1 - Bleu Océan




~ CHAPITRE 1 ~

Bleu Océan






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♪ : Wind Of Change – Scorpions

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Oscar est un timide.

Ironique pour quelqu'un qui s'apprête à rejoindre le cercle très fermé des pilotes de Formule 1, n'est-ce pas ?

Pourtant, c'est la vérité.

Qu'on s'entende, l'australien n'est pas non plus un ermite : il a toujours su se faire des amis à l'école, au karting et dans les autres catégories par lesquelles il est passé. Il n'a pas vraiment de mal à sociabiliser, mais les premiers contacts sont toujours un peu délicats. Il ne sait pas vraiment comment engager la conversation, comment faire bonne impression et encore moins s'affirmer avec confiance.

Concernant sa nouvelle célébrité, il n'irait pas jusqu'à dire que cela lui fait peur, mais ça l'inquiète. Il se demande sans arrêt s'il ne va pas dire ou faire quelque chose de travers, pas qu'il accorde particulièrement d'importance à ce que les autres pensent de lui, mais il craint de se mettre les fans de McLaren à dos.

Surtout lorsqu'il prend la place de Daniel Ricciardo, son compatriote australien, le pilote drôle et sympathique par excellence, sans conteste l'un des plus appréciés du paddock. Si Daniel affiche toujours un grand sourire à la caméra, Oscar est plutôt neutre dans ses expressions. Là où Daniel évolue avec aisance, parle fort et rit encore plus fort, Oscar est du type discret.

Difficile de prendre sa place, donc. Même sa propre mère, qui aurait dû sauter de joie lorsqu'il lui a annoncé la signature de son contrat avec l'équipe anglaise, a été attristée du départ du plus vieux.

C'est dire la taille du challenge.

Mais le plus gros challenge d'Oscar du moment, c'est de trouver sa place aux côtés de son nouveau coéquipier. Car le pilotage, la vitesse et la performance, ça le connaît. Il n'est pas aveugle, il sait qu'il a de grandes capacités et n'a aucun souci à se faire sur ce plan. En revanche, créer une bonne relation avec Lando, c'est indispensable pour le bon déroulement de ses débuts dans l'équipe.

Surtout que l'anglais est connu pour avoir de superbes relations avec ses coéquipiers et ça, ça lui met la pression.

Imaginez que Lando ne l'apprécie pas ?

Il n'est pas avenant comme Carlos Sainz ni drôle comme Daniel Ricciardo. Il est juste Oscar, vingt-et-un an, un grand introverti qui fait ses premiers pas dans un monde de requins.

Et son acolyte, eh bien, l'exact contraire.

Lando Norris est solaire, au sens propre du terme. Il illumine les lieux partout où il passe, il est populaire au possible, apprécié tant des autres pilotes que des fans de la discipline (surtout des femmes) ; il est drôle, sympathique, parfois sarcastique mais juste ce qu'il faut.

Il l'impressionne.

L'anglais s'apprête à entamer sa cinquième saison en Formule 1, et Oscar a toujours suivi son parcours avec admiration, se demandant souvent si lui aussi atteindrait le plus haut niveau, rêvant de podiums, de jets de champagne et de batailles folles en piste.

Il attendait beaucoup de cette première rencontre, et elle a été catastrophique.

Bien-sûr, ils s'étaient déjà croisés à quelques reprises sur le paddock auparavant, mais aujourd'hui s'est déroulée sa première rencontre officielle avec le numéro quatre et le reste de l'équipe au McLaren Technology Centre.

Peut-être qu'il exagère en parlant de catastrophe, mais c'est bien comme ça qu'il a vécu l'événement.

Alors qu'il discutait avec Zak Brown, le CEO de l'équipe, en plein milieu du hall d'entrée, Lando a fait son apparition aux côtés d'une autre personne vêtue aux couleurs de l'écurie qu'il ne connaissait pas, probablement un ingénieur ou un mécanicien.

