Je pénétrai dans l'appartement noyé sous un brouillard de fumée. La musique assourdissante battait jusque dans mes tempes, et mon cœur se calmait peu à peu de sa course folle. Dans l'ascenseur j'avais hésité, prêt à rebrousser chemin. Puis je m'étais revu avec la robe bleue à fleurs blanches. Je m'étais souvenu de ma béatitude lorsque j'avais porté une robe et que je m'étais regardé, du sentiment qui en avait découlé dans ma poitrine, et de cette envie d'assumer cette part de moi. Depuis toujours, je rêvais de pouvoir me vêtir avec ce que je désirais sans que le jugement des autres n'interfère. Aujourd'hui, c'était ma chance, mon moment. Il n'y aurait plus de rire, de moquerie parce que j'avais des boucles d'oreilles. J'avais d'ailleurs percé mes oreilles lors de notre arrivée à Séoul. Je portais de fins anneaux argentés assez discrets, mais ce soir, j'avais opté pour de faux diamants qui pendaient jusque dans mon cou. Tape à l'œil, extravagant. C'était tout ce que je souhaitais incarner. Et depuis mon entrée, les regards étaient rivés sur moi. Néanmoins, ils n'étaient pas moqueurs, loin de là, ils étaient admiratifs, étonnés.

Je me faufilai entre les corps moites et retrouvai une tête blonde accoudée au bar. L'appartement qui avait été loué pour l'occasion était gigantesque et occupait pratiquement tout le dernier étage de l'immeuble. Nous étions perchés au trente-deuxième étage, et les baies vitrées longeaient les murs, offrant une vue vertigineuse sur la ville.

— WAOOOUUUUH, Tae !!! Mais tu es incroyablement sexy !!! lâcha Jimin en ouvrant les yeux comme des billes.

J'affichai un sourire mutin.

— Merci... tu n'es pas mal non plus.

Mon index caressa le duvet de ses ailes blanches. Jimin incarnait un ange, et ce costume lui seyait à merveille. Nous discutâmes pendant un long moment, et même si je cherchai du regard la présence de Jungkook, je n'étais pas impatient de le trouver, car je redoutais sa réaction. Seule la sienne comptait vraiment. Alors un peu par lâcheté, je restai terré au bar avec Jimin, et enchaînai les verres, jusqu'à ce que ma vue se trouble et que ma tenue me tienne bien trop chaud.

— Viens danser !!! me hurla Gisèle par-dessus la musique.

Elle nous avait rejoints, et portait un costume de Catwoman. Sa combinaison de latex moulait outrageusement son corps, et son masque de chat couvrait son visage, laissant dépasser deux yeux félins d'un vert saisissant.

Enivré par l'alcool, la vue brouillée et le sourire béat, j'ondulai mes hanches au rythme de la musique en posant ma main sur la taille de Gisèle. Elle se rapprocha de moi, glissant ma cuisse entre les siennes, nos visages tout près l'un de l'autre. Je fermai les yeux, emporté par la musique sourde, et laissai ma tête tourner, tourner, tourner.

Lorsque j'ouvris les yeux, mes cheveux collaient à mon front, et j'avais un verre d'alcool à la main. Gisèle n'était plus là, mais un type la remplaçait. Il était de ma taille, épaules larges, yeux bleus, européen, et me sourit de façon aguicheuse en se léchant les lèvres.

Un instant, je sentis ma poitrine se réchauffer. C'était grisant de se sentir désirer pour la première fois de ma vie. J'étais enfin moi-même, enfin heureux. Je ne cachais plus rien, et en ce jour particulier où mes amis arboraient un masque, je n'en avais aucun.

— Hey... salut...

Son souffle chaud caressa mon visage, et il se rapprocha pour enserrer ma taille.

— C'est quoi, ton p'tit nom ?

Je gloussai niaisement, poussé par l'alcool et la désinhibition qui en découlait, lorsque mon regard croisa celui de Jungkook, un verre entre les mains et la bouche ouverte. Ses yeux semblaient exorbités, et Jimin sautillait autour de lui dans un nuage de paillettes. Il referma la bouche et son regard se durcit.

— Excuse-moi, répondis-je en me dégageant.

Avec une confiance en moi improbable et une arrogance certaine, je me déhanchai jusqu'à mon meilleur ami, mon corps frôlant celui des autres.

— Hey... lançai-je en arrivant à son niveau.

Il me détailla des pieds à la tête, son regard frôlant chaque courbe de mon corps dans une intimité presque sensuelle. Mon bas-ventre se contracta, et lorsque nos yeux se rencontrèrent, je notai le voile qui obstruait son regard. Il avait bu, et ses joues étaient rouges, ses cheveux collés par la chaleur ambiante.

