourna vers moi.

« C'est toi qui as préparé tout ça? »

Je haussai les épaules, me sentant soudain très mal à l'aise.

« C'est trois fois rien. »

Niall éclata de rire et s'approcha de moi lentement.

« Tu es un tout petit peu génial. »

Je me rengorgeai.

« Si tu le dis. »

« Viens là. » Il enroula ses bras autour de moi et je l'étreignis, me sentant comme un garçon embrassant sa mère, tant il est grand. « J'adore. Merci beaucoup. »

« Tant mieux. » Je le repoussai délicatement et fronçai les sourcils. « Allonge-toi. »

Niall grogna.

« Ça va être marrant. »

Alors que Liam l'aidait à retirer ses chaussures pour se mettre au lit, Elodie vint me parler.

« Le docteur a dit qu'il fallait s'assurer qu'il ne mouille pas son pansement en prenant sa douche. »

« Il ne prendra que des bains. »

« Bien. Et il doit se reposer. Il a le droit de discuter, mais pas sans arrêt. »

« Compris. »

« Et, dans quinze jours, il doit aller se faire retirer son bandage. »

« Entendu. »

« Puis il aura une visite de contrôle trois mois plus tard. Et si tout va bien, une autre l'année prochaine. »

Je demeurai interdit.

« Quoi ? » J'adressai un sourire plein d'espoir à Niall. « Tu as reçu les résultats de ta biopsie ?

« Personne ne lui a dit ? »

Il lança un regard accusateur à la ronde.

Harry soupira.

« Peut-être que quelqu'un l'aurait fait si il n'évitait pas tout le monde. »

« Allô ! » J'agitai la main. « Les résultats, s'il vous plaît ? »

Niall eut un large sourire.

« Bénignes. »

Je m'affaissai de soulagement en m'entendant confirmer le pronostic du docteur Dunham.

« Tu aurais dû commencer par ça. »

« Désolé. »

« Oui, oui. » J'arquai un sourcil en direction d'Elodie. « Ne vous en faites pas, je prendrai bien soin de lui. » Puis je remarquai que Liam s'était installé sur les couvertures, à côté de Niall. « Enfin, si le beau gosse me laisse faire. »

Liam grimaça.

« Je suis trop vieux pour qu'on m'appelle beau gosse. »

« Moi, ça me plaît. » assura Niall avec un sourire mutin.

« Alors va pour beau gosse. »

« Bon, je vais aller faire du café avant de vomir sur les draps tout neuf de Niall. » lançai-je avant de tourner les talons.

Harry me barra la route.

« Il faut qu'on parle. » me dit-il d'un ton neutre.

Puis il sortit de la pièce, ne me laissant d'autre choix que de le suivre.

Je le retrouvai dans ma chambre, et dès que j'entrai derrière lui, il s'empressa d'aller fermer la porte.

« On pourrait discuter au salon. » déclarai-je avec irritation, détestant le voir ici, où tant de souvenirs vivaient encore.

En outre, sa présence dans ma chambre avait toujours été écrasante.

Il se contenta de me rejoindre à grands pas, ne s'arrêtant qu'à quelques centimètres de moi. Je fus tenté de reculer, mais refusai de lui faire ce plaisir. Je soutins donc son regard d'un air de défi, et il inclina légèrement la tête afin de pouvoir plonger ses yeux dans les miens.

« J'ai essayé de te laisser un peu d'air, mais ça devient ridicule. »

Je reculai brusquement la tête.

« Euh... pardon ? »

J'observai ses yeux magnifiques et furieux s'étrécir en deux petites fentes.

« Tu n'es jamais là. Tu vois quelqu'un d'autre ? Car je jure devant Dieu... »

Furieux n'était peut-être pas suffisant.

« Tu rigoles, j'espère ? » Hurlai-je, oubliant qu'il y avait du monde au bout du couloir.

« Dans ce cas, c'est quoi ce bordel ? »

Je pris une longue inspiration, tremblant, tâchant de me calmer.

« T'es un vrai connard. Tu viens jusqu'ici m'accuser de faire des trucs derrière ton dos, alors que c'est toi qui sautes ton nouveau manager. »

Cette fois, ce fut Harry qui tressaillit de surprise. Et son regard... Disons qu'il exprimait sans ambages qu'il pensait clairement qu'il me manquait une case.

