81. À CHEVAL

Juan s'arrête net, et ses bras tombent mous. Ses lèvres pincées dessinent une ligne tremblante, palpitant comme un cœur sur le point de lâcher.

"Vous avez pas froid ?" demande-t-il, la voix lente, les mots traînants comme un bâillement qui dure trop longtemps.

Ses cheveux sont en bataille, sa chemise à moitié rentrée glisse de son épaule, sa peau de bronze semble terne et collante de sueur, et quelqu'un a étalé une tache de maquillage au creux de son cou.

On dirait qu'il vient d'un autre monde, peut-être qu'il est ivre, ou peut-être qu'un autre poison coule dans ses veines. À moins que ce ne soient les restes de drogue flottant dans mon propre sang qui déforment encore la réalité autour de moi.

Hernan s'approche, suivi d'un groupe de gens aux visages fatigués.

"Rhabillez-vous, bande de cons," il crache.

Pablo rit doucement et me tapote la cuisse en récupérant ma robe sur l'accoudoir du canapé. "On dirait que quelqu'un a besoin d'une bonne nuit de sommeil. Allez, Gordita, on va finir dans la chambre."

Mon cerveau flanche un instant. Finir quoi ? De coucher ensemble ? Je croyais qu'on avait terminé. Mais est-ce qu'on l'a vraiment fait ? Est-ce que je suis encore nue ? Est-ce que je suis toujours défoncée ? Quand est-ce que les autres sont arrivés ici ? Est-ce qu'ils sont vraiment là ? Il est quelle heure? On est où ?

"Qu'est-ce que t'attends ?" demande quelqu'un, ou peut-être que je me parle à moi-même.

"Désolée, pardon," je murmure confusément.

En essayant de remettre ma robe, je galère à trouver l'ouverture pour ma tête, alors je m'enroule tant bien que mal dans le tissu, en espérant que ça tienne. Pourtant, l'image de Juan s'impose à moi, encore et encore. Ses poings crispés, sa mâchoire serrée, ce regard blessé et coupable... L'amertume dans ses yeux noirs, comme un trou sans fond, qui semble vouloir l'avaler tout entier.

Même après avoir quitté le salon, il me poursuit. Je le revois dans le reflet des draps quand je m'allonge enfin sur le lit, la tête enfouie dans le matelas. Il est là, sous mes paupières, quand j'essaie de m'endormir, et son image reste gravée dans mon esprit, gravitant autour de moi comme un fantôme dont je peux pas me défaire.

Le lendemain matin, rien n'a changé. Juan affiche toujours cette expression vide, comme s'il était à des kilomètres d'ici, avec une grimace de dépit qui déforme ses traits. Il mâche ses céréales lentement, chaque bouchée chargée de dégoût, comme si la vision de moi à cheval sur les jambes de Pablo le hantait encore.

Ma seule consolation ? Pablo, lui, semble serein. Pas une once de fatigue ne traîne dans son regard, malgré la nuit blanche et le trip de la veille. Il reste à côté de moi, son bras fermement enroulé autour de mes épaules, il joue avec quelques mèches de mes cheveux, sans jamais tirer trop fort.

"Allez, finis ton petit-déj'," il me dit. "Je veux aller faire du cheval."

"Tu peux pas y aller tout seul ?" je demande, et un bâillement épuisé ponctue ma phrase. "J'ai trop mal au cul."

"Oh, t'as mal au cul ?" Juan persifle.

C'est difficile de ne pas le fusiller du regard pendant qu'il étouffe un rire outré.

Pablo sourit. "Oups. Ma faute."

"Vous pourriez attendre que j'aie fini de manger avant de parler de comment tout le monde a enculé Emilia ?" se plaint Manée en posant ses couverts avec fracas.

"Tout le monde ?" Pablo fronce les sourcils.

"Pas moi," ricane Hernan. "Pas encore."

Pablo le fusille du regard, et tire une gueule comme si quelqu'un venait de verser du sel dans son café.

"Et toi ? gazouille Manée en pointant son menton vers Juan. "Tu dis rien."

