10.
Je n'allais pas au pique-nique d'Harry.
Enfin, si, mais pas vraiment.
Sidéré par son retour au stade du « Harry insupportable sexy du taxi », celui qui refusait de me quitter des yeux, j'étais trop troublé pour y comprendre quelque chose. Et oui, j'étais en outre atteint du syndrome du méga trouillard ! J'avais donc choisi la voie de l'esquive et convaincu Zayn de me tirer de cette situation -sans lui dévoiler mes véritables motivations- et sans que j'ai l'air de vouloir me tirer de cette situation...
Le samedi déboula à toute allure, une journée particulièrement chaude durant laquelle les Meadows -un grand parc à l'autre bout de la ville, tout près de l'université- étaient envahis de gens faisant bronzette ou tapant dans un ballon. Harry avait réussi à dénicher un coin à l'ombre. Quand Niall et moi arrivâmes, Liam, Jenny, Ed et Harry étaient déjà là. Les rires et les exclamations des enfants se mêlaient aux aboiements des chiens pour constituer la bande-son idéale de cet après-midi parfait. Il émanait du parc une atmosphère d'allégresse générale. L'espace d'un instant, je regrettai presque de ne pas rester.
« Euh... »
Je contemplai les deux paniers d'osier qu'Harry avait apportés. Ils étaient si copieusement garnis que je n'aurais pas été surpris d'apprendre qu'il les avait volés au Harrods.
« C'est ça que tu appelles un pique-nique ? »
Il s'était levé pour embrasser Niall et lui désigner fièrement les mannes disposées sur une magnifique couverture en chenille. A présent, il semblait perplexe.
« Oui. » Il fronça les sourcils. « Comment tu appelles ça ? »
« Un cinq étoiles sur herbe. »
Le coin de ses lèvres se tordit en un soupçon de sourire ironique.
« J'ai justement demandé à une équipe de chefs de préparer tout ça. »
« Des chefs de quel resto ? Le cinq étoiles ? »
« Je crois qu'il se moque de toi et de tout ton argent, Harry. » Niall lui sourit. « C'est un peu exagéré. »
Il maugréa.
« C'est un foutu pique-nique. Asseyez-vous. Mangez. Fermez-la. »
Niall gloussa avant de se laisser tomber près de Liam qui lui passa un bras autour des épaules pour le serrer contre lui.
« Content de te voir, Niall. »
« Oui, moi aussi. »
Il lui sourit mais s'écarta imperceptiblement, ce qui suffit à me faire hausser un sourcil. Que se passait-il ?
« Alors ? »
Je levai les yeux vers Harry et me rendis compte qu'il me tendait la main. Il ne cherchait pas à dissimuler son regard de braise.
Zayn vint à ma rescousse à l'instant idéal.
Mon portable se mit à sonner et, avec une grimace d'excuse, je l'extirpai de ma poche.
« Salut, Zayn. »
Je tournai les talons et m'éloignai de quelques pas pour éviter qu'ils ne l'entendent à travers l'appareil.
« J'ai une urgence. » débita-t-il d'un ton monocorde. « Annule ton pique-nique. »
« Oh non, tu plaisantes ? » Je jouai le jeu, adoptant un ton à la fois maternel et rassérénant. « Tu vas bien ? »
« Putain de merde, Louis, je croyais que tu savais mentir ? » grommela Zayn. « Tu parles comme un extraterrestre qui aurait entendu parler du concept de la compassion mais ne saurait pas le mettre en œuvre. »
Je serrai les dents pour ne pas relever la pique.
« Bien sûr que je peux parler. Une seconde. »
Je me concentrai un instant pour tenter d'exécuter la « compassion » avant de me retourner vers Harry et les autres. J'avais l'impression d'avoir l'air renfrogné plutôt qu'inquiet, mais tant pis.
« Navré, tout le monde, je vais devoir remettre ça à plus tard. »
Niall se redressa, inquiet.
« Tout va bien ? Tu veux que je t'accompagne quelque part ? »
« Non, ça va. Zayn a simplement besoin de discuter. Ça ne peut pas attendre. Désolé. »
Je risquai un coup d'œil en direction de Harry et pris conscience qu'il ne m'observait pas : il m'analysait.
Avec circonspection. Je baissai rapidement la tête.
« A plus tard. » Je m'éloignai de leur au revoir chaleureux et recollai le combiné à mon oreille. « J'étais plein de compassion. » lui grommelai-je.
« Quelqu'un qui te connaît sait que tu ne parles pas comme ça quand tu compatis. »
« Alors encore heureux qu'ils ne me connaissent pas. »
Ou peut-être que si, finalement... Harry semblait réellement soupçonneux.
« Ce Ed ne te plaît pas du tout, hein ? »
Je grimaçai en me rappelant mon mensonge. Afin de ne pas ressasser toute l'affaire Harry avec Zayn j'avais élaboré un bobard en affirmant qu'Ed, le fiancé de Jenna, le copain de Niall, était un vrai bigot que je détestais, mais que je n'avais pas voulu faire de peine à mon coloc en refusant l'invitation au pique-nique. Je m'en voulais un peu de calomnier Ed de la sorte, mais cela n'avait guère d'importance, car Zayn et lui ne risquaient pas de se rencontrer.
« Non, pas du tout. »
« Tu sais que je ne suis pas dupe, pas vrai ? »
Je manquai de trébucher.
« Pas dupe de quoi ? »
« Tu me parles de Niall sans arrêt, Louis. Je crois pouvoir dire sans me tromper qu'il ne pourrait pas se lier d'amitié avec un foutu bigot. Comme je te le disais, tu es vraiment incapable de mentir. »
Oh ! C'était carrément faux !
