Q12: La maison communale et le village traditionnel
Q12: La maison communale et le village traditionnel
Une très vieille chanson populaire dit :
"Je passe devant la maison communale,
J'incline mon chapeau conique pour la regarder,
Autant elle a de tuiles, autant je t'aime..."
Il y a un quart de siècle, un écolier de dix ans rimait sous les bombes américaines :
"Mon village possède une maison communale,
Et devant elle, un puits où se mire la lune,
Un kapokier tout près se dresse, vers le Ciel,
Un chemin sablonneux court devant son portique
Toutes les troisièmes lunes, l'arbre est rouge de fleurs
Que se partagent les oiseaux et les poissons
Et les toits recourbés, sur le fond du ciel clair,
Paraissent somnoler, les paupières mi-closes..."[1]
Un célèbre peintre, poète à ses heures, se demande à travers ses errances à l'étranger :
"Sont-ils encore frais, les lotus de la mare de notre maison communale ?"[2]
Tout cela montre combien le đình (maison communale) hante (am anh) l'imaginaire du peuple vietnamien. Foyer de la vie collective du village, il est à la fois temple, une mairie et une maison de culture.
-Le đình régit(chi phoi) la vie spirituelle de la communauté, de concert avec pagode bouddhique (chùa) et le temple de Confucius (văn chỉ). Il faut ajouter aussi les nombreux petits sanctuaires(den, dien) et autels dédiés innombrables esprits du culte animiste teinté de taoïsme populaire.
-A la maison communale, le village vénère son Génie tutélaire (Thành hoàng làng)[3]. Ce génie peut être un personnage historique (héros national ou local, un bienfaiteur qui avait apporté au village un métier ou des terres défrichées...). Il peut être aussi légendaire (un génie céleste tel que le Génie de la Montagne Tản Viên, un individu quelconque, parfois voleur ou mendiant- nguoi an may, frappé de male mort à une heure sacrée, quelque animal divinisé).
-Le sacrifice (le te) annuel le plus important en l'honneur du Génie tutélaire est célébré au printemps, en automne, et à l'occasion de l'anniversaire de la naissance ou de la mort du génie.
Il donne lieu à des cérémonies solennelles (trang trong) et à une fête qui met la population en liesse (vui ve) pendant plusieurs jours. De nombreuses réjouissances s'organisent dans la vaste cour-san rong du đình ; jeux d'échecs aux pions humains-co nguoi-, opéras tuồng et chèo, lutte traditionnelle, combats de coqs, d'oiseaux, de buffles-trau, balançoire- cai du...
-Au point de vue architectural, le đình du Centre reproduit (sao chep)en grands traits de la maison d'habitation ; celui du Sud forme un ensemble de bâtiments. Le đình du Nord est un bâtiment unique, imposant, dont le profil ne rappelle guère la maison d'habitation ni la pagode.
+Il doit être inséré (dan xen) un cadre de verdure(mau luc) : banians- cay da ou manguiers-cay xoai centenaires, frangipanier- cay dai, aréquiers-cay cau, jacquier-cay mit.
+Selon les règles de la géomancie(thuat phong thuy), il doit donner général sur une pièce d'eau (lac, rivière, puits).
+Le bâtiment est fait d'une seule armature(khung) en bois, assemblage de toiture- lap ghepmai nha-, de colonnes, de toutes sortes de pièces soudées-gan lai- par des tenons-mong- et des mortaises-lo mong-, reposant sur des pierres taillées (il n'y a pas de fondations).
Couvert-mai che- toujours de tuiles-ngoi, il n'a ni mur ni portes, il communique directement avec l'extérieur, à la différence de la pagode qui se ferme sur elle-même comme un îlot. Sur l'architecture, l'auteur fait une étude détaillée qui doit plaire aux spécialistes constructions en bois.
+La pagode est une construction close, bâtie à l'écart, consacrée à la vie future et aux rites de la mort. Par contre, la maison communale est un ouvrage architectural ouvert, situé dans un endroit commode (thuan tien) pour les réunions, voué aux activités sociales de la vie présente.
C'est là que se font les réunions des notables et des inscrits mâles (đinh) du village, que se traitent les questions d'administration (répartition des impôts et des terres communales, recrutement des soldats, attribution des corvées...) et de justice (règlement des différends, châtiments infligés à ceux qui enfreignent les prescriptions coutumières du village...).
+La maison communale se fait gardienne de l'ordre confucéen qui ne s'était implanté( du nhap) solidement-vung chac dans l'infrastructure familiale et sociale vietnamienne qu’à partir de la dynastie des Lê. (XVème siècle).
Les premiers đình sont apparus sans doute au XVIème siècle, ils ont atteint leur apogée (tuyet dinh) aux XVIIème et XVIIIème siècle pour décliner(suy tan) au XIXème siècle à cause de la désagrégation féodale-su tan ra cuar che do phong kien- et de l'intervention occidentale. Nés au Nord, ils ont gagné le Sud grâce à l'essaimage- chia dan- des villages dans l'expansion territoriale de la nation.
-Quel fut le modèle original du đình ?
D'aucuns parlent des maisons communales rông des ethnies du Tây Nguyên, d'autres se réfèrent aux maisons en forme de jonque (thuyen) gravées sur les tambours de bronze de Dông Son (1er millénaire avant J.-C.).
On n'a pas encore avancé de preuves tangibles(bang chung xac thuc). En tous cas, il faut souligner que nos maisons communales constituent un patrimoine culturel inestimable- di san van hoa vo gia-, un musée d'architecture et de sculpture(nghe thuat dieu khac) en bois d'importance primordiale.
Pour s'en convaincre, il suffit de visiter quelques spécimens parmi les plus célèbres : les maisons communales de Tây Đằng (Hà Tây, fin XVème, début XVIème siècles), Thổ Hà (Bắc Giang, XVIème-XVIIème siècles),Đình Bảng (Bắc Ninh, 1736).
[1]Chu Hông Qui, Le chant continu, EFR. Paris. 1971.
[2]Pham Tang, Poème, Hanoi, 1994.
[3]Littéralement : Génie (thần) de la muraille de la citadelle (thành) et du fossé (hoàng) qui l'entoure. Ces génies gardiens d'anciennes cités chinoises étaient apparus sous les Han. Le nom a été adopté par le village vietnamien qui est défendu par une haie de bambous et non par une muraille et un fossé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top