28 - Hockey et poulet frit
— Quel est ton film préféré ?
— Hmm... probablement Call me by your name.
— Ta couleur préférée ?
— Le violet.
— Ton plat préféré ?
— Le jajjangmyeon, mais j'aime aussi le poulet frit.
— J'avais remarqué.
Son sourire illuminait la pièce. Curtis était le plus mignon garçon que la terre ait porté. À part Jungkook, évidemment. Mais lui c'était différent, bien différent, il était ancré dans mes veines, gravé dans ma peau à tout jamais. Cependant, je devais reconnaître que jamais personne en dehors de Jungkook ne m'avait porté un intérêt si puissant.
— Est-ce que tu aimes les bijoux ?
— Euh... oui, pourquoi ?
Curtis attrapa ma main qu'il glissa dans la sienne, et entrelaça nos doigts.
— J'aimerais t'en offrir un jour. Mais ne t'inquiète pas, je sais que c'est trop tôt ! Je ne veux surtout pas te faire peur, ou te faire fuir... je... je suis si content que tu acceptes qu'on se voie un peu.
Mon cœur s'emballa. C'était puissant comme sentiment de se sentir désiré et aimé. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant. Il caressa le dos de ma main, et piocha un morceau de poulet dans le seau disposé entre nous. Je zappai sur la télévision, les pieds remontés sur le canapé.
— Et toi, ton film préféré ?
— Je dirais La cité des anges.
— Je ne connais pas, ça parle de quoi ?
Ses yeux s'illuminèrent subitement.
— Et si j'te le faisais découvrir ? On pourrait le regarder ensemble ?
Je laissai ma tête retomber sur le dossier du canapé. Curtis était malin, et il savait comment obtenir ce qu'il voulait. Le problème c'était que je me sentais redevable, mais que je ne savais pas jusqu'où ça me mènerait.
— D'accord.
Je l'observai se contenir de laisser exploser sa joie, et il embrassa ma main.
— Je vais y aller, je ne voudrais pas abuser de ta gentillesse. Tu dois sûrement être épuisé, et avoir le besoin de prendre tes marques.
Il était parfait, et c'en était encore plus déstabilisant.
— Oui, d'accord. À demain ?
— N'hésite pas à m'appeler en cas de besoin, je viendrais. Même si tu as juste besoin que quelqu'un reste avec toi, ou si tu as peur de dormir seul...
— C'est gentil.
J'avançai en direction de la sortie, et lui reculai. Il fixa mes lèvres un instant, et je retins ma respiration. J'avais peur qu'il m'embrasse, et qu'il efface les dernières traces de Jungkook sur mes lèvres.
— Bonne nuit.
— Bonne nuit, Curtis. Merci pour tout.
Je refermai la porte et m'adossai contre celle-ci en soupirant. Mon studio était petit, mais silencieux, et un instant, j'eus le besoin d'encore une once de tendresse. J'ouvris ma porte et frappai à celle d'à côté.
— Hyung ?
Jungkook était en sueur, son t-shirt collant à sa peau, un sandwich à la main.
— Est-ce que... tout va bien ? Tu es bien installé ?
— Oui ! Tu veux entrer ?
Il se décala, et j'hésitai.
— Je ne veux pas t'embêter.
— Dis pas de conneries ! railla-t-il en tirant sur mon sweat pour m'attirer à l'intérieur.
Il ouvrit le réfrigérateur et fouilla à l'intérieur pour en tirer une bouteille de jus d'orange.
— Tu veux un truc à boire ou à manger ?
— Non, merci.
— Curtis est parti ?
— O-oui, il... il vient de partir.
Jungkook s'appuya contre le meuble de la cuisine et me regarda avec un sourire en coin.
— Tu l'aimes bien, hein ?
Je me rembrunis. Non, c'est toi que j'aime bien, idiot !
Je passai mon doigt sur le meuble pour y inspecter la poussière.
— Il est gentil. Très serviable.
