Revers de la Virée Nocturne - partie 1

Luke Collins, 20 ans, hybride humain et démon.

    Depuis ma dernière péripétie, quelques jours s'étaient passés. Des jours bien meilleurs, heureusement.
Enfin, depuis nos péripéties, devrais-je dire. Personne n'en avait voulu à la vie de Tanya, qui avait reçu quelques jours de congés pour se remettre de ses émotions et reprendre des forces. Ce fut également pour elle une période d'entraînement, elle avait le désir féroce de s'améliorer, de devenir plus puissante. Robyn Leadson était ravie de l'aider dans la maîtrise de l'arc et ses flèches enchantés.
    Il y a peu, Nolanh m'avait raconté ses propres péripéties. Il m'avait confié être devenu le garde du corps de la Déesse de l'Amour depuis que la situation était devenue critique pour elle. Et effectivement, elle n'était pas devenue paranoïaque avec ces histoires de meurtres - à l'inverse d'un tiers de la population brliklinoise -, son danger était bien réel.
La Fille d'Éros était suivie à la trace par une aura malfaisante affreusement tenace  - même moi, de manière générale, j'avais ressenti beaucoup plus d'ondes démoniaques qu'à l'accoutumée. Et, sans surprise, elle se faisait parfois attaquée.
Habituellement, mon meilleur ami m'avait assuré qu'il n'y avait que quelques monstres malfaisants. Malheureusement, lors de l'agression de Tanya et celles des chasseurs du Mermaid Café, une horde d'harpies voraces, guidée par de vicieuses gorgones siamoises  à la peau grisée et aux serpents violets sur la tête, ont tendu une embuscade à la divinité mineure et le valeureux métamorphe chargé de sa protection - Par ailleurs, elle lui avait offert la faculté de se transformer en tarasque, un lion de la taille d'un rhinocéros équipé d'une carapace de tortue munie de pique imposante avec des pattes munies de griffes acérées… que c'était cool ! J'en serai presque jaloux !
Si tu savais l'étendue de tes propres pouvoirs… tu pourrais faire bien plus impressionnant ! sembla me soupirer ma conscience, usée par mon contrôle permanent.
Bref, avec ses clients, des tigres-garous, ils sont parvenus à repousser la horde dès lors qu'ils ont retirer la vie aux gorgones siamoises, même s'ils ont failli y laisser la vie au passage.
Tant bien même que Nolanh soit plutôt agile et une belle machine de guerre - même s'il préférerait que je dise de protection -, lors de l'assaut final, histoire de sortir de l'engrenage, il a surtout servi de tank en tant que bête surpuissante mais surtout hyper robuste et la Déesse et les tigres-garous étaient chargés de taper dans le mille !
    À l'avenir, j'espérai qu'il n'aurait pas d'autres ennuis - ou du moins, d'ennuis plus graves. De même, de manière naturelle, j'espérais de tout mon cœur que Tanya ne risque rien - même si le moins possible serait plus juste à Bricklin.
    Profitant de mon samedi matin, habillé d'une robe de chambre bleu foncé en fourrure synthétique toute douce, après avoir bu quelques gorgées de mon café liégeois, je partis chercher mon courrier : Des pubs, autant de sport que de mode présentées de manière complètement cliché ; des informations de la Ville ; des factures que je me ferai un plaisir de brûler dans l'économizeur une fois réglées ; et… une lettre recouverte par une enveloppe orangée.
    Je plaçais les magazines dans la première coupole frappé par des mosaïques typiques africaines de l'entrée, récupérai les autres dans la coupole similaire juste à côté pour les mettre dans un espèce de poêle futuriste argentée, animé par un fluide lumineux bleu clair agissant presque comme le sang dans le corps humain, permettant de faire fonctionner le système électrique de la maison. L'économizeur se trouvait dans une petite pièce aux côtés de la machine à laver et du sèche-linge. Beaucoup de choses étaient recyclables, et pour ça, Bricklin avait poussé au maximum les engins à devenir électrique, comme le chauffage et les plaques de cuissons.
    Le reste, je le déposais sur un long buffet rustique dans le salon, ne conservant que la lettre. Ensuite, je retournais dans la cuisine pour retrouver mon café liégeois et mes viennoiseries.
    D'un geste précis, j'ouvris l'enveloppe, découvrant une lettre jaunie comme si on l'avait brûlée, comme on le faisait durant des temps anciens. Une lettre élégamment écrite à la plume, d'une  main adroite et appliquée, démontrant le côté perfectionniste de son auteur. Son auteur aussi déroutant que remarquable que je connaissais plus que bien : Ethan Lewis Korrës, le grand vampire régnant sur l'illustre propriété du lugubre Manoir Spektër, qui avec ses 232 ans, avait bâti un grandiose réseau d'influence - même si j'avais plutôt tendance à dire de mafieux, hein. Parce qu'Ethan faisait tout pour avoir une allure louche, préférant les choses sombres, même s'il lui arrivait d'être héroïque - et romantique, visiblement - mais monsieur préfère être perçu comme un Bad Boy !