L'anglais s'est stoppé dans sa course à la seconde où il l'a aperçu et s'est contenté de l'observer sous toutes ses coutures, suffisamment longtemps pour qu'Oscar se sente rougir de gêne.

- Lando, tu tombes bien ! S'est exclamé joyeusement Zak. Oscar vient d'arriver, tu pourrais lui faire faire le tour des lieux ?

Il a esquissé un drôle de sourire à l'attention de leur patron.

- Désolé, je peux pas. J'ai... Un coup de fil à passer en urgence.

En se tournant de nouveau vers le plus jeune, toute trace de sourire avait disparu. À la place, une neutralité déconcertante couvrait ses traits.

- Ravi de te rencontrer.

Après ça, il est parti. Juste comme ça.

Et Oscar a découvert pourquoi on disait qu'il ne fallait jamais rencontrer ses héros. Cette première rencontre lui a laissé un goût amer, d'incompréhension et d'injustice. Il ne comprend pas l'attitude de Lando, cette espèce d'indifférence à son égard, cette froideur à l'opposée absolue de l'image qu'il s'était faite de lui.

Toute la journée, il s'est rejoué la scène dans sa tête, sans réussir à mettre le doigt sur ce qui clochait, sans trouver ce qu'il avait bien pu faire de mal pour susciter une telle réaction.

Lando n'est pas réapparu de la journée.

Et maintenant qu'il se trouve à ses côtés, assis au bord du magnifique lac artificiel qui entoure le MTC, Oscar ne sait plus quoi faire.

Il n'a aucune idée de comment il s'est retrouvé là, ni de comment crever l'abcès, alors il se contente d'observer son environnement.

Le bâtiment du siège social McLaren est à couper le souffle. Ses immenses baies vitrés, son architecture futuriste et ses courbes originales respirent le luxe. Lui qui n'a jamais été particulièrement sensible à ce type d'art, il ne peut qu'être qu'émerveillé. Paradoxalement, ce monstre de modernité n'est entouré que de verdure, jouxté par une petite forêt d'un vert profond et surplombant des champs à perte de vue. En dépit de l'importance de ce qui se joue dans ces locaux, le lieu respire la sérénité.

Bien loin de son état d'esprit actuel.

Son regard s'attarde un moment sur le mouvement de l'eau à ses pieds, qu'il pourrait presque toucher s'il se penchait encore un peu plus.

Sans trop savoir pourquoi, il le fait.

Il caresse du bout des doigts la surface, perdu dans ses pensées, lorsque la voix de son coéquipier le fait sursauter.

- Je crois que c'est un peu tôt pour une baignade.

Surpris, il se redresse brusquement pour tomber sur Lando, qui semble s'être rapproché de quelques centimètres et lui adresse un vrai sourire.

- Ouais, je, il hésite, c'est vrai qu'on est en plein hiver.

Il remarque au passage qu'étrangement, son coéquipier est en tee-shirt malgré la température extérieure qui frôle le négatif.

- C'est pas ce que je voulais dire. Les éléments ne sont pas maîtres ici, si tu décides qu'il fait assez chaud pour te baigner, ce sera le cas.

Oscar ne comprend pas vraiment le sens de cette phrase, mais il profite juste du fait que l'autre se soit enfin décidé à lui adresser la parole.

- Ce que je voulais dire, l'anglais reprend, c'est qu'il faut d'abord que tu gagnes une course avant de plonger dans le lac. C'est la tradition !

Le regard du bouclé se porte subitement sur ses pieds.

- Même moi, en quatre ans, je n'ai pas pu le faire. J'espère que cette année sera la bonne...

Son air contrit fait de la peine à Oscar qui se souvient qu'effectivement, Lando n'a jamais remporté de Grand-Prix. Fait totalement injuste d'ailleurs selon lui, car il est un excellent pilote et le mériterait amplement.

- Je suis sûr que ça arrivera plus vite que tu ne le penses, il répond finalement.

Leurs yeux se rencontrent de nouveau, et il note sans peine que son coéquipier semble agréablement surpris.