« Kendall ? Tu t'imagines que je couche avec Kendall ? Je n'y crois pas. »

Ok. J'étais complètement perdu. Je croisai les bras sur ma poitrine, feignant d''avoir la maîtrise totale de la conversation.

« Niall m'a tout raconté. »

Il en resta littéralement bouche bée. Son expression aurait pu être amusante si je n'avais pas eu l'impression qu'un poignard me déchirait les entrailles.

« Niall ? Qu'est-ce qu'il t'a dit, au juste ? »

« Qu'il vous avait vu au déjeuner. Que vous aviez mangé avec Liam et elle. Que vous aviez l'air de bien vous entendre. »

Ce fut au tour de Harry de croiser les bras, et le tissu délicat de son costume épousa la forme de ses biceps. J'eus une image de lui au-dessus de moi, me plaquant les mains au matelas, les muscles des bras bandés tandis qu'il me pénétrait encore et encore.

Je rougis et secouai la tête pour chasser cette image.

Merde.

« Niall t'a dit qu'il avait déjeuné avec Kendall et moi, et qu'on avait l'air de bien s'entendre. » me répéta-t- il lentement, comme s'il s'adressait à un débile.

« Oui. » répondis-je entre mes dents serrées.

« Si il ne venait pas de se faire opérer du cerveau, je te jure que je l'étranglerais sur-le-champ. »

Je cillai.

« Quoi ? »

Il fit un pas vers moi, ce qui m'obligea à reculer pour éviter que son torse ne vienne s'écraser contre  le mien.

« Je n'ai jamais déjeuné avec Kendall et lui. Ils se sont rencontrés le jour où Liam et lui sont passé au Fire pour déposer une clé USB que j'avais oublié ici. Ils se sont à peine croisées deux secondes. »

Je me grattai derrière l'oreille, n'aimant pas du tout la position dans laquelle me mettait cette conversation.

« Pourquoi il m'aurait dit une chose pareille ? »

Harry poussa un profond soupir et se détourna. Il passa la main dans les cheveux, visiblement contrarié.

« Je ne sais pas. Sans doute parce que je lui ai dit que te laisser un peu d'air était la prochaine étape de mon plan pour te reconquérir, et qu'il ne trouvait pas que c'était une bonne idée. Apparemment, il pensait que la jalousie serait un raccourci plus efficace. » Il secoua la tête et m'adressa un regard insondable. « Apparemment, il s'est trompé. »

Je l'observai arpenter ma chambre, essayant vainement de faire du tri dans ses pensées, tandis que je tentais de me faire à l'idée qu'il n'avait pas du tout tourné la page. Cependant, je n'arrivais toujours pas à admettre que Niall ait pu vouloir me blesser à ce point. Je m'interrogeai également sur sa soudaine aptitude à mentir si bien. Quand je l'avais rencontré  il était incapable de cacher la vérité.

Oh.

Ma faute ?

« Ça n'explique pas tout. J'ai rencontré Kendall, je te rappelle, et c'est exactement ton type de fille. Et elle flirtait outrageusement. »

« Qu'est-ce que ça peut te faire ? » Il sourit en laissant courir ses doigts sur mon étagère. « Tu disais que tu ne voulais... »

Il s'interrompit et se contracta soudain, comme s'il venait de comprendre quelque chose.

« Quoi ? »

Il tira sur une petite pochette, baissa la tête puis se tourna vers moi avec un regard accusateur.

« Tu vas quelque part ? »

Il brandit dans ma direction mon billet électronique imprimé pour mon voyage en Virginie.

Mon esprit et mes émotions n'avaient pas fini de débattre des derniers rebondissements et de leurs éventuelles conséquences sur ma décision. Mon cerveau me dicta donc de dire la première des vérités.

« Je rentre à la maison. »

Je savais que ça n'allait pas. Ça n'allait pas parce qu'Harry ne répondit rien. Il me cloua au mur d'un air que je ne voulais plus jamais revoir dans ses yeux, puis il tourna les talons et sortit de ma chambre en claquant la porte.

Pas de dispute. Pas de discussion.

Dix minutes plus tard, j'estimai avoir suffisamment recouvré mon calme pour aller préparer du café et l'apporter à tout le monde. Harry était assis dans un coin et ne m'adressa pas même un regard.

Finissant par comprendre que sa mauvaise humeur gâchait le retour triomphal de son frère, Harry se leva, l'embrassa sur le front, et lui annonça qu'il repasserait plus tard. Niall acquiesça, puis se mordit la lèvre avec inquiétude en l'observant quitter les lieux. Niall me jeta alors un coup d'œil et, tel un écolier pris sur le fait, je détournai la tête.