« Si, je sais mentir. Je suis même un menteur de génie ! »
« Oh, tu as raison. Tu devrais le hurler encore plus fort tant que tu n'es pas trop loin d'eux. »
Merde. Je me retournai discrètement pour m'assurer qu'ils étaient à une distance suffisante pour ne pas m'avoir entendu. Oui. Mon cœur reprit un rythme normal.
« Tu es un vrai con. » maugréai-je en oubliant qu'il venait de me rendre service.
Il fit un petit pfff.
« C'est toi qui m'as menti. Sérieux, qu'est-ce qui se passe ? »
Je poussai un soupir.
« On pourrait dire que c'est un de ces trucs dont on ne parle pas ? »
« Non. »
« Je t'en prie, Zayn. »
« Tu t'en es ouvert à ton psy ? »
« Non... »
Je fronçai les sourcils, me demandant pourquoi il me posait une question pareille.
« D'accord. » Il soupira à son tour. « Je n'insisterai pas, à condition que tu me promettes de lui en parler. Et tu sais peut-être mentir, mais je sais que tu serais incapable de rompre une promesse. »
« Zayn... »
« Promets-le-moi. »
Je secouai la tête.
« Ça n'en vaut pas la peine. »
« Si ça valait la peine de me mentir, alors ça en vaut la peine pour ta psy. Mets de l'ordre dans tes idées, Louis, et promets-le-moi. »
« Comme tu voudras. » capitulai-je, mais seulement parce que je savais que c'était sa façon toute particulière d'être un bon ami.
***
Le docteur Pritchard avait des fleurs sur son bureau. Je souris. Elle avait effectivement pris note de ma remarque.
« Vous avez menti afin de ne pas être obligé de passer du temps avec Harry ? »
Je me tortillai sur ma chaise, détestant Zayn de m'avoir fait promettre.
« Ouaip. »
« L'autre jour, quand je vous ai demandé s'il vous attirait, vous m'avez répondu : « M'attirait », en insistant bien sur le passé. Etait-ce la vérité ? »
Non.
« Peut-être pas. »
« Donc il vous attire. »
Oh, et puis merde...
« Personne ne m'a jamais attiré plus que lui. »
Le bon docteur me gratifia d'un sourire empreint d'ironie.
« D'accord. Pourtant vous l'évitez, alors même qu'il vous a clairement fait comprendre que la réciproque était vraie. Est-ce qu'il vous fait peur, Louis ? »
Honnêtement ?
« Oui. »
« Vous n'avez pas la moindre intention d'entamer une quelque relation que ce soit avec lui ? »
« Vous n'étiez pas là quand je vous ai parlé de mon passé avec les garçons ? »
« Ce n'est pas pareil. Pour commencer, vous connaissez Harry. »
« Je ne veux rien avoir à faire avec lui, d'accord ? »
« Vous venez de m'avouer qu'il vous attirait énormément. Quand vous parlez de lui, il apparaît évident que vous l'aimez bien, alors non, je ne dirais pas que vous êtes d'accord. Vous ne voulez pas vouloir avoir quelque chose à faire avec lui. »
« C'est pareil. »
« Non, pas tout à fait. Pourquoi vous fait-il si peur, Louis ? »
« Je ne sais pas. » répliquai-je, aussi furieux du coup pris par la conversation que du fait que Zayn m'ait fait promettre d'en discuter. « Tout ce que je sais, c'est que je ne veux rien commencer avec lui. »
« Pourquoi pas ? »
J'avais parfois l'impression de m'adresser à un mur avec elle.
« Ça compliquerait tout. Entre Niall, lui et moi. Non. »
Elle inclina la tête, le visage neutre. Elle était douée pour cet exercice.
« Louis, il est peut-être temps de cesser de tout calculer et de laisser les choses se dérouler naturellement. »
« La dernière fois que j'ai fait ça, je me suis réveillé à poil au lit avec deux inconnus. »
« Je vous l'ai dit, ce n'est pas pareil. Vous n'êtes plus la même personne, et Harry n'est pas un inconnu. Je ne vous dis pas ni ne vous demande de faire quelque chose que vous n'avez pas envie de faire au sujet de Harry ou de n'importe quoi d'autre. Simplement, je vous conseille d'arrêter de chercher à prédire l'avenir et de prendre les choses comme elles viennent. Pas pour l'éternité, ni même pour quelques mois. Tentez l'expérience sur quelques jours, voire quelques semaines. Je sais que ça peut faire peur, mais... essayez. »
***
Depuis plusieurs semaines, je travaillais le samedi soir au Club 39. Niall était rentré à la maison un peu plus tôt, vers l'heure du dîner, gavé comme une oie après le pique-nique et n'aspirant qu'à rester vautré à côté de moi tandis que j'engloutissais un casse-croûte avant de me rendre au boulot.
« Alors, tout va bien avec Zayn ? » me demanda-t-il, un petit pli lui barrant le front.
Une pointe de culpabilité se logea dans ma gorge. Je ne m'étais pas sentie trop mal de mentir à Harry, puisque son virage à trois cent soixante degrés pour redevenir le canon prédateur aux yeux pervers et au sourire qui criait braguette était ce qui m'avait poussé à mentir dans un premier temps. Toutefois, abuser de Niall était une tout autre histoire, qui me rendait plus que légèrement mal à l'aise.
Je marmonnai une vague réponse, la bouche pleine de pâtes, en acquiesçant tout en fuyant son regard. J'espérais qu'il comprendrait que je ne tenais pas à en parler. Comme je n'obtins pour toute réponse que son silence, je levais les yeux et le vis qui m'observait avec curiosité. J'avalais ma bouchée.
« Quoi ? »
Il haussa les épaules.