Le visage de Lando est incroyablement expressif.

- Merci, Oscar.

Et quelques secondes plus tard, le rookie en est rendu au même point. Il ne sait pas quoi dire pour relancer la conversation et pourtant, il meurt d'envie d'apprendre à connaître cet étrange énergumène qui lui servira de coéquipier dans les mois voire, du moins il l'espère, les années à venir.

Il aimerait aussi lui demander des explications quant à sa réaction du matin même, mais il n'ose pas. Déjà car l'anglais ne lui doit strictement rien (ils se connaissent à peine, après tout !), mais aussi car il craint d'entacher ce début d'entente entre eux.

Alors il l'observe en silence.

Et c'est d'ailleurs beaucoup plus fascinant que d'observer le paysage.

Finalement, il n'aura pas à attendre longtemps avant que Lando ne décide de reprendre la parole, car il découvrira bientôt à ses dépens qu'il s'agit d'une vraie pipelette.

- Comment tu te sens à l'approche de la saison ?

Oscar prend le temps de réfléchir un instant, pèse ses mots, et hésite entre dire ce qu'il pense vraiment ou donner une réponse jugée satisfaisante comme il le ferait devant les médias.

Puis il décide que s'il souhaite construire une belle relation avec son coéquipier, autant jouer cartes sur table.

- Bien, dans l'ensemble. Je ne me fais pas trop de soucis pour la performance, car je sais de quoi je suis capable. Mais je n'ai pas encore testé la voiture, alors je me demande si elle sera adaptée à mon style de pilotage. Pour être honnête, ce sont tous les « à côté » qui m'inquiètent un peu. Les médias, les fans, la célébrité, les rencontres avec les sponsors, les événements, c'est encore abstrait pour moi. Bien-sûr, il y avait déjà un peu de tout ça avant, mais je sais que quand on arrive en Formule 1, ça prend une tout autre ampleur. J'espère juste que j'arriverai à trouver ma place au milieu de tout ça.

- Il n'y a pas de raisons, Lando lui sourit gentiment, je suis sûr que tu la trouveras, ta place. C'est assez impressionnant au début, mais il suffit de garder la tête froide et de ne pas trop prendre la grosse tête. Et je serai là si tu as besoin de quoi que ce soit, on est coéquipiers après tout !

L'australien sent son cœur se réchauffer à ses mots. Il n'est pas seul dans tout ça, et ça le rassure. Il reste tout de même étonné du contraste entre le Lando distant qu'il a rencontré le matin même, et celui-ci qui lui parle comme s'il était son petit frère.

- Merci.

- C'est normal. Et pour la voiture, je ne peux pas vraiment t'aider, mais si tu veux que je te parle de mes ressentis et des réglages avec lesquels je suis à l'aise, ce sera avec plaisir. Tu es un très bon pilote, je suis sûr que ça va très bien se passer. Mais ne rêve pas trop, je compte bien te battre à plate couture à toutes les courses !

L'anglais rigole doucement de sa propre blague, et le plus jeune pense sincèrement qu'il s'agit d'un des plus beaux sons qu'il n'a jamais entendu. Son rire est pur, mélodieux, communicatif et lui donne instantanément envie de sourire, comme un rayon de soleil émergeant au milieu d'un ciel recouvert de nuages gris.

- Je n'en attendais pas moins de toi.

Si cet échange le rassure, il ne suffit pas à faire taire ses interrogations. Oscar se connaît, s'il ne pose pas la question qui le turlupine maintenant, il ne le fera jamais et ressassera pendant des semaines cette première rencontre.

Il sent un début de connivence entre eux, alors il prend son courage à deux mains et se dit que c'est peut-être le bon moment.

- Dis...

- Mh ?

Lando porte désormais toute son attention sur lui, ce qui le fait déglutir d'appréhension.

Mais quand il faut y aller, il faut y aller.

Alors il se jette à l'eau.

- Ce matin, j'ai eu l'impression que tu étais distant avec moi. Est-ce qu'il y a une raison particulière à ça, est-ce que j'ai fait quelque chose qui t'a déplu ?