"Manée, t'as pas pris tes médocs ?" il soupire.

"Qu'est-ce que tu faisais hier soir au club, hein ?" elle crache.

Juan laisse échapper un rire dédaigneux, soufflant un jet d'air sec par le nez. "J'étais pas en train de tremper mes bijoux de famille dans le rictus béant d'Emilia, ça c'est sûr."

"De quoi vous parlez ? demande Pablo en tordant le cou pour fixer Manée.

"J'en sais rien, demande à ta copine," rétorque-t-elle, l'air fier avec son sourire idiot.

Je lâche un rire, en espérant que ça sonne plus confus que nerveux. "Pablo était avec moi toute la soirée. T'as dû me confondre avec une autre."

"Ouais, et Juan il confond le rictus avec le rectum," marmonne Pablo. "Crétin, va."

"Qu'est-ce que j'en sais moi, j'ai un MBA en administration des affaires," gémit Juan. "Je suis pas un putain de docteur en anatomie."

"Juan," je murmure. "Le 'BA' de MBA ça veut dire Business Administration. T'as pas besoin d'ajouter administration des affaires après."

"Je lui ai dit ça des milliers de fois," me chuchote Oscar. "Ça entre par une oreille, ça ressort par l'autre. T'embêtes pas."

Après que Juan tire une moue enfantine, la conversation se calme, mais la tension reste dans l'atmosphère, grinçant et crissant comme les cuillères au fond de nos bols vides.

"Je vais aller aider les gars à seller les chevaux," murmure Juan en s'excusant de la table.

Sa femme et son père partent peu de temps après, marchant ensemble dans la direction opposée.

"Dès qu'on en a fini avec cette lune de miel de merde, je veux pas voir un seul putain de Sandoval," bouillonne Pablo.

"On a besoin d'eux, Pablo," marmonne son frère. "Les affaires tiendront pas sans notre alliance avec Hernan."

"Faudra bien qu'on finisse par trouver un moyen," répond Pablo. "C'est chiant, je sais, et en plus Juan a toujours été comme un fils pour moi, mais..."

Ses mots flottent dans l'air pendant une seconde, et je retiens mon souffle jusqu'à ce qu'ils tombent.

Pablo s'éclaircit nerveusement la gorge. "Je peux pas faire confiance à Hernan avec les filles. Pas après ce qui s'est passé avec Gustavo."

Je souris et hoche la tête, en faisant de mon mieux pour cacher la panique en moi. Bien sûr, ma vie serait plus agréable sans Hernan et Manée, mais Juan est mon seul ticket pour sortir de ce putain d'endroit. Si Pablo parle sérieusement, alors on doit agir rapidement.

"Peut-être qu'on devrait kidnapper Juan," soupire-t-il.

Sa suggestion m'arrache un rire gêné et un visage tendu chez Oscar, avec une légère ride souriante aux coins des yeux botoxés d'Andrea.

Avant qu'il ne puisse dire une autre connerie, Juan arrive avec trois chevaux, tous de grandes bêtes musclées au pelage brillant et aux longues crinières bien peignées.

"Va m'en seller un autre," ordonne Pablo en me désignant du doigt, avant de se hisser sur le dos d'un cheval. "Emilia vient avec nous."

"Je croyais qu'elle avait trop mal au cul," marmonne Juan.

Pablo lève les yeux au ciel. "T'as vécu pire, pas vrai, Gordita ?"

"T'aurais pu me le dire il y a deux minutes," souffle Juan. "Whatsapp, ça existe, hein, on n'est plus dans les années quatre-vingt."

Il retourne en piétinant vers les écuries, tirant son cheval par ses rênes, et prend pas le temps de m'attendre quand je lui emboite le pas. Il se retourne toutes les deux secondes, et chaque fois ses yeux me lancent des poignards, comme si passer une seule minute avec moi était une torture.

"Je suis désolé que t'aies dû voir ça," je dis, en courant un peu pour le rattraper. "Tu sais, ce matin."

"Je vais m'en remettre," répond-il sèchement.