« C'est juste... pendant que Harry me raccompagnait jusqu'ici, il a dit qu'il pensait que peut-être... peut-être tu avais menti au sujet de ce coup de téléphone de Zayn afin de pouvoir éviter le pique-nique. »
Punaise, il était vraiment bouffi d'orgueil !
Peu importait qu'il ait raison.
Je m'esclaffai.
« Quoi ? A cause de lui ? »
Il haussa à nouveau les épaules.
« Est-ce qu'il a vu juste ? »
J'esquivai de nouveau son regard.
« Nan. »
« Bon, simplement pour te prévenir : j'ai l'impression qu'il mijote quelque chose. »
J'arquai un sourcil.
« Comme quoi ? »
Il soupira en se rencognant dans son fauteuil.
« Avec Harry, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Seulement, à force, j'ai appris à repérer les signes avant-coureurs. Je connais mon frère mieux qu'il ne le pense. Il t'a dans la peau, Louis. A dire vrai, je suis même agréablement surpris qu'il se soit montré aussi patient. Même si cela signifie sans doute qu'il est prêt à tout pour t'avoir. »
J'étais stupéfait et incapable de prétendre le contraire. Je m'adossai, oubliant momentanément mon repas.
« Dans la peau ? Prêt à tout ? »
« Même si la vie sexuelle de mon frère me dégoûte, je ne peux pas toujours éviter d'en entendre parler et, à ce que j'entends, Harry obtient toujours ce qu'il désire. »
Je ricanai.
« Je t'en prie, Niall, tu penses vraiment que c'est moi qu'il désire ? Je ne suis pas franchement son genre. Louis Tomlinson est loin d'être un top model. »
Il sembla perplexe.
« Tu plaisantes, n'est-ce pas ? »
« Euh... à quel sujet ? »
« Toi. » Il me montra du doigt avec indignation. « Tu es carrément canon, Louis. Certes tu ne ressembles pas aux magnifiques portemanteaux sur lesquels il craque d'habitude, mais tu as des yeux incroyables, une voix rauque mais douce de téléphone rose, des fesses que je jalouse, et cette sorte de réserve boudeuse qui est à mille lieues de la personne cool et amusante que tu peux être. Crois-moi, j'entends parler les mecs. Tu es différent, et comme on ne les refera pas, ils ne peuvent s'empêcher de te voir comme un défi. Tu es une vraie bombe. »
J'étais ébahi. Était-ce vraiment ainsi que les gens me considéraient ? Gêné, je ramassai ma fourchette en marmonnant un « N'importe quoi » sans conviction.
Je sentais le sourire de mon coloc sans même le regarder.
« Tu as vraiment besoin d'un miroir. »
J'haussai les épaules.
Puis Niall se tut, et je me surpris à l'examiner pour m'assurer qu'il allait bien. Il ne souriait plus.
« Il aura beau le nier, tu l'intéresse vraiment, Louis. Il n'arrête pas de me parler de toi, ce qu'il ne m'avait encore jamais fait et, crois-moi, j'ai perdu au moins trois amies qu'il a fait sortir de ma vie en couchant avec elles avant de les jeter comme de vieilles chaussettes. Je ne lui raconte presque rien. »
Tu lui as parlé de ma famille.
« ...parce que tu me racontes presque rien, alors évidemment, ça ne fait que l'intriguer davantage. Et comme je le disais, Harry obtient généralement ce qu'il désire. »
« Par pitié, » me vexai-je, « accorde moi au moins ça : je ne tombe pas dans le lit du premier beau mec venu sous prétexte qu'il obtient généralement ce qu'il désire. Devine quoi ? Moi aussi j'ai l'habitude d'obtenir ce que je veux. Et ce que je veux, c'est ne pas tomber dans son lit. »
C'était comme si il m'avait même pas entendu.
« Si tu devais finir par craquer, sois doux avec lui, d'accord ? Il a déjà été maltraité par le passé, je ne voudrais pas que cela se reproduise. »
J'entendis ma fourchette choir bruyamment dans mon assiette quand mes doigts prirent de leur propre chef l'initiative de la lâcher.
« Attends une seconde. Ce qui t'inquiète, c'est que, moi, je lui fasse du mal ? »
Il eut un sourire d'excuse.
« Tu es quelqu'un de bien, et le fait que tu ne fasses confiance à personne est très difficile à vivre pour ceux qui tiennent à toi. Quand à Harry, quand il tient à quelqu'un, il se doit de tout savoir afin de connaître les bases pour pouvoir les protéger. Il faut absolument qu'il soit celui sur qui on peut compter. Il est comme ça. S'il démarrait quelque chose avec toi, il ne serait blessé que si tu ne t'ouvrais pas à lui. »
J'entendis vaguement la fin de son discours. Tout ce qui résonnait encore dans ma tête était : « Tu es quelqu'un de bien, et le fait que tu ne fasses confiance à personne est très difficile à vivre pour ceux qui tiennent à toi. »
« Est-ce que mon comportement te fait de la peine, Niall ? »
Je refusais d'admettre à quel point sa réponse me faisait peur.
Il poussa un profond soupir, semblant peser chacun de ses mots.
« Au début, un peu. Mais le fait de savoir que tu ne le fais pas exprès rend les choses un peu moins difficiles. Est-ce que j'aimerais que tu me fasses plus confiance ? Oui. Est-ce que je vais t'y forcer ? Non. » Il se leva. « Sache simplement que si un jour tu veux te fier à moi, je serai là. Et tu peux tout me dire. »
Je sentis ma gorge se serrer, et dus me contenter d'un hochement de tête. Afin de dissiper le trouble qui s'était emparé de moi, Niall me sourit.
« Je sors avec Harry et Liam, ce soir. J'ai été plutôt froid avec Liam aujourd'hui. Ça l'a mis en colère. »
Hum, qu'est-ce que tu complotes, jeune homme ?
