Chant cinquième : la discipline de Grandeur
Misérable, c'est bien ta passivité qui t'a réduit à l'esclavage ! Si seulement tu avais réfléchi et puis agi d'une façon conforme, tu n'en serais pas au mépris où tu te trouves ! Car tu hais innombrablement, et dans tous ceux que tu hais avec tant de ferveur et où tu te reconnais, tu te hais toi-même ! Pourtant tu as toujours su ce qu'est la Grandeur, n'ayant jamais rien fait pour y atteindre : et tu voudrais, à présent, que je ne t'humilie pas ?
Mais qu'importe ! qu'importe puisque tu t'en rends compte aujourd'hui ; comme je l'ai dit : il est temps. Tu peux accéder à la Grandeur, tu peux t'élever et devenir digne comme la lumière éclatante, ou tu peux demeurer obscur comme la bête affaiblie en son vil terrier. Pourtant, si tu étouffes en ton sein ce désir de rayons, renonce à jamais à être heureux et libre, et abdique tes rêves de gloire car tu ne vaux aucune de tes aspirations humaines. Tu es, alors, pareil au dormeur qui, poursuivi par un merveilleux et fascinant songe, se réveille, s'aperçoit de son pouvoir à le réaliser, mais qui, par confort, se décourage et refuse, préfère se plaindre, et choisit de s'assoupir de nouveau vers son bienheureux monde. Celui-ci, je le dis, ne mérite pas de vivre : qu'on lui offre tout aussi bien dès maintenant le sommeil éternel où il confine, puisqu'il n'est bon qu'à imposer le bruit de ses geignements inutiles et désenchanteurs qui, toujours, accompagnent son éveil, et ne font – ô plaintes lugubres et maudites ! – qu'inciter les autres au désespoir et à l'abandon.
Moi, je veux te montrer – et t'offrir – le moyen de faire ton œuvre comme les Grands. Pour cela, tu devras te conduire de manière tout autre, et intégrer avant tout l'idée fondamentale et nécessaire que l'admirable ne peut, même un moment, se départir de sa volonté d'être un exemple. Intègre, il l'est fermement et constamment, car dans la digne et difficile croisade qu'il s'est fixée il ne peut se résoudre à surseoir à être quelqu'un et à se décharger de son identité, par exemple en remettant à d'autres la direction de ses pensées et de ses actes. C'est pourquoi – ô peuple candide, attendri, trop confiant – je ne te demande pas d'obéir, mais plutôt, ainsi que l'oiseau migrateur revient toujours à sa meilleure contrée, de retourner toujours à ton propre jugement. Et pour cela, tu n'as pas d'autre choix que d'admettre la solitude comme le plus précieux des biens, et non plus comme un tourment qui te pèse. Car tu n'as, pour l'heure, que ton monde intérieur pour appui, et nul autre jugement n'est assez sûr pour te servir de guide : dis-toi donc que tu es seul inébranlable, et que le monde autour n'est peut-être qu'un odieux mensonge ; t'y fieras-tu ? Il n'y a, sans doute, qu'une unique manière de se consoler d'être seul, c'est de savoir que, selon la façon dont tu transmettras ton exemple, cette solitude étroite, dans cinq ou dans mille ans, se fondera dans l'admiration de toutes les solitudes d'alors qui environneront l'Homme.
