Chapitre 16 : Quand le barbelé s'enfonce
"On se défiait du regard quand tout à coup, il lâcha son arme par terre, courut et me sauta dessus, ses mains s'enroulant autour de ma gorge."
Je reprenais mon souffle. Pourquoi est-ce que mes souvenirs revenaient d'un coup comme ça ?!
J'ai senti la peau de mon visage se tirer et j'ai grimacé en imaginant ma tête... je me suis trainée jusqu'à la salle de bain, où je vis mon visage dans le miroir.
J'avais bel et bien des hématomes, mais quelques unes d'entre elles avaient commencé à jaunir cette nuit. J'ai caressé du bout des doigts la cicatrice qui était sur ma joue gauche, ça c'était sur, je ne l'oublierai jamais.
Je suis retournée dans ma chambre où je me suis habillée chaudement. Il n'était que 4h du matin, mais je n'avais plus sommeil, et puis, autant profiter de cet instant de tranquillité, vu que le colonel Spark dormait encore, et que tous les habitants du quartier devaient faire la même chose à cette heure ci.
Je suis sortie de la maison sans faire un seul bruit et j'ai sursauté sur mes gardes en entendant un bruit venant de ma gauche. Je vis un chat noir sortir du buisson et j'ai soupiré. La lune éclairait la ville et les étoiles étaient encore présentes. J'ai fait un tour du quartier en courant. L'air frais entrait dans mes poumons en les brûlant et cette sensation m'était familière.
Je me rappelais du vent chaud qui soufflait sur mon visage, du sable fin qui s'infiltrait dans nos chaussures noires ou même dans nos armes, et tout ça me manquait. Ici la vie était étrange, des règles devaient être respéctées et personne ne pouvait les enfreindre. Sur le champ de bataille, il n'y avait qu'une seule règle que tout le monde connaissait : Survivre. C'était la règle d'or, c'était la première chose que l'on m'avait dit et depuis, j'avais toujours suivi cette règle, mais en revenant à cette vie "normale", j'avais déjà enfreint pas mal de règles, et bien plus qu'un taulard ! C'est même étonnant que je ne sois toujours pas derrière les barreaux à l'heure qu'il est.
Vers 6h du matin, je suis retournée chez Mr Spark et je me suis allongée dans l'herbe quand tout à coup, quelque chose d'humide me lécha le visage. Je me suis levée d'un coup et je me suis arrêtée quand je les vis.
L'un d'eux vint se frotter à ma jambe alors que les autres me tournaient autour.
- Miaou !
Des chatons ! Il y en avait quatre ! Je me suis lentement agenouillée en tendant ma main où l'un d'eux y posa sa patte. Ils étaient magnifiques ! Et tellement mignon... Tellement doux...
- Où est votre mère ?
Question stupide. Comme s'ils pouvaient me répondre.
- Miaaouu !!
Je les ai caressés. Combien de temps est-ce que je n'avais pas vu un animal inoffensif venir auprès de moi ? Je ne sais plus... Mes yeux me piquèrent et une énorme boule dans ma gorge m'empêchait de respirer correctement... J'aurais voulu la faire partir d'un claquement de doigts.
- ANGELY !!!!!!!!
J'ai sursauté, et j'ai pris une inspiration pour chasser mes larmes, puis j'ai caressé une dernière fois les chatons qui ont ronronné, avant de rentrer dans cette maison.
Le colonel Spark était en pyjama à la table ronde.
- Je t'ai ordonné de rester dans ta chambre !! Si tu veux t'entraîner, tu le feras dans ta chambre !!
- ... A vos ordres, mon colonel.
J'ai monté les marches et j'ai fermé la porte de ma chambre derrière moi avant de me jeter sur mon lit, et de fixer le plafond comme si j'étais capable de le détruire, pour regarder le ciel où le soleil commencerait à se lever.
- Quelle vie de merde, soufflais-je pour moi-même.
Heureusement que la directrice avait annulé mes cours de rattrapages avec elle ! D'ailleurs, je n'étais plus sûre de vouloir continuer le Programme. J'avais tant de mal à m'y habituer ! Moi, je me sentais bien sur un terrain miné... et les gens devaient me prendre pour une folle... pourtant j'avais passé des années à faire la guerre et c'était la seule chose qui me venait à l'esprit en repensant à mon enfance, je n'arrivais pas à me rappeler de ce que je faisais avant.
Est-ce que je jouais à la poupée comme les autres petites filles ? Est-ce que j'avais été heureuse comme me le montrait le souvenir qui m'était revenu lorsque je devais fêter mon anniversaire ? Avais-je des amis en dehors de Ken ? A quoi est-ce que je pensais ? Qu'est-ce qui me plaisait ?