« Cher Luke Collins,

Léna et moi-même avons reçu des informations déterminantes au sujet de l'identité de Cerbère.
Nous ne pouvions prendre le risque de t'envoyer un message ou te le dire oralement, au cas où nous soyons déjà sur écoute.
Nous voulions éviter d'être pris de cours, subir un guet-apens par ses sbires, comme la plupart des escadrons de chasseurs.

Bref, je te donne rendez-vous à minuit, aujourd'hui même, dans les caves sous le vieux monastère abandonné, vers Bricklin Nord-Est, un peu aux alentours de la ville. Tu as pu le voir du haut de ma Demeure. Sans appareil capable de nous écouter, évidemment.

J'ai hâte de te retrouver, te retrouver pour te mettre la raclée de ta vie !

, Ethan Lewis.  »

    Pour le moment tout collait : La manière d'envoi, quoique brillante en ces temps actuels, relevant d'un autre temps ; le lieu de rendez-vous, les caves, conciliant le côté sombre d'Ethan ; l'horaire du rendez-vous, minuit, au-delà de la discrétion apportée, Ethan était un vampire et vivait majoritairement la nuit.
Ah et ces compliments un peu violents à première vue mais qui démontrait une profonde affection provenant de sa part.
Tout collait dans le message, tout collait au personnage que le vampire se donnait, tout collait au Ethan que je connaissais.
    Bref, j'avais hâte de le retrouver aussi. Presque aussi enthousiaste que Tanya des semaines plus tôt - ceci étant, malgré son gros coup de flippe, elle était beaucoup plus heureuse d'avoir retrouvée Nolanh plutôt que de s'être réconciliée avec Seth.
    Bref, profitant d'une pause de ma sœur, je tapais avec énergie à la porte de sa chambre.

- Ehhh Tanya, comme tu reprends le boulot que dans quelque heures, est-ce que tu pourrais m'aider à trouver une tenue ? demandai-je, de manière bien trop intéressée.

- Rooooh t'es chiant, je m'étais justement posé sur Flixnet, pour mater ma nouvelle série, t'es relou ! répliqua-t-elle, d'un ton léger, avant d'ajouter avec enthousiasme. Allez, montre-moi ta garde robe !

En trombes, elle bondit hors de sa chambre et sans même m'attendre, elle fouillait déjà dans mon dressing.

- Ah, oui, c'est vrai que même si ton dressing est un peu plus grand que le mien, y'a pas grand-chose, commenta Tanya, en pinçant les lèvres, éprise d'une grande réflexion vestimentaire.

- Pardon ? Mais il est presque plein… répondis-je, en haussant les sourcils.

- Nan mais je parlais en diversité. T'as beaucoup de fringues pareils, pour le boulot, etc.

- J'aimerai bien plus de tenues de combat aussi, voire des mieux… soufflai-je, l'air de rien.

Sans nullement écouté mes réponses ou commentaires, elle sortit quelques tenues élégantes. Chose rare dans mon placard.

- Bon, il y a le classique costume bleu marine avec ta chemise bleu polaire ; ta chemise bleu polaire uniquement avec un jean bleu ; ton polo rouge avec ton jean bleu ; ou alors l'un de tes beaux T-shirts colorés avec un de tes jeans de différentes couleurs que, évidemment, tu choisis bien pour bien les marier ensemble, présenta ma sœur avec une classe très professionnelle.

- Alors euh… je sais pas, tout a l'air bien… répondis-je, l'air penaud.

À quoi je jouais ? Pourquoi est-ce que je tenais à faire un effort vestimentaire alors qu'on allait parler affaire dans une cave ?
Ah oui, parce qu'il a précisé que je devais le rencontrer et pas les. Et depuis, mon esprit s'était emballé.

- D'ailleurs, c'est pour quoi tout ça ? me lança Tanya, malicieuse.

- J'ai un rendez-vous… avec Ethan, dis-je, presque gêné.

