2. Étoiles filantes
Comté de Haliburton,
Ontario, Canada.
19 juin 2062, à 11:04.
— Bordel, Vee !
Combien de fois t'a-t-on répété de ne pas parler à cette vieille folle ? lui rappelle son père sur un ton de reproche.
— Des centaines, soupire la concernée. Mais pourquoi est-ce que vous le pouvez tous, sauf moi ? Même Keegan est autorisé ! Explique-moi !
— C'est peut-être parce que je ne suis pas aussi naïf que toi, petite sœur, et que je ne crois pas tout ce qu'elle dit, rigole-t-il en passant devant celle-ci, comme par provocation.
Vee sait qu'il n'est pas dans le mensonge, puisqu'il est vrai que la vieille dame l'a effrayée. Mais jamais elle ne laisserait paraître ses faiblesses devant quelqu'un d'autre que ses parents, et encore moins devant son frère qui, pour elle, est un exemple de courage et de détermination. Ses paroles lui réservèrent donc une gifle bien méritée derrière la tête. Alors qu'il échappe un faible « aïe », leur mère, en riant, lance un avertissement :
— Venus, tu sais que tu n'as pas le droit de frapper ton frère.
— Désolée, répond-elle avec un sourire en coin, feignant un air penaud.
à 22:19.
Alors qu'elle s'est décidée à retourner dans sa chambre, il fait nuit. Adorant peindre les étoiles, Venus se dirige vers son balcon avec son chevalet, une toile et quelques pinceaux en mains. Après avoir laissé entrouvertes les grandes portes de verre laissant ainsi l'air frais pénétrer dans sa chambre, elle dépose son matériel à ses pieds et commence son œuvre.
Vee, il y a longtemps de cela, a acquis une passion sans limite envers l'observation du ciel, des étoiles, des planètes, et de l'univers qui l'entoure. Cette fameuse passion lui vient de sa mère. Étant jeune, celle-ci rêvait de devenir une grande astronome. Ses parents, soit les grands-parents de Venus, n'ont quant à eux pas cru qu'elle aurait pu faire fortune dans un tel métier qu'ils estimaient être un futile passe-temps sans intérêt. Ils ont donc refusé qu'elle poursuive ses études, l'obligeant ainsi à abandonner son seul et unique but.
Malgré cela, depuis que Vee est toute petite, sa mère a toujours aimé utiliser son temps libre pour être avec elle. Elle pouvait passer des minutes et même des heures entières à lui nommer les différentes étoiles et constellations peuplant leur système solaire. Ayant pris goût à regarder l'espace de ses petits yeux souvent plongés dans l'oculaire d'un télescope, Venus a choisi de combiner les deux choses qu'elle adore : les arts et l'astronomie.
C'est pourquoi, à environ vingt-deux heures trente, elle est là, seule avec sa musique, sa peinture et ses pinceaux. Debout devant son chevalet, sur son balcon, elle à hume la fraicheur de la nuit qui lui fait hérisser les poils de temps à autres.
— P'tite sœur ? murmure son frère en entrant puis en fermant la porte de la chambre.
— Je suis ici, répond Vee.
— Je pensais que tu dormais... Finalement, tu peins encore, à ce que je vois.
— Encore, ouais, comme toujours, rit-elle.
Un silence s'installe ensuite. On aurait dit que les deux voulaient parler, mais sans trop savoir par où commencer. Aucun n'ose se lancer.
Après l'avoir rejointe, Keegan poursuit enfin :
— Dis... T'y a cru, toi, à ce que la voisine a dit ? Tu crois qu'on devrait s'enfuir loin d'ici ?
— Elle m'a un peu rendue confuse, avoue Venus. Je ne sais plus du tout quoi penser.
— En même temps, le gars du casino a sûrement juste perdu les pédales après avoir pris un verre de trop.
— Ou il était fou comme la vieille Walden, se moque sa sœur.
Les jeunes se mirent à rire en chœur, en oubliant tout ce qui s'est passé dans la journée. Ce sont les genres de choses inoubliables qu'ils font ensemble, si minimes soient-elles mais si importantes à leurs yeux.
Alors qu'il commence à pointer le ciel, Keegan s'exclame :
— Fais un vœux, sœurette ! C'est une étoile filante, regarde !
Sa frangine observe dans la direction qu'il lui indique en pensant apercevoir l'une des plus belles choses qui lui ait été donnée de voir dans sa journée. Mais en plissant légèrement les yeux, elle remarque quelque chose d'anormal : le météore va à une vitesse étrangement lente, et ne laisse pas cette traînée lumineuse habituelle derrière lui.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? demande-t-elle d'un air intrigué.
— Quoi ? répond son frère, perplexe.
Sans même lui répondre, Venus court hors de sa chambre et se dépêche d'aller voir sa mère.
— Mom ! Viens voir ça, dehors ! dit-elle en empoignant le bras de sa mère et en se ruant à l'extérieur.
— Calme-toi, ma belle. Qu'y a-t-il ? questionne la femme en passant par la porte d'entrée.
Sans prononcer un seul mot de plus, sa fille désigne le ciel et ce petit objet qui avance dans celui-ci. Sa mère, ayant compris ce qu'elle voulait insinuer, lui répondit immédiatement :
— Je n'ai jamais vu quelque chose de semblable. Tu sais probablement déjà que le point est bien trop lent pour être une étoile filante et qu'il ne laisse pas cette trace blanche derrière. Mais si on observe plus attentivement, on peut voir qu'il est aussi trop gros, et qu'il est légèrement argenté.
— Qu'est-ce que c'est, alors ? Un avion ? Un hélicoptère ?
— J'en ai aucune idée, mais ce n'est rien de tout ça, désolée de ne pas pouvoir t'aider, conclut-elle avant de retourner à l'intérieur.
Vee, qui avait finalement commencé à croire que cette histoire de casino était du n'importe quoi, se remet à en douter. Sans trop savoir comment, elle est persuadée que tout est lié. Elle veut définitivement en parler avec ses amis, au lycée. Peut-être qu'ils la croiront, lui donnant l'impression qu'elle est plus lucide. Peut-être que ce sera le contraire, mais qu'ils sauront expliquer ces phénomènes. Quoi qu'il en soit, Venus doit en parler à quelqu'un, et à n'importe qui.
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