« Tu t'amuses avec lui ? »
Il se renfrogna.
« Hier, j'ai découvert qu'il avait menacé Nicholas alors qu'il voulait me proposer de sortir. Alors oui, je m'amuse. »
« Waouh, attends une seconde. »
Je repoussai cette fois mon assiette tout entière, complètement perdu. J'avais déjà rencontré ce Nicholas. C'était l'un des amis de Niall qui venaient parfois traîner à l'appartement. Et il enseignait dans la même UFR que lui.
« Liam a fait quoi ? »
« J'ai fait tout un laïus hier sur le fait que je n'avais pas eu de rencard depuis des mois, et Nicholas m'a dit que si Liam arrêtait de mettre en garde mes cavaliers potentiels, il n'en serait peut-être pas ainsi. J'étais si désorienté qu'il m'a expliqué qu'il avait prévu de me proposer de sortir il y a quelques mois, et qu'il était allé demander à Liam où il lui conseillerait de m'emmener. » Il serra les mâchoires rien que d'y penser. « En guise de réponse, Liam l'a simplement menacé. Physiquement. Il lui a dit de ne pas m'approcher. Sans explication. Juste un « pas touche » ».
J'eux un petit rire incrédule.
« Et bien sûr, Liam est supercarré tandis que Nicholas est maigre comme un clou. Alors évidemment, ça l'a fait réfléchir. »
« Exactement. »
« Mais à quoi il joue, bon Dieu ? »
« C'est précisément ce que j'aimerais découvrir. S'il veut jouer au plus bête, on verra bien qui va gagner. »
Je devais bien reconnaître que ce côté-là de Niall me plaisait. Ceux qui pensaient pouvoir lui marcher sur les pieds se mettaient le doigt dans l'œil. Je lui adressai un large sourire.
« Donc tu le snobes, hein ? »
Il sourit joyeusement en retour avec un air de petit ange diabolique.
« Et ce soir, je compte bien mettre les bouchées doubles. Il se peut même que je flirte avec quelqu'un au hasard, pour voir si ça lui hérisse le poil. Alors, je pourrai lui demander à quoi il joue. C'est lui qui ne voulait pas qu'on soit plus que des amis. »
« Eh bien, en général, je n'encourage pas ce genre de jeu, mais dans le cas présent, il l'a bien mérité. Je n'arrive pas à croire qu'il ait menacé des gars derrière ton dos. J'attends avec impatience le prochain compte rendu, monsieur Horan. »
Niall pouffa et s'empressa d'aller se changer pour la soirée, me laissant terminer mon dîner afin que je puisse aller me doucher avant de partir travailler.
***
Craig était de service ce soir-là, tout comme moi et Alistair, un autre barman avec qui j'avais déjà travaillé à quelques reprises. Les gars se sentaient d'humeur joyeuse, et le bar était comble. Comme mes collègues s'efforçaient au mieux de me faire rire, les minutes défilaient et je m'éclatais bien. Notre enthousiasme déteignait sur l'ambiance de la boîte, et de plus en plus de clients s'amassaient au comptoir pour boire leur verre et plaisanter comme nous pouvions le faire de l'autre côté du zinc.
« Si je rattrape ce shaker. » me cria Craig à travers la pièce. « Tu acceptes enfin de baiser avec moi, Louis. »
Tout le monde gloussa tandis que je souriais en servant deux whiskies-Coca aux filles devant moi.
« Aucune chance, Tom Cruise. »
Craig avait de super réflexes. J'étais sûr de perdre.
« Tu me brises le cœur bébé. »
Je l'envoyais paître d'un geste de la main avant de tendre leur boisson à mes clientes et de les encaisser.
« Et moi Louis ? »
Alistair m'adressa un sourire aguicheur, mais je savais qu'il plaisantait. Il était fiancé et heureux de l'être avec une étudiante de Napier. Toutefois, il avait beau être fidèle, il flirtait aussi ostensiblement que Craig.
« Euh, je vais y réfléchir. » répliquai-je suffisamment fort pour que Craig puisse entendre.
Ce dernier poussa un gémissement affecté et fit la moue à la beauté dont il traitait la commande.
« Il me tue. »
La fille pouffa, une étincelle dans le regard. Je roulai les yeux quand Craig lui saisit la main pour la pour la plaquer sur sa poitrine.
« Tu sens ? C'est mon cœur qui se brise. »
« Oh, non ! » me lamentai-je, honteux pour lui. « Tu pourrais être plus ridicule ? »
« Bien sûr que oui. »
Alistair éclata de rire.
« Crois-le ou non, mais c'est l'une de ses meilleures techniques d'approche. »
Craig lui fouetta la tête d'un coup de torchon.
Moqueur, je passai derrière lui pour aller chercher la bouteille de rhum, puis me hissai sur la pointe des pieds pour lui planter un baiser sur la joue. Cela nous valut les ovations du public, mais les huées d'Alistair.
A force de nous comporter comme des idiots, nous ne vîmes pas passer l'heure suivante, et le pot de pourboires se remplissait rapidement. La salle était de plus en plus bondée, de sorte que je ne pensais qu'au travail et à mes collègues. Ainsi, le fait que je sente son regard sur moi en disait probablement long...
Quand ma peau fourmilla, je dressai brusquement la tête et parcourus la foule jusqu'à la porte d'entrée ; mes yeux glissèrent sur Liam et Niall, qui suivaient Harry vers le comptoir -Harry, qui déambulait au côté d'une grande brunette lui tenant fermement le bras des deux mains.
Nos regards se croisèrent, et ce fut comme s'il ne me reconnaissait pas. Il baissa même la tête pour chuchoter quelque chose à l'oreille de sa conquête, ce qui la fit ricaner.