- Wooow ! Enfin ! s'extasia-t-elle, surexcitée pour moi.

- Mais on devrait parler affaire, mais c'est pas du boulot, donc le costume, c'est trop… je sais pas trop…

- Je pense que le plus approprié serait le polo rouge. C'est un entre-deux parfait, pas trop pompeux et pas trop simple. Alors, prenons-ça, tu vas être parfait, frérot.

Elle esquissa un sourire et repartit dans sa chambre avec la tenue pour « l'embellir » disait-elle.

    Puis, je me suis apprêté. Je me suis habillé, je me suis parfumé avec la fiole spéciale qui voulait tout dire, et j'ai essayé de me coiffer au mieux. Tanya vint achever les finitions.

- Dis-moi, j'ai fouillé ton téléphone - bon OK, c'est pas bien, mais chut, OK ?! - et j'ai pas vu ce rendez-vous. Vous vous l'êtes dit de vive-voix ? questionna ma sœur, curieuse.

- Mais, Tanya, t'abuses ! C'est de la violation de vie privée, ça ! m'exclamai-je, désabusé, les yeux exorbités, avant de glousser avec elle. Oui, il m'a envoyé une… te moque pas car c'est ingénieux, une lettre. Je te la montre mais ne dis rien sur les informations exactes au cas où nos téléphones seraient sur écoute.

- Promis, répondit-elle illico, en levant les yeux au ciel tout en soupirant. J'ai aussi entendu cette rumeur à propos des nombreuses attaques que mes collègues Grandioses et Pré-Grandioses, escadron 3 et 4, ont subies.

Elle n'avait pas l'air de croire à cette éventualité pour expliquer ces attaques à répétition.

- Je pense, perso, qu'il y a une taupe, voire plusieurs au sein de  l'Ordre, ajouta Tanya. Mais bref, je parlerai en langage codé pour te faire plaisir.

Je lui montrais la lettre, non pas sans une certaine gêne mais mes tremblements impatients me trahissaient également.

- C'est vrai que la lettre ne laisse pas envisager qu'un côté professionnel dans cette entrevue, lança Tanya en me tapant gentiment l'épaule, mais devint soudainement sombre, la chasseuse en elle se mettait en veillance. Par contre, comment s'assurer que c'est bien lui ?

- Quoi, t'es septique ? Mais, c'est tout à fait lui. L'horaire, le lieu, le papier, sa complicité moqueuse.

- Ouais mais… j'ai un mauvais pressentiment, contra ma sœur. C'est peut-être vrai, tu le connais plus que moi, mais j'avoue que je le sens pas.

- Tanya, arrête de psychoter, vraiment. Je sais que t'es une chasseuse et que tu dois toujours tout systématiquement questionner et requestionner jusqu'à être sûre, mais je t'assure que tu as pas à t'en faire. C'est clean, c'est sous contrôle, assurai-je avec une profonde conviction.

- D'accord, je te fais confiance, frérot, opina ma sœur, que j'espérai avoir convaincue.

La journée se déroula ensuite normalement, Tanya était partie à la poursuite de ces criminels qui voulaient nuire à la situation paisible de Bricklin, j'ai dîné seul comme elle finissait plus tard ce soir entre terrain et bureau et je suis parti en lui laissant un mot affectueux pour la prévenir.
OK, j'aurais pu lui dire au revoir de vive voix mais je ne voulais pas la déranger et surtout j'étais sûr qu'elle tenterait de me dissuader d'y aller.
Bref, me voilà dans le jardin, je venais d'insuffler ma magie démoniaque et mes ailes venaient d'apparaître. Je pris une impulsion et je m'envolais dans la nuit noire de Bricklin.