La surprise s'affiche sur les traits du bouclé, qui reste un instant planté sur place avant de lâcher un petit rire nerveux.

- Mon dieu, non. Tu n'as rien fait ! C'est juste que... Je ne m'attendais pas à te voir à ce moment-là, je ne m'étais pas préparé, j'ai paniqué.

- Paniqué ? Oscar hausse un sourcil. Je fais si peur que ça ?

- Quoi ? Non !

L'australien éclate de rire devant la réponse précipitée de son acolyte, au plus grand soulagement de celui-ci qui ne tarde pas à suivre le mouvement.

Lorsque le calme revient, Lando reprend dans un murmure :

- Pour tout te dire... J'étais stressé à l'idée d'avoir encore un nouveau coéquipier. Tu sais, lorsque Carlos est parti chez Ferrari, je l'ai assez mal vécu. Daniel l'a remplacé, et même si je le connaissais déjà et que je l'appréciais, j'ai eu du mal à le laisser entrer dans ma vie. Finalement, alors qu'on commençait tout juste à devenir vraiment proches, il est parti à son tour, et pas de la meilleure des manières, tu connais l'histoire. Alors... Il s'interrompt brièvement et soupire. Désolé, tu dois trouver ça stupide.

Si Oscar est déconcerté par le fait que l'anglais s'ouvre aussi spontanément à lui, il l'est d'autant plus par la teneur de ses propos qui dénotent une certaine sensibilité qu'il n'imaginait pas chez lui.

- Pas du tout, je comprends tout à fait. En plus, on ne se connaît pas, donc ça ne doit pas être évident pour toi. Il fait une pause, puis lui sourit. Merci de me l'avoir dit.

Son coéquipier se contente de lui sourire en retour, et tandis qu'un silence tranquille retombe entre eux, il prend le temps de l'observer plus en détail.

Lando est beau, au sens le plus pur du terme. Son visage est harmonieux, tout en finesse : sa forme arrondie associée à sa mâchoire presque carrée lui confère une aura à cheval entre l'homme et le jeune adulte et son teint légèrement hâlé frôle la perfection. Ses jolies boucles toutes en bataille ne gâchent rien au tableau, et si l'on avait demandé à Oscar de se représenter la chevelure d'un ange, elles correspondraient parfaitement à la description.

Mais ce qu'il préfère chez l'anglais, ce sont ses yeux.

Pétillants, expressifs, aux iris dotées d'un bleu profond, intimidant et absolument magnifique, il aurait rêvé d'arborer lui-même une telle couleur dans son regard.

C'est la première fois qu'il s'attarde sur le physique d'un homme, qu'il en apprécie réellement la nature, mais cela ne le perturbe pas. Il reconnait simplement la beauté lorsqu'il la voit.

Sans s'en rendre compte, il vient de passer un peu trop de temps à se perdre dans sa contemplation, si bien que Lando finit par émettre un petit rire.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ?

La panique s'infiltre dans les veines du plus jeune, car l'autre doit désormais sans aucun doute le prendre pour un fou.

- Je...

Il hésite, cherche désespérément une justification plausible, mais rien ne lui vient.

- Aller, dis-moi, le bouclé presse d'un air amusé.

Face au silence persistant de son coéquipier, il poursuit :

- Tu sais que tu es dans un rêve, n'est-ce pas ? Tu peux dire ce que tu veux, ça restera entre nous.

Quoi ?

Tout ce qu'il vient de vivre n'est pas réel ? Cette conversation, ce début d'entente, ces rires et ces sourires n'étaient qu'imagination ?

Atterré, Oscar ramène ses mains dans son champ de vision et glapit de surprise en constatant qu'il est en possession de douze doigts en tout et pour tout, tel un alien. Il a déjà lu quelque part que c'est la façon la plus efficace de vérifier si l'on est en train de rêver ou non, et dans ce cas précis, ça ne fait plus aucun doute.