— Hyung, qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien. Je voulais juste te souhaiter une bonne nuit.
La ride sur son front s'accentua.
— Qu'est-ce que j'suis bête... souffla-t-il en se rapprochant de moi pour prendre mes mains. Tu as peur de dormir seul, c'est ça ? C'est... c'est le fait d'être revenu à Séoul ?
Je haussai les épaules.
— Peut-être.
— Laisse-moi dix minutes, je prends une douche et j'te rejoins.
— Mais j-
— Non, je ne te laisserai pas tout seul dans ton appartement si tu ne t'y sens pas à l'aise, hyung. Et ça prendra le temps que ça prendra, t'en fais pas.
— Heather est partie ?
— Oui, avec les autres... qu'est-ce que tu imaginais ?
Je me sentis bête.
— Rien.
Je l'abandonnai quelques instants et traînai les pieds jusqu'à ma chambre. J'étais un peu honteux de demander ça, Curtis s'était proposé pour rester dormir. Mais inévitablement, dormir avec Jungkook n'avait pas la même saveur. Lorsqu'il se glissa dans mon lit, je somnolai déjà. Je roulai sur le côté pour me lover contre lui et respirer l'odeur de son gel douche. Enfin, là, dans ce nouvel appartement, j'avais la sensation que nous étions un couple, et que nous démarrions une toute nouvelle vie.
**
Curtis était vraiment serviable, mais il entravait mes mouvements. Il venait me chercher après les cours, me raccompagnait à mon appartement, et la plupart du temps, je ne lui refusai pas l'entrée, ainsi que quelques moments supplémentaires ensemble. Mais trois semaines après mon retour à Séoul et ma réintégration à la fac, il m'offrait des fleurs presque toutes les semaines. Je refusais souvent ses propositions, et il se justifiait toujours en répétant qu'il attendrait que je sois prêt.
— On pourrait aller manger une glace dans la soirée ?
— Je dois travailler.
— Oh... est-ce que tu as besoin d'aide ?
— Non, ça ira, merci.
Je commençai à me tendre, mais je restai poli. Il me regarda avec émotion, et ça me chamboulait. Parce que je savais ce que c'était d'être amoureux de quelqu'un sans parvenir à obtenir ses faveurs. Je savais ce qu'on ressentait de désirer quelqu'un sans parvenir à le séduire. Il se pencha vers moi, et embrassa tendrement ma joue.
— Tu étais vraiment très beau, aujourd'hui...
— Ça signifie que les autres jours, je ne le suis pas ?
Son sourire s'étiola, et il déglutit. Je lui tapai amicalement sur l'épaule.
— Hey, je rigole !
— Oh, d'accord !
Il rit doucement, puis repris son sérieux.
— J'ai très envie de t'embrasser, tu sais... tout le temps. Mais je sais que ce n'est pas encore pour tout de suite. Si jamais tu en as envie, surtout ne te prive pas... j'en serais ravi.
— Très bien, je prends note.
— J'te laisse, j'ai entraînement de hockey demain.
J'acquiesçai et il caressa doucement ma joue avant de disparaître. J'entrai dans mon appartement et me servis un verre de coca, puis m'installai à mon bureau près de la fenêtre, et contre le mur qui jouxtait l'appartement de Jungkook. Je travaillai durant plusieurs heures, jusqu'à ce que mes yeux me brûlent et que je baille à m'en décrocher la mâchoire. Lorsque je relevai la tête, il était près de 3 heures du matin. Je traînai des pieds jusqu'à la cuisine pour attraper une pomme, et vins relire mes planches. Sauf que j'entendis des gloussements de l'autre côté du mur. Je relevai la tête. Je me raclai la gorge et repris mes croquis en tentant de les améliorer. J'avais inclus une peste blonde que Charlotte détestait plus que tout, car elle était devenue l'amie de sa meilleure amie. Mais brusquement, de nouveaux ricanements me parvinrent, étouffés par la cloison. Je me levai d'un bond et collai mon oreille contre le mur, mais n'entendis que le silence. Jungkook n'était pas seul ?
