"- Présentez vous mademoiselle.
- je m'appelle Lise, j'ai 13 ans, je v...
- Au tableau voyons ! Êtes vous donc si fainéante pour ne même pas vous lever de votre chaise ?"

Non, juste peut-être un peu trop timide.
Je ne connais personne, et d'ailleurs je ne sais pas si j'ai vraiment envie de connaître toutes ces paires d'yeux qui m'analysent d'un air amusé.
Mais je ne me plaindrai pas, ce nouveau prof de physique ( et prof principal ) ne m'a pas fait fait de réflexions quant à mon nom : Vacher... Qui à donné vie à pleins de petits surnoms du genre "grosse vache", "la génisse"...
Bref, c'est un bon départ.
Une fille aux traits fins et aux petits yeux vicieux chuchote à l'oreille d'un grand garçon dont rien que la carrure impose le respect.
Je préfère ne pas savoir ce qu'elle lui raconte étant donné la façon dont elle me regarde ( si on peut appeler ça regarder ).
Et lui là, qu'est-ce qu'il a à me détailler comme ça, il essaye de compter mes boutons ?
Si c'est un concours, pas besoin d'être élite en maths pour voir qu'il en a carrément plus que moi.
Je dois certainement le regarder bizarrement car il me souri.
Sincère ou sarcasme ?
Non non jeune homme, je ne compte pas tes boutons !

"- Vous comptez vous lever un jour ou désirez vous rester anonyme ?"

Je ne suis pas anonyme tête de chou, ne vois tu pas que mon nom et plus exactement les embryons de mes futurs surnoms sont déja sur toutes les lèvres ?
Bon j'y vais...

"- je m'appelle lise, j'ai 13 ans, je viens de Strabourg, je suis en train d'emménager dans le cartier, j'aime plein de choses et je déteste les cons."

Oups, ça m'a échappé !
Toute la classe est bidonnée de rire, le prof est entre la décomposition et la momification, c'est flippant !
En ce grand moment de solitude, je ne sais pas comment interpréter ni l'explosion de la classe hilare, ni le mutisme du prof qui semble finalement avoir opté pour la momification.
J'y peux rien s'il se sens visé !
A ce moment là une détonation des plus violentes retenti, le prof a frappé son bureau ( le pauvre ), je ne sais pas avec quoi, mais le bruit a fait s'arrêter toute la classe d'un seul souffle.
Mr.Momie ( moi aussi j'ai de l'inspiration en terme de surnoms ) a pris un air sévère, ça m'irais bien tient, d'avoir une heure de colle le jours de la rentrée !
J'aurais sans doute pour punition d'écrire 100 fois " Je ne dis pas les mots "cons", "débile", "couillon", ou "connard" ".
J'aurais peut-être cependant le droit ( avec un accord parental ) de dire " Personne dont le niveau d'intelligence ne dépasse pas celui d'un lombric (hé hé mot savant pour dire ver de terre ), et dont le degré de méchanceté est l'apogée d'un démon ! ".
Bref, un con.
Le prof s'apprête à prononcer ma sentence, juste pour avoir exprimé mes goûts, et juste pour avoir employé un mot simple, court, et utile !

"- Mademoiselle vacher, allez vous assoir."

Le ton est sec et sans appel, je vais m'assoire.
Pas de punition ?
Ooh ma vie est formidable !
Une fille aux cheveux châtains avec une robe à carreaux rouges et blancs qui la fait ressembler à un sucre d'orge m'adresse un clin d'oeil, et un pouce levé du style "classe, ton entrée" .
Mouais bof, je m'en serais passée de cette entrée.

"Drriiiing"

Ah ce doux et aigre son de cornichon qui annonce la fin du supplice ( malheureusement seulement temporairement ) !
Je sors, il faut que j'étudie ma nouvelle cour : un abri à vélos ( zone à conneries des petits malfrats ), des toilettes ( zone salon de beauté de ces dames ), des gradins ( présentoir de poulets rôtis, ou zone de drague préférée des grands mâles dominants ), un terrain de foot (scène pour les parades nuptiales des grands mâles ), et enfin des bancs à l'ombre des arbres dans les recoins de la cour ( zone des "livrovores").
Je me dirige vers un banc, je n'affectionne pas particulièrement ce coin ni ses occupants, mais c'est là où la population reste la plus fréquentable.
Voilà, mon délicat fessier est posé sur cette petite place que le soleil m'a gentiement chauffée.
Je me dis que l'année commence bien, et que cette nouvelle petite vie ( où visiblement les éléments s'acharnent toujours contre moi ) sera drôlement merdique ( ça promet ).
Bref, petite Lise que je suis, ce n'est que le début : Bienvenue dans ma vie.