Mais comment n'a-t-il pas remarqué ça plus tôt ?

Lando semble grandement s'amuser de sa réaction puisqu'il éclate d'un rire sonore.

- Tu vois ? Maintenant, crache le morceau.

Il hésite encore, pèse le pour et le contre, mais à bien y réfléchir, il ne craint rien à dire ce qu'il pense, pas vrai ?

- C'est juste que je te trouve très beau, j'aurais aimé ressembler à quelqu'un comme toi. Tes yeux... Leur couleur, je veux dire... Ils sont aussi bleus que l'océan, c'est vraiment très joli.

L'anglais rit de nouveau, avant de lui adresser un regard pétillant de malice.

- Merci pour le compliment. Tu vois, quand tu veux.

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14 février 2023, Woking, Angleterre.


En se réveillant ce matin-là, Oscar a la nausée.

Le rêve qu'il a fait cette nuit lui laisse une drôle d'impression. Tout lui a paru si réel, si authentique et pourtant, il n'en est rien.

Il ne doit toute cette interaction qu'à son imagination trop fertile qui a certainement cherché à exprimer ses inquiétudes vis-à-vis de son nouveau coéquipier.

Son propre cerveau lui inflige une psychologie de comptoir, cherche à le rassurer en inventant tout et n'importe quoi, et il déteste ça. D'ordinaire, il a plutôt tendance à s'amuser des absurdités produites par sa matière grise mais aujourd'hui, il n'a pas du tout envie de rire.

Ce qui le perturbe, c'est que c'est la première fois de sa vie qu'il prend conscience d'être en train de rêver.

Il repense à une vidéo qu'il a vu passer sur TikTok il y a quelques mois de cela, d'une personne qui racontait une expérience vécue assez similaire et expliquait le phénomène de rêve lucide.

Il y a définitivement quelque chose de bizarre dans ce qu'il vient de lui arriver, peut-être qu'il pourrait creuser de ce côté-là ?

Quoiqu'il en soit, ce n'est pas le moment pour lui de s'attarder là-dessus ; il doit se rendre au MTC pour sa deuxième journée de travail et en profiter pour peut-être essayer d'avoir un échange acceptable avec son nouveau coéquipier.

Le vrai, pas celui de son imagination.

Il soupire longuement, puis jette sa couette sur le côté pour se donner la motivation de sortir du lit ; chose qui fonctionne à merveille puisque le froid lui mord instantanément la peau, ne lui donnant envie que d'une chose : un énorme café pour bien démarrer la journée.

Lorsqu'il arrive tout juste une heure plus tard sur les lieux, ses yeux se posent d'entrée sur le rebord du lac, un tout petit espace en particulier qui a été le théâtre du rêve le plus étrange de sa vie.

L'australien secoue la tête vivement dans l'espoir de reléguer tout ça dans un coin éloigné de son cerveau, et pénètre d'un pas décidé dans le bâtiment.

Bien qu'il l'ait déjà visité la veille, il s'émerveille toujours de l'immense hall dans lequel trônent un nombre incalculable de trophées et de monoplaces victorieuses, toutes plus splendides les unes que les autres, dépeignant à la perfection l'histoire chargée de l'écurie dans laquelle il vient de mettre les pieds.

Il rêve déjà de voir sa future voiture trôner aux côtés de ces petites merveilles, et c'est le sourire aux lèvres qu'il se dirige vers le bureau de Zak à l'étage.

Sur le chemin, il croise beaucoup de monde et échange un nombre bien trop élevé – à son goût – de poignées de mains. Les présentations, ce n'est clairement pas sa tasse de thé, mais il s'applique à donner le meilleur de lui-même, à sourire et à échanger un minimum avec chaque personne qu'il rencontre ; il tient beaucoup à ce que son équipe l'apprécie.

Lorsqu'il toque enfin à la porte du CEO, celui-ci l'accueille avec un grand sourire aux lèvres.

- Oscar ! Viens, entre, je t'en prie.

