1.4


Les jours passaient, et les doudous s'accumulaient autour de Prunelle. Les connaissances s'accumulaient aussi dans sa tête, et elle était fascinée de tout ce qu'elle découvrait. Elle n'avait encore jamais vu d'animaux, et elle n'arrivait toujours pas à croire qu'ils puissent exister. En revanche, elle se prit de passion pour les arbres, les fleurs et les plantes en tout genre, commençant à apprendre leurs noms et à les répéter à tout le monde. Elle adorait savoir, et elle adorait aussi montrer qu'elle savait. Pourtant, parfois, cela lui causait des soucis.

Prunelle vivait toujours dans un monde plein de phénomènes incompréhensibles. Elle jouait souvent avec d'autres enfants et, la plupart du temps, ils semblaient aussi avides qu'elle de découvrir le monde. Pourtant, quand Prunelle leur parlait des végétaux, ils semblaient perdre tout intérêt pour eux. Quand son amie Amalia lui montrait une fleur en disant « Regarde cette jolie fleure ! » et que Prunelle répondait « C'est un renoncule », Amalia fronçait les sourcils et se mettait à jouer avec ses animaux en peluche. Elle ne semblait aucunement reconnaissante des savoirs que Prunelle lui apportait, et les autres étaient pareils. Prunelle avait envie de partager ses connaissances, mais personne n'en avait rien à faire.

Il n'y avait qu'avec son adulte que Prunelle pouvait parler des plantes et de leurs noms mais, à lui, elle ne pouvait rien partager, car il savait déjà tout. C'est lui qui lui avait appris tous ses mots compliqués qui ne servaient à rien. Personne d'autre qu'elle ne semblait vouloir connaître le nom des plantes, et les plantes ne répondaient pas quand on les appelait. Dans ce cas, à quoi bon connaître ses mots ? Pourtant, Prunelle les aimait. Elle aimait savoir pour savoir, et elle aurait voulu que les autres enfants soient un peu plus comme elle. D'autant plus que son adulte avait de moins en moins de temps à lui consacrer.

C'était fou, quand même ! Prunelle savait que cet adulte était apparu au monde exprès pour s'occuper d'elle et, aujourd'hui, il semblait avoir mieux à faire. Comment peut-on avoir mieux à faire que ce pour quoi on est apparu dans le monde ? Prunelle, elle, ne savait pas encore pourquoi elle était apparue dans le monde. Mais elle ne se posait pas encore la question. Elle était trop petite, et surtout trop occupée à se demander pourquoi son adulte semblait l'abandonner. Il la laissait des heures et des heures à jouer avec d'autres enfants. Il y avait généralement un ou deux adultes autour d'eux, qui les regardaient de loin mais qui ne servaient pas à grand chose et qui, surtout, n'étaient pas son adulte à elle.

Quand Prunelle demandait à son adulte pourquoi il la laissait, il lui répondait qu'il avait des choses importantes à faire. Mais qu'est-ce qui pouvait bien être plus important qu'elle ? Il lui répondait que c'était pour elle qu'il devait partir chaque jour, mais elle ne comprenait pas. Si c'était pour elle qu'il agissait, pourquoi ne pas faire ce qu'elle voulait elle ? Ce qu'elle voulait, c'était rester avec lui et continuer d'apprendre le nom de chaque chose en ce monde. Il y avait encore tellement de plantes à découvrir et, une fois qu'elle les connaîtrait toutes, il lui resterait encore à comprendre comment elles poussaient, pourquoi elles n'étaient pas toutes de la même couleur, et pourquoi certaines perdaient leurs pétales ou leurs feuilles. Mais son adulte devait partir chaque jour jouer de son côté.

Des fois, Prunelle se demandait s'ils étaient en train d'arrêter de l'aimer. Pendant toutes ces années, il était resté près d'elle sans cesse. Il lui disait que s'il restait près d'elle, il ne pourrait rien lui donner à manger. Mais c'était des bêtises ! Ils avaient très bien mangé pendant tout le temps où il était avec elle tout le temps. C'est vrai qu'alors, elle ne faisait que boire du liquide blanc, mais quand même ! De toute façon, il y avait tellement d'arbres qui donnaient des fruits, et de légumes qui poussent à même le sol. Prunelle ne comprenait pas pourquoi il faudrait la quitter une journée entière pour trouver de quoi préparer un ou deux repas. Avec son adulte, s'il était sensé, ils pourraient passer la journée à se promener, apprendre les noms de ces fruits et légumes, les ramasser, et les manger ensuite. La vie pourrait alors être si simple et si belle.

Mais non, apparemment, son adulte préférait l'abandonner au milieu d'une flopée d'enfants qui ne s'intéressaient pas aux noms des plantes. Ils utilisaient les citrons comme des ballons qu'ils se lançaient, et les grains de raisin comme des billes colorées avec lesquelles ils formaient des dessins. Au fond, Prunelle les aimait bien, et elle aimait partager ses activités avec eux. Mais elle voulait apprendre et, surtout, elle voulait que son adulte l'aime ! Si elle avait été sûre que son adulte l'aimait toujours autant, elle aurait peut-être apprécié passer son temps avec les enfants. Ils avaient le mérite d'être chacun différent, et ils étaient plein d'inventivité. Aucun ne connaissait plus de mots qu'elle, et aucun ne semblait aimer qu'elle lui apprenne des mots, mais ils avaient d'autres choses à lui apprendre. Tous ces jeux fabuleux qu'ils créaient, Prunelle n'y aurait pas pensé par elle-même. Mais elle ne pouvait cesser de se demander quels jeux son adulte faisait de son côté, et pourquoi ce n'était pas avec elle qu'il voulait les partager.

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