Mon cœur ne cessait de tambouriner dans ma poitrine. Jungkook portait un costume de la casa de papel. Il portait une combinaison rouge, et le masque bien connu de la série était remonté sur le haut de sa tête. Il aurait pu porter n'importe quoi, que j'aurais été à ses pieds. Néanmoins, je refusai d'afficher mon trouble. Je voulais paraître sûr de moi pour une fois, être au centre de l'attention, le décontenancer, et visiblement, ça fonctionnait.

Je haussai un sourcil en le jaugeant.

— Tu n'étais pas censé être un diable ? Pour être raccord avec Jimin.

— Si... sisi, balbutia-t-il avec difficulté. Mais j'ai changé d'avis... c'était avec toi que je voulais faire un duo, pas avec lui. Et toi, t'es censé... être quoi ?

C'était le moment. Le moment de lui avouer que j'avais décidé d'assumer ma personnalité frivole et ma sexualité, aussi étrange soit-elle. J'attrapai son poignet, et l'emmenai avec moi au milieu des corps qui dansaient. Un sourire en coin, sans le lâcher du regard, je me rapprochai de lui, jusqu'à ce que nos visages soient aussi près que possible. Je glissai mes mains sur ses hanches, et posai mon menton sur son épaule en me mouvant doucement au rythme de la musique. Je le sentis se tendre, et ses mains s'accrocher à ma taille. Son souffle s'accéléra, et je me penchai à son oreille :

— Je ne suis personne d'autre que moi, Jungkook.

Il frémit, puis fronça les sourcils en souriant bêtement. L'alcool l'entraînait peu à peu, et je sentis que je devais faire vite, dans peu de temps, il serait si imbibé qu'il ne serait plus en état de comprendre quoi que ce soit. Ma fenêtre de tir n'était pas énorme, et je ne devais pas me foirer, je n'aurais pas d'autres chances de lui avouer de cette façon.

Je me reculai et tournai sur moi-même en levant les bras au-dessus de ma tête dans des ondulations lascives. Ses pupilles se dilatèrent et ses joues virèrent au carmin, avant qu'il ne détourne les yeux. Je me rapprochai à nouveau, mon corps collé au sien, et ris moi aussi. J'étais ivre.

— Enchanté, Jeon... tu as devant toi le vrai Taehyung... est-ce que ça te plaît... ? murmurai-je, le visage dans son cou.

Il agrippa de nouveau mes hanches, et colla outrageusement nos corps l'un à l'autre, sa main remontant dans mon dos, jusqu'à ma nuque.

— Tu es incroyable ce soir, souffla-t-il contre ma mâchoire.

Son regard fixa mes lèvres, et je me sentis fébrile. Je mourrai d'envie de les sceller, là, tout de suite, et de l'embrasser à en perdre haleine. Je voulais que nos corps s'unissent, qu'il prenne possession de mon intimité. Bien que je sois toujours vierge, je ressentais une attirance inimaginable pour lui. C'était comme si toute l'attirance que j'avais pour lui depuis des années ressortait ce soir pour nous exploser au visage.

— Tu l'es plus encore... comme toujours.

Nous dansâmes durant un long moment, son visage dans mon cou et ses lèvres frôlant ma peau. Ses mains restèrent vissées à ma taille comme s'il refusait que je m'éloigne, et il ferma les yeux. Le monde autour de nous n'existait plus, jusqu'à ce que Jimin nous apporte des boissons. J'étais si bien, comme dans du coton. Je saisis le verre, et l'avalai d'une traite sous le regard gourmand de mon meilleur ami qui me contempla boire, le regard intensément fixé sur ma glotte qui montait et descendait. Puis il fixa mes lèvres recouvertes de cocktail sucré, et passa son pouce dessus pour le lécher. Une chaleur liquide se déversa dans mon bas-ventre.

— Jungkook, tu m'accordes une danse ?

Mon regard bifurqua sur une blonde en tenue de soubrette, et je me tendis.

— Bien sûr Sun-Hee, répondit Jungkook.

Pardon ?!

Il me relâcha, et enlaça l'étudiante qui enroula ses bras autour de son cou. Ils dansèrent un slow, collés l'un à l'autre, et un instant, je revis le fantôme d'Heather planer au-dessus de ma tête. Mon cœur se serra, et ma mâchoire se contracta. Je me tournai à la recherche du type aux yeux bleus. Accoudé au bar, il sirotait une bière dans son costume de hockeyeur. J'avançai à grandes enjambées, donnant des coups d'épaule autour de moi, hors de colère, et me plantai devant lui. Son regard caressa mon corps, et il sourit.

— Tu danses ? demandai-je de façon agressive.

— Tout ce que tu voudras...

— Contente-toi de danser, et de rendre ce type, dis-je en pointant Jungkook du doigt, mort de jalousie.

— Petit ami ? demanda-t-il les mains déjà calées sur mes hanches.

— Meilleur ami...

— Hétéro ?

— Hétéro à dix mille pour cent.

— Tu mérites mieux... me souffla-t-il en effleurant mes lèvres.

— À cet instant, je mérite surtout à boire.

