Chapitre 19

Quatre ans plus tôt...

Enchaîné, comme toujours, torse nu, pantalons sales et déchirés, plein de sang. Des plaies ouvertes presque partout sur son corps maigre, presque osseux. Ça faisait quatre ans que la même routine continuait sans cesse, le poussant au bord de la folie. On le torturait physiquement, mais ça, il pouvait l'encaisser. Par contre, ce n'était pas la même chose pour la torture mentale. Celle qui le rendait fou. Il appréhendais sans cesse le moment où cet homme aux cheveux aussi noirs que ses yeux allait revenir pour le forcer à faire des choses humiliantes, où lui remémorer des scénarios d'horreur qu'il connaissait maintenant par cœur. Tout ça entrant dans sa tête, ce qui était de base très douloureux. 

Il avait peur. Deux ans au paravant, son seul compagnon était parti, juste après l'arrivée d'une nouvelle. Cette fille qui avait l'air indestructible quand elle est arrivé, répliquant aux tortionnaires avec mépris et sarcasme, avait grandement inspiré son ancien compagnon pour qu'il réussisse à s'évader, bien qu'avec l'aide de quelques personnes de l'extérieur. Ces mêmes personnes qui l'avaient abandonné. Ceux en qui il avait confiance. 

Un bruit retentit, le faisant se retourner brusquement. Rien de plus qu'un rat, ce n'était pas rare ici. Il devenait paranoïaque. Il devenait fou. Il était déjà fou. Brisé. Détraqué. 

il chantonna d'une voix tremblante:

- I am insane, with no heart, no head and no story to tell, 'cause everybody thinks I'm crazy and I am. Insane, with no way out of my head, no one to listen, and it's driving me f*cking crazy. In the end, I am... Insane.

Il en avait eu du temps pour peaufiner sa mélodie en quatre ans. Cet air était la seule chose le maintenant dans la réalité. Le jour où il oublierait qu'il l'était, il serait définitivement fou. 

La porte s'ouvrit brusquement et une fille fut poussé à l'intérieur de la cellule. Le garçon se précipita vers elle pour voir son état. 

- Malo... tout va bien? demanda-t-il.

- Oui, ça va, répondit-elle.

C'était tellement dur à croire. Pour n'importe qui, dire que ça allait aurait été ridicule dans une telle situation, mais pour eux, qui avaient tant vécu, on pouvait dire que pour le moment ça «allait», puisqu'il y avait eu bien pire et que bien pire les attendait. Il la serra dans ses bras. C'était la seule chose qui les maintenait en vie. Le fait d'avoir au moins une personne sur qui compter. Ils se recroquevillèrent dans un coin de la sombre et insalubre cellule. Il faisait froid, leur seule façon d'obtenir de la chaleur était de se coller contre l'autre. De la buée s'échappaient de leur lèvre par leur respiration tremblotante. 

- Si tu as la possibilité de t'enfuir, fais-le, même si tu dois me laisser ici, murmura la fille.

- Je ne pourrais pas t'abandonner...

- Lui l'a fait, alors que tu as passé deux ans avec lui. Pourquoi toi tu ne le ferais pas? 

- Je... Malo... je suis trop sensible, je ne peux pas...

- Sois égoïste, sois froid. Ne t'attaches plus aux gens. Le monde est trop dur pour qu'on se souci de quelqu'un d'autre que nous.

Le garçon baissa ses yeux gris acier. Il savait qu'elle avait en partie raison, mais en même temps, il ne pouvait l'accepter. Il avait plusieurs amis avant, des gens géniaux, une famille... maintenant il n'avait comme compagnons que cette fille, la douleur et la folie. 

Quatorze ans. Il avait uniquement quatorze ans. Et ça faisait quatre ans qu'il était emprisonné là. Il n'avait aucune nouvelle de sa famille, pas de contacte avec le monde extérieur à sa misérable cellule. Si seulement il y avait quelque chose qui pouvait atténuer se douleur, anesthésier ses pensées. Existait-il quelque chose en ce monde qui pourrait l'aider? Il en doutait. Et même si ça existait, c'était hors de portée. 