J'avais tant de questions dont personne, pas même mes parents n'avaient voulu me répondre lorsque j'étais retournée dans cette maison si familière, mais pourtant si étrangère à mes yeux. Mes parents, tout comme le reste de la famille s'étaient montrés hostiles à mon égard, seul Anthony, mon petit-frère avait osé s'approcher de moi durant ces 2 mois, malgré les protestations des autres pour qu'il ne m'approche plus. Je ne l'avais jamais forcé à faire quoi que ce soit, c'était lui-même qui était venu à ma rencontre. Mais il n'avait jamais réussi à briser la glace qui me séparait de cette famille et... personne n'y arrivera... pas même moi.
Je ne me rappelais même plus de la tête de mon petit frère... je devrais en avoir honte, mais ça voulait aussi dire que lui m'avait surement oublié et c'était peut-être mieux comme ça. Qui voudrait d'une soeur qui avait enlevé plus d'une centaine de vie ? Personne. Personne ne voulait d'une fille ayant fait la guerre, pas même les parents. Seuls ceux ayant un fort tempérament avaient osé et voilà le résultat, le colonel Spark était à bout de nerfs, je n'aurais jamais pensé le voir dans cet état. Lui qui semblait si gentil malgré ses airs sévères qu'il prenait parfois comme le faisait le major avant lui.
Le major, lui qui m'avait tout appris... il fallait que je le revois. Mais comment ?! Pour le revoir, il fallait que je retourne à la caserne et jamais le colonel ne me l'autorisera ! Pas après sa crise de nerfs ! C'était du pur suicide ! Quoi que... j'avais vu pire... Il m'avait interdit de sortir de ma chambre durant toute la journée, ça voulait dire qu'il ne m'adresserait pas la parole non plus, donc...
Je me suis levée et j'ai pris le strict nécessaire sur moi, enfilant l'uniforme qui était sur mon armoire. J'ai ouvert la fenêtre et je l'ai enjambé, une jambe pendant dans le vide, ce n'était qu'un étage, j'étais déjà tombée de bien plus haut... j'essayais de me convaincre à voix haute que je ne risquais rien. J'ai dégluti péniblement et j'ai passé l'autre jambe par la fenêtre, j'ai ensuite pris une inspiration avant de sauter.
Le choc avec le sol se répercuta dans tous mes membres, me laissant trembler pendant quelques instants. J'ai fais un inventaire rapide pour voir si j'avais ne serait-ce qu'une blessure, mis à part, un léger mal de pieds, j'allais bien. Les chatons semblaient m'avoir senti et m'entouraient déjà... Certains tremblaient comme moi tout à l'heure...
- Restez ici, dis-je en les poussant vers le buisson.
- Miaou !
Bon, il ne fallait pas que je traine si je voulais rentrer avant qu'il ne s'aperçoive de mon absence ! J'ai couru, en empruntant un chemin que j'avais repéré. J'étais assez fière d'avoir pensé à mémoriser le chemin qui menait à la caserne, bien sur, j'étais à pieds et je courais dans les champs, vu que la route était réservée aux voitures et que je ne savais pas conduire.
Par contre... en arrivant devant la caserne au bout d'une heure de course et toute essoufflée que j'étais, j'avais oublié un détail : il me fallait une accréditation si je voulais entrer... et c'était pas gagné ! Même si j'avais l'uniforme, ça ne voulait rien dire !
J'allais pénetrer dans une enceinte normalement interdit aux civils, ce que j'étais maintenant... J'ai dégluti et j'ai fais le tour, il n'y avait des fils barbelés dans chaque recoin et des caméras de surveillance avec la plupart du temps des pancartes rouges qui signalaient au passant de déguerpir dès que possible. Je savais où se trouvait le major : vers l'aile Sud et je devais être au Nord Est.
Sur le chemin, j'ai croisé plusieurs soldats et sans réfléchir, je me suis mise au garde à vous, en évitant soigneusement de croiser leur regard. Je ne devais pas éveiller les soupçons, pas maintenant. Ils étaient trop occupés à parler qu'ils m'ont salué distraitement. Ouf...
J'ai fini par arriver dans un coin isolé. J'ai grimpé par dessus le mur, me prenant au passage le pied dans le fil de barbelé... grrr... j'ai glissé de l'autre côté du mur avant d'avoir pu l'enlever, et je l'ai senti s'enfoncer dans ma chair...
- Aiiiiiiiiie, gémis-je en essayant de me redresser.
C'était encore pire, comment est-ce que j'avais fait ?! Non, mais quelle bourrique ! Mon autre pied s'accrochait désespérement au haut du mur et je tentais de me tirer vers le haut.
Je serrais les dents pour ne pas hurler, nom de Dieu ! Ce que ça faisait mal ! J'ai courbé le dos pour me tenter d'enlever le fil de ma jambe, mais la douleur commençait à être insupportable !
- Je peux t'aider ? fit une voix non loin de moi.
Malgré moi, j'ai lâché un gémissement de douleur en me laissant retomber contre le mur.
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