Elodie et Clark partirent peu après, et je m'apprêtais à les laisser seuls, Liam et lui, quand Niall me rappela.

« Qu'est-ce qui se passe entre Harry et toi ? »

« Niall, je ne veux pas te mêler à nos histoires tant que tu ne seras pas rétablis. »

« J'espère que ce n'est pas à cause de ce petit mensonge innocent au sujet de Kendall ? »

Je me retournai, sourcils froncés, et découvris l'expression honteuse de mon colocataire.

« Ah oui, je viens d'apprendre ça... »

Niall se tourna vers Liam, qui semblait complètement perdu.

« J'ai fait une bêtise. »

Il hocha la tête.

« C'est ce que j'ai cru comprendre. Qu'est-ce qui s'est passé ? »

« J'ai dis à Louis que toi et moi avions déjeuné avec Kendall et Harry, et qu'ils flirtaient ensemble. »

Liam tressaillit exactement comme Harry l'avait fait. En réalité, je constatai même qu'ils partageaient tous deux un certain nombre d'attitudes. Ils passaient beaucoup trop de temps ensemble.

« On n'a jamais déjeuné avec eux. On s'est juste arrêtés deux secondes au Fire. »

« Bon, ce petit jeu ne m'amuse plus du tout. » m'emportai-je, oubliant que je fulminais après un convalescent. « Pourquoi m'as-tu menti ? »

Le regard de Niall était tout à la fois suppliant et pitoyable. Il était tellement attendrissant qu'il aurait pu s'en tirer avec un acquittement après avoir commis un meurtre.

« Harry m'a dit, que puisque le harcèlement ne fonctionnait pas, il avait décidé de prendre du recul, en espérant qu'il te manquerait tellement que tu reviendrais de toi-même. Je lui ai dis que tu étais bien trop têtu pour tomber dans le panneau. »

A dire vrai, il m'avait effectivement manqué. Ce salopard me connaissait trop bien.

« Mmm. » répondis-je évasivement.

« Tu es vraiment borné, Louis. Je me suis dis que si j'arrivais à provoquer ta jalousie, tu paniquerais et tu retournerais vers lui sans plus attendre. » Il était blême lorsqu'il regarda Liam. « Ça s'est vraiment retourné contre moi. »

« Effectivement. » murmura-t-il en réprimant un sourire.

Ce n'était pourtant pas amusant !

« Tu as vraiment de la chance d'avoir été opéré du cerveau. »

Niall grimaça.

« Désolé, Louis. » Puis une lueur d'espoir illumina son visage. « Je comptais te le dire avant ma chirurgie, mais j'avais tellement peur que j'ai complètement oublié. Mais maintenant, tu connais la vérité. Tu peux arrêter de te battre et te remettre avec lui. »

Ce fut mon tour de soupirer.

« C'est lui qui m'en veut, à présent. »

« De ne pas lui avoir fait confiance ? »

« Un truc dans le genre. » marmonnai-je en me demandant de faire ensuite.

« Tu me pardonnes ? » S'inquiéta Niall d'une voix discrète.

Je roulai des yeux.

« Evidemment. Simplement... laisse tomber ton idée d'agence matrimoniale. Tu n'as aucun avenir là-dedans. »

Je leur adressai un petit salut malheureux et quittai la pièce en refermant doucement la porte derrière moi.

Je m'assis devant ma machine à écrire, relisant ma dernière page en songeant à ce que cela pouvait bien signifier pour mois désormais. Le docteur Pritchard avait dit que je regretterais de ne pas parler ouvertement à Harry. Et, en vérité, je venais de découvrir que tout ce qui m'inquiétait-le fait de ne pas être à la hauteur, ou qu'il soit si passionné, ou notre avenir commun- semblait ridicule en comparaison de ce que j'avais ressenti quand j'avais cru qu'il ne m'aimait pas.

Il fallait que je lui parle.

Ce qui ne m'empêcherait pas de me rendre en Virginie pour faire le deuil de ma famille.

Mais je savais que je devais lui parler avant ça.

Attendez une minute.

Je pivotai sur mon siège, observant l'étagère où mon billet s'était trouvé. Il n'y était plus. Et maintenant que j'y pensais, je n'avais pas vu Harry le reposer.

Oh, mon Dieu, il me l'avait volé !

