Chapitre 10 : Le retour
Je me suis débattue, frappant avec mon coude à l'arrière, je l'ai senti frapper une masse dans mon dos et j'ai entendu un grognement. J'ai passé un pied derrière une jambe, alors que des bras enserraient mon cou et je l'ai tiré en avant. J'ai été emmenée malgré moi sur le sol, amortie par la masse qui m'avait prise par surprise.
J'ai à nouveau frappé avec mon coude dans les côtes de mon agresseur qui me lâcha, je me suis relevée et j'ai posé mon pied sur son torse, prête à asséner de nouveaux coups, quand des bras attrapèrent les miens pour les immobiliser.
Méfiante, j'ai utilisé mes jambes pour me libérer. Je me suis écartée vivement en posture de défense, puis j'ai écarquillé les yeux en les voyant se relever péniblement.
- Angel' !! grommela-t-il. Tu aurais pu frapper moins fort !
- Tu t'es pas ramollie ! ajouta l'autre mécontent.
- Toujours aussi forte, commenta une voix derrière moi.
Je me suis retournée d'un coup pour le voir, là devant moi. Il portait un jean avec un T-shirt... noir... comme ses cheveux et ses yeux qui pétillaient.
Je rêvais ?
- Ne me regarde pas comme ça ! protesta-t-il.
Ils étaient vivants... non... je me sentais bizarre tout à coup... comme du... soulagement ? Pourquoi serais-je soulagée ?
Ce n'était pas comme si je tenais à eux...
- Content de te revoir en forme.
J'ai serré les poings et je lui ai mis une droite. Il s'affala par terre en gémissant, alors qu'un sourire venait s'étendre sur mes lèvres.
Non, j'étais seulement contente de pouvoir les martyriser plutôt.
Encore.
- Vous vous êtes ramollis les filles, lançais-je en étirant mes bras.
- Toujours aussi froide, marmonna l'un d'eux.
- Pardon ? L'un de vous a dit quelque chose ?
Je les ai scrutés un à un, alors qu'ils évitaient tous trois mon regard.
- Non, non ! se hâta de répondre celui qui se levait devant moi en se frottant la mâchoire.
- Que faites-vous là ?
- Le colonel Spark nous a demandé de venir pour voir Mme Atmen.
Ils faisaient donc partis du programme... Et ils avaient du raconter pas mal de chose à cette vieille peau, lui permettant d'avoir un contrôle sur leur vie... Décidément...
- Et toi ? Que fais-tu là ?
J'ai jeté un coup d'oeil au lieutenant O'Hara qui m'observait intensément. Comme s'il attendait que je ne change de personnalité d'une minute à l'autre. Comme s'il attendait le retour de l'Ange de la Mort qui résidait en moi. Bien sur, moi-même je m'étais ramollie, mais je ne l'avouais pas à voix haute. Et puis, m'être confrontée à mes anciens coéquipiers qui n'avaient pas su me tenir tête, m'avait remis dans le bain, dirait-on.
- Ça ne vous regarde pas.
Je ne pouvais quand même pas leur dire que je m'étais évanouie parce que je n'avais rien mangé de toute la journée ! Et que le colonel ait eu la brillante idée de demander à ce que ma nounou me ramène ici.
D'ailleurs, ce serait honteux qu'ils apprennent mon malaise au lycée. Ça casserait directement mon image que je m'étais forgée durant toutes ces années à leurs côtés.
- Angely ! m'appela le colonel.
Ouf ! Je les ai laissés pour rejoindre mon tuteur qui avait les bras croisés, avec un air sérieux.
- La directrice de ton lycée m'a prévenu que ton cours de soutien est annulé ce week end.
Yahoooooooooouuuuuuuuuuuu !!!!!
Je me suis retenue de sauter de joie à temps, car vu sa mine, il y avait un mais.
- Mais...
Et voilà, qu'est-ce que je disais ?
- Tu rattraperas le tout mercredi après-midi.
J'ai poussé un soupir à fendre l'âme. C'était vraiment trop beau pour être vrai. Comme quoi, le machin rose comptait bien me rendre la vie difficile. Même que les études se donnaient un malin plaisir à me faire souffrir de cette manière là.
Ce serait une vengeance du destin ?
- Tu prends des cours de rattrapage ?! s'exclama une voix derrière moi.
Je me suis crispée, et voilà, ils avaient entendu !
Punaise, la honte...
- Que font-ils ici ? demandais-je en évitant la question qui avait été posée.
- Ils sont aussi venu pour voir le Dr Atmen. Je pensais que revoir tes anciens coéquipiers t'aurait fait plaisir.
- Et bien, vous vous êtes trompé.
Bon d'accord.