Il jette un coup d'œil en arrière, pour voir la silhouette de Pablo disparaître au-dessus d'une colline, et ses épaules se détendent enfin.

"Je voulais pas que tu nous voies."

Juan laisse échapper un rire amer. "Ça, je veux bien te croire."

"C'est juste, tu sais..."

"Je sais," il dit. "Si tu te fais pas régulièrement tringler par Pablo, tu vas crever, un truc comme ça."

"Juan, on en a déjà parlé," je soupire. "Je fais pas ça pour te faire du mal, je le fais pour qu'il me tue pas."

Il attache son cheval à un poteau à l'extérieur de l'écurie et me regarde enfin. Ses yeux me balayent de la tête aux pieds.

"Je comprends, Em. T'as pas besoin d'en dire plus. Ce soir, je vais boxer mon oreiller et tout oublier sauf la belle vue."

"Quoi, moi et Pablo ?"

"Euh, non," grimace-t-il. "Non, juste toi. Toi, toute nue."

Putain, il me fait vraiment passer par toutes les émotions, ce mec, je pense, alors qu'il m'entraîne dans l'antre sombre d'une sellerie. Le doux contact de ses doigts dans la paume de ma main fait remonter une bouffée de chaleur le long de mon bras et de mon dos.

Il fouille pendant une minute, tandis que je me tiens maladroitement dans un coin. Il me regarde, un sourire au bord des lèvres.

"Promets-moi simplement que la prochaine fois que je te vois dans cette position, ça sera au-dessus de moi," murmure-t-il.

Mon dos se redresse et le sang me monte aux joues. Il tend la main pour attraper quelque chose sur l'étagère du haut, et la rangée inférieure de ses abdos ciselés apparaît sous son T-shirt.

Son souhait, je peux le réaliser tout de suite, si c'est ce qu'il veut. Je fixe la meule de foin dans un coin de la pièce. J'ai assez d'expérience en la matière pour savoir que c'est pas l'endroit le plus confortable pour faire l'amour, mais si ça doit se produire maintenant, alors ça fera l'affaire. Après tout, ma vie a toujours un peu ressemblé à une série interminable de répétitions frustrantes.

"Je te le promets," je chuchote.

Mes doigts jouent avec l'ourlet de ma chemise blanche, et je me demande si c'est le bon moment pour l'enlever. Il tend deux longues bandes de cuir devant lui, et pendant qu'il les inspecte, je sens ma mâchoire se serrer. Est-ce qu'il compare juste leurs tailles ou est-ce qu'il compte m'attacher avec ? Franchement, je le laisserais peut-être faire.

Je secoue la tête, et avale une bouchée de salive remplie de culpabilité. Surtout pour moi, ce fantasme-là semble un peu malsain.

"Tu sais, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer à quel point ses couilles sont fripées," marmonne Juan, toujours le dos tourné. "Ça te dérange pas quand elles..."

Il tape dans ses mains, et je lâche mes boutons de chemise. L'image qui me traverse l'esprit est la pire des visions, et mes envies de faire quoi que ce soit sur cette botte de foin disparaissent aussitôt.

"Je suis pas expert en affaissement de testicules, mais c'est pas un peu bizarre, comme sensation ?" demande-t-il.

"Je croyais que t'aimais pas m'imaginer en train de coucher avec Pablo," je grommelle.

Juan hausse les épaules. "Ouais, mais c'est un peu comme une curiosité morbide, tu sais."

"Alors j'ai pas besoin de répondre à ta question," je rétorque.

Son sourire s'étire un peu plus. "Ça veut dire que j'ai raison. Putain, c'est dégueu."

"C'est bon, ferme-la."

Il sourit et me met un petit coup de coude en passant devant moi, les bras lourds d'une selle ornée de strass et d'un tas de harnais assortis qu'il a ramassés.

D'habitude, Pablo se porte toujours volontaire pour m'aider à grimper sur mon cheval, aujourd'hui, Juan se contente de conduire le sien jusqu'à un gros rocher et me laisse me débrouiller seule. Peut-être que Pablo sait que c'est une bonne occasion de me tripoter les fesses, mais j'aurais préféré qu'ils agissent à l'inverse.