L'interpellé s'exécute sans pour autant oser prendre place dans le fauteuil près du bureau.

- Bonjour Zak, quel est le programme pour la journée ?

- Mh, il fait mine de réfléchir, j'aimerais que tu continues à te familiariser avec les lieux et les différents membres du team, mais Andrea voulait déjà te voir à l'œuvre sur simulateur, je suppose qu'il y aura donc un peu de tout ça. Est-ce que ça te convient ?

Oscar ne peut empêcher le sourire qui fleurit sur ses lèvres à l'idée de rouler dès aujourd'hui, car même si ce n'est pas la même chose que sur piste, cela lui donnera une idée plus précise de ce à quoi devrait ressembler sa voiture pour ce début de saison.

- Bien-sûr. Je peux même y aller tout de suite, si tu veux.

- Bonne idée ! Fais du simulateur ce matin, on se fait un point avec Andrea en début d'après-midi et on voit ensuite ?

- Oui, parfait.

- Tu sauras retrouver ton chemin ?

- Oui, il souffle d'amusement, j'ai plutôt une bonne mémoire.

- Parfait ! Dans ce cas, je te dis à tout à l'heure.

L'australien salue son patron, puis se dirige avec entrain jusqu'à la salle dédiée aux simulateurs, chose qui lui prend une bonne dizaine de minutes au vu de l'immensité du bâtiment et de la multitude de personnes qu'il croise sur son chemin.

En pénétrant dans la pièce aux lumières légèrement tamisées, il constate que quelqu'un occupe déjà l'un des deux baquets présents.

Même de dos, avec seulement quelques mèches folles qui dépassent de l'appuie-tête, il reconnaît immédiatement son coéquipier.

Son cœur s'emballe légèrement d'appréhension et sa bouche s'assèche, il prend donc le temps de prendre de grandes inspirations et de répéter dans sa tête une dernière fois la manière dont il avait prévu d'engager la conversation, avant de s'avancer à ses côtés.

L'anglais, au beau milieu d'un tour chronométré, est bien trop concentré sur sa tâche pour remarquer sa présence, et sursaute vivement lorsque l'autre prend la parole.

- Salut.

- Putain de- ah ! Tu m'as fait peur.

Oscar esquisse une grimace piteuse.

- Désolé, c'était pas mon intention. Ça va ?

- Oui, il lui lance un regard crispé, hormis le fait que ma voiture est dans le mur et que je dois maintenant tout recommencer.

- Vraiment désolé.

Échec du plan infaillible pour sympathiser au bout de trois secondes, l'australien s'épate lui-même un peu plus chaque jour.

Mal à l'aise, il prend place sur le deuxième baquet situé à un mètre seulement de celui de son coéquipier qui le jauge toujours du regard.

- C'est bon, il soupire, de toutes façons j'en avais marre de rouler sur Sakhir, on le verra suffisamment aux essais la semaine prochaine.

- Ouais, c'est pas mon préféré non plus.

Désormais face aux multiples écrans du simulateur, Oscar se rend compte qu'il n'a aucune foutue idée de comment démarrer la machine ni des réglages à effectuer. Comme s'il lisait dans ses pensées, Lando se lève et se place à ses côtés.

- Besoin d'un coup de main avec ça ?

Surpris, il lève les yeux vers le plus âgé, et sourit timidement.

- Oui, avec plaisir, merci.

Comme quoi, il ne faut jamais juger un livre à sa couverture.

Durant les minutes suivantes, l'anglais s'applique à lui expliquer tout ce qu'il sait du simulateur et à lui montrer les réglages qu'il teste en ce moment pour lui-même, le tout avec une précision parfaite qui permet à Oscar de rapidement prendre en main le logiciel.

Les minutes se transforment en heures, Lando reprend sa place dans son propre baquet et ils passent la matinée à rouler sur différents circuits, à tester différents paramètres, à échanger leurs impressions, leurs préférences, leurs temps au chrono, et finissent même par faire la course ensemble.

Et c'est encore meilleur que tout ce qu'Oscar aurait pu rêver.