Et tout d'abord, puisqu'avant d'être il te faut au préalable penser, ton premier devoir sera désormais d'expérimenter le monde : c'est par sa connaissance directe qu'à présent tu te forgeras tes avis. La limitation intellectuelle où tu t'es volontairement réduit dès l'achèvement de tes études est ta plus grande honte. Inutile de la nier : depuis quand n'as-tu pas interrogé quelqu'un sur un sujet inconnu ? L'humilité, tu le devines, a tout à voir avec la curiosité qui t'est nécessaire pour faire ton œuvre, car avant d'avoir une idée, il faut admettre que l'on ne sait pas : sinon pourquoi demander à être instruit ? Or, ton retard en la matière, tu dois, dès maintenant, t'efforcer de le combler : à quoi bon la feinte et l'hypocrisie, questionne plutôt le monde ! Cet art oublié est en vérité si simple que même l'enfant le maîtrise ; mais une pudeur inepte et délétère s'est substituée plus tard à la candeur juvénile pour nous persuader que méconnaître est honteux, mais c'est la dissimulation de l'ignorance et l'incuriosité à laquelle elle conduit qui blessent le plus notre intelligence et notre amour-propre. Sacrifie-toi, chaque fois que tu doutes, à l'aveu de ton incertitude : ce système, tu verras, ne te fera pas moins respecter des hommes, car tous en leur for admettent qu'ils en savent moins qu'ils ne le prétendent, et tous, se sachant jouer un rôle, mesurent la malhonnêteté des autres dont l'égale mascarade ne leur impose point. Mais ils aiment la sincérité, quoi qu'elle les étonne quand ils la trouvent et peut-être justement parce qu'ils ne la rencontrent guère, et bientôt renaît en eux la confiance car ils se disent : s'il avoue quand il ignore, c'est qu'il sait quand il affirme. Pour cette raison, tu constateras qu'on te questionnera davantage à mesure que tu confesseras ton ignorance ; c'est un paradoxe dont tu as déjà maintes fois fait l'expérience : n'est-ce pas, en effet, toujours celui qui sait se taire qui est le plus écouté ?
Ne doute pas que cette façon d'interroger pour former son esprit constitue la meilleure méthode pour devenir quelqu'un. Et rassure-toi : quand tu apprends, tu ne renonces pas, même provisoirement, à ton identité, mais seulement tu suspends sa résolution. Car l'apprenti, avant de savoir une chose, a délibérément choisi de chercher à la savoir : cette volonté préalable le faisait déjà quelqu'un, de sorte qu'avant d'être instruit du savoir qu'il ambitionne, il l'était déjà du goût même d'apprendre – tendance qui est peut-être la meilleure partie de l'homme, comme puissance la plus efficace pour le forcer à devenir plus grand.
Mais ce que j'ai écrit précédemment, lecteur, ne doit pas t'inciter à rendre toujours des avis laconiques et à faire ta principale satisfaction de l'édification des foules. À la fin même, tu n'éprouveras généralement plus nulle nécessité de t'exprimer à moins qu'on ne te sollicite : le plaisir, tu le sentiras, viendra d'ailleurs. Car le meilleur avantage ne consiste pas à mieux parler des choses que l'on a apprises, mais il réside dans le profit intérieur et sensible de se trouver renforcé et plus plein, de se respecter davantage, de se sentir moins seul avec soi-même. En outre, tu découvriras que la mémoire gagne beaucoup à cette curiosité systématique, et que ses progrès, rapidement perceptibles, adjoindront une qualité agréable à une profonde vertu.
Malheureusement, tu le sais, bien peu écoutent, tous gesticulent avant de rien savoir, et ils poussent les hauts cris avant même que d'être en état de comprendre ; leur entendement, souvent fermé, demeure incompétent à assurer sa fonction première : délibérer. Triste constat : les rouages de l'esprit sont souvent si automatiques en l'homme que son rôle généralement ne se limite qu'à des réactions... Pourtant, ne t'avise pas de penser – comme si tu étais protégé en quelque havre inaccessible – que les autres te sont d'une nature tout à fait étrangère, mais sers-toi de leurs insuffisances pour rester toujours comme aux aguets vis-à-vis de toi-même : leurs penchants sont les tiens, prends-y garde ! Et admets hautement ton erreur quand elle arrive, n'y résiste point comme ils font toujours, ne t'affermis pas dans une faute au prétexte que de moins bons que toi te l'ont remarquée : c'est chaque fois un mensonge que tu te ferais à toi-même et dont tu ne saurais bientôt plus te défausser, sur lequel tu voudrais asseoir encore d'autres malhonnêtetés. Tu demeures toujours toi-même si ton intégrité n'est pas atteinte : n'y fais pas entrer la mauvaise foi et le ressentiment ! Et qu'importe au fond le reproche : s'il est justifié, il suffira de t'en repentir ; s'il est malentendu, tu sauras le lever d'une vérité bien énoncée ; s'il n'est fondé que sur une susceptibilité, il n'est pas injuste encore : car tu n'avais pas prévu cette vexation, c'est donc toujours ta faute ! Quant à l'insolence, quant à la bêtise, quant au mépris que te rendront les hommes, si tu sais ce que ces derniers valent, le plus souvent tu n'en seras pas souillé. Et ta meilleure raison, surtout, de ne les pas craindre, c'est que tu ne redoutes pas d'être seul, ou bien aussitôt tu seras perdu.