    Une dizaine de minutes avant le rendez-vous, je me posais dans la cour du vieux monastère. Un endroit lugubre et austère. Encadré par des remparts de pierre beige et orangé, la cour de sable granuleux était composée de parcelles d'herbes sèches et d'arbres morts. Le bâtiment religieux nous offrait ses ruines austères laissées à l'abandon. Plus aucun moines n'y habitaient, mais quelques jeunes devaient alors y traîner de temps à autre pour taguer  des trucs stylés ou boire des coups autour de feu de camp, en vue des éléments laissés.
L'arrière était tout de même bien plus boisé. La végétation paraissait toujours aussi lugubre mais elle était haute, complètement laissée à l'abandon. Après tout, puisque le monastère était abandonné, il s'avérait logique que les Influences ne concentrent pas une partie du budget de Bricklin à l'entretien du lieu. Ceci étant, les plantes allant presque jusqu'en haut des remparts, sur les derniers mètres au fond du jardin arrière, je ne me risquerai même pas d'y aller. Même si la flore, fleurie et colorée, pouvait être particulièrement intéressante !
    Je me retrouvais à l'arrière du bâtiment et découvris les escaliers vieillis par le temps menant aux caves. Il me semblait avoir lu, ou du moins entendu de la part d'Ethan ou de Léna, qu'il existait d'autres entrées… mais elles ont été, volontairement ou par des catastrophes naturelles, condamnées.
Prenant une grande inspiration, rassemblant toute la prestance que je pouvais avoir, je descendais les escaliers, prêt à retrouver ce cher vampire charismatique.

    Les marches étaient petites et rapprochés. Le genre de vieux d'escaliers en bois où on manquait de se casser la gueule à chaque pas !
    Une fois l'avoir descendu avec précaution, Je marchais à pas de velours sur le sol de terre poussiéreuse et rocailleuse sur quelques mètres. Wow, les caves, rassemblement de pièces épurées et non-habilitées à l'habitation accolées, semblaient immenses ! presque aussi grandes que le monastère lui-même !
Seules les premières pièces étaient utilisées et plutôt habitables, remplies par des bidons sur plusieurs rangées dans la première et des rangées de bouteilles de vins dans la seconde, collées aux murs. Les pièces étaient délimitées par des espaces où il aurait très bien pu s'y tenir une porte.
    J'avançais sur quelques pièces, jusqu'à entendre un bruit. J'aperçus une personne aux cheveux bruns en carré assise sur une chaise et ce qui semblait être une femme blonde debout, au centre de cette pièce, dos à moi.
Ethan aurait-il décidé de se laisser pousser les cheveux ? La personne à ses côtés pouvait très bien être Léna, même taille, même corpulence. Quoique, elle paraissait s'être un peu embellie, elle qui semblait un peu maigre. Ah, et elle avait peut-être utilisé un sort pour grandir de quelques centimètres, il me semblait qu'elle était plus petite.

- Ethan, Léna ? apostrophai-je, d'une voix que je n'espérais pas tremblante.

Accompagné de mes propos, mes mains glissaient sur mon corps pour récupérer mon poignard à ma ceinture.
Enfin, elles rencontrèrent du vide, une poche bien vide. Merde, j'oubliais que je ne l'utilisais plus, donc ne l'emmenais plus.

- Cher Luke Collins, je suis si heureuse de te revoir, trésor, roucoula une voix féminine qui lui sembla familière, machiavélique.

Tout en répondant, la femme se retournait, tout en retournant la chaise vers moi en faisant tourner les deux pieds de derrière.
Avec une stupéfaction parfaitement visible, je découvris une très jeune femme brune aux yeux marrons pigmentés d'un blanc scintillant, au visage parfaitement innocent, habillée comme n'importe quelle citadine.
Avec un couteau sous la gorge, les membres fortement attachés. Les pieds, fermement liés entre eux.
Un visage innocent, pur, et enfantin, épris d'une terreur palpable et des yeux d'ange prêts à inonder les caves.

- Non, c'est pas vrai !

Désormais suffisamment près, je reconnaissais cette chevelure blonde platine dont la moitié des pointes étaient bleu et l'autre moitié rose et ses petites ailes qui venaient d'apparaître dans son dos.
Contrôler leurs attributs, elles savaient faire ça les fées ? Pourquoi ressentais-je une aura bien plus puissance que d'habitude émanant d'elle ?

- Oui, mon chou, c'est moi, Mary Kelley. Tu te rappelles de moi ? s'exclama-t-elle, affreusement ravie.

- Oui, je me rappelle de toi, (mais pas forcément pour de bonnes raisons) répondis-je, sèchement. C'est qui cette fille ? Pourquoi tu lui fais du mal ?

Je venais de voir qu'un filet de sang venait d'être dessiné sur sa joue et que les traces sur son cou démontrait qu'une lame était passée faire un tour… sans oser y aller en profondeur.

- Je te présente Morine de Nec, une Elfe sylvain de Veindrys, mais ça tu t'en doutes, appela la fée devenue une malade psychopathe.