Un certain malaise me noua l'estomac, et je me tournai rapidement vers Niall. Il observa son frère en fronçant les sourcils, puis adressa un œil noir à Liam dont il repoussa la main. Il partit à grands pas rejoindre Harry, qui s'était débrouillé pour convaincre des gens assis à une table de se serrer suffisamment sur le canapé en cuir pour que lui, sa mystérieuse cavalière, Niall et Liam puissent s'installer à leur tour.
Tout le monde se glissa sur la banquette, sauf Niall qui les toisait furieusement. Liam lui dit quelques chose, mais il fit non de la tête, semblant plus colère que jamais ; Liam s'assombrit. Ses mains jaillirent telle une langue de serpent et le contraignirent à s'asseoir à côté de lui. Il se débattit pour se libérer, mais il lui passa le bras autour de la taille, posa la main sur sa hanche -un geste apparemment naturel, mais son étreinte était visiblement puissante, et ce qu'il lui chuchota à l'oreille le fit se calmer.
Il n'en avait pas pour autant le regard moins froid.
Inquiet, j'observai Harry, qui n'avait rien suivi de la scène, trop occupé à discuter avec sa brunette.
Je me détournai rapidement, pas du tout préparé à subir la brusque accélération de mon rythme cardiaque et le sentiment d'oppression dans ma poitrine.
Honnêtement, je ne savais jamais sur quel pied danser avec lui. Un instant il me faisait les yeux doux, le suivant c'était comme si je n'existais pas. J'étais résolu à ne pas le laisser m'atteindre. Je finis de m'occuper de mes clients et me tournai vers Alistair.
« J'ai aperçu des amis à moi. Vous pouvez gérer le bar pendant que je leur apporte à boire ? »
« Bien sûr. »
Faisait un peu de cas des papillons qui jouaient dans mon ventre, je traversai la salle en remerciant bêtement mon boss du débardeur blanc qu'il me forçait à porter. Si bien que légèrement transpirant, je voulais tenter de tenir la comparaison avec la brunette et sa robe chatoyante, j'allais devoir tirer le meilleur profit de ce tee-shirt.
Tandis que j'approchais de leur table, le regard glacial de Niall se réchauffa et il me sourit, visiblement soulagé de me voir.
« Salut, tout le monde. » lançai-je assez fort pour couvrir le bruit de la musique. « Je vous sers quelque chose ? »
« Oh, pas la peine. » répondit Liam avec un sourire. « Darren s'en occupe. »
Il désigna quelqu'un du doigt, et j'aperçu en me retournant un grand rouquin bien soigné se frayant un passage jusqu'au comptoir.
Je fronçais des sourcils interrogateurs.
« Darren ? »
« Mon mari. »
La réponse émanait de la brunette, et je la dévisageai, surpris. Tandis que je la voyais assis tout contre Harry, mon esprit tentait de comprendre en quoi la scène qui se déroulait devant moi et ce qu'elle venait de dire pouvaient être liés. Je croisai le regard d'Harry, qui se fendit d'un rictus froid, comme s'il avait deviné que je l'avais prise pour l'une de ses Barbie.
« Je te présente Donna, la femme de Darren. Darren est le manager du Fire. »
Oh.
Eh bien, j'étais tout penaud.
Harry et moi nous considérâmes à nouveau, et son sourire s'élargit.
Les soupçons dont m'avait fait part Niall me revinrent en tête : « Bon, simplement pour te prévenir : j'ai l'impression qu'il mijote quelque chose. »
Qu'il aille au diable ! Il voulait que je prenne Donna pour son rencard. Il voulait apercevoir le soulagement dans mes yeux quand je me rendrais compte du contraire. Et que j'aille au diable, car je la lui avais servie sur un plateau.
« Enchanté. » Je la saluai d'un signe de tête. « Je vais dire à ton mari de retourner s'asseoir, sinon il va y passer des heures. Je vous apporte vos boissons. »
« Merci, Louis. »
Niall m'adressa un faible sourire.
Je me rembrunis, détestant le sentir si mal à l'aise. Je tendis la main et lui serrai l'épaule d'un air rassurant, remarquant la main de Liam toujours fermement posée sur sa hanche. Je le menaçai discrètement du regard, et le vis hausser des sourcils surpris. Sans plus me soucier de Harry ou de son petit jeu, je me faufilai jusqu'à Darren, me présentait, et lui conseillai d'aller s'asseoir après avoir pris sa commande.
« Il est revenu. » me dit Craig à l'oreille en se penchant vers moi sans cesser d'agiter son shaker.
« Qui ça ? »
« Le type à qui Jo a tenu la jambe pendant des heures quand il est passé la dernière fois. »
« Harry. » J'opinai et lever les yeux vers lui ; je ne m'étais pas rendu compte que nous étions si proches l'un de l'autre, à quelques centimètres à peine. « Jo voulait faire de lui son prochain portefeuille sur pattes. »
« D'après les poignards que je sens dans mon dos, j'ai dans l'idée qu'il préférerait servir de portefeuille à quelqu'un d'autre. »
Je reculai et levai les yeux au ciel.
« Je n'ai besoin de rien, Craig. »
Il se retourna alors vers Harry.
« Il me perturbe. La dernière fois, il n'a pas cessé de te dévisager comme si tu lui appartenais, et voilà qu'il recommence. Il se passe un truc entre vous ? »
« Rien du tout. Je te l'ai dis : je n'ai besoin de rien. »
Craig étrécit les yeux et, quand il m'examina de nouveau, son visage se fendit d'un sourire malicieux.
« Peut-être que moi, j'aurais besoin d'un portefeuille. »
Puis il m'embrassa, me maintenant la nuque d'une main tout en glissant sa langue dans ma bouche, le corps plaqué contre le mien.