J'ai souvent envie de crier à Juan, "Mais touche-moi, bordel de merde," surtout maintenant qu'il a une excuse pour le faire, mais il est déjà monté sur sa propre monture.

Peut-être que Juan est juste respectueux.

Peut-être que m'ignorer est sa façon de se venger pour ce que j'ai fait avec Pablo.

Ou alors, encore une fois, peut-être que je réfléchis trop.

Juan n'a plus l'air trop contrarié par ma présence, juste un peu plus distrait que d'habitude. Alors qu'on descend lentement la colline à cheval, on échange quelques blagues et on bavarde un peu.

On parle du fait qu'Andrea semble aller mieux qu'hier, et de l'étrange comportement de Manée ce matin. Il m'explique que c'est lié à une dispute qu'ils ont eue dans la voiture en rentrant de boîte, puis le sujet revient inévitablement à moi et Pablo.

"Je sais que t'étais défoncée et tout, mais putain, qu'est-ce que tu foutais Em," soupire-t-il, laissant ses rênes pendre à mi-chemin du cou de son cheval, comme un gamin impudent qui fait du vélo sans tenir le guidon.

"Pour la dernière fois, je l'ai pas fait pour te rendre jaloux," je grogne, m'accrochant aux miennes comme à la vie pendant que mon cheval passe au petit trot.

Juan me regarde, avec ce même regard mi-souriant, mi-brûlant qu'il a gardé depuis ce matin.

"Peut-être pas," marmonne-t-il, "mais ça a marché quand même."

On arrête de parler lorsqu'on rattrape enfin Pablo et Oscar, qui ont fait une pause pour laisser leurs chevaux boire dans l'eau trouble d'une rivière turquoise.

Ils ont l'air de bien s'être amusés, à galoper comme des malades, du moins c'est ce que j'imagine en voyant les couches de sueur qui couvrent leur front et les croupes de leurs chevaux, scintillants sous le soleil brûlant.

Pablo guide son cheval dans le ruisseau, et le mien le suit aussitôt, et se met à tout éclabousser en piétinant dans la rivière qui lui arrive juste au ras des flancs.

"Serre un peu les jambes, Gordita," dit Pablo, d'un ton attentionné comme j'en ai pas entendu depuis longtemps. "Ton cheval veut se rouler dans l'eau."

"Ah, merci," je réponds en talonnant doucement la bête. "C'est arrivé à une des filles en Colo Poney. Elle est tombée dans l'eau, et elle était gelée."

"En Colo Poney ?" ricane Juan. "Ça a l'air nul à chier."

Il me regarde en disant ça, et je ne sais pas s'il me charrie par dépit ou s'il essaye juste de convaincre Pablo qu'il ne se passe rien entre nous.

Pablo hausse les épaules. "Moi je trouve ça mignon."

"Non," répond Juan avec une grimace exagérée. "Les cavalières, c'est toutes des connasses."

Pablo lève les yeux au ciel en le regardant longer la rivière. "Ça j'en sais rien," dit-il en me faisant un clin d'œil. "Mais en général, elles sont douées au lit."

Je lui souris, gênée, mais mon sourire disparaît rapidement quand Juan se tourne vers moi avec un de ses airs sournois.

"Hé, Em, tu sais que t'es pas une vraie cavalière tant que t'as pas fait une chute de cheval ?"

Avant même que je puisse répondre, il siffle, agite la main, et mon cheval se cabre haut sur ses pattes arrière. J'ai pas le temps de me cramponner, ni même d'inspirer de l'air avant de plonger dans la rivière glacée.

Je me relève en toussant, crachant, pestant, et priant pour qu'une amibe bouffeuse de cerveaux n'ait pas rampé dans mon nez.

Tiens, je me dis. Ça faisait un moment que Juan avait pas trouvé un moyen de me jeter dans une piscine ou un autre plan d'eau, maintenant qu'il avait trouvé de meilleurs moyens de me mouiller.