En accompagnant ses paroles si grinçantes, elle appuya sur l'unique boucle d'oreille accroché à l'oreille droite de cette pauvre adolescente. Elle était ronde, en argent, composé d'un tour en diamant et au centre du saphir.
Une fois le contact enclenché, de longues oreilles poussèrent sur la jeune femme, ainsi que des cheveux blancs éclatants poussant jusqu'en bas de sa poitrine, et sa peau pâle devint argenté.

- Par les Dieux ! C'est une Elfe Blanc ! Mary, tu es folle ! complètement folle ! m'écriai-je, face à la tournure catastrophique que les événements avaient pris. On touche pas à un Elfe Blanc, un envoyé des Anges ! Surtout en civil  !

Un Elfe Blanc était un Elfe Sylvain, disons un Elfe gentil pour aller plus vite, qui avait reçu une bénédiction héréditaire des anges, leur offrant une forme inédite et des pouvoirs supplémentaires. Ou plutôt, un devoir primordial, celui de protéger la population briklinoise et/ou celles des alentours, voire parfois une seule personne. Les Elfes Blancs, une frêle poignée de grandes familles, appartenaient au rang des espèces les plus pures, les plus bienveillantes, que le bestiaire de Bricklin connaissait.
Visiblement, la jeune fille appartenait à une famille qui protège Bricklin dans l'ombre, puisqu'il s'avère qu'elle avait un camouflage humain.

- T'es au courant que c'est une terrible erreur de s'attaquer à un Elfe Blanc ? OK, on peut s'attaquer à la limite à un flic, mais pas à un être pur sans espérer y avoir aucune conséquence !

- Oooh, tu sais trésor, vu les bénéfices que j'ai, les sacrifices que j'ai dû faire pour y parvenir m'importe peu, roucoula Mary Kelley, en retirant la lame du cou de Morine l'Elfe Blanc pour faire glisser son doigt sur la lame.

Pour mieux pouvoir infliger un coup dans la poitrine de sa victime qui gémit de douleur au contact, avant d'éclater en sanglot.
Kelley lui envoya une double-giffles tout en lui assénant de se taire.

- Tais toi ! Je t'ai demandé d'arrêter de chialer comme une gamine ! Me casse pas les oreilles, faiblarde !

Les Elfes Blancs, aussi sages que les Anges, devaient apprendre à contrôler leurs émotions et principalement leurs faiblesses. Cependant, elle paraissait bien trop jeune pour pouvoir se montrer forte.
    J'avançais vers elle et poussa la psychopathe de toute mes forces. Je ne pouvais pas la laisser violenter un être aussi respectable, promis à un glorieux avenir.

- Pauvre folle ! Je te laisserai pas toucher à un cheveu de cet être aussi pur !

Mes yeux  - et sûrement mon visage - devinrent rouge de colère. Mon essence démoniaque s'amplifia au niveaux de mes bras, alors recouvert par un champ de force violet sombre.

- Pfff, je comprend pas pourquoi tu me complique la tâche, trésor, souffla-t-elle, presque ennuyée, en arquant un sourcil.

Puis, elle lança son couteau en plein dans la tête de Morine… comme si j'allais la laisser faire !
Je tendis rapidement mon bras gauche et j'envoyais valser le couteau plus loin.

- Kelley, va te faire interner. T'es complètement malade !

- C'est juste toi qui voit pas le monde sous le bon angle, Luke, opposa la psychopathe.

Puis, foulant l'air grâce à ses ailes, elle s'approcha à la vitesse de l'éclair de Morine.

- J'ai pas besoin de ce piètre couteau
pour jouer avec, fit-elle, dédaigneuse.

Elle fit un geste gracieux avec sa main, déposant sa poussière scintillante de fée, étrangement pigmentée de noire, pour se transformer sous sa forme élémentaire de fée.
Mary Kelley devint légèrement plus petite, ses ailes grandirent légèrement, et… une moitié de son corps devint bleu, de deux formes de bleu s'emmêlant comme des vagues, avec un œil jaune, sa paire d'ailes gauches devenant également bleu azur et l'autre moitié de son corps devint rouge, de deux formes de rouge s'emmêlant comme des vagues, avec un œil vert translucide, sa paire d'ailes droites devenant également rouge rubis. La séparation entre les deux couleurs étaient minimes, une très légère ligne noire presque imperceptible.

- Mais, mais… tu m'avais dit être une fée de l'Eau, l'autre soir ! m'écriai-je, surpris.
Une fée ne peut être que d'un seul élément, ou du moins ne peut posséder qu'un élément dominant  - l'autre n'apparaissait donc pas sous la forme élémentaire et s'avérait affreusement limité. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ?

