84. LA VOIX DU SANG

Il n'y a rien qui te dégrise aussi vite que le clic sec d'une arme à quelques centimètres de ton crâne.

Peu importe si c'est pas toi qu'elle vise, car dans cette fraction de seconde où t'es pas certaine si une balle arrive dans ta direction, ton sang se transforme en liquide cryogénique, votre cerveau se réinitialise et ton rythme cardiaque passe de mille à zéro, et de nouveau à mille.

"Sérieusement Em," répète Juan. Les trois mecs disparaissent au coin de la rue et il baisse lentement son arme. "Qu'est-ce qui t'es passé par le crâne pour te barrer comme ça ?"

Je baisse la tête de honte, et je fixe mes pieds sales et nus. Mes épaules se contractent et mon regard sursaute chaque fois qu'il agite un peu son arme.

"Euh, rien du tout, je crois," je bégaye.

"Tu parles," il s'écrie. "C'était quoi ton plan ? Sniffer une ligne de coke, assassiner Pablo et foutre le camp à deux heures du matin, toute seule, avec tes talons de strip-teaseuse et ta robe qui fait la taille d'une serviette de bain ?"

"J'ai assassiné Pablo ?"

"Peut-être, j'en sais rien," gueule Juan. "J'ai pas traîné là-bas assez longtemps pour savoir, je suis parti juste après toi. Ça fait une heure que je te cherche, une putain d'heure, Em. Ils doivent savoir que t'es partie maintenant."

"Je suis pas partie loin," je marmonne, encore un peu déçue de ne pas être allée au-delà des trois pâtés de maisons autour du club.

"Ouais, bah Dieu merci," il grommelle, et ses doigts s'enfoncent dans mon épaule. "On devrait pouvoir retourner là-bas avant que tout parte en couilles."

Il fait un pas en avant, et je ne le suis pas.

"Allez, Em," il soupire. "Viens, on y va, avant que ces putains d'enfoirés reviennent."

Le collier d'Ana attrappe une larme brûlante qui roule le long de ma gorge.

"Qu'est-ce qui t'arrive maintenant ?" souffle Juan en se retournant.

"C'est tout ?" je dis, suffoquant sur mes mots douloureux. "Tu vas juste me ramener auprès de Pablo ?"

Ses lèvres s'entrouvrent pour laisser échapper un soupir désespéré, et il hausse lentement les épaules.

"T'es vraiment une pauvre merde," je crache.

Les sourcils de Juan se froncent et sa mâchoire se serre. Il pince la boule dans sa gorge avec deux doigts, et se frotte nerveusement le coude de l'autre main.

"Te ramener à lui, c'est la dernière chose que j'ai envie de faire, Em," murmure-t-il, et sa voix s'adoucit avec chaque mot. "Crois-moi."

Je secoue la tête. "Je crois plus rien de ce que tu me dis."

"Donne-moi une bonne idée," il me dit. "Un plan qui peut pas échouer, ou on peut se faire choper et finir pires que si on était juste rentré et fait semblant que t'avais pas essayé de t'enfuir. Donne-moi une idée et je le ferai. Je le ferai tout de suite."

Mes épaules s'affaissent et ma grimace provocatrice devient vite une moue dépitée.

"Je sais pas. Mes idées, elles marchent jamais de toute façon," je grogne, évacuant ma frustration sur une pauvre pierre, dans laquelle je fous un grand coup de pied.

Juan lève un sourcil, pendant que je secoue ma jambe pour atténuer la douleur intense qui palpite au bout de mes orteils.

"Réfléchis, Em," insiste-t-il. "Tu trouves toujours quelque chose."

Son ton est sec, à mi-chemin entre l'exigence et la pure agressivité. Je sais pas s'il se fout de moi ou s'il est juste désespéré. J'essaie de penser à un plan, mais j'ai l'esprit flou. L'expression confuse sur le visage de Juan me distrait trop.

Il tape du pied, danse d'une jambe sur l'autre, tout en se mordillant sans relâche la lèvre inférieure. Il répond à mon silence par un soupir bestial, juste avant de m'attraper par le bras et de m'emmener.

"Attendez, on va où ?" je lui demande.

Plus je peine à suivre son rythme, plus il marche vite. Je finis par m'agripper à sa veste pour ne pas tomber en trébuchant sur mes propres pieds.

"Ma voiture est garée à quelques rues d'ici," il dit. "T'as ton passeport sur toi ?"

