Chapitre 1 : la F.I.S. (2)



Pendant que Gareth compare les documents et les authentifie, en demandant à la personne les raisons de sa venue, son complice analyse tout le corps de celle-ci avec son détecteur de puces, puis regarde si le nom cité par son collègue apparaît dans ses listes d'interdits de territoire ou de fugitifs. La scène se répète pour chaque entrant, brève et efficace. Les sortants ne font que passer leur carte dans l'appareil de Gareth pour y être répertoriés, avant de partir dans un autre pays, où ils subiront le même genre de contrôles. Néanmoins, la tâche n'a rien de monotone, entre les groupes de touristes qui débarquent en masse et les personnes suspectes...

— Désolé madame, votre autorisation de quittance vient de New City World et le pays de résidence sur votre carte est Tyong Nam. En plus, elle est périmée depuis une semaine. Je ne peux pas vous laisser passer.
La quarantenaire aux yeux moins larges que ses cils semble prise au dépourvu. Gareth fait mine de replacer son képi pour enclencher la vision infranerveuse de ses lunettes, en restant impassible.
— Mais je viens à peine de déménager ! Je n'ai pas eu le temps d'en refaire une !
Gareth lui rend ses documents : elle n'a pas l'air de mentir.
— Dans ce cas, je vous suggère d'en redemander une dès ce matin à l'administration de Tyong Nam. 

Il rouvre le passage en tapant le code de ce pays et fait signe à la frêle dame de repartir. Mais ils tombent parfois sur des plus impulsifs ou butés. Comme ce roux filiforme, plutôt grand, mais pas autant que Gareth, qui reste calme.
— Alors... originaire d'Hélisven, OK... Ah ! Adrion, je crois que celui-là tu vas devoir l'ajouter.
Il retourne le document face au trentenaire, en veillant à se placer bien devant lui, prêt à l'empêcher de fuir. La carte d'identité du nommé Yanev Steniski reste dans son boîtier et Gareth pointe du doigt le papier après avoir enclenché ses lunettes.
— Elle est jolie votre copie, mais ça ne prend pas, cingle-t-il. Je n'ai jamais vu un sceau d'Helisven aussi noir et vu le manque de régularité entre vos chiffres, elle est postdatée. Expliquez-moi cela, Monsieur Steniski, si c'est vraiment votre nom.

Le type à barbe orange-brun fronce les sourcils, a un pas de recul, mais feint l'étonnement.
— Vous riez ou quoi, je l'ai prise à l'administration hier matin. Je viens juste voir la famille royale demain !
— Ah vraiment ? ironise Gareth. Bon, on va vérifier : Monsieur l'Agent Raden, pouvez-vous contacter l'administration d'Helisven, à propos d'un certain Monsieur Yanev Steniski ? crie-t-il vers l'accueil.
Comme il s'en doutait, même pas besoin de composer le numéro...
— Non, ce n'est pas moi qui suis allé le chercher sur place ! C'est ma femme !
— De mieux en mieux, marmonne Gareth. Bon, ça suffit, ôtez votre sac et retournez-vous, les mains dans le dos !
Le ton du type monte tandis qu'il se colle au bord de la porte métallique. Pendant que Gareth ne lâche pas le suspect du regard, son collègue regarde si de nouveaux visiteurs arrivent entre temps. Heureusement, aucun ne traverse le passage en risquant de laisser s'échapper l'homme.
— Mais j'ai juste pas le bon papier, pourquoi vous m'arrêtez ? Je vais redemander le bon document et je vais revenir !

Gareth étire un peu les lèvres sans perdre son calme. Sous son blouson vert, le gars est costaud, cependant, l'agent s'en moque. Ce n'est pas pour rien qu'on le met souvent à la tâche de l'accueil et non des scannes, pour ce genre de situation. Le corps à corps, c'est ce qu'il préfère !
— C'est cela oui, puis vous reviendrez par une autre voie en espérant tomber sur des collègues éventuellement moins alertes. Ce n'est pas un document périmé, ce n'est même pas un document officiel, je doute que vous soyez autorisé à quitter le pays. Alors soit vous acceptez la fouille, soit on vous met au frais. Je ne le dirai pas deux fois. 