Aussi affreux que c'est de devoir ramper sur la rive comme un monstre marin, couvert de boue, de mousse visqueuse et de vêtements gorgés d'eau collés à ma peau, j'espère qu'au moins ça persuadera Pablo que Juan a encore une dent contre moi.

"Oh, mais pour l'amour de Dieu," marmonne Pablo. "Gordita, couvre tes seins. Et porte des soutiens-gorge, de temps en temps."

Je baisse les yeux vers mon haut, qui est aussi transparent qu'une serviette en papier gorgée d'eau, et je pousse un soupir. C'est reparti.

Pablo saute de son cheval, grognant alors qu'il déboutonne sa chemise et s'approche de moi.

"Enlève ton haut," il me dit. "T'as qu'à porter le mien."

Je fixe les deux autres. "Retournez-vous, bande de pervers."

Oscar détourne immédiatement le regard, mais Juan roule des yeux.

"On t'a tous vu à poil un million de fois," il grommelle. "C'est rien de très fascinant."

"Ferme les yeux avant que je te les arrache," aboie Pablo.

"Moi, je préfère les gros melons bien juteux, de toute façon," déclare Juan, qui hausse les épaules en se tournant vers Oscar. "T'as vu ceux de Manée ? Depuis qu'elle se les est refait, j'ai toujours peur qu'ils éclatent si je les serre trop fort."

"Et maintenant, faut qu'on rentre avant que tu chopes un rhume, " se plaint Pablo. "Sérieux, Gordita, des fois on dirait que tu le fais exprès."

"Je fais pas exprès," je proteste en pointant un doigt vers Juan. "C'est toujours de sa faute."

"Juanito y était pour rien quand t'as montré tes tétons à tous les chérubins de l'église à son mariage," rétorque Pablo en tapotant ma fesse humide pendant qu'il m'aide à remonter sur le cheval.

Une lueur de panique brille dans les yeux de Juan pendant une fraction de seconde, mais il se ressaisit rapidement.

"Tu t'es foutue à poil à mon mariage ?" ricane-t-il. "Putain t'es tellement en manque d'attention, c'est triste à voir."

Il dit ça avec tant de conviction, on pourrait presque croire qu'il est sérieux. Une fois sortis de cet endroit, il devrait se lancer dans une carrière d'acteur. Il est vraiment doué.

"Je te laisserai critiquer ma copine quand la tienne arrêtera de taper des crises pour rien au petit-déjeuner, " grogne Pablo, en lui lançant un regard de reproche.

"Ma femme," le corrige Juan.

"On s'en fout," marmonne Pablo en remontant sur son cheval. "Bon allez, on bouge. Le premier arrivé en haut de la colline gagne mille dollars."

"Seulement mille ?" se moque Juan.

"Je vais pas faire la course, moi," je gémis. " Je sais même pas galoper."

Le cheval de Pablo piaffe déjà d'impatience. "Accrochez-vous bien. Prêts ?"

"Tourne ton cheval, Em," dit Juan. "Tire les rênes d'un côté."

"Pourquoi ?"

Il laisse échapper un grognement agacé, se penche, attrape mes rênes et fait pivoter mon cheval. Je sens le sol gronder sous moi, et le temps que je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, Oscar, Pablo et leurs chevaux de course ne sont plus que deux points bruns au loin.

"Tu voulais pas les suivre ? » je demande à Juan.

Il soupire dramatiquement, secouant la tête avec une fausse humilité. "C'était mon devoir de te sauver la vie, Émilie Dupont."

"Me sauver la vie ?"

"Ton cheval aurait décollé derrière eux, et vu tes talents de cavalière, tu serais tombée," explique-t-il. "Et avec ta poisse, t'aurais sûrement réussi à perdre ton pantalon et t'aurais dû grimper la colline à pied et le cul à l'air."

Je ris et je hausse les épaules. "Je suis pas sûre, on m'a déjà dit que je suis un bonne cavalière."

Juan sourit, inspire profondément et me regarde droit dans les yeux.

