Chapitre 17 : Visite de courtoisie

- Je peux t'aider ?

Malgré moi, j'ai lâché un gémissement de douleur en me laissant retomber contre le mur.

J'avais la tête à l'envers et je le voyais. Il portait un jean normal avec une chemise grise et une écharpe rayée autour du cou. Ses cheveux noirs virevoltaient légèrement sous la brise et ses yeux noirs me fixaient en attendant ma réponse. Je ne voulais pas de son aide... j'étais plutôt trop fière pour lui en demander, et il le savait parfaitement, c'est pourquoi il sourit et se retourna pour partir. J'ai serré les dents avant de prendre une inspiration.

 - Aide-moi, s'il te plait...

Il s'arrêta et se retourna d'un coup, m'attrapant délicatement et d'un geste précis, il réussit à détacher le fil qui s'était accroché à moi. Il me garda dans ses bras au lieu de me reposer au sol.

 - Je n'en attendais pas tant de ta part, commenta-t-il avec un sourire à fossette... comme celui de Nathaniel...

Non, ce n'était pas le moment de penser à lui.

 - Repose-moi, grommelais-je.

Son sourire s'agrandit et il rapprocha son visage du mien.

 - Alors que nous vaut l'honneur de ta visite ?

 - Ça ne te regarde pas ! Et dépose-moi !

Il soupira.

 - Toujours à donner des ordres, souffla-t-il en me laissant glisser jusqu'au sol.

J'ai grimacé lorsque ma jambe blessée toucha le sol, je sentais un liquide chaud couler le long...

 - Ça va ? s'inquièta-t-il.

Je me suis éloignée de lui en clopinant, tout en ignorant sa question.

 - Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandais-je.

 - La même chose que toi j'imagine.

 - Où sont les autres ?

 - Ils doivent trainer en ville.

 - Pourquoi tu n'es pas allé avec eux ?

 - J'avais envie de passer les voir. Et toi ?

Je n'ai rien dit et j'ai marché jusqu'à les trouver. Leurs tombes étaient décorées de fleurs surtout celle du major.

Je me suis mise au garde à vous pour lui rendre un petit hommage et j'ai fermé les yeux un instant.

"- Quel est ton nom ?

Il me faisait peur... Il était si grand...

 - An...Ange... Angely...
 - Ton nom complet ! aboya-t-il sévèrement.

J'ai peur... vraiment beaucoup...

 - Angely... Blacks...
 - Parfait, Angely Blacks, je ferais de toi, le meilleur soldat qu'aura connu cette histoire."

 

- Bonjour, Major Dazui.

Son nom avait été inscrit en tout petit avec tous les autres : c'étaient des héros de la nation.

 - Tu étais aussi venu voir le major ?

 - Oui, me répondit-il en se mettant à ma gauche.

Il était beaucoup plus grand que moi maintenant et il semblait même plus fort qu'avant... Il croisa mon regard et sourit.

 - Tu sembles plus calme que lors de notre dernière rencontre.

J'ai souri légèrement.

 - Il faut croire que ta présence m'apaise, plaisantais-je en regardant la tombe où étaient inscrits les noms de mes anciens camarades.

 - ...Au fait, qu'est-ce que tu fais dans cette tenue ?

 - Mmh... je suis venue découvrir le paysage.

 - J'ai l'impression que tu as encore fait quelque chose qu'il ne fallait pas... d'ailleurs, d'où te viennent ces bleus ?

Son regard sombre s'était durci en quelques secondes...

 - C'est rien.

Il prit mon visage entre ses longs doigts.

 - Réponds-moi Angel.

 - Ça ne te regarde pas, Seth !

Je me rappelais encore de ses mains qui serraient ma gorge... brrr, je me suis dégagée de sa prise.

 - J'étais venue voir mes anciens coéquipiers et le Major, pas pour te raconter ma vie !

Ses yeux sombres me fixaient avec intensité.

 - Angel', ça fait plus de 5 ans que nous nous connaissons et tu ne me fais toujours pas confiance. Tu continues de donner des ordres alors que nous ne sommes plus en guerre, Angely, c'est fini. Nous pouvons vivre normalement maintenant.

Quelle blague ! On ne peut pas vivre normalement après avoir vu autant de choses aussi atroces les unes que les autres ! La petite fille que j'étais avait disparue depuis le début, et aujourd'hui, j'étais celle qui tuait les gens.

 - Je dois y aller.

Au lieu de repartir par le chemin d'où je venais, j'ai préféré partir par l'entrée et je me débrouillerai pour après. Tant pis si je me faisais attraper. Je n'aurais qu'à me faire engueuler à nouveau par le colonel. Ce n'est pas comme si j'avais été un élève modèle depuis le début. Il finira par s'arracher les cheveux, mais à la fin, il finira par se calmer.