"Quoi, en boîte ?" je ricane.

"Il est où ?" il demande, toujours fonçant droit devant. "Tu l'as laissé à la finca ?"

"Je crois qu'il est enfermé dans un bureau chez Pablo," je marmonne.

Le gravier crisse sous ses chaussures lorsqu'il s'arrête brusquement, et pivote sur ses talons. Il lève les yeux vers le ciel nocturne comme s'il cherchait des réponses parmi les étoiles.

"Merde," il siffle. "Tu sais, je connais un gars. Je pourrais t'en faire faire un autre. Et puis je pourrais lui demander un faux pour moi aussi, ça serait plus dur pour Pablo de nous retrouver."

"Ça prendrait combien de temps ?"

"Une semaine ou deux. Trois, grand max. Je suis pas sûr."

"Qu'est-ce qu'on va faire pendant trois semaines ?" je gémis "Courir dans tous les sens en espérant qu'ils nous rattrapent pas ?

"J'ai des amis qui peuvent te cacher," il répond, l'air confiant. "Ils vont te garder en sécurité."

"À l'abri de Pablo, ou vraiment en sécurité ?" je marmonne.

Juan fronce les sourcils. "Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"C'est des gens bien ou non ?"

J'ai appris à mes dépens qu'il y a beaucoup de gens dans ce monde qui sont tout aussi mauvais que Pablo, si ce n'est pire. Et Juan et moi, on vient tout juste d'assister à un rappel douloureux de ce fait.

Ça m'étonnerait que Juan connaisse beaucoup de gens bien. Si le nom de Sandoval suscite la peur dans le cœur des gens normaux, comme il me l'a dit il y a pas si longtemps, alors il y a de fortes chances que je finisse par partager une chambre avec une autre bande de criminels. Et je préfère autant rester avec le démon que je connais.

Juan ne répond pas à ma question. Pas directement, du moins.

"Je peux te réserver une chambre d'hôtel," il dit. "T'as qu'à rester cachée, et moi je reviens ici, comme ça ça faussera les pistes. Dès que j'aurais les passeports, je viendrai te chercher et on pourra quitter le pays."

Il sort ses clés de sa poche et les feux arrière de sa voiture clignotent à l'autre bout de la rue.

Il continue à marcher et moi, je ralentis. J'aime pas trop être enfermée dans des pièces. J'ai déjà fait l'expérience, pendant trois semaines et même plus, et à chaque fois, j'ai laissé une grande partie de ma santé mentale coincée pour toujours entre quatre murs.

Même si cette fois, Juan serait mon ravisseur, et même si je suis sûre à quatre-vingt-dix-neuf pour cent qu'il me ferait jamais de mal, je vivrais dans la peur constante que les hommes de Pablo puissent me retrouver.

Peut-être que je pourrais survivre comme ça pendant trois semaines, avec beaucoup de méditation, des respirations carrées et un minibar bien rempli. Et encore, c'est en supposant que Juan a raison, et que ça prendrait pas plus de trois semaines. Mais Juan n'a pas toujours raison.

"Ça te va ?" il demande.

Je hausse les épaules. "Tant que les murs sont pas peints couleur lavande, ça devrait aller."

"Ça sera une belle chambre. La meilleure suite d'un hôtel cinq étoiles. Je sais déjà lequel. Ils ont un room service incroyable, donc t'auras même pas besoin de sortir pour trouver de quoi manger," il déclare avec un sourire. "Je vais te passer la carte de crédit de mon père, comme ça t'as pas besoin de t'inquiéter de combien tu dépenses."

"La carte de crédit de ton père ? Il vérifie jamais son compte en banque ?"

Les joues de Juan virent au rouge. "Je, euh... j'ai pas beaucoup d'argent dans le mien."

Il ouvre la portière côté passager et je m'assois sur le siège. Je sais déjà que c'est une idée de merde, mais j'arrive pas à trouver quelque chose de radicalement mieux.

"Je vais devoir me planquer dans un hôtel moins cher, alors," je lui dis.

Il me regarde en silence, son cul planant au-dessus du siège du conducteur et ses clés frottant le contact.

"Tu crois que ça ira ?" il murmure.

Je lui souris. "Tant que tu me sors d'ici."

Juan laisse échapper un rire haletant, coupé à mi-chemin par le doux baiser qu'il laisse sur mes lèvres.