La stupeur me paralysa, puis la surprise de sentir le toucher agréable de ses lèvres me fit rester sur place. Craig savait embrasser, ce n'était rien de le dire. Des sifflets et des vivats rompirent le charme, et je le repoussai d'une main sur la poitrine.
« Euh... » Je cillai, essayant de comprendre ce qui se passait. « Qu'est-ce que tu viens de faire, là ? »
Craig m'adressa un clin d'œil appuyé.
« Je rends jaloux monsieur Pognon et j'en tire énormément de plaisir ! »
Je secouai la tête, incrédule, et le repoussai avec véhémence. Je surpris le large sourire d'Alistair quand Craig chancela dans sa direction, visiblement fier de lui. Alors que je m'affairais à préparer les boissons de mes mains, je me forçai à ne pas lever les yeux. Je ne voulais pas savoir si Craig avait raison pour Harry. Je refusais d'admettre l'existence éventuelle de sentiments dans un sens ou dans l'autre. Mais j'étais sacrément soulagé que quelqu'un d'autre constate son manège autrement que par l'aspect romantique et jusqu'au-boutiste qu'avait remarqué Niall. Au moins, je savais désormais que je ne souffrais pas d'hallucinations.
Car n'étais-je pas qu'une boule d'hormones en ébullition ?
Je déposai les verres sur un plateau, quittait l'abri relatif du comptoir, fis mine de ne pas entendre le « Salut, chéri » d'un client ayant probablement assisté au Craig Show, et je fendis la foule pour apporter leur commande à Niall & Cie sans en renverser une goutte.
« Et voilà. »
Je posai mon fardeau sur la table et entrepris la distribution.
« Euh, c'était quoi ça ? » me demanda Niall, les yeux ronds de surprise, quand je lui tendis sa boisson.
J'ignore ce qui me prit de penser que faire l'imbécile résoudrait tous mes problèmes.
« C'était quoi, quoi ? »
Liam grogna.
« Ce type qui a mis sa langue dans ta gorge ? »
J'étais incapable de me tourner vers Harry, car je sentais son regard brûlant me... euh... me consommer.
Je haussai les épaules.
« C'est juste Craig. »
Puis je m'esquivai avant qu'ils puissent poursuivre leur interrogatoire.
Toutefois, Craig ne se contenta pas de fourrer sa langue dans ma bouche : durant les quarante minutes qui suivirent, il intensifia son flirt, m'embrassant dans le cou, me caressant le cul, me provoquant sans arrêt avec des propos cochons.
J'imagine que, puisque je ne m'étais pas mis en colère quand il m'avait embrassé, il se figurait que tout était permis. Et en vérité, je ne fis rien pour le démentir. J'avais décidé d'envoyer un message à Harry.
Nous n'étions pas amis.
Et nous ne serions jamais rien de plus que pas amis.
En conséquence, nous n'étions... rien du tout.
« C'est l'heure de ta pause, Louis ! »
Alistair me fouetta les fesses à l'aide d'un torchon en reprenant son service.
Je poussai un soupir.
« Putain, je vais te reprendre ce machin si tu n'arrêtes pas de t'en servir comme d'une arme. Sérieux, c'était vraiment nécessaire ? »
Il me décocha un large sourire.
« Quoi ? Tu aurais préféré ma langue dans ta bouche ? »
« Très marrant. »
Je tournai les talons et disparus dans la salle réservée au personnel. Il y avait un vestiaire exigu doté d'un petit canapé, d'un distributeur de friandise et quelques magazines. La porte à droite menait au bureau du manager, mais Su ne venait qu'un week-end sur deux, car elle bossait déjà à plein temps durant la semaine. Et une fois sa porte fermée, tous les bruits du bar disparaissaient. La tête bourdonnant, en proie à une montée d'adrénaline à cause d'Harry et de Craig, je m'enfermai donc dans son bureau avec une canette de Coca et m'affalai contre sa table.
Encourager Craig dans son délire n'avait pas été très malin. Si nous avions l'habitude de nous provoquer de la sorte, il avait franchi ce soir la ligne jaune, et je l'avais laissé faire. Je haïssais ce pincement que j'avais ressenti en pensant que Donna était sa copine. Je haïssais le fait qu'il ait su que j'avais ressenti quelque chose. Et pour couronner le tout, je haïssais le fait de soupçonner qu'il avait manigancé tout ça.
Je devais trouver le moyen de lui faire comprendre une bonne fois pour toutes qu'il ne se passerait jamais rien entre nous.
Je cessai de contempler le tapis en entendant s'ouvrir la porte de Su ; je me redressai, soudain envahi par une volée de papillons frénétiques alors qu'Harry entrait dans la pièce et refermai derrière lui.
Il me dévisagea d'un air calculateur, les traits tendus, indéchiffrables.
Il semblait furieux.
« Qu'est-ce que tu fous ici ? »
Il ne me répondit pas, et mes yeux s'égarèrent de nouveau, parcoururent son corps malgré eux, embrassant le pull ras du cou très classe et le pantalon noir de couturier. Le seul accessoire qu'il arborait était une montre de sport très luxueuse en platine.
Je sentis à nouveau ce pincement au plus profond de moi, et ma mâchoire se contracta. Pourquoi fallait-il qu'il m'excite à ce point ? Ce n'était pas juste.
Pour masquer mon trouble, j'avalai une gorgée de soda.
« Alors ? »
« Je n'aime pas partager. »
Je soutins son regard et, même si cela me paraissait impossible, il sembla encore plus furieux qu'avant. Dans cette toute petite pièce, Harry paraissait aussi immense qu'intimidant, et le contraste entre nos deux physionomies n'en était que plus saisissant. Il pouvait m'écraser comme un insecte si tel était son désir.