"Je vais te faire l'amour ce soir, Em," me dit-il. "Jusqu'à ce que tu en oublies son nom."

Ma gorge se serre et je me tortille sur ma selle, sentant une vague de chaleur envahir tout mon corps.

"Rougis pas comme ça, tu sais très bien ce que tu fais. Je sais que t'aimes me faire tourner la tête," ronronne Juan. "Et ça me rend fou de pas pouvoir faire tout ce que j'ai envie de te faire."

"V-vraiment ?"

"Em, je pense à toi tout le temps– quand je suis éveillé, quand je dors, quand je suis sous la douche, quand je mange. Je peux même plus flirter avec d'autres, apparemment, parce qu'hier soir, il y avait une meuf–elle était archi bonne, en plus–elle essayait de me parler et j'arrêtais pas de l'appeler 'Em'.

Je fronce les sourcils, mais il garde son regard fixé sur moi.

"Il me suffit que de voir un petit morceau de toi pour que ça me hante toute la journée," il dit. "Quand tes petits tétons pointent sous ta chemise, j'ai envie de les mordre. Quand un bout de tes jambes dépassent de la fente ta robe, je les imagine posées sur mes épaules. Et chaque fois que t'ouvres la gueule, je peux m'empêcher de me dire à quel point tes lèvres seraient mignonnes autour de ma bite. Sérieux, tu m'obsèdes. Je crois que je sais à quoi tu ressemblerais au lit, mais j'ai encore besoin de découvrir la sensation de ta peau sous mes doigts, et sentir ton goût dans ma bouche.

Ma poitrine me fait mal quand mon cœur s'étrangle. Je sens mes orteils qui se recroquevillent, et mes chaussures se remplissent d'eau.

"Tu parles toujours aux femmes comme ça ?" je murmure.

"Seulement à celles qui me font perdre le contrôle," il répond. "Et celles qui demandent gentiment. Pourquoi, t'aimes pas ?

"C'est, euh, un peu... intense," je bégaye en frottant mon poignet contre ma joue brûlante. "J'ai pas l'habitude."

"Je peux te susurrer des petits noms à l'oreille, si c'est ce que tu veux," il sourit. "J'ai bébé, mon ange, et chaton en stock, mais je m'adapte à tous tes désirs. Je peux te tapoter sur la tête et te dire que t'es une bonne fifille, aussi.

"Non, tu vois, là ça redevient chelou," je ricane.

"Je plaisante pas, Em," il marmonne, et l'air enjoué dans ses yeux redevient sérieux. "Ce soir, je vais venir te voir dans ta chambre. Je veux que tu m'attendes sans vêtements et avec ton lit bien fait, parce que je vais pas attendre une seconde de plus."

Je hausse les sourcils et mords ma lèvre inférieure en retenant un rire nerveux.

"A vos ordres," je murmure.

Il penche la tête en arrière, et son sourire s'élargit à nouveau alors qu'il aspire de l'air entre ses dents. "Putain, Em. Me fais pas ça."

Je sens la chaleur se propager entre mes jambes, faire fondre ma peau, réveiller les papillons dans mon estomac. La sensation persiste jusqu'à ce qu'on atteigne les écuries, et bien plus longtemps après ça.

Juan descend de son cheval en boitillant, grimaçant alors qu'il tente d'apaiser son membre en érection à travers le tissu tendu de son jean. Moi, je remercie le ciel d'être tombée dans la rivière ; sans ça, la tache mouillée sur la selle serait bien plus traîtresse.

C'est presque impossible de garder le calme. Je me touche sous la douche, et même un orgasme ne suffit pas à faire taire mes pensées. Peu importe que je m'évente ou que je plonge dans la piscine, la chaleur revient toujours. J'évite même de parler, de peur qu'un gémissement langoureux ne s'échappe à la place des mots.

Juan me facilite pas l'affaire. Ses regards en coin, ses petits sourires... il effleure mes courbes dès qu'il en a l'occasion, et chaque fois qu'on se retrouve seuls, il en profite pour me mettre une main au cul.