Le jeune homme qu'il redoutait terriblement arriva. Les cheveux aussi noirs que les yeux, le pire des deux frères selon lui. 

- Lèves-toi, ordonna sèchement le diable. 

Il n'était pas bien bien plus âgé que lui. En fait, il avait uniquement un an de plus que le garçon effondré au sol, recroquevillé contre lui-même. Quinze ans et déjà un monstre, depuis bien longtemps. 

Le garçon frêle aux cheveux noirs et aux yeux gris acier se leva avec difficulté. Il tremblait, il était faible et ses plaies s'étaient probablement infectées. Il allait sans doute mourir d'ici peu. Il se demandait d'ailleurs pourquoi l'autre jeune homme ne l'avait tout simplement pas tué. 

- Allez Stone! s'exclama le diable, s'impatientant. 

Le garçon s'effondra au sol, trop faible pour marcher. Leur tortionnaire grogna alors en allant le relever brusquement.

- Tellement faible... soupira-t-il de sa voix démoniaque. 

En réalité, il avait une plutôt belle voix. Il aurait probablement fait un bon chanteur. Mais le garçon l'associait directement à sa personnalité horrible. Le jeune homme aux yeux noir souleva l'autre brusquement par le bras et le traîna jusqu'à la terrible salle de torture. Une fois rendu, il le lâcha brusquement et le frêle garçon s'effondra au sol. Il dit:

- Je ne comprendrai jamais pourquoi tu t'obstines à me garder en vie. Tu pourrais me tuer, au lieu de perdre ton temps à me torturer pour rien.

- Le but est de te briser. Une fois que tu le sauras, tu obéiras. Et là tu seras utile. On pourra te renvoyer chez toi, mais comme espion à notre solde, répondit le diable.

- Je suis totalement pour que vous me renvoyez chez moi et que je ne vous renvoie plus jamais de nouvelle. Même pas pour souhaiter joyeux Noël. 

Le jeune homme aux yeux d'ébène ne répondit pas. Il se contenta de regarder sa victime, les bras croisés. 

- Qu'est-ce qu'on attend? demanda le garçon.

- L'arrivée de quelqu'un de spécial. 

À peine quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit. Le cœur du garçon s'arrêta net. Une femme entra dans la pièce. Elle avait dans la trentaine avancé, mais n'en avait pas le moins du monde l'air. Elle était magnifique avec ses grands yeux gris et ses longs cheveux noirs. Sa silhouette athlétique était terriblement familière au garçon effondré au sol... puisque c'était celle de sa mère. Elle était toujours aussi belle, contrairement à lui qui était dans un état déplorable. 

- Maman... murmura-t-il. 

- Nash, dit-elle sans réelle émotion. 

Le cœur du garçon s'en retrouva brisé. 

- Vivianna, prends ce couteau là-bas, ordonna le diable. 

Le souffle du garçon s'accéléra quand il vit sa mère obéir à ce monstre. Jamais elle ne se serait soumise de la sorte. Jamais. Et pourtant, elle tenait maintenant le couteau dans sa main. 

- La situation est simple, Stone. Sois tu prends ce couteau et tu l'enfonce dans son ventre, sois elle le fait elle-même. 

Le jeune homme était terriblement calme. Vivianna était terriblement calme. Le garçon, lui, tremblait et sentait les larmes rouler sur ses joues. Il ne fit rien, ne sachant que faire.

- Vivianna, commença le diable.

La femme leva le couteau dans les airs, la lame en direction de son ventre. Le garçon hurla.

- Non! Je t'en supplies! Laisses-la! Je ferai n'importe quoi, mais ne lui fais pas de mal!

Les larmes dévalaient ses joues, créant des sillons dans la saleté recouvrant son visage. Le diable sourit. Il prit le couteau des mains de Vivianna et vint l'enfoncer dans le ventre du garçon en larme. Son souffle se coupa, son sang coula, il cru qu'il allait mourir. Mais évidemment, le diable avait bien viser. Aucun organe vital de touché. Il était condamné à vivre.

- Tues-moi... murmura le garçon tandis que l'autre retirait la lame. 