« Quoi ? »
Il étrécit les yeux.
« J'ai dis que je n'aimais pas partager. »
Je repensai à Vicky.
« Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire. »
« Disons les choses autrement. » Il approcha d'un pas, bouillant de colère. « Quand il s'agit de toi... je n'aime pas partager. »
Je n'eus pas le temps d'y réfléchir. Un instant, je le contemplai d'un air incrédule, l'instant suivant, ma canette gisait à terre et mes fesses se posaient sur le bureau tandis qu'Harry se collait contre moi. Sa chaleur et sa puissance me submergèrent quand sa large main se referma sur ma nuque, tandis que de l'autre, il soulevait ma cuisse gauche afin de prendre place entre mes jambes et me positionner correctement. Sa bouche se plaqua contre la mienne, et le désir que mon corps subissait depuis des semaines prit le pouvoir. Je m'agrippai à lui, enfonçant mes doigts dans son dos, enserrant ses hanches de mes jambes, tandis que j'entrouvrais les lèvres pour pousser un soupir de soulagement qui autorisa sa langue à venir agacer la mienne. Son odeur, son haleine qui sentait le whisky, ses mains chaudes me serrant fermement... tout cela me submergea et je laissai échapper un son rauque que je ne pus réprimer.
Son baiser dissipa tous mes souvenirs de Craig.
La pression de ses doigts sur mon cou s'accentua, et il gémit à son tour ; la vibration de ce son se répercuta dans tout mon corps, telles des mains effrontées, me torturant les tétons, me soufflant sur le ventre, s'immisçant entre mes cuisses. Il m'embrassa plus profondément, plus avidement -une succession de baisers envoûtants qui dérobaient chacune de mes respirations. Nous haletions tout en nous mordant respectivement la bouche, incapable de l'explorer toute entière. Mes ongles s'enfonçaient dans son pull tandis que je l'encourageais à se rapprocher encore.
Quand je pris conscience de son érection contre moi, je succombai. Mon estomac se noua, et sa bouche étouffa ma plainte. Mon pantalon était serré. Mon désir ne fit que croître lorsqu'Harry remonta sa main le long de ma taille pour venir m'effleurer le torse avant de s'arrêter à la lisière de mon débardeur. Il interrompit notre baiser et se recula de quelques centimètres afin de pouvoir m'observer dans les yeux. Les siens étaient sombres, à moitié masqués par ses cils ; sa bouche était rouge de morsures. Je sentis deux de ses doigts se faufiler sous mon débardeur, le remontant petit à petit. Il ne me quitta jamais du regard en retirant complètement mon haut.
L'air frais vint caresser ma peau dénudée, et mes tétons se dressèrent, provocants. Dès qu'Harry l'avisa, sa main vint se refermer dessus. Il me le caressa, le faisant davantage durcir à force de cercles rapide dessinés du bout du pouce. Je retins mon souffle en le sentant se crisper tandis que le désir inondait mon entrejambe. Ses yeux remontèrent jusqu'à mon visage.
« Ça te plaît, bébé ? » murmura-t-il en contemplant mes lèvres. « Tu aimes sentir mes mains sur toi ? »
A dire vrai... ouais !
« Ou... » Il baissa la tête pour venir poser délicatement sa bouche sur la mienne. « ...ou celles de n'importe quel homme feraient l'affaire ? »
Il me fallut quelques instants pour saisir la portée de ces mots, mais, lorsqu'ils firent mouche, j'en ressentis la violence et m'écartai de lui, furieux. Mes bras quittèrent son dos pour remettre mon tee-shirt.
« Va te faire foutre. » aboyai-je en tentant de le repousser.
En réaction, il accentua la pression de son bas-ventre et me saisit les poignets pour empêcher mes poings déjà fermés de s'abattre sur lui.
« C'étaient quoi, ces conneries, dehors ? » m'invectiva-t-il.
A l'évidence, il était toujours excité, car sa virilité me provoquait encore, encourageant mon corps à entrer en guerre avec ma tête.
« Ça ne te regarde pas. »
« Tu baises avec lui ? »
« Ça ne te regarde pas ! »
Il émit dans sa barbe un léger grognement et me tira sur les bras.
« Etant donné que j'ai moi-même envie de te baiser, si, ça me regarde. Et étant donné que tu désires visiblement que je te baise, je pense qu'il est dans ton intérêt de me répondre. »
« Tu es un gros connard arrogant et égocentrique, tu es au courant ? » fulminais-je, résolu à ne pas me laisser dicter ma conduite par ce mâle dominant dégoulinant de testostérone. « Je ne coucherais pas avec toi même si tu étais le dernier être humain sur Terre ! »
Ce n'était pas une repartie des plus originales. J'en avais conscience. Et c'était clairement la pire des choses à lui balancer.
Sans me lâcher les mains, il m'embrassa de nouveau, mordillant furieusement les lèvres, me torturant de son membre raidi. Mon corps se languissait et ma bouche s'entrouvrit pour l'inviter à y pénétrer. Je tentai de feindre de me débattre, mais j'étais bien plus intéressé par le fait d'être investi que par celui de contrôler la situation.
« Est-ce que tu couches avec lui, Lewis ? » me murmura-t-il d'un ton aguicheur tout en déposant un chapelet de baisers le long de ma mâchoire.
« Non. » soufflai-je.
« Est-ce que tu veux coucher avec lui ? »
« Non. »
J'étais vaguement conscient de l'étau qui se desserra autour de mes mains quand celles-ci, de leur propre initiative, vinrent réclamer leur dû sur le ventre tendu d'Harry.
