13. Deuxième partie.

« Alors, c'est vrai que tu baises Harry Styles ? » brailla Jo à mon intention tandis que je servais une pinte de Tennent à un client.

Ce dernier surprit mon regard courroucé et m'adressa un sourire compatissant en prenant son verre.

« Tu pourrais le crier un peu plus fort, Jo ? Je ne suis pas sûr que tout le monde t'ai entendu au fond de la salle. »

« Alistair les a surpris. » intervint Craig en agitant les sourcils de façon éloquente tout en saisissant la bouteille de Baileys. « Il paraît qu'il était quasiment dans ton pantalon. »

Alistair avait la langue bien trop pendue.

Je haussai les sourcils avec indifférence et me tournai pour prendre la commande suivante.

« Oh, allez. » gémit Jo. « J'avais des vues sur lui, j'aimerais savoir s'il est toujours sur le marché. »

Réprimant la vague de colère qui menaçait de me submerger, j'affichai un sourire glacial.

« Tu vas devoir attendre ton tour. »

Elle en resta bouche bée.

« Alors c'est vrai ? Tu couches avec lui ? »

Apparemment, oui, même si, à l'origine, il devait rentrer chez lui après. Ce salopard m'avait arnaqué. J'arquai un sourcil en direction de ma collègue, lui signifiant ainsi que je n'entrerais pas dans les détails.

Son visage se décomposa.

« Tu n'en diras pas plus ? »

Je secouai la tête, puis me penchai par-dessus le comptoir pour prendre la prochaine commande.

« J'vou'ais mohitos, whiscoca, une boudemiller... oh, hé, et, euh, Stace uncosmo. Faites décosmo ? »

Par chance, quatre années passées à bosser dans un bar en Ecosse m'avaient appris à comprendre les pires accents, notamment ceux dus à l'alcool.

Traduction : Je voudrais un mojito, un whisky-coca, une bouteille de Miller ... Oh, et oui, Stace désire un cosmo. Vous servez des cosmo ?

J'opinai et ouvris le frigo pour sortir de la Miller.

« C'est un bon coup ? »

Jo était de nouveau sur mon dos. Je poussai un profond soupir et la bousculai pour aller préparer le cosmo.

« C'est une relation exclusive ? » s'enquit Craig depuis l'autre bout du comptoir. « Ou est-ce qu'on peut encore baiser ? »

« Qu'est-ce que tu entends par « encore » ? » pouffai-je.

« Je dois prendre ça pour un non ? »

« Un putain de non. »

« Oh, allez, Louis. » supplia Jo. « Il paraît que c'est un vrai étalon, mais je ne le tiens pas de source directe. Donne-moi de l'info de première main. »

« Tu sais quoi ? » méditai-je. « Je vais te donner un indice. »

Je lui adressai un doigt d'honneur. Ouais, je sais, ce n'était pas une réponse très élégante, ni très éloquente, ni très adulte, mais elle commençait vraiment à me taper sur les nerfs.

Elle se rembrunit.

« Tu n'es vraiment pas marrant. »

« Je suppose que non. »

L'ambiance du bar était loin d'être aussi chaleureuse ou électrique que le week-end précédent. Jo boudait, Craig ne semblait pas savoir sur quel pied danser avec moi, tandis que je n'arrêtais pas de changer d'humeur à cause de tout ce qui me trottait en tête.

Je n'arrivais pas à oublier les évènements de la veille et du matin et, si je faisais preuve d'un minimum d'honnêteté, j'étais agacé et gêné d'admettre que j'étais impatient de revoir Harry le lendemain. Pourtant, j'essayais de moins me soucier du fait que j'avais accepté ce marché avec lui. Je voulais m'amuser, rien de plus. Simplement, il me fallait du temps pour me sentir à l'aise avec cette idée.

Cela m'aida beaucoup que Niall prenne la chose avec légèreté. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais j'imaginais qu'il me signalerait tout de même son mécontentement.

Il était rentré un peu plus tôt ce jour-là et m'avait trouvé devant mon ordinateur. J'avais évoqué avec le docteur Pritchard l'idée d'écrire un roman contemporain largement inspiré de la vie de mes parents, et elle avait jugé l'idée excellente. Thérapeutique, même. Cependant, j'avais du mal à m'y mettre, car la peur m'étreignait chaque fois que je posais les doigts sur le clavier. Pour me lancer dans un tel projet, j'allais devoir faire appel à des souvenirs, et je n'étais pas certain de pouvoir gérer les inévitables crises d'angoisse qui s'ensuivraient. Mon bon docteur m'avait expliqué que le début était les réminiscences cesses de provoquer pareilles crises, et elle estimait que l'écriture pourrait être un bon moyen d'y parvenir en douceur.