Mais écoute encore ce secret, le plus propre à désarmer tout conflit que tu pourras rencontrer : si contre la réprimande l'argument agace et l'excuse fait pitié, il n'y a que l'aveu pour abîmer la colère. Tu les prendras de court à la façon dont ils t'écouteront non par ton vacarme mais par tes silences, car ils ont anticipé tes défenses et tes récriminations, ils savent de quelle vile matière est faite l'homme, eux-mêmes en useraient. Mais toi, tu les surprendras par l'humilité, l'obligeance et la tranquille sagesse où tu sauras te placer... à condition d'être sincère, car si jamais l'hypocrisie t'atteint, elle trouvera à coup sûr le moyen d'établir en toi son ancre noire et de ne jamais repartir.
Et entends ceci, courageux lecteur mais qui redoute encore le poids de sa mission : il ne s'agit pas, bien sûr, d'être infaillible, mais de tâcher toujours à être irréprochable. Parce que la constance de l'effort est la marque de toute conduite véritable et consciente : tu veux devenir ? Montre alors comme tu mènes ta vie, et non comme la vie te mène. C'est sur ce point qu'il te faut radicalement changer et te réformer, car tu es loin du compte : tu as oublié d'être, c'est-à-dire de penser et d'agir, seuls des réflexes te guident toujours selon ta situation. Mais il faut à présent, par cent ajustements, régler ton quotidien, pour ne pas y laisser les honteuses taches que tu prétends ignorer, et qui te salissent, et qui fondent toutes tes haines. Organise ton existence : cette rigueur élémentaire, menée sans trêve, t'obligera à recouvrer tes forces et à t'extirper de ta déchéance en retrouvant le goût de l'exigence, la soif de l'élévation, et le désir d'être Homme. Cette résolution en soi, comme aucune autre, ne suffit à elle-même, elle nécessite d'être éprouvée à toute heure, sans négligence, sans compromission, sans oubli. Et tu commenceras à grandir, lecteur opiniâtre, si déjà tu t'appliques aux exercices suivants :
- Commence par surveiller tes mots : le langage est le matériau de ton esprit, car même tes pensées sont articulées. Ne dis rien dont tu ne sois sûr, et, si tu ne l'es pas, demande au préalable à être informé : les questions les plus sincères sont toujours appréciées. Mais n'admets rien que tu ne puisses confirmer d'autre source, car les gens mentent ; plutôt que de leur accorder, suspends ton jugement, et garde en esprit ce que plus tard tu devras vérifier.
Et quand tu t'exprimeras, que ta parole soit juste : module habilement ta voix pour que ton élocution t'attire les conversations et le savoir ; use des termes exacts pour te forcer à apprendre le lexique du monde ; ne néglige aucune nuance pour que ton esprit se charge de subtilités et s'affine par l'habitude ; corrige s'il le faut celui dont la langue ment, abuse, simplifie ou défaille, pour que, craignant son manque d'indulgence en retour, tu sois plus vigilant vis-à-vis de toi-même. Veille surtout, avant de parler, à ce que ton avis serve dans la circonstance, et redoute l'ironie, ce mensonge malveillant qui fonde malentendu et désaccord, et fuis prétention et modestie qui masquent la vérité. Sache que tu peux être dur, intransigeant, féroce, hautain, écrasant, et même que tu dois l'être si tu veux être juste. Tout cela afin que, si l'on te dit : tu n'as pas bien parlé ou : tu as trop parlé, tu puisses te contenter de répondre : voici précisément ce que j'ai dit, n'est ce pas la vérité et la manière exacte ? qui donc prétend me le reprocher ?