En réalité, j'étais soulagée qu'ils soient revenus au pays, en vie, mais je n'avais pas à leur montrer que j'avais été inquiète pour eux. D'ailleurs, je ne leur avais jamais montré qui j'étais réellement, ils connaissaient seulement la "Angely" qui avait fait la guerre... Et ce n'était pas plus mal.
Au moins, ils ne s'attendaient pas à un accueil chaleureux de ma part, ni quoi que ce soit d'autre. Je ne voulais pas qu'ils dépendent de moi, comme moi pour eux.
Dépendre de quelqu'un, s'est s'affaiblir et donner l'opportunité à l'ennemie de nous atteindre, et ça, c'était hors de question. Pas après ça, pas après ce qu'il s'était passé ce jour-là.
- Dis, tu pourrais pas être un peu plus détendue ? fit Alex avec une moue. La guerre est terminée...
Je me suis retournée pour lui faire face et il se tut en regardant ailleurs.
- Ton cerveau s'est bien plus ramolli que ce que j'aurais pensé, Alexy.
Il évita mon regard, ses yeux roses cherchant une aide extérieure. D'ailleurs, il sembla la trouver car j'ai aperçu son corps se détendre légèrement.
- Angel', tu devrais arrêter de nous donner des ordres et de nous critiquer, nous ne sommes plus dans l'armée, intervint son frère.
Mais c'est grâce à moi s'ils étaient encore vivants !! Peut-être que j'aurais dû les abandonner finalement...
- Mon colonel, j'aimerais rentrer dès que possible afin de régler un détail.
- Quel genre de détail ? m'interrogea-t-il curieux.
Je ne pouvais pas lui dire que je devais remercier Nathaniel pour ce qu'il avait fait aujourd'hui. C'est décidément trop honteux... Et puis, je ne savais même pas si j'avais le courage de le faire... Surtout après tout ce qu'il s'était passé entre nous jusqu'à maintenant... J'ai l'impression que ça serait déplacé...
Mais je ne voulais pas rester plus longtemps dans cette caserne qui commençait à m'oppresser, par ces soldats, par mes coéquipiers, par mon passé qui ne désirait qu'une seule chose : refaire surface.
- J'ai dis à quelqu'un que je devais passer.
- ... Très bien. Lieutenant, ramenez-la chez moi.
Celui-ci ouvrit la bouche pour protester, mais il la referma en se renfrognant très rapidement.
Comme s'il savait que contredire le colonel ne lui ferait que gaspiller son énergie.
Il n'avait pas tort d'ailleurs.
- Survivez, lançais-je en partant.
Je sais qu'ils ont compris, je disais toujours ça quand on se séparait, et pour l'instant, ça nous avait toujours porté chance, la preuve, tous mes camarades que j'avais cotoyés étaient vivants depuis que j'étais arrivée dans un de nos camps, seule.
Le lieutenant O'Hara n'était pas content, pas du tout content ! On aurait dit une boule de nerf qui n'attendait qu'un geste pour exploser. Comme une pauvre mine sur laquelle on marcherait et qui se déclencherait aussitôt.
Amusant.
En vue de son grade, il ne devait sûrement pas s'attendre à être le chauffeur d'une pauvre gamine comme moi !
Le pauvre !
Non, je rigole évidemment. Je n'ai aucune pitié pour lui. J'aurais aimé l'enfoncer un peu plus pour l'énerver, et le voir exploser, mais je n'avais aucunement envie de donner une quelconque explication au colonel concernant le lieutenant.
Ce serait de la fatigue, et de l'énergie perdue pour rien, alors que je pouvais me concentrer sur autre chose.
On a fait le trajet en silence et je sentais son envie meurtrière... Et oui ! Il était lieutenant, et son boulot c'était chauffeur !
C'était une sorte de récompense de le voir dans cet état.
J'en étais presque au point de me dire que j'étais contente de m'être évanouie !
Je sais que je suis sadique. Normal après tout ce temps où j'ai tâché mes mains avec du sang d'un autre être humain. Ce n'est pas comme si j'avais dû rester une pauvre fille sensible qui se mettrait à pleurer pour rien. Je sais que la guerre m'a changée, mais je ne peux pas rester traumatisée à vie comme le sont certains soldats. Je n'en vois pas l'intérêt, ou plutôt, disons que je n'ai pas le même esprit que le leur. Ils culpabilisent, alors que je m'en fiche.
Ben oui, je suis un monstre.
Pourquoi vouloir changer ce que je suis ?
Il me déposa devant la maison du colonel et partit à toute allure. J'ai vu la lumière de la chambre de Nathaniel allumée...
Il était là...
Mais comment faire ?! Je ne pouvais pas me ramener comme ça, si ?