Après le départ d'Harry, j'avais réussi à noircir une première page. Je la contemplais, surpris, n'arrivant pas à croire que j'avais réellement réussi à aligner les mots, quand Niall rentra et se dirigea droit vers ma chambre.

Il m'adressa un sourire entendu comme je me retournai pour l'accueillir.

« Alors... comment ça va ? »

Je n'étais pas du genre à me sentir facilement embarrassé, mais je dois bien reconnaître que je trouvais un peu étrange de savoir que Niall savait que j'avais couché avec son frère. Je fis la grimace.

« Ça ne va pas être trop bizarre pour toi ? »

« Que tu sortes avec Harry ? » Il secoua la tête, les yeux pétillants. « Pas du tout. Je trouve ça génial ! »

Oh oh. Je me raclai la gorge, me souvenant qu'Harry ne voulait pas lui mentir.

« En fait, Niall, on ne sort pas vraiment ensemble. C'est disons une relation purement charnelle. »

Il sembla surpris.

« Tu veux dire comme des amis, mais avec des avantages ? »

En fait, je préfère le terme « copains de baise ». Mais Niall ne prononcerait jamais le mot « baise ».

« C'est ça. »

Il croisa les bras, un air de curiosité sur le visage.

« C'est ce que tu souhaites ? »

J'acquiesçai.

« Tu sais que je ne cherche pas une relation stable. »

« Et Harry ? »

« C'est lui qui a eu l'idée de cet arrangement. »

Il leva les yeux au ciel.

« Harry et ses foutus arrangements. » Il poussa un soupir exaspéré. « Eh bien, si ça vous convient à tous les deux, alors parfait. Tant que ça ne change rien entre toi et moi, ça me va. C'est carrément antiromantique, mais tant pis. »

J'eus un petit sourire affecté.

« Je te promets que ça va bien se passer. Ça te va ? »

Son sourire de travers était parfaitement adorable.

« Ça me va. »

Pour nous prouver que cela allait à tous les deux, nous passâmes l'après midi ensemble, arpentant Prince Street et ses cohortes de touristes, s'arrêtant ça et là pour photographier sous tous les angles l'impressionnant château d'Edimbourg. Il nous dominait du haut de son rocher, créant cet incroyable affrontement entre moderne et médiéval... ainsi qu'un certain chaos, car les visiteurs se fichaient bien de s'arrêter au milieu du chemin pour immortaliser cette vue magnifique. Pendant les heures qui suivirent, nous entrâmes et sortîmes d'un nombre incroyable de boutique de vêtement, afin de trouver la tenue adéquate pour le rencard du soir de Niall. Eh oui. Un rencard. Il avait rencontré un certain Jason au Starbucks. Il lui avait proposé de sortir, et il avait accepté. Apparemment, il était mignon, mais j'avais surtout l'impression que le but était une nouvelle fois d'atteindre Liam.

Toutefois, je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter un peu pour lui. C'était son premier rendez-vous depuis le fiasco avec Liam, et il semblait particulièrement nerveux en partant. Même si j'étais déjà bien accaparé par mon histoire avec Harry, je n'arrêtais pas de me demander comment se passait la soirée de Niall.

Je fus donc le pire des rabat-joie ce soir-là au boulot. Pour la première fois depuis des lustres, j'attendais impatiemment de pouvoir rentrer afin de réfléchir à tout ça bien au calme.

Le bar fermait à une heure du matin. Le temps de tout nettoyer, j'arrivai chez moi vers deux heures. J'avisai directement la lumière sous la porte du salon. Apparemment, Niall était toujours debout. Voulant m'assurer qu'il allait bien, je poussai discrètement la porte... et me figeai sur place.

La seule lumière émanait de la lampe derrière le canapé. Allongé dans les paisibles ténèbres, étendu de tout son long sur le canapé, les pieds dans le vide, se trouvait Harry. Il avait les yeux fermés. Il semblait si jeune avec ses longs cils et ses traits détendus. Je n'avais pas l'habitude de le voir ainsi. Généralement, je sentais bien nos huit ans de différence d'âge. Il paraissait plus mûr, plus équilibré, plus responsable, plus résolu. Pourtant, dans cette situation, il aurait pu avoir mon âge. Il était bien moins intimidant ainsi, et cela me plaisait. Beaucoup.