Et qu'importe si ton langage ainsi soigné diffère de celui de la multitude qui bavarde sans finesse et t'écoute avec stupeur : pour l'heure, ton étrangeté sera le signe de ta rectitude. Toi-même, peux-tu entendre tant de négligences sans te sentir outré ? Bientôt tu ne le pourras plus. Aussi, pour te consoler du mépris et de la solitude où t'obligera la supériorité de ta langue et de ton esprit, songe qu'un jour, à ton exemple ou par l'effet de tes corrections, les foules elles-mêmes tâcheront de vaincre leur humiliation, car devenues moins nombreuses elles céderont à l'impulsion des quantités croissantes plus raisonnables et plus élevées : toi-même, ne t'efforces-tu pas de mieux parler au milieu d'un cercle de gens instruits ? Pour le moment et afin de moins céder à l'ennui, il faudrait seulement que tu fusses mieux entouré : mais est-ce possible là où tu vis ? Recherche toujours la compagnie des meilleurs pour t'en inspirer : ton dédain n'a de sens qui si tu t'efforces réellement de voler – parmi des courants plus hauts.
- De plus, sois fiable et constant, car comment exceller vraiment sans tâcher d'exceller toujours ? Que ta discipline soit ton guide uniforme ; même tes humeurs sont traîtresses si, ouvert un jour, tu te fermes le lendemain, car qu'arrivera-t-il si la vérité passe quand tu n'écoutes plus ? C'est pourquoi, afin que tu sois toujours en état de recevoir les enseignements du monde, nulle variation de tempérament ne doit dicter tes inclinations. Pour cela, par exemple, dors régulièrement et en suffisance, nourris-toi sans excès, ne te laisse influencer par nulle dépendance que ta curiosité, et même, apprends à reconnaître tes tendances pour en prévenir les excès, en identifiant les signes caractéristiques et annonciateurs de tes défaillances : partout où l'on se soumet à une puissance étrangère, on nuit à son identité ; et bien des gens ne sont pas même dignes d'être appelés hommes s'ils n'ont bu de bon matin trois ou quatre cafés pour se sentir exister. Que tout ceci te serve non seulement comme hygiène, mais comme esthétique et comme éthique, car il y a là tous les signes fiables d'une discipline de rigueur et d'une volonté de perfectionnement.
D'ailleurs, ce souci de te tenir constamment en éveil te hissera vers d'autres réussites : sans plus d'excuse pour rien négliger, tu deviendras peu à peu plus attentif à tout considérer. Tes vêtements, tes manières et ta figure ne te seront plus indifférents, et tu gagneras en courtoisie comme en élégance. Plus sain et plus robuste, ton organisme sera moins aisément atteint des maux ordinaires : ton esprit en sortira plus dégagé, et ton corps paraîtra plus beau. Aussi, comme tu n'auras plus de prétextes où reporter ton inexactitude, tu te feras ponctuel : cette vertu est plus révélatrice de la grandeur qu'on ne peut penser, car celui qui sait, sait aussi combien de temps lui prendront ses actions : non seulement il tâche à être irréprochable, mais aussi il ne se laisse ni distraire ni surprendre par rien : c'est donc, en effet, qu'il sait quantité de choses ! Tu vois bien que tu ne commettras pas d'erreurs superficielles si tu n'en commets pas de profondes : tu peux compter sur tous tes efforts intérieurs pour que tes qualités visibles se trouvent aussi renforcées.
- Enfin, sois vigilant à tout, et que ton intelligence demeure extrêmement sensible et active, aussi puissamment que tu le peux et même au-delà de ce que tu crois pouvoir, car tout est leçon. Ta pensée depuis trop longtemps se repose et sommeille, et tu ne fais plus que ce que tu sais faire, tu n'interviens plus que dans le cadre étroit de tes fonctions et spécialités, tâchant surtout d'ignorer ce qui te donne du mal : c'est le contraire de ce qu'il te faut et la voie de la paresse, un cercle d'abrutissement où tu te spécialises pour ton préjudice, car plus ta raison se contente de ce qu'elle a acquis, moins elle est efficace à appréhender l'étrange et le savoir nouveau. Ainsi, bien souvent tu régresses même quand tu t'instruis dans ton domaine de prédilection, parce qu'alors tu étends tes œillères et fermes ton esprit au reste de l'univers : les enseignements que tu reçois en effacent d'autres que tu négliges, que tu ignores, que tu oublies. Tu ne te flattes bientôt que de connaître à fond une seule chose, et tu n'es plus qu'une machine spécialisée : moi je veux que tu deviennes un Homme.