- Oh non, Stone, je ne te tuerai pas. 

Le garçon ferma les yeux, il voulait mourir, il voulait que tout s'arrête. Mais au lieu de cela, il sentit une intrusion dans son esprit. Il se mis à hurler en se débattant dans tout les sens, se tirant les cheveux et se griffant le visage. Il voyait encore et encore ces images horribles que le jeune homme voulait qu'il voit. Il sentait cette intrusions dans sa tête. Cette fois, ce fut trop. Soit il mourait, soit il s'en sortait. Aujourd'hui. Il se leva en hurlant:

- Sors de ma tête! 

Le hurlement surpris son tortionnaire qui lâcha son emprise sur lui. Le garçon sentait couler en ses veines une force qu'il ne se connaissait pas. Il serra le poing puis l'ouvrit en direction du diable. Une ombre noire se jeta sur lui. Vivianna ne tenta pas de s'interposer, elle regarda simplement son fils s'enfuir en boitant. Celui-ci se dirigea vers sa cellule. Il allait sortir Malory d'ici.

Il se plaqua contre les barreaux et s'exclama:

- Viens! On part! 

La fille se leva d'un bond, et s'approcha des barreaux. C'est alors qu'une alarme retentit. Le garçon s'acharnait contre le verrou de la porte, mais il était trop résistant pour ses forces encore faibles. La fille d'uniquement douze ans posa une main sur son bras.

- Sauves-toi, Nash.

- Non! Pas sans toi! 

- Pars! Abandonnes-moi! Sois égoïste!

- C'est hors de question! 

Elle plaqua un baiser sur sa joue. 

- Je t'en redonnerai un quand on se reverra, dit-elle. Vas-t'en. 

Des soldats commençaient à arriver. Il lui jeta un regard et elle hocha doucement la tête avec un petit sourire narquois et audacieux qui la représentait tant. Le garçon partit en courant tandis qu'elle s'exclamait en direction des gardes:

- Hey, bande de cons incapables! C'est pas l'heure de bouffer là? 

Le garçon se retourna vers elle, le cœur plombé de regret. Mais il continua à courir vers la sortie. Il croisa quelques gardes et il suffit de leur envoyer une ombre pour les mettre hors du combat. Le garçon ferma les yeux. Alors qu'il sautait dans les airs, il se transforma soudainement en panthère noire. Il fut lui même choqué. Malgré son sang à moitié Métamorphe, il n'avait jamais réussi à se métamorphoser en quoi que ce soit avant ce jour. Sa vitesse s'accéléra grandement dans la peau de cet animal. Il parvint à courir jusqu'à l'Entrée. Elle était en train de se fermer, probablement sous ordre de leur sadique de chef. Il doubla sa vitesse, malgré la douleur que ça lui procurait dans tout le corps. Il retenait des larmes de douleur, il se demandait si on pouvait les voir dans les yeux de la panthère. Il finit par bondir à travers l'Entrée à la dernière seconde. Il se retrouva à s'échouer sur un sol désertique, reprenant sa forme humaine. Effondré au sol, incapable de faire un simple mouvement, il regarda autour de lui.

Du sable, du sable et uniquement du sable. Il comprit immédiatement qu'il avait beau s'être enfuit de l'Enfer, il était condamné à mourir, à seulement quatorze ans. Il allait mourir, mais au moins il mourrait en voyant le soleil, en respirant de l'air frais, sur un sol chaud, presque brûlant. Il ferma les yeux, laissait les rayons du soleil réchauffer sa peau. Son corps était tellement massacré de partout qu'il ne ressentait même plus la douleur. Pour une fois, il se sentait bien. Il sombra dans l'inconscience quelques minutes plus tard. 


°°°


Il ne savait pas qui l'avait sauvé. Probablement une équipe de son père. Mais ce qu'il savait c'est que tout avait changé. Dès son réveil, il avait réalisé que rien ne serait plus jamais pareil. Jamais. 


_____

Holla! 

Chapitre un peu plus court, mais sinon, j'allais trop en révéler. 

Vous en avez pensé quoi? 

À la prochaine les chèvres!

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top