- Trésor, je t'ai parlé de sacrifices, rappela Mary Kelley, en s'approchant de moi. J'ai subi quelques opérations m'ayant rendu biélémentaire. D'accord, pour ça, j'ai été bannie de Lýsandia, le Royaume des Fées, car ils ne me reconnaissaient plus comme l'une des leurs… alors que j'étais d'abord tétanisée de ma transformation. Alors, j'ai décidé de tester mes nouveaux pouvoirs aux doubles-dimensions sur Haló, la Cité-Mère qui m'a rejetée !

Une fois l'explication donnée, calmement, sa main rouge toucha le bras de Morine de Nec l'Elfe Blanc et celui-ci s'enflamma, sous les rires satisfaits de la psychopathe.
    Mon énergie démoniaque ne fit qu'un tour. J'envoyais mon bras dans sa direction et elle s'envola dans un mur. Ses ailes la rattrapèrent in extremis, diminuant les dégâts de chute.
    Je me plaçais devant elle, sa victime derrière moi, tel un bouclier, et la questionnait.

- Dis-moi Mary, j'ai vu que tu avais de l'essence démoniaque, et je n'ai pourtant pu la ressentir.

- Mon chou, j'imagine que tu as déjà la réponse, mais je vais te le dire. Mon grandiose créateur, sans aucun doute le plus intelligent et impressionnant, m'a injecté qu'une infime quantité d'essence démoniaque. Des résidus qui n'excitent en aucun cas les capteurs d'ondes des êtres démoniaques, répondit-elle, toujours aussi calmement lorsqu'elle s'adressait à moi, avant de faire claquer sa langue. Maintenant, laisse-moi en finir avec elle.

Une lueur traversa son regard et elle s'avança, balançant ses bras en avant, et lança des sphères de glace et de feu devant elle.
    Je me plaçais correctement devant l'Elfe Blanc, et plaçais mes mains devant moi. Une à une, j'ai repoussé les sphères élémentaires avec violence, les envoyant exploser dans le décor.

- Je t'ai dit de ne pas la toucher, Mary, rappelai-je, parfaitement sérieux.
Elle soupira, dépitée.

    Puis, elle déchaîna ses éléments, me faisant réagir illico presto en déchargeant des flammèches violettes afin de repousser l'attaque.

- Luke, pourquoi est-ce que tu compliques tant les choses ? Tu es un démon, tu devrais comprendre l'intérêt de tout ça, tu devrais m'aider plutôt que d'essayer de m'arrêter ! lâcha-t-elle au cours de sa furie élémentaire.

Cette phrase, bien plus que les autres, percuta mon esprit, appelant mon instinct de révolte. Colère, je n'étais pas d'accord.
Je. N'étais. Pas. Un. Démon.

    Mon pouvoir démoniaque s'amplifia grandement, sûrement bien plus que je ne pouvais le contrôler. Je devais faire taire cette hérésie.
    Mes yeux devinrent entièrement noir, mes cheveux perdirent légèrement de leur brillance, et un cercle de flammes dévorantes m'entoura, me suivant dans chacun de mes mouvements. Je pouvais à ma guise propulser un pan du cercle enflammé, l'agrandir ou l'avancer… voire le propulser pour laisser ces flammes violettes la dévorer.
Cela allait être un carnage, hihihihi !

- C'EST PAS MOI QUI COMPLIQUE LES CHOSES, C'EST TOI QUI LES COMPLIQUES. TU T'APPRÊTES À COMMETTRE UN SACRILÈGE ET TU M'AS FAIT VENIR ICI EN TE FAISANT PASSER POUR ETHAN LEWIS ! ET…

- Oh oui, pauvre chou. Qu'est-ce que tu lui trouves aussi à ce merdeux ? Quoi, il est séduisant ? Tu préfères donc les psychopathes Dom Juan, c'est ça ? soupira-t-elle, terriblement ennuyée.

J'avais cru sentir qu'elle était affectée. Serait-ce de la jalousie ?
    Ensuite, elle se façonna à son tour un tourbillon avec ses deux éléments. Le contact entre les deux tours allaient être explosif !
Mais je ne comptais pas lui laisser ce plaisir. Ces mots restaient encore bien trop écorchés dans ma gorge, je devais lui faire payer. Je devais lui remettre les idées en place.
J'étais. Un. Hybride. J'étais encore humain.