Et cet Homme véritable analyse et expérimente sans cesse. Cet effort le guide : il quête ce qui lui est le plus difficile et recherche généralement la proximité de ce qui le dépasse et a le plus de chance de l'élever. Même, l'absence d'effort lui sert d'alarme : il s'ennuie d'être à l'aise, il a besoin d'un autre matériau pour se contenter : il n'est heureux que lorsqu'il se sent peiner. S'il parle et sait trop bien ce qu'il doit dire et la façon dont il doit le dire, il hésite à parler, il se sent une marionnette privée d'âme, condamnée seulement à se répéter sans profit. S'il se trouve témoin d'une conversation où il n'a rien apprendre, il tâche alors d'en écouter simultanément plusieurs : il améliore ainsi sa capacité de concentration, et quelquefois, à force d'entraînement, il pourra en comprendre à la fois trois ou quatre tant les platitudes sont légions. La vie jamais ne lui est un moment perdu, un délassement inutile et vague, une vacance de la pensée. Souvent, quand il s'exprime à la multitude, il sait si bien ce qu'il doit prononcer à des esprits si faibles que pour se sentir travailler encore, il s'efforce de penser à autre chose, d'opérer d'autres calculs et réflexions en lui-même, sans rapport avec le sujet de sa parole, et il entrevoit ainsi le seuil de ses limites qu'il devra de nouveau repousser.
Cette façon te semble inhumaine et te fait peur, insuffisant lecteur, car tu es encore loin d'atteindre à de telles facultés, mais pour le moment tu peux au moins porter tes efforts là où tu te sais inférieur : dans quelque domaine qu'il s'agisse, ne te contente pas de te savoir incompétent, il n'y a nulle fatalité à cela, on ne naît pas idiot ou perspicace, quoi qu'en disent quelques imbéciles spécialisés pour se donner de l'excuse : si une femelle se résout à ne pas s'orienter, ou si un mâle se condamne à ne pouvoir cuire son œuf, c'est à désespérer du genre humain, mais par pitié, n'écoute pas leurs sottises ! Tu verras peu à peu que tu parviendras à faire et à penser ce que tu considérais naguère hors de portée, et les exemples que j'ai cités ne te paraîtront plus de si insaisissables exercices d'abstraction.
Mais tout ceci, encore, ne suffit pas, et cette ligne de conduite n'est pas exhaustive : tu peux suivre cette discipline, corriger méthodiquement ton comportement, et cependant n'être personne encore. Tout ce fondement en vérité ne sert qu'à t'empêcher d'être la proie des vices que tu déplores et que tu blâmes chez les autres, car puisque tu critiques leurs faiblesses, il faut toi-même que tu n'en aies aucune. Que ces règles soient pour toi des repères puissants sur lesquels ton attention incessamment se pose, car c'est la constance et non le courage qui te manque toujours : le plus souvent tu laisses aller ton bateau à la dérive, et tu n'es satisfait que pour constater que d'autres sont allés plus loin que toi dans n'importe quelle direction : de tels constats ne doivent pas te servir de consolation mais t'affermir dans ta volonté de surpasser ceux que tu abandonnes derrière toi au gré des hasards du courant et des vents. Mais toi, sache garder l'œil sur ton cap, bon sang ! et apprends à ne pas t'endormir ! Sans cela, tu es pareil à tous ces pauvres êtres qui feignent de vouloir résolument quelque chose et qui, au moindre prétexte, renoncent : faibles et ridicules ! que ce ne soit pas ton régime, à toi ! Mais ressemble plutôt au marin qui, à force d'efforts, progressivement accoutume son instinct à mesurer si le navire dévie ; capitaine, il n'aura plus aucun doute, il ne lui sera plus nul besoin de boussole : il sera devenu la boussole.
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