"T'auras assez d'argent pour acheter des billets d'avion, au moins ?" je lui demande.

Il secoue la tête. "On peut pas prendre l'avion. D'ici là que ton passeport soit prêt, Pablo aura des hommes dans tous les aéroports du pays. On va devoir traverser la frontière à pied."

"Et tu penses pas qu'il aura des hommes à chaque frontière terrestre ?"

"Il peut pas tout surveiller," marmonne-t-il, tandis que sa voix impatiente ralentissait. "C'est... long, une frontière."

"Ça serait pas plus prudent qu'on fasse tout ça, moins la partie où je me cache dans un hôtel pendant quelques semaines ?" je suggère. "Et on retourne au club maintenant, avant que quelqu'un remarque."

Juan baisse les yeux vers sa montre. "Ça fait quarante-cinq minutes que t'as disparu. Je pense qu'ils ont déjà remarqué."

"C'est pas si long que ça," je murmure, mais je ne sais pas si moi-même j'y crois. "Je crois qu'on a de meilleures chances si je reste à la finca pendant qu'on attend le passeport. Ça nous donnera une longueur d'avance pour aller à la frontière."

"La lune de miel en a que pour une semaine de plus, Em," répond Juan. "Et après, tu seras de retour chez Pablo, avec sa putai d'armée de gardes, où c'est impossible de passer sa sécurité."

"C'est pas impossible, t'étais juste pas là pour venir me chercher," je rétorque.

Je pince les lèvres et Juan fait de même. Le chagrin tord ses traits et ses yeux commencent à briller dans la faible lueur orange du réverbère d'à côté.

"Pourquoi tu penses toujours que je vais te laisser tomber ?" il murmure.

"Parce que tu l'as déjà fait."

Il lâche un soupir. "S'échapper d'un cartel, c'est pas aussi facile que faire le mur pour aller en soirée, tu sais."

"Je sais," je déglutis. "C'est juste–des fois, j'ai du mal à t'imaginer abandonner ta vie, ton argent et ta famille juste pour être avec moi."

"Quoi, une bande de connards et leur argent sale ?" il ricane. "Tu vaux plus que ça. Même si partir, ça veut dire vivre que d'amour et d'eau tiède pour le reste de ma vie, je préfère être avec toi."

Je le regarde, un sourire timide sur mes lèvres. "Promets-moi que tu vas pas me lâcher cette fois-ci."

"Je te le promets."

Il lève son petit doigt, que j'écrase au creux de mon poing.

"Pas ça, une vraie promesse," je crache.

Ses yeux s'écarquillent. "Quoi, genre un pacte de sang ?"

"Non, pas un pacte de sang. Putain," je gémis. "C'est pas grave, viens, on y va, on est en train de perdre du temps."

Juan hoche la tête, mais ne bouge pas de son siège. Les épaules affaissées et la tête baissée, il me fixe en silence. Il retire les clés du contact qu'une fois que je suis sortie de la voiture. Puis il traîne trois pas derrière moi et ne me rattrape que lorsque j'arrive devant la boîte.

Sa main se pose sur mon épaule au moment où j'attrape la poignée de la porte. "T'es sûre de vouloir faire ça ?"

"C'est moins dangereux," je murmure.

"Vraiment ? Parce qu'Andrea m'a dit ce qu'il t'a fait."

Par instinct, je porte ma main à mon cou, mais je fais vite semblant de jouer avec la chaîne du collier d'Ana.

"Je vais m'en sortir, c'est du passé, ça," je lui dis.

"Elle a aussi dit qu'il le referait."

Je secoue la tête. "C'est trop tard maintenant, Juan. Viens, on rentre."

"La voiture est là-bas, tout ce que t'as à faire c'est de monter dedans," il dit, pointant par-dessus son épaule. "À moins que tu veuilles me lâcher."

Lorsque j'ouvre la bouche pour protester, les portes du club font de même.

"Vous étiez où, vous deux ?" tonne Oscar.

Je fais un pas en arrière et mon manque d'équilibre me fait reculer de deux de plus, et j'en tombe presque du trottoir. Une vague de chaleur infernale s'abat sur mon corps, et la honte me monte au visage. Mes joues brûlent sous des trombes de sueur bouillante, et ma voix crachote comme la vapeur d'une cocotte-minute.

"J'avais besoin d'air frais," je mens. "Je me sens pas très bien. Je crois que c'est parce que j'ai bu dans le verre de Pablo."