Ma colère agit telle une piqûre d'adrénaline. Passionné ! Harry, passionné ? C'était juste un gros connard qui dépassait les bornes. J'enfilai des bottes, attrapai mon manteau et le boutonnai de travers. Je grommelai des jurons exaspérés. Je me saisie de mes clés et de mon sac, et tâchai d'annoncer calmement à Liam et Niall que j'allais faire un tour. Ils me répondirent un « Ok » chaleureux à travers la porte, et je sortis en trombe, hélant un taxi avant même d'en apercevoir un.

Je n'arrivais pas à réfléchir. Je n'arrivais pas à respirer. Quand même, c'était le pompon. Voler mon billet d'avion !

C'était vraiment un homme des cavernes.

Je jetai quasiment ma monnaie à la tête du chauffeur en bondissant hors du véhicule, et dévalai Quartermille jusqu'à l'entrée de son immeuble. Je savais que j'étais filmé quand je sonnai à l'interphone, je le scrutai donc d'un œil noir, m'attendant à ce qu'il ne me laisse pas entrer.

Il me laissa entrer.

Ce fut le plus long voyage en ascenseur de toute mon existence.

Quand j'en sortis, je trouvai Harry debout sur le palier, l'air naturel et détendu dans son pull, son jean et ses pieds nus. Il recula rapidement pour me tenir la porte alors que j'entrais en tapant des pieds.

Puis je fis volte-face, manquant de perdre l'équilibre, emporté par mon élan de fureur.

L'autre imbécile me contemplait en ricanant. Puis il ferma la porte et vint me rejoindre au salon.

« Ce n'est pas drôle. » crachai-je en dramatisant sans doute légèrement.

A ma décharge, j'étais en proie à une grande confusion émotionnelle que lui seul avait fait naître en moi au fil de ces dernières semaines.

Bon, d'accord, j'en étais peut-être partiellement responsable, et je m'en voulais également. Cependant, comme je pouvais difficilement me disputer seul, il fallait bien que ça lui retombe dessus !

Son sourire s'effaça de son visage, et il se rembrunit.

« Je sais que ce n'est pas drôle. Crois-moi. »

Je tendis la main.

« Rends-moi mon billet, Harry. Je ne plaisante pas. »

Il acquiesça et le tira de sa poche arrière ?

« Ce billet ? »

« Oui. Rends-le-moi. »

Alors il entra dans une rage folle. Il le déchira et le lâcha au sol en une pluie de confettis.

« Quel billet ? »

Même si j'avais conscience qu'il me serait toujours possible d'en imprimer un autre, je perdis complètement les pédales.

Avec un grognement animal que je ne savais même pas capable de produire, je me ruai sur lui et le bousculai avec suffisamment de force pour le faire chanceler. Tout remonta soudain, six mois de bouleversement émotionnels, de changement radicaux qu'il avait causé dans mon existence : le doute, la jalousie, le chagrin.

« Je te hais ! » Hurlai-je. « Tout allait bien avant que je te rencontre ! » Mes yeux se mirent à me picoter tandis que je scrutai son visage impassible. « Pourquoi ? » Ma voix se brisa et les larmes ruisselèrent sur mes joues. « Tout allait très bien. J'étais en sécurité, et tout allait pour le mieux. Je suis brisé, Harry. Arrête d'essayer de me réparer et laisse-moi brisé ! »

Il secoua lentement la tête, et je restai paralysé en le voyant approcher. Je fermai les paupières quand il me toucha et passa les bras autour de moi pour m'étreindre.

« Tu n'es pas brisé. »

Je levais alors les yeux vers son visage magnifique -plein de souffrance, mais magnifique-.

« Si. »

Il me secoua presque violemment.

« Pas du tout. »

Il se pencha vers moi et je me surpris à me perdre dans ses iris glacier, hypnotisé par les stries vert clair qui y étincelaient.

« Lewis, tu n'es pas brisé, bébé. » chuchota-t-il d'une voix rauque, le regard implorant. « Tu as quelques fêlures, comme tout le monde. »

Les joues luisantes de larmes et la bouche tremblante, je lui répondis.

« Je ne te hais pas. »

Nos regards se croisèrent. Tant d'émotions, tant d'incertitudes, tant de toutes ces choses s'étaient accumulées autour de nous, saturant l'air d'une tension désespérée. L'expression de son visage se transforma, et ses yeux se mirent à brûler en se posant sur ma bouche.