Aussi bien Adrion que lui raccrochent leurs appareils d'un geste vif, sans baisser leur attention focalisée sur le danger qui jette des coups d'œil vers la sortie. Il amorce un pas en subtilisant à Gareth le faux document, mais le volé en profite pour saisir son poignet. L'homme a le réflexe de vouloir desserrer la prise à l'aide de son autre main, déviant le corps face à Gareth qui ne lâche rien. Au contraire, le Terron s'empare de l'autre poignet du prétendu Hélisvénique. Surpris par la soudaine annihilation de ses défenses, le coupable n'a pas l'occasion d'esquiver le coup de bottine franc en pleine cheville. Dès le début du hurlement de sa cible, Gareth lâche ses prises en le faisant perdre l'équilibre vers l'avant. Adrion profite de l'agenouillement inévitable du blessé pour le plaquer au sol d'une main ferme contre le sac. Aussitôt, il le lui arrache du dos, tandis que Gareth pousse contre le crâne.
— À terre ! s'exclame Adrion. Joue au sol, allez !
— Lâchez-moi, j'ai rien fait !

Gareth colle plus fort la tête de Yanev Steniski au carrelage et bloque ses épaules de tout son poids.
— Non, mais vous alliez le faire. Je vais le contenir pendant que tu fouilles son sac.
— Ouais, vaut mieux que tu t'en charges, maugrée Adrion qui fait à peine un mètre septante.
Surtout que le prisonnier ne s'en tient pas là ; il tente de se redresser sur ses mains et pieds, pour rechuter au niveau des jambes dans un geignement.
— Ah putain, vous m'avez brisé les os, connards !
— Insultes à agent, faux papiers d'identité... cite Gareth sans être fort impressionné. 

Hors de lui, le bonhomme prend le risque de se relever d'un bond sur trois membres en virant Gareth de ses épaules. Il résiste toujours ! Mais il fait face à plus obstiné : Gareth se redresse plus haut que lui et le plaque entièrement au sol, sans plus se soucier de lui arracher un cri de douleur.
— ... et tentative de fuite, en plus !
— Ouf ! Vous... m'étouffez, arrêtez !
— Si vous coopériez gentiment, on n'en serait pas là. T'as trouvé un trésor Adrion ? 

Il ne regarde pas l'agent FIS, juste les bras du type louche qu'il bloque contre les vertèbres, resté assis sur les fesses de l'immobilisé. Il se fiche de la grimace du malfrat, sort des menottes de sa ceinture et hop ! Attaché. Le collègue met d'abord des arrivants sur le côté, le temps de sortir avec des gants le contenu du sac.
— Un trésor oui... Les colliers, c'est aussi une erreur de votre femme ? Ça m'étonnerait, cachés dans une double couture...
— Moi aussi, approuve Gareth en se remettant debout. Je vous le laisse, v'là sa carte d'identité et son faux document.
— Et son sac.
Les policiers se mettent à deux pour embarquer le voleur, aidé d'un collègue qui récupère les preuves. Gareth et Adrion tournent déjà le dos à l'homme qui beugle :
— Enfoirés ! Vous avez pas le droit !
— Mais si, soupire Gareth. Bonjour Madame, bienvenue, votre autorisation de quittance et votre carte d'identité, s'il vous plaît.

En un sens, Gareth est bien content que les passages spatiaux soient le seul moyen de voyager entre les pays, ça permet de contenir les malfrats. Il n'imagine même pas comment faisaient leurs ancêtres avant la Décennie des Cataclysmes qui a intoxiqué le reste de la planète.
À quinze heures cinq, deux agents FIS viennent prendre le relais sous l'œil du même commissaire qu'au matin. Gareth rend son arme, range ses lunettes et rallume son boîtier. Il a mal aux jambes après être resté debout des heures durant. Plusieurs « bip bip » retentissent. Un message de Dérith à treize heures douze : « Slt, faut qu'on boive 1pot auj, c important, 10 kan t libéré de ta journée ! ». Puis il en découvre de Corène, datant d'aujourd'hui : « Plus que quelques heures avant de rentrer au bercail, j'ai hâte de te retrouver, mon Super Gardien ! Smouack ! » ou encore « J'ai fait le tour du pays là-bas, que j'ai mal aux pieds ! Je voudrais être allongée près de toi. Bisous partout ! ». Il ricane en se disant qu'ils seront deux à avoir mal aux jambes, comme ça.

 Il retire son uniforme dans une pièce arrière du bâtiment de la Police et finit en vêtements légers adaptés à une fin de printemps silverin. Tout en déambulant dans les rues, le jeune homme sort de son pantalon trois-quarts son boîtier pour passer un coup de téléphone audio. Pour le peu qu'il a à dire, inutile d'utiliser l'hologramme.

— Allô Dérith ? Je viens de finir, t'es où là ?... On se donne rendez-vous où ?... Ouais j'y serai vite, c'est pas loin pour moi non plus. À tout de suite.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top