Chapitre 22 : Local magique

 - Nous allons nous diviser en 2 groupes. Ambre, Seth et Alexy vous serez ensembles. Allez voir Melody pour qu'elle vous donne la liste du matériel à acheter. Angely, va au local chercher l'échelle ainsi que les outils nécessaires. Tu les trouveras auprès de Jade.

 - Jade ?

 - Tu le reconnaitras avec ses cheveux verts. Dis lui que tu viens de ma part et il te les donnera. Et toi, Armin, tu vas venir avec moi.

Le groupe s'est dispersé et à contre coeur, j'ai trainé des pieds jusqu'au local en ruminant.

Pourquoi est-ce que je me tapais le sale boulot ?! Non mais franchement !

Bon, le point positif, c'était que je n'avais pas à supporter Ambre et que mes anciens coéquipiers étaient beaucoup trop occupés pour me parler ! Je n'avais aucune envie de me montrer gentille avec eux... J'avais bien du mal a changer de comportement vis à vis d'eux... comme quoi toutes ces années passées avec eux avaient eu un impact sur moi.

J'étais arrivée devant le local, mais je ne voyais personne, pas âme qui vive ! J'ai passé la tête dans le local plongé dans l'obscurité.

 - Euh... y'a quelqu'un ? Tentais-je.

Ma voix fit écho et personne ne me répondit. Dire que Nathaniel m'avait dit qu'un certain Jade serait là !

La vie ici était si compliquée ! A Cersy city, c'était si facile ! Le mot d'ordre était tuer ou se faire tuer ! Ici, il y avait tellement de choses à respecter et ça m'énervait ! Comment est ce que j'étais censée vivre ici ? Je n'arrivais pas à me débarrasser de mes manies et j'étais certaine que si les gens de cette ville apprenaient que des anciens soldats aussi jeunes vivaient parmi eux, une vague de panique deferlerait sur la ville.

J'ai fais un pas dans le local et j'ai tâté les recoins à la recherche de l'interrupteur, bientôt je me suis retrouvée au fond du local, cachée derrière un énorme carton rempli de coton et toujours plongée dans le noir.

Mais où était ce foutu interrupteur ?!

J'ai levé la tête lorsque j'ai entendu des bruits de pas, instinctivement, je me suis recroquevillée sur moi-même pour rester cachée et les bruits de pas se rapprochèrent. Quand soudain, la seule source de lumière provenant de l'entrée disparut, puis le cliquetis de clés se fit entendre et des jurons s'élevèrent.

Doucement, j'ai levé la tête et j'ai laissé mes yeux s'accoutumer à l'obscurité. Au bout de quelques minutes durant lesquelles je l'ai écouté jurer, j'ai commencé à apercevoir les contours des objets autour de moi. D'ailleurs en parlant de jurons, il y en avait énormément que je ne connaissais pas... et je n'aurais jamais cru qu'ils franchiraient ses lèvres à lui...

Je me suis passée une main sur le visage, désespérée.

Me voilà enfermée avec LUI ! Et bien sûr, il ne savait pas que j'étais là !

J'ai bougé lentement les jambes quand tout à coup, quelque chose me percuta les côtes et je suis tombée, me prenant quelque chose au passage. Nos voix s'élevèrent en même temps et avant que je ne puisse dire quelque chose, la lumière s'alluma.

Cette lumière soudaine me fit mal aux yeux et j'ai dû les garder un moment fermés avant de les rouvrir pour découvrir son nez à quelques centimètres du mien. Il fut autant surpris que moi de cette découverte. Ses joues virèrent au rouge très rapidement. Ma tête était entre ses 2 bras et nos corps se touchaient... mon coeur battait beaucoup trop vite à mon goût... à moins que ce ne soit ses battements que je sentais ? Ses yeux bruns fixaient intensément mes lèvres ce qui commençait à me gêner de plus en plus ! Moi qui d'habitude ne ressentais aucune gêne et qui faisais tout, au contraire pour que ce soit les autres qui ressentent ce sentiment absurde.

 - ça va ? Tu t'amuses bien ? lançais-je d'un air sarcastique pour éviter de montrer que cette soudaine proximité avec lui m'embarassait à un certain point indéfinissable pour le moment.

Ma voix parut le réveiller et il se leva d'un coup, me laissant seule au sol...

 - Ex... Excuse-moi, balbutia-t-il en tournant la tête pour regarder ailleurs, comme si ma vue le gênait.