- TU AS FAIT UNE ERREUR, IMPRUDENTE. JE SUIS PAS UN DÉMON. JE SUIS UN HYBRIDE ENCORE BIEN HUMAIN !

Mes flammes s'élevèrent dans sa direction, dévorant les derniers écarts qui nous séparaient. Dans mes yeux, dansaient les flammes de l'Enfer.
Mes flammes grossissaient, aspirant peu à peu les éléments de cette psychopathe dérangée. Peut-être aussi dérangée que moi à cet instant.
    Mais alors qu'au moment où j'ai bien cru que les flammes violettes allaient la dévorer vivante, elle hurla et sa puissance jaillit. Un torrent d'eau rouge apparut, percutant l'essaim enflammée pour s'offrir un passage jusqu'à moi, englobé par un torrent de glace rouge.
Ce torrent glacé permit à l'eau de s'infiltrer jusqu'à moi, protégeant l'eau et l'amplifiait lorsqu'il fondait.
    Une fois qu'elle fut suffisamment avancée, Mary Kelley déploya un autre sort de glace normale pour dévorer les flammes violettes d'au dessus.
Le combo magnifiquement pensé permit ma chute : L'eau rouge me toucha ainsi que quelques ultimes fragments de glace rouge, cette fusion fut particulièrement coriace. Ingénieuse, elle avait privilégié la forme la plus adaptée avec le pouvoir le plus létale.
L'eau me toucha donc et j'hurlai de douleur, pire encore lorsque la glace m'aspira dans son torrent.
    Désormais dans le noir complet, j'ai déployé ma puissance ténébreuse, mon pouvoir des ombres, et j'ai tourné sur moi-même alors que le pouvoir des ténèbres m'entourait. Et tout a implosé. Le sol s'est ébranlé. Et l'édifice s'est avéré fortement endommagé, craignant l'écroulement.

    La respiration haletante, les bras retombant lassement auprès de mon buste, les jambes fébriles, je continuais à lui faire face. Mes yeux avaient repris leur couleur naturelle et l'aura de puissance démoniaque avait disparu d'autour de mon corps.
Je me permis de bluffer, puisqu'il s'avérait que ce soit ma seule arme en ma possession désormais.

- Je te l'ai dit. Je te laisserai pas la toucher. Je lutterai jusqu'à ce tu te décide de partir. Pourquoi tu t'entête ?

Elle s'approcha de moi, me forçant inconsciemment à me reculer, laissant Morine derrière nous. À quelques pas du mur, je m'arrêtai.

- Oooh mon trésor…,souffla Mary Kelley, d'une douceur presque affectueuse, laissant glisser son doigt sur ma joue puis sa main. Je pourrai très bien l'achever tout de suite, puis me charger de toi après… mais ça serait tellement moins amusant.

Elle me poussa. Malgré la légère impulsion utilisée, je trébuchai par terre sans pouvoir émettre une once de résistance.
    Le mur derrière moi, allongé sur le sol et porté par mes bras, la psychopathe récupéra son couteau et revint se glisser à côté de moi. Elle avait repris sa forme pratiquement humaine.
Son corps touchait le mien, une de ses mains caressaient mon corps avec douceur et l'autre me chatouillait avec la lame du poignard.

- Luke, on pourrait faire tellement de grandes choses ensembles, me souffla-t-elle, d'une voix suave et déterminée, tout en me prenant la main pour jouer avec. Si tu laissais le Maître te transformer pour te rendre plus fort, on pourrait prendre le pouvoir sur la ville.

- Pour condamner les Bricklinois à l'esclavage ? Nous, esclaves de ce fameux  « Maître  » ? Car crois-tu vraiment qu'il te laissera gouverner ? contestai-je, aussi vaillamment que mon état me le permettait.

- Oooh tu sais, il est très respectable et respectueux, loyal en affaires, répondit Kelley, des étoiles dans les yeux. Mais autrement, s'il est pas égalitaire, on peut toujours se rebeller.

J'allais répliqué, mais elle tourna la tête vers moi et mit son doigt sur mes lèvres.
La puissance, le pouvoir, je devais lutter pour ne pas succomber à mon démon, pour qui la proposition était plus qu'alléchante.

- Allez, laisse ce vampire prétentieux, hédoniste, égoïste, et impulsif. J'ai tellement plus à t'offrir, choisis-moi… roucoula Mary Kelley, avec une profonde affection, tout en approchant son visage du mien.