Oscar hausse les sourcils et se tourne vers Juan.

"Elle a pas arrêté de vomir," il répond, les lèvres tordues par une grimace. "Je suis sorti pour faire en sorte qu'elle tombe pas sur quelqu'un de louche."

Les yeux d'Oscar scrutent le sol, la nuque raide comme mes histoires à dormir debout. Son regard parcourt la rue, à la recherche d'autre chose qu'une flaque d'eau de pluie, malheureusement pour moi, en vain.

"Où sont passées tes chaussures ?" demande-t-il, les dents serrées.

"Je, euh, je crois que je les ai laissés au coin de la rue," je bégaye. "Je me souviens plus."

"Ouais bah, on est sur le point de partir, alors viens les chercher," il marmonne en m'attrapant par le coude. "Juan, toi, va aider ton père à sortir Pablo des toilettes."

Ces dernières heures, on m'a assez secoué, traîné et bousculé pour toute une vie, sans parler d'une seule nuit. Je commence à avoir mal au ventre, tellement que je suis sur le point de gerber pour de vrai.

"Oublie les chaussures," je dis faiblement. "Elles sont probablement couvertes de vomi de toute façon."

Oscar pousse un gros soupir, mais ne lâche pas mon bras. Ses doigts s'enfoncent de plus en plus profondément dans ma chair, comme s'il voulait écraser mes os entre ses ongles.

"Pablo va bien ?" je lui demande.

Il répond sèchement, sans même me regarder. "Il a fait une overdose."

"Merde, je suis désolée," je chuchote. "Est-ce qu'il va s'en sortir ?"

Oscar hausse les épaules. Il inspire un souffle tremblant et passe sa main dans ses cheveux déjà ébouriffés.

"Tu sais, Emilia, je t'aime bien. T'es une fille sympa, et je te ferais jamais de mal," il me dit. "Mais la voix du sang parle toujours plus fort que les autres."

"Comment ça ?"

Le son qui sort de ma gorge, et qui se fraie péniblement un chemin autour de l'épaisse boule qui y trône, c'est celle d'un rat qu'on vient de prendre au piège.

"T'as filé un verre à mon frère, et quelques minutes plus tard, il est au sol, en train de s'étouffer sur sa langue," marmonne Oscar, le menton penché vers moi. "Comment t'as su que c'était ce qu'il a bu qu'il l'a foutu dans cet état ?"

"Je veux dire, je savais pas, je me suis juste dit..." je balbutie. "J'ai commencé à me sentir bizarre en même temps que lui, même si tout ce que j'ai fait c'était de prendre une petite gorgée. Et je sais ce que je ressens. Ça m'est déjà arrivé, tu te souviens pas ?"

Je croise mes bras haut sur ma poitrine, cachant mes doigts tremblants de son regard coupable en les glissant sous mes aisselles.

Oscar répond par un "ah" peu impressionné.

"Où est-ce que je tu crois que je vais trouver de la drogue, en plus ?" j'ajoute, en secouant la tête comme s'il racontait n'importe quoi. "J'ai pas de téléphone, pas d'argent, pas de quoi que ce soit. Comment tu veux que ce soit moi ?"

Il me fixe pendant si longtemps que je commence à me demander si je dois me mettre à genoux et demander pardon ou implorer sa miséricorde.

"C'est vrai. T'as raison, je suis désolé," soupire-t-il. "Je deviens parano quand je suis nerveux."

"Pablo fait pareil," je lui dis avec un rire nerveux. "Quand tu pars en hélicoptère, par exemple. Lui aussi il devient bizarre, tout grincheux et ça lui donne des envies de meurtre."

"J'ai pas d'envies de meurtre," il rétorque en sortant une cigarette d'un vieux paquet froissé.

"Tu viens de me menacer, un peu," je marmonne.

"Je le voyais pas comme ça."

Il tire trois bouffées de sa cigarette, vérifie l'heure sur l'écran de son téléphone et jette un œil par-dessus son épaule. Il répète la même série de gestes, encore et encore, pendant ce qui semble une éternité.

"Je sais ce que tu ressens," je murmure, tentant de détendre l'atmosphère. "Ma mère a fait une overdose. Plusieurs, en fait. Mais elle s'en remet."

"Comment elle va ?" demande-t-il nonchalamment.

"Je sais pas. Ça fait six mois que je l'ai pas vue."

"C'est vrai. Pardon," il déglutit.