Je me suis à mon tour levée et comme le passage entre les différents cartons qui restaient était étroit, je me suis retrouvée à quelques centimètres de son corps, où j'avais vraiment une grande envie de passer ma main ! J'ai tenté de m'éloigner le plus possible de lui en restant quand je le pouvais, collée au maximum aux cartons.

 - Qu'est-ce que tu fais là ? finis-je par lui demander en coupant ce silence embarassant.

 - J'étais venu t'aider mais comme je ne t'avais pas vu... eh bien...

 - Quelqu'un nous a enfermé, non ?

 -... Oui, je ne sais pas qui. Ça ne risque pas d'être Jade vu qu'il est au courant que nous aurons besoin de tout ce qui se trouve ici...

 - Gé-ni-al ! Tu n'as pas une deuxième clé sur toi ?!

 -... Non, fit-il d'un air embarrassé.

J'ai soupiré et je me suis approchée de la porte en tentant de l'ouvrir, mais c'était vraiment fermé.

Et si j'essayais de la défoncer ?

Par sur que la vieille directrice soit contente que je dégrade le matériel même si ce serait pour sauver notre vie. J'imagine déjà son sermon long et épuisant.

 - On fait quoi maintenant ? demandais-je en prenant appui sur un carton.

 - On attend que quelqu'un vienne.

J'ai légèrement tiqué. Et si personne ne venait pour chercher du matériel ?! Je ne voulais pas rester coincée avec lui !!! Surtout avec lui d'ailleurs...

Le silence était pesant entre nous et je gardais le regard rivé sur le plafond pour éviter son regard brun inquisitateur. Il finit néanmoins par rompre ce silence lourd.

 - Je... tu sais... je voulais m'excuser pour hier...

 - L'affaire est clos, pas la peine de revenir la-dessus.

 - Si, j'y tiens... je ne voulais pas te blesser...

J'ai ri avec amertume.

 - Tu crois m'avoir blessée ?! Juste avec tes propos minables ?! Non, mais je rêve ?! T'es bien un gars de la ville ! C'est pas des mots qui me blesseront !

Il me regarda avec cet air qui me faisait sortir hors de moi, cet air qui me révulsait, cet air de... pitié que les gens prenaient quand ils apprenaient que vous aviez perdu un être cher. Malgré moi, j'étais furieuse contre lui qui me regardait de cette façon, lui qui m'avait vu craquer hier soir alors que je n'en pouvais plus ! Je ne voulais plus en parler, je ne voulais plus le voir !

 - Ne me regarde pas comme ça !!! Vous êtes tous pareil ! Tous !! Sans exception ! Oui, j'ai fais la guerre, oui, j'ai tué, oui, j'ai craqué hier ! Et oui, je vous déteste ! Vous, qui n'avez pas fait cette guerre où des milliers de personnes sont morts ! Vous qui n'avez pas connu ce poids que je porterai toujours en moi ! J'ai...

 - Angely, souffla-t-il doucement en me prenant d'un coup dans ses bras.

La surprise coupa d'un coup ma tirade. Il était trop près, beaucoup trop près ! Mon rythme cardiaque accéléra alors qu'il me caressait les cheveux et que son parfum m'enveloppait. La chaleur qui émanait de lui était apaisante et son souffle au creux de mon cou m'obligeait à ne pas bouger, me faisant frissonner de la tête aux pieds. Pas d'un frisson d'effroi, mais d'un frisson agréable qui vous pousse à en redemander.

 - Je te demande pardon, murmura-t-il. Je ne voulais pas te faire de mal... je sais que je t'ai blessé hier, je l'ai vu dans tes yeux.

J'ai ouvert la bouche pour la refermer. Qu'est-ce que je pouvais dire face à des excuses qui semblaient si sincères ?! J'avais l'impression d'être pour une fois à ma place dans ses bras, comme si depuis toujours, je devais me trouver ici. Et pourtant, je savais que c'était faux. Ma seule place était sur le terrain, et nul part ailleurs.

 - ... Je n'arrête pas de penser à toi...

J'ai lentement tourné la tête pour voir la sienne, et il était rouge ! Mais vraiment ! Quand je disais rouge ! Il était rouge ! S'il était tant gêné par ce qu'il disait, pourquoi continuait-il ?

 - Après tout ce qu'il s'est passé, tu aimerais vraiment que je te crois ? demandais-je doucement.

J'étais surprise par le ton que je venais d'employer.  Je voulais lui montrer que ça ne me touchait pas, que j'étais froide et très bien seule, mais là, c'était raté.