Bien décidé à percer le mystère, je récupérai un verre dans la cuisine et le collai contre le mur avant de poser mon oreille dessus et d'attendre que plusieurs minutes ne s'écoulent. J'entendis des voix, puis d'autres rires. Pris de panique, je fis trois grandes enjambées jusqu'à ma porte que j'ouvris à la volée, et frappai contre la porte voisine. Avant que je me rende compte de mon emportement, la silhouette de Jungkook se dessina dans l'entrée.
— Hyung ?
— Euh, salut...
J'entortillai mes doigts entre eux et me balançai sur mes jambes.
— Tu as besoin d'un truc ?
— De... du lait ! Tu as du lait ? J'en ai plus...
Il gloussa.
— Tu as besoin de lait à plus de 3 heures du matin ?
Je m'empourprai.
— Peut-être ?
Il se décala pour me laisser entrer, et fila dans la cuisine. Pendant qu'il farfouillait dans le réfrigérateur, j'aperçu une longue paire de jambes installées dans la canapé.
— Heather ?!
— Oh, salut, Tae !
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Jungkook me tendit une brique de lait.
— Elle est passée après son entraînement... y'a un problème ?
Je me rembrunis.
— Aucun !
— Tiens.
Il me tendit de nouveau la brique, mais je lui envoyai un regard mauvais, et rebroussai chemin. Il me poursuivit dans l'entrée, et attrapa mon bras.
— Taehyung, c'est quoi le problème ?!
Je grimaçai de fureur, incapable de retenir les mots acerbes qui me brûlaient les lèvres.
— Le problème, c'est cette nana en pleine nuit chez toi ! Vous gloussez comme des gamins !
— Et alors ? On est jeunes, demain je n'ai cours qu'à 11 heures...
Je plissai les yeux et serrai les poings.
— Je ne parviens pas à croire que tu ne comprends toujours rien !
Il semblait, en effet, complètement hors du coup.
— Comprendre quoi ?!
— Rien ! Tu fais chier !
Je lui claquai la porte au nez, essoufflé par les battements de mon cœur qui galopait dans ma poitrine. J'avais craqué, complètement éreinté par le travail accumulé sur ma bande dessinée, et l'attitude de Jungkook. À Noël, il m'avait pratiquement embrassé sur la terrasse de ce restaurant, et voilà qu'il fricotait à nouveau avec Heather comme lorsque nous avions 11 ans !
Je me laissai glisser le long de ma porte, et réalisai que pour la première fois depuis que nous étions adultes, que je faisais une crise de jalousie à Jungkook.
**
Les jours qui suivirent furent compliqués. J'étais de mauvaise humeur, fatigué de travailler jusqu'au milieu de la nuit sur mon projet, de revenir dessus, modifier, effacer lorsque de nouvelles idées germaient dans mon esprit. Jungkook frappa chez moi le vendredi soir, tout excité.
— Hyung ! Y'a une soirée ce soir avec différents départements, tu viens ?
— J'en sais rien... j'ai encore beaucoup de travail.
— Mais tu ne fais que travailler, en ce moment !
Je lui jetai un coup d'œil sombre, ma main accrochée au chambranle.
— C'est un peu le principe de la fac, Jungkook.
Sa ride se creusa, et il mordit sa lèvre.
— Je déteste quand tu m'appelles Jungkook.
Je ricanai doucement.
— Je viendrai peut-être.
Il s'accrocha à ma manche comme un enfant, avec un sourire doux.
— Allez !!! Y'aura tout le monde !
— Tout le monde ?
Est-ce que ça incluait la harpie ?
— Oui, Jimin et Hoseok, et Gisèle et Heather !
— Évidemment !
— Quoi ?
— Non, je disais, évidemment qu'il y aura tout le monde.
Je réfléchis un instant, et acquiesçai.
— Je viendrai !
— C'est vrai ?!