« Est-ce que tu veux que je te baise ? » me grogna-t-il à l'oreille.
Je frémis d'impatience. Oui !
Au lieu de lui répondre la vérité, je secouai la tête afin de ne pas perdre toute maîtrise des évènements.
Puis ses doigts glissèrent entre mes cuisses, et deux d'entre eux vinrent frotter puissamment la couture de mon jean. L'excitation fit déferler en moi des torrents de frissons.
« Oh, mon Dieu... » gémis-je en me plaquant contre lui.
Une fois de plus, ses lèvres effleurèrent les miennes et alors que je réclamais un contact plus profond, plus humide, Harry se recula.
« Est-ce que tu veux que je te baise ? »
Ma colère éclata, et j'ouvris en grand les paupières pour le foudroyer du regard.
« Bordel, qu'est-ce que tu crois ? »
J'attirai sa tête vers moi, et nos langues se trouvèrent enfin, m'accordant gain de cause. Ses bras entourèrent ma taille, nous compressant l'un contre l'autre tandis que nos bouches se dévoraient avidement. L'impatience nous rendait fébriles, et les mains puissantes d'Harry se frayèrent un chemin le long de mon dos et jusqu'à mes fesses, qu'il souleva sans effort. Mon corps comprit ce qu'il voulait, et mes cuisses se refermèrent automatiquement autour de ses hanches quand il se retourna et effectua les deux pas me séparant du mur. Son érection tenta de transpercer le V de mon jean quand, d'un coup de reins, il fit mine de l'acte. La satisfaction et le désir achevèrent d'abattre mes dernières réserves, et je suffoquai tout contre sa bouche, en réclamant silencieusement davantage.
« Oh merde... désolé ! »
La voix d'Alistair me parvint à travers mon esprit embrumé et j'écartai ma bouche de celle d'Harry. Ma poitrine se levait et s'abaissait rapidement tandis que j'essayais de retrouver mon souffle.
Je contemplai mon collègue, horrifié, tandis que la réalité reprenait le dessus.
C'est. Quoi. Ce. Bordel ?
Oh merde, merde, merde ! J'invoquai toute la maîtrise de moi dont je pouvais encore disposer.
« Merde. » soufflai-je.
Le regard perplexe d'Alistair alla se poser sur le visage de Harry avant de revenir vers le mien.
« Ta pause est finie. »
Je ravalai la boule de panique qui m'obstruait la gorge.
« J'arrive tout de suite. »
Dès qu'il fut parti, je sentis la pièce se refermer sur moi. J'étais toujours accroché à Harry. Je dépliai les jambes, et il me déposa doucement au sol. Quand mes pieds y furent solidement ancrés, je plaquai une main sur sa poitrine pour le repousser.
« Je dois retourner travailler. »
Des doigts délicats m'attrapèrent le menton et me forcèrent à plonger les yeux dans les siens. Il arborait un air assuré, déterminé, maîtrisé, en parfaite contradiction avec sa bouche enflée et ses cheveux ébouriffés.
« Il faut qu'on parle. »
De ma cruelle absence de volonté?
« Je n'ai pas le temps maintenant. »
« Alors je passerai demain soir. »
« Harry... »
Il resserra les doigts autour de mon menton, me réduisant au silence.
« Je passerai demain soir. »
Cela n'était pas en train d'arriver. Comment pouvais-je le laisser faire ?
« Harry, je ne veux pas qu'il se passe quoi que ce soit entre nous. »
Il dressa un sourcil circonspect.
« Va dire ça à ton pantalon serré, bébé. »
Je le toisai d'un œil noir.
« T'es vraiment un gland. »
Il me sourit et me déposa un baiser rapide sur les lèvres.
« A demain. »
Je le rattrapai par le pull, l'empêchant de partir.
« Harry, je suis sérieux ! »
Il ricana, décrocha patiemment chacun de mes doigts, puis recula d'un pas.
« J'ai une proposition à te faire : je passerai demain soir pour en discuter. »
Argh ! Il est sourd, ou quoi ?
« Harry... »
« Bonne nuit, Lewis. »
« Harry...
« Oh. » Il se retourna vers moi en atteignant la porte, et son expression se durcit. « J'attendrai la fermeture pour vous mettre dans un taxi, Niall et toi. Si je te reprends à flirter avec ce petit branleur, je lui pète les dents. »
Et il disparut.
J'en restais béat quelques instants, n'arrivant pas à croire que j'avais laissé cette scène se dérouler sans rien faire. Toutefois mes lèvres palpitaient suite à tous ces baisers torrides, mes joues me brûlaient encore d'avoir frotté contre ses joues fraîchement rasé, mon cœur battait toujours la chamade et mon pantalon était vraiment serré.
Pis encore : j'étais si excité que j'envisageais un instant de verrouiller la porte pour terminer seul ce qu'il avait commencé.
Demain, je mettrai un terme à tout ça. Si Harry pouvait à ce point me chambouler, il était hors de question que nous allions plus loin.
Peut-être que je devrais déménager.
Ma poitrine se comprima à l'idée d'abandonner Niall et l'appartement de Dublin Street. Non ! J'en étais capable. J'allais remettre ce salopard pédant à sa place.
J'opinai d'un air déterminé et, en m'éloignant du mur, sentis mes jambes flageoler dangereusement.
Je levai les yeux au ciel. Pourquoi diable fallait-il qu'il fût la version humaine d'une bombe nucléaire à radiations sexuelles ? Je me rhabillai du mieux que je pus sans cesser de grommeler puis j'allais reprendre ma place derrière le comptoir sans m'inquiéter des airs interrogateurs d'Alistair, du regard brûlant de Harry ou des tentatives d'approche de Craig.
J'aimais autant que les dents de ce dernier restent à sa place, merci bien.
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