Un classeur noir était ouvert sur la table basse devant lui ; plusieurs documents gisaient hors de leur pochette plastique. Sa veste de costume était étendue sur l'accoudoir, ses chaussures alignées au pied du canapé, et un mug vide reposait à côté de ses papiers.

Il était venu ici pour travailler ?

Plus que surpris, je quittai silencieusement la pièce et refermai derrière moi. Je pensais que Liam et lui seraient sortis ensemble, comme tous les vendredis soir.

« Salut. »

Je pivotai et découvris Niall dans l'embrasure de la cuisine, toujours vêtu de ces vêtements de soirée. Je le suivis dans la cuisine et en fermai la porte afin de ne pas réveiller Harry.

« Comment ça s'est passé ? »

Niall croisa les bras et s'adossa au comptoir avec une mine profondément mécontent. Oh oh.

« Mal. »

« Oh, mon Dieu, qu'est-ce qu'il y a eu ? »

« Liam. »

« D'accord. Explique. »

« Harry m'a appelé tout à l'heure pour me dire qu'il allait devoir travailler tard, mais que Liam ne faisait rien et qu'il se demandait si ça me dirait de manger un morceau avant d'aller au cinéma. J'ai chargé Harry de lui répondre que je sortais avec Jason. »

« Et... ? »

Niall s'empourpra, et ses yeux clairs se mirent à luire furieusement.

« Il m'a appelé cinq fois pendant la soirée. »

J'essayai de réprimer un gloussement, n'y parvenant que partiellement.

« Liam ? »

« Je ne sais pas trop ce que Jason a entendu de ma moitié de conversation, mais il m'a dit que j'avais clairement des « trucs » à régler et qu'il cherchait une histoire sans complications. Puis il est parti. »

« Attends une seconde. » Je l'observai avec curiosité. « Tu n'as quand même pas décroché chaque fois, si ? »

Il rougit de nouveau, cette fois-ci de honte.

« C'est malpoli d'ignorer un appel. »

Je m'emportai.

« Niall, honnêtement : tu adores que Liam se mette dans tous ses états à l'idée de te savoir avec un garçon. »

« Il mérite bien qu'on le torture un peu. »

« Waouh. Tu es bien plus rancunier que je ne le pensai. » J'eux un sourire démesuré. « C'est génial, Niall, vraiment. Combien de temps tu comptes jouer à ça ? Ça doit être épuisant. Ce ne serait pas plus simple d'expliquer directement à Harry que vous avez des sentiments l'un pour l'autre ? Il serait bien obligé d'accepter la situation. »

« C'est plus compliqué que ça. » Il se mordit la lèvre et se perdit dans la contemplation du carrelage. « Ça ficherait en l'air leur amitié. Liam ne courrait jamais ce risque pour moi. » Il secoua tristement la tête, et j'en eus le cœur serré. Liam avait grand besoin qu'on lui sonne les cloches. « A ce propos... » Niall releva la tête avec un froncement d'interrogateur. « Je suis rentré il y a quelques heures, et Harry était en train de travailler dans le salon. Il a dit qu'il t'attendait. Tu ne vas pas le réveiller ? »

Eh bien, étant donné que je lui ai demandé de me laisse un peu d'espace pour la soirée, non. Il mérite bien son torticolis.

« Non. Il a l'air rincé. Et je le suis aussi. Il aurait dû rentrer chez lui. »

Le regard de Niall se fit coquin.

« Il a dû passer une très bonne soirée hier pour être tellement pressé de te revoir. »

Je ricanai.

« Tu tiens vraiment à ce qu'on en parle ? Ça concerne ton frère. »

Il y songea un instant, puis fronça le nez.

« Tu as raison. Beurk. » Il fit la moue. « Tu sors avec quelqu'un, et on peut même pas en discuter... »

J'eus un léger rire.

« Si ça peut te rassurer, je ne suis pas très conversations de « filles ». Et Harry et moi ne sortons pas ensemble. On se contente de baiser. »

Il me gratifia d'un prude pincement de lèvres.

« Louis, c'est carrément antiromantique. »

J'ouvris doucement la porte et lui adressai un clin d'œil.

« Mais carrément chaud. »

Le laissant à sa grimace « C'est dégueulasse », je me rendis à la salle de bains et me préparai à aller au lit.

Je m'endormis dès l'instant où ma tête effleura l'oreiller.

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