Je ne saurais vous dire qui a agi en premier, mais quelques secondes plus tard ses lèvres écrasaient les miennes, et sa main fouillait presque douloureusement mes cheveux. Et quand sa langue glissa sur la mienne, je pus le goûter, le sentir, apprécier sa force de m'envelopper.

Il m'avait manqué.

J'étais néanmoins toujours en colère, et je compris, à la violence de notre baiser que Harry l'était également. Cela ne nous arrêta pas. Il fit sauter les boutons de mon manteau pour m'en débarrasser, tandis que je tirai frénétiquement sur l'ourlet de son pull pour le lui retirer, afin de pouvoir caresser à loisir la peau brûlante de ses abdos et de son torse musclé. Je me ruai sur lui en quête d'un nouveau baiser, mais il n'avait pas fini de me déshabiller. Je l'aidai impatiemment à m'ôter mon haut, mais refusai de perdre davantage de temps.

Je saisis sa tête des deux mains, l'approchai de mon visage et aspirai sa langue pour compenser toutes ces journées passées sans se toucher. Tandis que nous mélangions évidemment nos salives et nos souffles, ma verge palpitant trahissait déjà mon excitation.

J'étais tellement transporté par mon émoi que je sentis à peine Harry me plaquer brutalement contre un mur. Il délaissa ma bouche pour m'embrasser le cou, tandis que ses bras puissants soulevaient mes cuisses, m'encourageant à placer les jambes autour de sa taille. Mon corps s'éleva le long de la cloison tandis que son érection frottait contre mon entrejambe, malgré l'épaisseur des deux jeans.

« Putain. » murmura Harry en plongeant vers mon torse.

Il me maintint en position, une main sous mes fesses, l'autre dégageant mon tee-shirt. Une fraîcheur délicieuse me frôla la poitrine. Harry me mordilla un téton, me déclenchant un hoquet de plaisir qui se répercuta jusqu'à mon sexe. J'agitai les hanches pour stimuler son membre érigé contre le mien.

« Je ne peux plus attendre. » soufflai-je en lui agrippant les épaules.

Comme pour s'en assurer, il déboutonna mon pantalon et introduisit sa main dans mon boxer. Je gémis, attirant ses doigts au plus profond de moi.

« Bon sang. » Il posa la tête sur mon torse et entama un mouvement de va-et-vient. « Toujours aussi étroit, bébé. »

« Maintenant. » grondai-je en lui lacérant la peau. « Harry. »

Je m'accrochai à lui tandis qu'il faisait volte-face pour se diriger vers le canapé, me dépouillant au passage de mon jean. Je me débarrassais de son tee-shirt alors qu'il faisait glisser mon boxer, dont je me libérai d'un coup de pied. Pantelant d'excitation, brûlant de désir, je me laissai tomber sur le dos en écartant grand les jambes pour l'accueillir.

« Harry, maintenant. »

Il s'était arrêté, figé, et contemplait ma nudité, mon torse haletant de fièvre, mes cheveux répandus en corolle autour de ma tête. Je vis son expression changer ; il était toujours aussi excité, mais semblait désormais plus calme. Il posa alors la paume sur mon ventre frémissant et la remonta lentement jusqu'à mon thorax, puis jusqu'à ma mâchoire. Il se place à califourchon sur moi, son jean frottant sur mon entre jambe.

Je glissai ma main jusqu'à sa braguette, immisçai mes doigts sous son boxer, les enroulant autour de son érection. Je la fis sortir de son pantalon, et j'observai Harry fermer les yeux, le souffle hésitant.

« Baise-moi. » Je lui léchai rapidement les lèvres, et ses paupières se rouvrirent d'un coup sur des yeux embrasés. « S'il te plaît. »

Avec ce grognement qui m'avait tant manqué, il se tortilla pour abaisser légèrement son jean puis referma sa main autour de la mienne, de sorte que nous le guidâmes ensemble entre mes cuisses. Dès qu'il m'effleura, je me sentis encore plus excité. Je le saisis alors par les fesses pour accompagner son lent mouvement de pénétration. Je les agrippais, l'encourageant à accélérer.

Il s'exécuta -avec grand plaisir.