J'ai dégluti et je suis allée sonner. La porte s'est ouverte... sur... Ambre, vêtue d'une robe très courte, dévoilant presque le dessus de ses cuisses. Elle semblait espérer l'arrivée de quelqu'un d'autre, mais en me reconnaissant, elle fit une moue dégoutée, suivi d'un large sourire.
- Tiens, tiens ! Chère voisine ! J'ai crû comprendre que tu étais tombée dans les pommes aujourd'hui ! Je savais que tu étais une fille faible !
J'ai serré les poings, cette pimbêche faisait tout pour m'énerver !!!! Si j'étais si faible que ça, je ne me tiendrais même pas debout devant elle.
Allez zeeeen, il fallait que je reste calme. Au moins le temps de remercier son frère.
- Est-ce que Nathaniel est là ?
- Pourquoi ? Tu as besoin de cours de soutien ? se moqua-t-elle.
J'ai inspiré et expiré profondement pour me calmer. Allez, encore un peu.
- Ambre ? Qui c'est ? entendis-je.
C'était la voix de Nathaniel !! J'y étais presque !
- Personne ! répondit celle-ci en fermant la porte, un sourire narquois barrant son visage hideux.
Je venais de me faire claquer la porte au nez...
Raaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!! J'ai juré à voix haute et au lieu de rentrer dans la maison, je suis allée au jardin où j'ai balancé mon sac et j'ai commencé à faire de l'exercice pour me vider l'esprit de mes envies de meurtre envers une certaine personne.
Pxtain, mais c'est pas possible !!! Comment pouvait-elle être aussi horrible ?! Cette espèce de garce !
Mais pourquoi est-ce que le visage de Nathaniel apparaissait il à chaque fois ?! Pourquoi est-ce que son avis sur moi était-il si important ?! Et pourquoi est-ce que j'avais une douleur dans la poitrine à chaque fois que je me rappelais qu'il m'avait giflé ?! Mais qu'est-ce que j'avais ?! C'est quoi mon problème sérieux ?! C'est la première fois que je suis comme ça !
Je me suis laissée tomber par terre en haletant, les yeux fixant le ciel étoilé. C'était le même ciel que j'observais depuis le désert de Cersy... pourtant il y avait une différence... mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus...
"- Angel' ?
J'ai passé mes doigts sur mon arme par pur réflexe.
- Qu'est-ce que tu veux ? Tu devrais aller dormir, ton tour de garde est dans 4 heures.
- ...Qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là ?
Il faisait référence au jour où j'étais arrivée au camp, les vêtements tâchés de sang, les plaques d'identité de mes anciens camarades en main et un couteau planté dans l'épaule...
Une journée noire...
Après m'être évanouie, je m'étais réveillée en pleine embuscade, j'avais réussi à me lever, je voulais les aider mais John... mon ami... m'avait empêché de faire quoi que ce soit. Ils se sont tous fait tuer et j'ai tué les ennemis qui avaient fait ça, ainsi que le cannibale qui avait tenté de s'enfuir. Je les avais tué de mes propres mains et je m'étais assurée que personne d'autre n'attaquerait avant de rendre hommage à mes camarades en les regroupant et en prenant leurs plaques d'identités. J'avais pris une arme que j'avais passé autour de mon cou et j'avais marché, marché si longtemps que j'avais crû que je ne survivrais pas. Le soleil s'était couché et les bestioles commençaient à rôder pour se chercher à manger...
- Rien. Va dormir, Seth.
Il soupira.
- Si tu veux parler, je suis là.
Pfff... il ne comprend pas que je préfèrerai être seule ?!
Il m'adressa un dernier sourire avant de retourner se coucher. J'ai jeté un coup d'oeil autour de moi pour voir le sable à perte de vue. Le vent glacial vint me fouetter le visage et je me suis recroquevillée sur moi-même pour me tenir au chaud. Une fois le soleil tombé, la chaleur de la journée disparaissait rapidement pour laisser place à un froid qui pouvait être insoutenable.
- Encore 4 heures, Angely, me dis-je à voix haute pour rester éveillée.
J'ai regardé vers les trois corps de ces jeunes hommes qui avaient leur vie dans mes mains.
- Ils comptent sur toi. Ne les déçois pas..., soufflais-je pour moi-même.
J'ai jeté un coup d'oeil au ciel étoilé et à cette demi Lune qui éclairait les environs.
À quand une issue de ce monde cruel ?
Quelqu'un... si seulement il existait quelqu'un capable de me sauver. Mais je sais que je rêve trop. Je suis dans la mxrde jusqu'au cou.
J'ai tué des gens. Des tas.
Et je continuerai d'en tuer. Pour les sauver. Pour tenir ma promesse.
Et ce quoi qu'il arrive."
- L'herbe est si confortable que ça ?
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