Ou bien, il deviendrait chauve.

Et bien sur, j'étais certaine que je lui en ferais encore baver. Rien que la perspective me faisait sourire.

 - Seth ! ...Survis !

 - ... Toi aussi.

Ma jambe me faisait mal... il fallait que je parte rapidement. Le sang était en train de tâcher mon uniforme... Ce qui n'était pas bon signe.

J'ai à nouveau escaladé un mur où je vis qu'il n'y avait pas de barbelé, abandonnant l'idée d'empirer ma situation actuelle. Et je suis repartie en trainant la jambe blessée derrière moi. Je mis beaucoup plus de temps à rentrer, et ce que je vis à l'entrée de la maison ne me plut pas du tout. Je me suis mordue la lèvre inférieure prête à endurer la nouvelle crise qui risquait d'éclater.

 - Où étais-tu avec cette uniforme ?

 - Je me suis promenée.

J'attendais toujours, mais toujours rien. Qu'est-ce qu'il avait ? Je pensais qu'il m'aurait sauté à la gorge pour m'arracher la tête, et me faire comprendre qu'il fallait que je lui obéisse...

 - Mr Conrad est passé avec son fils...

Aie, je m'attendais au pire. Souvent quand Nathaniel passait dans le coin, ça avait tendance à s'empirer.

 - Il est venu te remercier, mais quand je suis venu te chercher dans ta chambre, tu avais disparu !

 - ...Me... remercier ?!

C'est une première ça !

 - Nathaniel m'a expliqué que tu avais sauvé Ambre d'une agression. Pourquoi tu ne me l'a pas dit hier ?!

 - ...C'est une honte de se prendre une raclée pour sauver quelqu'un, avouais-je en regardant la maison de la famille Conrad.

Le colonel Spark se leva et à ma grande surprise, me prit dans ses bras... comme un père le ferait pour sa fille.

 - Je suis désolé de t'avoir hurlé dessus.

Je me suis mordue les lèvres pour ne pas craquer.

 - Pas la peine de vous excuser, j'ai l'habitude.

Ça, c'étai vrai. Mes parents n'avaient pas arrêté de me hurler dessus pendant les mois où j'avais vécu avec eux. Ils me hurlaient dessus pour que j'arrête de m'approcher d'Anthony.

 - Arrête de me vouvoyer !

Je ne pouvais pas m'en empêcher ! Et ça, il ne semblait pas le comprendre. J'avais conscience qu'il était supérieur à moi dans la caserne, du coup, je ne pouvais pas le considérer comme égal à moi-même.

D'où ma difficulté.

Mais là, cette situation me gênait beaucoup. Le colonel me gardait dans ses bras, et je ne savais pas trop comment réagir. C'était étrange, vraiment.

 - Est-ce que vous pourriez me lâcher, s'il vous plait ? finis-je par dire.

 - Ah ! Euh... oui ! Euh... je vais faire les courses.

 - D'accord, à plus tard.

Il fila à toute allure jusqu'à sa voiture pendant que je montais dans ma chambre, où je me suis déshabillée.

Le barbelé avait laissé une longue estafilade sur ma jambe... je suis allée me chercher la trousse et j'ai désinfecté la blessure. J'étais contente que le fil n'ait pas abîmé le vêtement sinon le colonel n'aurait pas été content. Par contre, le sang commençait à sécher...

J'ai rapidement passé un mince filet d'eau chaude sur la tache tout en frottant avec du savon. L'eau se colora petit à petit et bientôt la tache finit par disparaitre. J'ai alors accroché le bas de l'uniforme à un cintre pour le faire sécher.

Une fois fini, je me suis allongée sur mon lit en repensant à ce qu'il s'était passé. J'avais sauvé Ambre, puis je l'avais menacé par l'intermédiaire de son frère pour qu'il me laisse me débrouiller. Au lieu d'insister, il m'avait laissé là et Castiel était apparu au bon moment pour me sauver des griffes d'un de mes agresseurs, je lui devais donc une fière chandelle, mais en même temps, il me faisait du chantage... et j'étais alors obligée de faire tout ce qu'il me demandait... mais il était très vite parti en voyant le colonel Spark... alors est-ce qu'il allait encore me tenir en laisse pour que j'éxécute ses moindres petits désirs ?!

En tout cas, heureusement que Nathaniel avait tout expliqué à mon tuteur, parce que sinon j'aurais été à la rue à cause de mon exclusion du programme.

Finalement... il était peut-être différent ?

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