« Plus fort. » geignis-je. « Plus fort, Harry. Plus fort. »

Je savais que mes suppliques attiseraient immanquablement son excitation. Il m'embrassa puis s'enfonça jusqu'à la garde. Une vague de plaisir déferla en moi alors qu'il me pénétrait si profondément que je rejetai la tête en arrière, laissant échapper un cri. Mes hurlements s'accentuèrent à mesure qu'il me pilonnait délicieusement. La sensation de son sexe en moi, la vue de son corps au-dessus du mien, les bruits de nos halètements ainsi que les sons de succion du coït me précipitèrent vers l'orgasme. J'explosai de plaisir, prononçant son nom dans ma jouissance.

Un. Pied. D'enfer.

Il grogna et s'écroula sur moi après s'être répandu. Je lui caressai doucement les fesses, puis le dos, et l'étreignis puissamment.

Il tourna la tête contre mon cou et y déposa son habituel baiser.

« Tu m'en veux toujours ? » Murmura-t-il.

Je soupirai.

« Je comptais rentrer chez moi pour faire ce que j'aurais dû faire il y a huit ans. Je comptais rentrer dire au revoir à ma famille. »

Harry se figea puis se redressa légèrement pour me contempler, les yeux plein de regret.

« Bon sang, je suis désolé, bébé. Pour ton billet. »

Je me mordis la lèvre.

« Je peux toujours le réimprimer. Et... je pensais me réinstaller pour de bon en Virginie, quand Niall serait rétabli. »

Toute trace de remords s'envola instantanément.

« Tu devras d'abord me passer sur le corps. »

« Ouais, je me doutais bien que tu répondrais ça. »

Il fronça les sourcils.

« Je suis encore en toi. »

« Je le sens. »

Je souris, amusé.

« Au moins, laisse-moi le temps de me retirer avant de m'annoncer que tu comptes essayer de me quitter. »

Je m'arc-boutai pour l'embrasser sur les lèvres.

« Je ne sais pas encore si c'est ce que je veux vraiment. »

Habitué à ce que rien ne soit simple avec moi, il souffla longuement en se retirant.

Il boutonna son jean et s'assit, me tendant la main. Je décidai de lui faire de nouveau confiance et le laissai me relever, avant de le suivre dans l'escalier menant à sa chambre. Il me désigna le lit d'un geste du menton.

« Allonge-toi. »

Puisque j'étais nu, comblé, et pas du tout d'humeur à discuter, je m'exécutai. Je l'observai avec délectation se dévêtir entièrement et venir me rejoindre. Je fus immédiatement lové contre lui, la tête sur sa poitrine.

« Alors, qu'est-ce que tu décides ? »

Ça, c'était de la question. Par où commencer ?

« Ma famille était vraiment géniale, Harry. » lui dis-je doucement.

Une douleur enfouie depuis trop longtemps en moi resurgit un peu plus à chaque mot. Harry s'en rendit compte et me serra plus fort.

« Ma mère était orpheline. Elle a grandi ici, en famille d'accueil, avant de partir aux Etats-Unis avec un simple visa de travail. Elle bossait à la bibliothèque du campus quand elle a rencontré mon père. Ils sont tombés amoureux, ils se sont mariés, et, pendant un temps trop bref, ils vécurent heureux sans pour autant avoir beaucoup d'enfants. Mes parents n'étaient pas du tout comme leurs amis. J'avais quatorze ans et ils continuaient à se chercher, couchant ensemble dès qu'ils pensaient que je ne pouvais pas les voir. Ils étaient dingues l'un de l'autre. »

Je sentis ma gorge se serrer, mais m'efforçai de ne pas craquer.

« Et ils étaient fous de Lottie et moi. Ma mère était surprotectrice et légèrement envahissante car elle ne voulait pas que nous nous sentions aussi seuls qu'elle avait pu l'être. » Je souris. « Je la trouvais plus cool que toutes les autres mamans parce que, eh bien... son accent était cool, et elle ne mâchait pas ses mots, mais d'une façon plutôt marrante qui choquait les ménagères BCBG qui habitaient notre quartier. »

« Ça me rappelle quelqu'un. » murmura Harry avec amusement.

Je souris en songeant que je ressemblais peut-être effectivement à ma mère.

« Ah ouais ? Eh bien, elle était géniale. Et mon père aussi. Il était du genre à s'inquiéter chaque jour de savoir si tout allait bien. Même quand j'ai grandi et que je suis devenu une étrange créature nommé adolescent, il a toujours été là pour moi. » Je sentis une larme tomber. « On était heureux. » chuchotai-je, parvenant tout juste à émettre ces derniers mots.