Ses yeux bruns cherchèrent les miens et un petit sourire timide se dessina sur ses fines lèvres que j'aimerais tant em... non... ne me dites pas que cette idée venait d'effleurer mon esprit !

 - Je ne sais pas ce qu'il m'arrive mais quand ça te concerne, je suis à fleur de peau... Même si tu n'arrêtes pas de menacer Ambre, je n'arrive pas à t'en vouloir... Tu veux faire croire aux autres que tu es forte, mais je sais qu'au fond de toi, tu es comme tout le monde. Tu peux être triste toi aussi, mais tu peux aussi être heureuse...

Il avait encore réussi à me couper dans mon élan, maintenant, si je voulais sortir quelque chose, il fallait que je choisisse la bonne réplique ! En plus, il ne semblait pas vouloir me lâcher surtout après ce qu'il venait de dire, sa prise sur moi s'était raffermie et il semblait attendre une réponse de ma part. Il avait l'air si sérieux, mais j'avais plutôt l'impression qu'on se foutait de ma gueule ! J'avais une grande envie de rester là, mais en même temps, je voulais m'éloigner de lui, par peur d'être en train de rêver de quelque chose dont j'étais sûre qu'en réalité, il ne m'aurait jamais dit ça.

Mon instinct de survie et le fait que je n'avais aucune envie d'être déçue prirent le dessus, et j'ai posé mes mains sur son torse pour m'éloigner de lui. J'ai pris une inspiration en le regardant droit dans les yeux.

 - Ne dis pas n'importe quoi. Je n'étais pas triste hier !!

Il m'adressa un pauvre sourire.

- Tu es trop fière pour l'avouer à haute voix...

Houlala !! J'avais l'impression d'être dans le genre d'histoire cul-cul qu'on se racontait dans le désert avec mes anciens coéquipiers ! Et je me foutais toujours de la fille parce que je la trouvais nunuche ! Je n'étais pas ce genre de fille nunuche qui attendait son prince charmant au pas de leur porte ! Les fleurs et les petites intentions ne me faisaient pas ciller, j'avais même horreur de ça ! Bref, ça dérapait, d'ailleurs, il avait toujours cet air sérieux.

 - Je n'étais PAS triste !!

 - Tu essayes de te convaincre ? Parce qu'avec moi, ça ne marchera pas. J'ai bien vu à quel point tu étais triste. Je connais ce sentiment lourd à porter...

 - ...

Est-ce que c'était ça ?! Est-ce que j'essayais de me convaincre ? C'est vrai, hier, j'ai craqué et j'ai pleuré... mais je ne voulais pas que ça se sache...

Oui... C'est vrai, j'étais triste... si triste...

Je me suis mordue la lèvre inférieur pour essayer de les retenir, pour ne pas pleurer à nouveau devant lui, mais trop tard, je sentais déjà quelque chose d'humide rouler le long de mes joues.

 - Je...

 - Chuut, fit-il en caressant mes cheveux.

Je gardais les poings serrés sur sa chemise en pleurant, j'entendais les battements de son coeur et étrangement ça me rassurait, en plus, j'étais contente ça soit lui qui m'ait découverte en train de pleurer la veille et qu'il soit à nouveau là pour moi aujourd'hui...

Il réussit à faire de la place entre les cartons et il s'asseya tout en me gardant auprès de lui, moi, me retrouvant sur ses jambes et le visage près de son cou.

 - ...Merci, soufflais-je en essuyant mes larmes.

Il sourit ce qui révéla des petites fossettes...

Trop mignon...

Angely ! Enlèves ça de ta tête ! Il n'est pas mignon !

 - Ça va mieux ?

 -... Oui... Et... pas un mot aux autres concernant ce qui vient de se passer.

 - Promis !

C'était étrange, je n'aurais jamais pensé vivre ça avec lui, surtout après tout ce qu'il venait de se passer ! Lui, qui avait toujours eu l'air de me détester, voila qu'il me tenait dans ses bras !

 - Tu peux me faire confiance...

Ah ! Dans ses bras ?! Gênée, je me suis aussitôt levée pour m'éloigner de lui.

Non, mais qu'est-ce qu'il m'arrivait ?!

Je n'étais pas comme ça d'habitude !! Personne n'avait jamais réussi à me faire pleurer comme çà et à me prendre dans ses bras ensuite !! Non, ça ne devait pas continuer comme ça ! Qu'est-ce qu'il me faisait dire qu'il était digne de confiance ?! Et si c'était un coup monté ?! Non, c'était sans importance. Il fallait que je l'éloigne de moi. Il ne pouvait pas rester près de moi... pas après toutes ces personnes que j'ai tué de sang froid.

