Un arbre à moufles, vraiment ?

Nous nous sommes dirigés vers un arbre à proximité, qui avait environ cinquante pieds de hauteur.

« Tu n'en verras pas souvent, des comme celui-ci. » dit-elle. « Du moins, pas aussi gros. »

« De quel sorte d'arbre s'agit-il ? »

« Devine. »

« Je ne suis pas bon avec les arbres. » J'attirai à moi une petite branche et en regardai le feuillage. « Ces feuilles ne sont pas toutes les mêmes. »

« C'est exact. Là. Regarde attentivement. Il y a quatre formes différentes. Tu as celle-ci avec un lobe à gauche. Je l'ai appelé la moufle gauchère. Et celle-ci a le lobe à droite. C'est la moufle droitière. Et celle-ci, c'est la double moufle, qui a des lobes des deux côtés. Et celle-ci, c'est juste la feuille simple, sans lobe quelque soit le côté. »

« Hum. Je n'avais jamais rien vu de semblable avant. Alors, quel genre d'arbre est-ce là ? »

« C'est un sassafras*. »

« J'en avais entendu parler, mais je ne pense pas en avoir déjà vu un auparavant. »

« Il pousse principalement dans le sud-est. Plus au nord, tu les trouverais plutôt petits. »

« Je ne savais pas cela. – Alors, est-ce là que tu vis ? »

« Là que je vis ? »

« Est-ce que tu vis dans le sud-est ? »

« Non. »

« Je viens juste de penser à quelque chose. Je peux prouver que je suis réel. Je peux te donner mon adresse. »

« Ne me la dis pas. Je ne veux pas savoir. »

« Pourquoi pas ? »

« Je n'ai pas besoin de savoir. Nous ne sommes pas sur la terre en ce moment. » Elle fronça légèrement les sourcils et commença à s'éloigner. Puis elle s'arrêta et m'offrit sa main. « Viens. »

Je la lui pris à nouveau et nous retournâmes en direction du lieu où nous nous étions rencontrés à l'origine. Je remarquais qu'il n'y avait pas de vent. Il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Cet endroit, quel qu'il fut, semblait ne subir aucun changement.

« Est-ce que tu m'aimes, John ? » demanda-t-elle.

« Oui. Je t'aime beaucoup. »

« Si c'est vrai, je veux un baiser. »

Alors je l'ai embrassée doucement sur les lèvres. Et j'ai su instantanément que je l'aimais. Mais je n'ai rien dit parce que je n'avais tout simplement pas de mots pour un tel moment - pas ici, pas à cet endroit.

Nous nous sommes tenus la main et avons marché lentement, puis elle s'est arrêtée comme si quelque chose l'avait distraite. « Oh ! –John–. » Et elle disparut dans les airs, volatilisée. Et je restais là, le cœur brisé, peinant à y croire.

« Jay ? » appelais-je. « JAY ? »

Je me réveillai quelques instants plus tard, dans mon lit. Le réveil faisait tic-tac. Sans savoir ce qui m'avait réveillé...

C'était il y a cinq ans. Voilà ce que fut le début de ma relation avec Jay, qui ne devait durer que quatorze mois.

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* « Sassafras » regroupe un genre (Sassafras sp.) d'arbres de la famille des Lauriers. Il s'agit donc de végétaux dits « aromatiques ». Plusieurs espèces sont possibles, mais j'ai imaginé probable qu'il s'agisse ici de Sassafras albidum (le laurier des Iroquois) endémique des forêts de l'Est des USA, et globalement présent du sud du Maine jusqu'à la Louisiane. L'arbre mesure environ 15-20 mètres de haut dans son aire d'origine, mais a tendance à buissonner si on le transplante en dehors de ses conditions optimales de croissance. Ses feuilles sont soit entières, soit composées de deux à trois lobes (voir illustrations ci-dessous). Elles sont caduques, vertes au printemps mais prennent à l'automne de magnifiques teintes dans  l'orangé et le rouge-vif. Cette espèce entre dans la pharmacopée traditionnelle indienne.

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