Harry m'embrassa le crâne et me serra si fort le bras que c'en fut presque douloureux.

« Bébé, je suis tellement désolé. »

« C'est le genre de trucs qui arrivent, pas vrai ? » J'essuyai rapidement mes pleurs. «  Un jour, j'étais en classe quand la police est venue m'annoncer que mon père avait percuté un camion en voulant éviter un motard tombé sur la route. Tous morts. Papa. Maman. Lottie. J'ai perdu mes parents et une petite sœur que je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de connaître. Même si je savais déjà que je l'adorais. Bien sûr, elle pleurait dès qu'elle était séparée de son nounours préféré -une vieille peluche marron miteuse avec un ruban bleu autour du cou, que je lui avais donné et qui portait toujours mon odeur. Je savais aussi qu'elle avait des goûts musicaux très élaborés, car il suffisait pour la calmer de lui faire écouter « MMMBop », des Hanson. » Ce souvenir me fit tristement sourire. « Je savais que, quand j'avais eu une journée pourrie, il me suffisait de la prendre dans mes bras, de la serrer contre moi et de sentir sa peau contre la mienne pour savoir que tout s'arrangerai ... J'ai complètement déraillé quand ils sont morts. Ma première famille d'accueil était pleine d'autres enfants, les parents avaient donc à peine conscience de mon existence, ce qui me convenait très bien, car ils me laissaient plus ou moins faire tout ce que je voulais. Malheureusement, j'ai fait des tas de conneries qui m'ont donné une mauvaise image de moi-même. J'ai perdu ma virginité trop tôt, j'ai beaucoup trop bu. Puis, après la mort de Dru, j'ai tout arrêté. On m'a placé dans une nouvelle famille, à l'autre bout de la ville. Ils n'avaient pas grand-chose à offrir, mais il y avait moins d'enfants. L'un des gamins sur place était même plutôt chouette, sauf qu'il voulait un grand frère... »

J'inspirai longuement entre mes dents serrées, sentant la culpabilité m'envahir à nouveau.

« Je ne voulais rien représenter pour qui que ce soit. Il avait besoin de quelque chose, que je me refusais à lui offrir. Je ne sais même pas ce qu'il lui est arrivé après mon départ. » Je secouai la tête avec regret et soupirai. « A cette époque, j'allais à quelques soirées, pas beaucoup. Mais, chaque fois, je terminais avec un type que je ne connaissais pas et ne voulais pas connaître. » Je soufflai derechef. « En vérité, je sortais chaque année à la même date. J'allais à une fête, ou dans un bar. Peu importait, tant que cela m'aidait à oublier. J'ai passé huit années à enfouir ma famille, à faire comme si elle n'avait jamais existé, parce que, ouais, tu as raison, c'était moins difficile de prétendre ne pas les avoir connus que d'avoir à affronter leur absence. Je ne me rends compte qu'aujourd'hui que j'ai été terriblement injuste envers eux. C'était faire injure à leur mémoire. »

Je serrai les dents pour retenir mes larmes, mais elles déversèrent malgré tout, ruisselant jusqu'à la poitrine d'Harry.

« Cette date à laquelle je sortais était l'anniversaire de leur mort. Mais j'ai cessé de le faire à mes dix-huit ans. Cette nuit-là, je suis allé à une soirée, et je ne me souviens de rien d'autre. Je me suis réveillé le lendemain, au lit avec deux inconnus. »

Harry jura dans sa barbe.

« Lewis. »

Je devinai sa colère.

« Crois-moi, je sais ce tu ressens. Je me suis haïe, à ce moment-là. Je me sentais comme violé et effrayé. Il aurait pu m'arriver n'importe quoi. Et sexuellement... »

« Tais-toi. »

Son ton menaçant me dissuada de poursuivre.

« J'ai fait un dépistage et, par chance, ces types ne m'avaient rien refilé. Mais je n'ai plus jamais couché avec qui que ce soit. Avant toi. »

Il me serra de nouveau le bras.

« J'aurais peut-être toujours peur du lendemain, Harry. » avouai-je calmement. « Et parfois, je flippe, et dans la panique il m'arrive de blesser mes proches. »

« Je comprends tout ça. Je peux le gérer. Tu dois me faire confiance. »

« Je croyais que c'était toi qui avais du mal à faire confiance. » grommelai-je.

« A toi, je te fais confiance, bébé. Tu ne te vois pas comme je te vois, moi. »

Je dessinai un petit L sur son torse.