 - Arrête ça tout de suite !! Je ne suis pas ce genre de fille ! Je ne peux pas... C'est tout bonnement impossible ! Il faut que...

 - Angely, soupira-t-il en se levant pour me faire face.

Non, ça ne pouvait pas continuer, il me faisait tourner en bourrique et j'avais horreur de ça ! Surtout il ne fallait pas qu'il se rapproche. Je risquais de le blesser.

Pire de le tuer.

 - Calme-toi, s'il-te-plait.

 - Que je me calme ?! T'es stupide ou quoi ?! J'ai à nouveau pleuré alors que je trouve que c'est un signe de faiblesse ! Je suis FAIBLE !!! Et je...

Il me prit le menton pour que je le regarde droit dans les yeux ce qui eu le don de m'agacer, car je ne trouvais plus rien à dire, mes yeux se perdaient dans les siens si bruns et si beaux... brillants et pétillants, remplis de lueur que je n'arrivais pas à décrire...

 - Tu n'es pas faible, tu es HUMAINE.

J'ai écarquillé les yeux.

Moi ? Pas faible ? Mais humaine ?

Non. Je n'étais qu'un monstre. Une tueuse. Un assassin. Un être ignoble qui ne pouvait pas ressentir tout ça.

 - C'est normal de te sentir comme ça...

 - Non, ce n'est pas normal ! Pas pour moi !

Un sourire narquois prit place.

 - Si tu savais comme tu es mign...

Les cliquetis de la clé qui tournait dans la serrure se fit entendre, le coupant net dans son élan. La porte s'ouvrit et la lumière entrant m'éblouit.

 - Mais qu'est-ce que vous faites là ?!

Le jeune homme aux cheveux verts nous regarda perplexe et ceux derrière lui aussi. Nous nous sommes vivement écartés, comme si nous nous étions brûlés par ce rapprochement.

 - Tu es Jade, je suppose, dis-je d'un air décontracté en tentant d'oublier le contact de ses doigts sur mon visage.

 - Tu supposes plutôt bien, mais l'un de vous 2 pourrait me dire ce que vous faites dans le local ?

 - Oui, confirma Seth derrière lui d'un air mécontent. Qu'est-ce que vous faisiez ?

Ambre à ses côtés avait l'air figé... plutôt dans un genre horrifié... comme si...

 - Nous avons eu un problème. Nous cherchions l'interrupteur quand quelqu'un nous a enfermé, expliquais-je.

Seth fusilla du regard Nathaniel qui se tenait à mes côtés d'un air tendu. Il avait fini par me lâcher et je ne saurais jamais ce qu'il comptait me dire. Mais peut-être que ce n'était pas plus mal. Je ne sais pas jusqu'où j'aurais été obligé d'aller pour le blesser et l'éloigner de moi. Et rien qu'à l'idée de pouvoir lui faire du mal, j'ai senti une vague de sentiments qui me mit mal à l'aise.

 - Nath' ! Je croyais que tu étais avec Armin ! lança Ambre.

 - J'étais avec lui, mais j'ai dû le laisser pour venir chercher le coton.

Alors que Nathaniel se retournait pour prendre le carton, j'ai remarqué le juron que Ambre a lâché doucement dans son coin. Elle semblait être impliquée dans cette histoire de porte fermée... j'allais devoir enquêter...

Ou pas...

Ce qu'il s'était passé n'allait pas quitté ce local, car personne à part nous deux n'était au courant.

Seth a récupéré un carton et Nathaniel prit le deuxième, j'ai attrapé la boite à outils et ils avancèrent devant moi, Ambre collant Seth de près.

La conversation avec Nathaniel me revint lorsque j'ai croisé son regard, et où il rougit d'un coup en détournant les yeux, gêné par ce qu'il s'était passé. Nous avons vite fait de rejoindre Armin et Alexy qui étaient en présence du groupe de Rosa qui s'occupait des costumes avec son petit-ami qui avait accepté de venir aider.

J'allais me faire discrète, quand une main attrapa mon avant bras et m'obligea à rester sur place.

 - Je sais qu'il s'est passé quelque chose !

Aie... comme si ce n'était pas suffisant...

L'inconnu fait toujours peur car nous ne savons jamais vraiment à quoi nous attendre.

On a beau se préparer et mettre des protections pour prévenir de tout problème, il y aura toujours une faille.

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