Aaaaaah ! Mais je m'attendais pas à avoir à embrasser mon ennemie ! Bat les pattes !
Je devais trouver quelque chose. Ses yeux se fermaient, ne voyant point mes yeux exorbités et mes lèvres fuyantes.
Sa tête se rapprochait et se rapprochait et en parallèle j'essayais de remobiliser mes bras… mais rien n'y faisait. Ils ne bougeaient pas d'un iota. Je devais trouver quelque chose à dire ! Vite !

- Lui au moins… débutai-je, avec énergie.

Au même moment, j'entendis différentes voix crier mon nom :  « Luke, on arrive ! »

    La psychopathe se releva et rappliqua autour de Morine de Nec qui s'était faite étrangement silencieuse.
    Une femme blonde, plus petite et plus fine que notre assaillante, apparut derrière elle, les mains autour de son corps. Un fluide apparut entre ses deux mains, prêts à se rejoindre.
    Rapidement, Mary Kelley s'abaissa, tentant un croche-patte à la sorcière blonde. Elle sauta pour esquiver le coup et repoussa grâce à ses pouvoirs la fée psychopathe.
    Ensuite, un vampire charismatique fusa, grâce à sa vitesse surdéveloppée, jusqu'à moi. Il me souleva, et continua à me soutenir debout.
    Une chasseuse apparut après quelques acrobaties impressionnantes, brandissant son arc aux flèches de lumière, prête à tirer. Elle fut quand même troublée de voir la situation dans laquelle j'étais tombée - on allait sûrement me sermonner pour cette insouciance -, mais particulièrement par l'Elfe Blanc.

- Kelley, ce vampire possède un pouvoir d'hypnose et des valeurs morales que tu connais même pas. Voilà ce qu'il a déjà de plus que toi, assénai-je, d'une voix rauque que j'espérai tout de même un minimum puissante.

- Oooh de toute façon, j'en avais terminée. Je suis déçue que tu ai décliné cet offre de choix, tu verras lorsque tu remarqueras n'avoir pas choisi le bon camp, celui des vainqueurs, soupira la fée devenue complètement folle, l'air ennuyé.

Une flèche transperça l'air, puis une deuxième.

- Tu crois qu'on va te laisser partir aussi facilement ? protesta la chasseuse.

Tout en l'ignorant, elle se tourna vers le fond de la cave où devait sûrement se trouver un autre escalier, notre ennemie termina :

- La Menace va s'abattre sur Bricklin, vous êtes toutes et tous déjà perdus.

Elle sortit un détonateur de sa poche et actionna le processus. Puis, Mary Kelley, la fée connue pour ses affaires nocturnes devenue une fée biélémentaire criminelle, disparut sans laisser de trace.
    Ensuite, la sorcière qui n'était autre que Léna, la chasseuse qui n'était autre que Tanya, et le vampire qui n'était autre qu'Ethan, s'approchèrent de moi et de Morine de Nec, prêts à nous sortir du vieux monastère… pensant que des explosifs causeraient l'effondrement de l'édifice.
Cependant, l'Elfe Blanc, exprimant une autorité que nous pensions impossible, nous interdit fermement de l'approcher.

- Arrêtez, n'approchez pas ! Je…. je me sens mourir, s'exclama-t-elle, horrifiée, avant de pointer son regard sérieux et impérial sur ma sœur, devenant parfaitement assurée malgré ses yeux brillants de regrets. J'ai failli à ma mission, l'orage gronde, la tempête approche, Tanya Collins, je t'en conjure, protège Bricklin de son déclin.

Sur ces mots plus que troublants, sa tête explosa. Son sang gicla partout autour de nous, même sur nous, même si heureusement ils avaient mis leurs bras au niveau de leur visage ainsi que du mien pour nous protéger au moins cette partie.
    Tanya gémit d'effroi, le visage de Léna était livide, j'étais bien trop faible pour pouvoir réagir à cette obscénité même si mon visage ne devait être guère mieux. Tandis que je restais de marbre, Ethan semblait ne pas trouver cette scène dérangeante.

- Ingénieux, fabuleux. Nan mais c'est vrai, les filles, le gars, commenta-t-il, comme un œil d'expert, d'un ton léger parfaitement soutenu comme s'il savait qu'il marchait sur des œufs, avant d'ajouter sérieusement. Mais, on touche pas à un Elfe Blanc. C'est un crime intolérable, les Anges seront prévenus et ils nous, les créatures de la nuit, le feront sans doute payer.

Je comprenais qu'il veuille détendre l'atmosphère mais ce n'était pas le moment.

Bref, rentrons à la maison.

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