Et maintenant on est tous les deux encore plus tendus qu'avant ma stupide tentative de faire conversation. Oscar doit le remarquer aussi, parce qu'il me tend une cigarette. J'ai à peine le temps de la fumer avant que les autres ne sortent du club.

Le trajet du retour est inconfortable. Oscar et Andrea sont étrangement silencieux, leurs visages figés dans des expressions vides, comme s'ils étaient piégés dans un vieux portrait.

Ils ont couché Pablo sur les sièges arrière, sa tête posée sur mes genoux. Il est lourd, mou, froid et moite, comme Oso quand il crevait dans mes bras. Le blanc de ses yeux scrute les fentes de ses paupières mi-closes, et une puanteur nauséabonde s'éleve de sa bouche ouverte chaque fois qu'il essaie de respirer.

Pablo laisse échapper un gémissement épouvantable quand la voiture heurte un nid-de-poule, suivi d'un gargarisme terrifiant.

Oscar me regarde dans le rétroviseur. "Garde sa tête tournée sur le côté."

J'obéis, et je laisse Pablo reposer sa tête sur la paume de ma main. Il tente de me serrer le bras avec ce qui lui reste de force dans les doigts. Je sais pas quoi ressentir, ni même comment je me sens en ce moment, tout ce que je sais c'est que dans mon coeur, il y a un drôle de pincement.

Les médecins d'Hernan l'emmènent loin de moi dès qu'on arrive à la finca. Même avec Pablo parti, les gens restent muets, immobiles et sans émotion, coincés dans une stupeur, l'esprit à la dérive. C'est comme si on était tous morts et qu'on s'était tous retrouvés au Purgatoire, à attendre que les dieux décident de notre destin.

Oscar s'approche, la voix douce, presque étouffée par le chant incessant des grillons.

"Emilia, je vais faire du café," il dit. "T'en veux ?"

"Non, je crois que je vais essayer de dormir un peu," je réponds. "Je me sens vraiment pas bien."

"T'es sûre ? Je crois que c'est pas le moment pour que t'ailles voir Pablo."

"Elle peut dormir dans une chambre d'amis," intervient Juan. "Viens, Em, je vais te montrer où elles sont."

Il me fait signe de le suivre et m'accompagne à travers le champ jusqu'à la dépendance.

"Je sais où sont les chambres d'amis, tu sais," je marmonne.

"Ferme-la," murmure-t-il.

"Quoi ?"

"T'es si bourrée que ça ?" il s'esclaffe.

"J'ai un peu décuvé. Je suis juste fatiguée, c'est tout," je soupire en éloignant un moustique du revers de la main.

Juan arque un sourcil. "Ah, alors t'es encore en colère contre moi."

"Pourquoi je serais en colère contre toi ?"

Il hausse maladroitement les épaules. "Je suis désolé de ne pas avoir pu t'aider ce soir, Em."

"Tu m'as sauvée de ces trois gars, c'est déjà ça."

Il s'arrête devant la porte de la chambre d'amis, cherchant l'interrupteur dans le noir. Il appuie une fois, deux fois, mais les lumières du patio clignotent avant de s'éteindre définitivement.

"Je voulais qu'on parte, moi," soupire-t-il.

"Je sais," je marmonne. "Ce soir, c'était ma faute."

"Couillarde," il dit.

"Quoi ?"

"J'ai dit, t'es une couillarde."

"Tu veux dire couarde. Couillarde ça veut rien dire."

Il fronce les sourcils. Ah bon.

Je secoue les yeux et roule de la tête. "Non."

"Ah. On s'en fout, en vrai," gémit-il. "Tu sais que les mots, c'est pas mon fort."

"Oui, c'est pour ça que tu dois parler moins et agir plus," je ricane.

"Tu veux que je te démontre, c'est ça ?"

"Je rigole," je renifle. "Désolée. Longue nuit."

Un drôle de sourire se dessine au coin de ses lèvres, tandis qu'il mordille l'ongle de son petit doigt.

"Moi je rigole pas, Em," murmure-t-il.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Ma langue sait faire bien mieux que parler," il me susurre à l'oreille.

Je laisse échapper un rire nerveux, et mes sourcils se froncent lorsque sa main effleure ma hanche.

"T'as toujours pas compris ?" il demande, tendant la main derrière moi pour ouvrir la porte de la chambre. "Enlève ta robe et je vais te montrer."

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