— Oui.
Il sautilla gaiement et me prit dans ses bras.
— Merci, hyung ! T'es le meilleur des hyungs.
Avant de refermer, ma voix résonna dans le couloir vide, et Jungkook se figea.
— Je viendrai avec Curtis !
Je vis ses épaules se tendre et il rongea l'ongle de son petit doigt. Touché.
**
— C'est vrai ?!! T'es sûr ?
— Oui, c'est bon... j'ai bossé d'arrache-pied toute la semaine.
— Alors je pars !
— T'as le temps, tu sais. Ce genre de soirée ne commence jamais avant au moins minuit.
— Non, non. Je serais là d'ici quinze minutes ! Je pourrais t'aider à choisir ta tenue !
Je m'allongeai dans le canapé, un début de sourire sur les lèvres. Je n'avais pas remis de robe ou de jupe depuis mon agression. Et si ça m'angoissait encore, l'idée était bien trop tentante. Je fermai les yeux un instant en me remémorant les mains de Jungkook sur mes hanches, et ses lèvres dans mon cou. Chaque fois que j'avais enfilé une tenue de femme, mon meilleur ami n'était pas resté insensible. Quelle serait sa réaction cette fois, alors qu'Heather était là ?
— D'accord... je t'attends.
Curtis arriva en effet pas plus de quinze minutes plus tard. J'avais à peine eu le temps de sortir quelques tenues qui m'inspiraient, et je le conduisis dans ma chambre.
— J'ai cette robe noire, mais je l'ai déjà portée.
— Et alors ?
J'avais envie de montrer à Jungkook une nouvelle facette de moi, j'hésitais simplement si je devais mettre le paquet, ou rester discret avec une pointe de féminité.
— J'aime beaucoup celle-ci.
Curtis désigna une robe rouge à bretelles absolument scandaleuse. Je l'avais acheté quelques jours avant mon agression, et je n'avais encore jamais eu la chance de la porter. Ce n'était pas tant la forme qui moulait mon corps à la perfection, que sa couleur carmin qui attirait l'œil.
— OK... alors je prends celle-là.
Ses yeux brillèrent d'émotion, et il se recula pas à pas, avant de quitter ma chambre pour me laisser de l'intimité.
La robe m'arrivait juste sous les fesses, et les bretelles étaient fines. Le tissu galbait la moindre de mes formes. J'ajoutai une fleur rouge dans mes cheveux, mon collier de perles et des hauts talons noirs à brides. Je me maquillai légèrement et ajoutai une touche de parfum et une pochette noire dans laquelle je glissai mon portable.
Lorsque je rejoignis Curtis dans l'entrée, sa mâchoire sembla se décrocher et ses yeux s'exorbitèrent.
— Bordel... souffla-t-il.
— Est-ce que je suis joli ?
Je tournoyai sur moi-même, et je le vis déglutir, avant qu'il se rapproche de moi et glisse avec appréhension, ses mains autour de ma taille.
— Tu es si beau... je n'ai jamais vu la perfection d'aussi près... je suis impressionné.
— Arrête ! soufflai-je en riant.
Il glissa ses lèvres sur ma joue et l'embrassa chastement, puis il se recula et me tendit sa main.
— Mademoiselle Kim...
Mon cœur s'arrêta et une boule se forma dans la gorge. Il était le premier à m'appeler mademoiselle. Je ne savais pas pourquoi ça bouleversait autant de choses en moi. Peut-être parce que je me sentais écouté et compris. Peut-être parce qu'il avait osé, avant Jungkook.
****
Mes kiwis !! Comment ça va ? 🥝
J'espère que ce chapitre vous a plu. 🥰
Je sais que beaucoup sont agacés que Jungkook ne comprenne rien, mais sachez que parfois, ce n'est pas évident d'accepter ce qui nous dépasse, d'affronter nos peurs. Parfois, on est un peu lâche, et il faut du temps. 🥴
À bientôt pour la suite ! 🤸🏻♀️
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