« Je te fais confiance, Harry. Mais je ne m'attendais pas à ce que Niall me mente, donc je l'ai cru sur parole. Je suis désolé. »

Harry poussa un profond soupir.

« Je t'aime, Lewis. Ces dernières semaines ont été un véritable cauchemar, et ce, pour plusieurs raisons. »

Je repensai à la grande brune qui m'avait fait vivre un enfer.

« Et Kendall ? »

« Je te jure que je n'ai jamais couché avec elle. »

« Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? »

Il retint son souffle.

« Harry ? »

Il relâcha sa respiration.

« Hier, elle m'a embrassé. Je ne lui ai pas rendu son baiser. Je l'ai repoussée, et lui ai parlé de toi. »

Je restai un instant silencieux, puis répliquai d'un air résolu :

« Tu dois la virer. »

Harry ricana.

« Serais-tu en train d'admettre que tu m'aimes ? »

« Je ne peux pas te promettre que ce sera facile, Harry. Je serai sans doute toujours un peu irrationnel. J'ai tendance à m'inquiéter beaucoup. »

« Je t'ai dis que je pouvais gérer ça, bébé. »

« Pourquoi ? »

« Parce que... » Il soupira. « Tu me fais rire, tu es un défi permanent, et tu m'excites comme personne d'autre. J'ai l'impression qu'il me manque quelque chose de capital quand tu n'es pas là. A tel point que je ne me sens plus moi-même. Je n'avais encore jamais eu l'impression que quelqu'un m'appartenait. Mais tu es à moi, Lewis. Je l'ai su dès que nous nous sommes rencontrés. Et je suis à toi. Je ne veux pas appartenir à qui que ce soit d'autre. »

Je me redressai sur un coude pour pouvoir le regarder dans les yeux. Puis j'appliquai un léger baiser sur ses lèvres. Il m'enlaça alors et m'attira pour m'embrasser plus profondément. Quand je pus enfin reprendre mon souffle, je haletai légèrement. Je posai un doigt sur sa bouche, me faisant la promesse d'arriver un jour sur sa bouche, me faisant la promesse d'arriver un jour à profiter de ce bonheur sans crainte qu'on ne me l'arrache.

« Tu crois que tu pourrais m'accompagner en Virginie ? Le temps que je dise adieu à mes parents. »

Ses yeux me sourirent, et je ne saurai jamais exprimer ce que je ressentis en me rendant compte que je pouvais le rendre si heureux.

« Bien sûr. On part quand tu veux. Mais on revient ensuite. »

J'acquiesçai.

« Je comptais m'installer là-bas uniquement à cause de Kendall. »

Harry grogna.

« Génial. »

« Tu vas la virer, pas vrai ? »

Il ferma à moitié les paupières.

« Tu veux que je la vire juste comme ça ? »

« Si je te disais que Craig m'avait embrassé hier soir, tu ne me forcerais pas à démissionner ? »

« Un point pour toi. Je lui trouverai un boulot ailleurs. »

« Ailleurs signifiant loin des endroits où tu travailles ? »

« Dieu que tu es tyrannique. »

« Euh, tu ne te rappelles pas m'avoir plaqué contre un bureau, le jour où Craig m'as embrassé ? »

« Un autre point pour toi. »

J'enfouis ma tête contre sa poitrine.

« Je croyais que j'avais vraiment déconné. »

Il me serra la nuque.

« Nous avons déconné tous les deux. Mais c'est fini, maintenant. A partir d'aujourd'hui, je m'occupe de tout. Je crois qu'on aura beaucoup moins de scènes et de ruptures si je prends les choses en main. »

Je lui tapotai le ventre.

« Si ça peut te faire plaisir, mon chéri. »

« Tu ne l'as toujours pas dis, tu sais ? »

Je lui souris et pris une profonde inspiration.

« Je t'aime, Harry Styles. »

Son large sourire me réchauffa le cœur.

« Dis-le encore. »

Je gloussai.

« Je t'aime. »

Il s'assit rapidement, puis glissa hors du lit, m'entraînant à sa suite. Il me poussa vers la salle de bain.

« Tu le répétera pendant que je te prendrai sous la douche. »

« Cette soudaine prise de contrôle promet d'être excitante. »

« Et tu n'as encore rien vu. »

Il me fessa doucement et je poussai un petit cri perçant, qui nous fit tous deux éclaté de rire. Hilares, nous titubâmes jusqu'à la douche.

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