"Ce soir," me murmure-t-il à l'oreille. "T'as pas intérêt à oublier."

Au dîner, il s'assoit à côté de moi et, sous la table, il glisse sa main le long de ma jambe. J'essaie de pas me tortiller sur ma chaise pendant qu'il me caresse, et chaque fois que je bouge trop, il resserre sa prise sur mon genou.

"Gordita, tu vas bien ?" murmure Pablo, me sortant brusquement de mes rêveries.

"Ouais, j'ai juste eu une grosse bouffée de chaleur," je balbutie, essayant de ne pas couiner pendant que la main de Juan rampe le long de ma cuisse. "Tu pourrais me donner un verre d'eau ?"

Il n'y a que du vin à table, alors Pablo se lève pour aller chercher de l'eau, et dès qu'il tourne le dos, la main de Juan glisse sous ma robe, entre mes jambes. Je la repousse aussitôt.

Quand Pablo revient et se rassoit, il pose sa main sur mon autre genou, tapotant doucement ma peau du bout de ses doigts. J'essaie de le faire arrêter, mais lui aussi, ne fait qu'enfoncer encore plus ses doigts dans ma chair tendre.

Juan, pendant ce temps, s'accoude à la table et fait semblant d'écouter la conversation, mais sous la nappe, il tend à nouveau l'autre bras vers moi. Il trace un longue ligne avec son pouce sur l'intérieur de ma cuisse.

Mon Dieu. Ma mâchoire tremble, mon cœur bat à toute vitesse. Mes doigts s'agrippent furieusement à mes couverts alors que je tente tant bien que mal de couper mon steak. Est-ce que je vais devoir tout lâcher pour virer leurs mains baladeuses ?

Pour éviter qu'ils se touchent par accident, j'écarte un peu mes jambes, mais bien sûr, les deux prennent ça comme une invitation à remonter encore plus haut. Je finis par ouvrir mes jambes un peu plus.

Je suis assise en grand écart, à califourchon sur ma chaise, et j'ai vraiment l'air d'une pauvre conne. Si quelqu'un jette un coup d'œil sous la table, il verrait les mains de deux hommes posées sur mes genoux, encadrant ma culotte un peu trop dévoilée. Je pense à refermer mes jambes d'un coup sec, mais ils risquent de se toucher l'un et l'autre. Si quelqu'un fait tomber ses couverts, je suis une femme morte.

Une perle de sueur coule sur mon front, et j'avale la boule dans ma gorge. Pablo me regarde avec un sourire en coin. Il semble tout fier de lui. Putain, ce con croit qu'il m'excite.

L'un d'eux part explorer sous ma jupe, et je peux plus rester immobile. Je sursaute lorsqu'un doigt caresse mes lèvres, glissant lentement entre ma peau ardente et le doux tissu de ma lingerie, et un cri étouffé se glisse entre mes dents grinçantes.

Alors que quelques yeux se tournent vers moi, je presse mon poing contre ma bouche et fais semblant de tousser.

"Désolé, j'ai avalé de travers," je leur dis.

Je me penche en avant sur ma chaise, espérant écraser la main de celui qui me titille le clito, mais il ne fait qu'écarter la dentelle pour s'y faire plus de place. C'est Juan, je le sais. Je sens son poignet appuyer sur ma jambe droite. Je lui fous un petit coup de pied dans la cheville, et il retire enfin sa main.

Quelques secondes plus tard, c'est Pablo qui tripote le haut de ma cuisse. Un peu plus et ces deux imbéciles se seraient serrés la main juste devant ma chatte.

J'essaie de croiser le regard de Juan, mais il m'ignore, se contentant de me lancer un clin d'œil rapide après le dessert, juste au moment où tout le monde se lève pour se souhaiter une bonne nuit.

J'espère secrètement avoir le temps de filer sous la douche avant qu'il se pointe à ma porte ce soir.

"Bonne nuit," je murmure à Pablo en l'embrassant sur la joue.

Il éclate de rire, enroulant une main autour de ma taille. "C'est toujours une bonne nuit quand je la passe avec toi." 

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