Nous marchâmes donc lentement, le long du ruisseau qui serpentait de-ci de-là, formant de fines cascades au gré de petites buttes. Nous le suivions en amont, mais je n'avais pas la sensation de grimper une pente.

Au loin, je pouvais voir le contour de collines qui semblaient violettes, et qui paraissaient plantées de forêts. Il y avait des fleurs partout, mais pas d'oiseaux ou d'insectes, pas de poissons dans le ruisseau et aucun signe d'autres personnes.

Si c'était un rêve, de quel esprit était-il le fruit ?

Si Jay et moi étions tous les deux réels, cet endroit était-il réel, lui aussi ?

Nous étions forcément quelque part, mais ce n'était pas sur la Terre. Cela ressemblait à la Terre, oui, mais pas à un endroit que je pouvais imaginer connaître.

« Est-ce que ça vient de mon esprit ou du tien ? » demandais-je à Jay. « Je ne pense pas que ça vienne de moi. »

« Ça ne vient pas de moi non plus. » dit-elle.

Et elle arrêta de marcher, et nous étions dans les bras l'un de l'autre. « Je suis heureuse. » dit-elle. « Je n'ai jamais été aussi heureuse. »

« Moi non plus. »

Sa tête était sur mon épaule. Je pouvais sentir une sorte de parfum dans ses cheveux. J'allais dire quelque chose -

Le téléphone sonnait, et j'étais de retour dans mon lit, encore tout habillé.

J'avais oublié de l'éteindre.

J'étais tellement en colère contre celui qui appelait, quel qu'il soit. C'était si stupide de ma part d'avoir laissé le téléphone allumé !

Va te faire foutre, téléphone !

Je l'ai laissé sonner et sonner, puis j'ai finalement cédé et j'ai répondu.

« John ! C'est Mike. Tu es seul ? »

« Oui. », dis-je d'un ton maussade.

« Mince. J'aurais dû appeler plus tôt. On vient de dîner et du coup j'ai pensé à toi. Pourquoi ne viendrais-tu pas prendre le dessert avec nous ? On a trop à manger ici. Et il y a un jeu à la télé. Qu'en dis-tu ? »

« Merci, mais non. Je n'ai pas envie de sortir. »

« Oh, allez. Tu ne devrais pas rester seul pour Thanksgiving. »

J'ai dû inventer une excuse. « Je crois que j'ai la grippe. Je suis sûr que je suis contagieux. Le mieux, c'est que je m'endorme. Vraiment. »

Je ne suis pas sûr que Mike ait gobé ça. Si je faisais mauvaise impression, je n'y pouvais rien. Je me suis juste excusé et j'ai raccroché.

Et je restais assis là à penser à Jay.

Si le téléphone ne m'avait pas réveillé, je serais toujours à cet endroit, avec elle, où que "cet endroit" se trouve.