— À tes ordres...

Il se tourna, commanda quelque chose dont j'ignorai le contenu, et me tendit le verre que je saisis en l'avalant cul-sec.

— Belle descente, commenta-t-il.

Je l'ignorai et l'attirai au centre de la piste, puis lui tournai le dos pour frotter mes fesses contre son entrejambe.

— Tu comptes me rendre dingue ?

Je ricanai, et il posa ses mains sur ma taille en expirant lourdement, puis il colla son torse à mon dos, et glissa ses lèvres dans mon cou. Je ne l'arrêtai pas, trop enivré et trop blessé pour que ma colère se calme. J'avais besoin de faire quelque chose de stupide pour me rendre intéressant, pour oublier qu'après ma révélation, Jungkook avait préféré danser avec une pute en collant, plutôt qu'avec moi. Il savait tout de moi, à quel point j'avais souffert, ce que j'avais enduré, et à quel point j'avais pu me détester. Et si j'allais mieux, je n'entrerai jamais dans aucune case. Alors j'attendais de lui un minium de considération et de soutien. Mais peut-être était-ce trop demandé.

Je sentis ses lèvres aspirer ma peau, et je fermai les yeux pour me laisser emporter dans le tourbillon d'émotions qui m'était offert. Lorsqu'enfin je fis face aux yeux bleu glacier, son regard parla pour lui. Plus loin, Jungkook capta mon attention, et lâcha la soubrette pour l'écarter à quelques mètres. Il fronça les sourcils et son air se fit plus menaçant.

— Putain, tu sens bon... souffla le type dans mon cou.

Je souris, et il caressa ma mâchoire, avant de se jeter sur mes lèvres.

Jungkook aurait dû être le premier. Il était le seul que j'aimais comme un fou, et j'avais rêvé de l'embrasser depuis mes 5 ans. Il était mon prince, mon meilleur ami, mon confident. Celui avec qui j'aimais regarder les étoiles sur la plage de Busan. Pourtant, ce n'était pas sa langue qui caressait la mienne ni ses lèvres qui glissaient contre les miennes. J'avais tout raté, et je m'en voulais. Pourtant, je sentais toujours cette contrariété, ce besoin viscéral de lui faire mal, de le faire réagir.

Les mains du type glissèrent sous mes fesses, et une main s'abattit contre mon épaule pour me tirer vers l'arrière.

— Non, mais je peux savoir ce que tu fabriques ?! gronda Jungkook hors de colère.

Je n'eus le temps de rien que je fus secoué comme un prunier et tiré hors de la piste. Les yeux bleus me suivirent, et m'arrêtèrent pour enserrer mon poignet.

— T'as un nom ? Un numéro ?

Jungkook repoussa son torse de façon véhémente.

— Il n'a rien de tout ça !

Les yeux bleus restèrent cois, tandis que Jungkook me poussait vers la sortie. Il avait ôté le haut de sa combinaison et s'emmêla les pieds dans les manches en manquant de tomber. Il fulmina et me repoussa dans le couloir jusqu'à l'ascenseur tandis que je gloussai, encore aux prises de l'alcool. Une fois à l'intérieur, il se colla contre la paroi, les bras croisés, et m'envoya un regard noir.

— Détends-toi, pourquoi tu t'énerves comme ça ?! T'es jaloux ou quoi ?

Il poussa sa langue contre sa joue, et sembla encore plus énervé que précédemment. Il me poussa à l'extérieur si fort que je manquai de tomber. Mon sourire s'étiola lorsque je réalisai à quel point il m'en voulait.

— Kook...

— Ta gueule ! Tu crois peut-être que c'était drôle ?! Tu t'es humilié, Taehyung ! Regarde-toi !!!

Je baissai les yeux sur ma tenue. Mes collants déchirés, et ma jupe si courte que je sentais l'air me fouetter les fesses. Sur ma droite, la devanture d'une boutique me renvoya mon pitoyable reflet. Mon rouge à lèvres était étalé autour de ma bouche, et mon mascara avait coulé sous mes yeux. On aurait dit une prostituée en fin de soirée. Je me fis honte, et baissai les yeux sur mes pieds. Lorsque je relevai les yeux, je fus foudroyé par le regard que me lançait mon meilleur ami.

— Kook, j-

— Non ! me coupa-t-il. Je suis déçu...

Il fit quelques pas en rond, tout en se tenant la tête entre les mains, le souffle entrecoupé. Il me faisait presque peur de cette façon. Je ne comprenais pas ce qui pouvait bien lui traverser l'esprit. Puis il s'immobilisa, et me toisa avec répulsion.

— Tu me dégoûtes. Va-t'en.

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Coucou mes kiwis !!! 🥝

J'espère que vous allez bien. 🥰

Bon, apparemment, petit choc pour notre Jk. Vivement vendredi pour la suite, non ? 🤨🥴😵‍💫🤐🤭

Bisous ! 🤸🏻‍♀️