Il aurait dû se douter que le meilleur angle d'attaque pour apprivoiser son coéquipier, c'était la course. Après tout, ils sont tous les deux là pour ça, et c'est sans conteste leur plus gros point commun ; la raison pour laquelle ils se lèvent chaque matin, l'élément central de leurs vies.

Sur les coups de midi, Lando éteint son simulateur et s'étire longuement sous le regard intrigué du plus jeune, qui n'a pas vu le temps passer.

- Bon, sur ce, c'est l'heure d'aller manger.

Il se lève, s'éloigne de quelques pas, puis se stoppe et se retourne vers son coéquipier.

- Tu viens ou quoi ?

Etonné, Oscar met quelques secondes pour prendre conscience de la proposition qui vient de lui être faite avant d'esquisser un sourire.

- Oui, j'arrive !

Il se précipite alors hors de son baquet, se cognant lamentablement le genou au passage et se retient très fort de pousser un cri ridicule au risque de passer pour un abruti, et emboîte le pas à l'autre pilote.

Lando le guide à travers les différents couloirs avec une aisance totale, comme s'il était chez lui, et salue joyeusement toutes les personnes qu'il croise sur son passage. Il semble en parfaite symbiose avec les lieux et l'australien en est admiratif.

Une fois arrivés au réfectoire, les deux pilotes se servent puis s'installent face-à-face sur une table légèrement isolée du reste, près d'une immense baie vitrée dont la vue donne sur l'ensemble du parc entourant le MTC.

Une fois de plus, Oscar ne sait pas comment engager la conversation, alors il porte toute son attention sur son blanc de poulet accompagné de haricots verts qui ne demandent qu'à être dégustés, en espérant que l'autre fasse le premier pas.

Il n'aura pas à patienter bien longtemps puisque très vite, celui-ci prend la parole.

- Bon, je pense que c'est le moment pour qu'on commence à faire connaissance !

- Oui, je suis d'accord.

Il lève les yeux vers l'anglais et se perd un instant dans la contemplation de son visage.

Il n'y a pas à dire, Lando est encore plus beau en vrai.

Ses cheveux n'en font qu'à leur tête. Ils se baladent librement de tous les côtés et le mouvement de ses boucles est absolument fascinant, si bien que l'australien pourrait continuer de l'observer pendant de longues minutes si cela ne risquait pas d'être perçu comme bizarre.

Son regard est toujours aussi profond, légèrement intimidant, si bien qu'il n'ose pas garder le contact visuel trop longtemps.

- Je connais déjà ton circuit préféré, l'anglais énumère en comptant sur ses doigts, celui que tu aimes le moins, ton nom, ton âge, ta nationalité et... C'est à peu près tout. Quel est ton film préféré ?

- Hum, je ne sais pas trop, je ne regarde pas beaucoup de films.

- Tu ne regardes pas de films ?

- Je préfère les séries.

- Et parmi les films que tu as vus ?

L'australien prend quelques secondes pour réfléchir sérieusement à la question.

- Je dirais les Harry Potter.

- Classique, mais efficace. Je valide. Vive Serpentard. Série ?

Là, la réponse sort comme un automatisme. Une évidence.

- Action, Supernatural. Humour, Brooklyn nine-nine.

Le visage de Lando s'illumine subitement, et il crie presque :

- Je dis oui, oui et oui ! Jake est pratiquement mon animal totem.

- Mh, je suis plus comme Amy.

- Le contraire m'aurait étonné, mais quand même. Meilleure équipe ! On va forcément faire un carton, cette année.

Oscar lâche un petit rire, et essaye d'occulter le fait que les membres de cette « meilleure équipe » ont fini mariés et avec un enfant dans la série.

- Aller, à ton tour de me poser une question.

Le rythme cardiaque du plus jeune s'accélère légèrement, le regard de l'autre pilote est fixé sur lui et l'empêche de réfléchir à une question acceptable, c'est-à-dire à la fois intéressante mais pas intrusive pour autant, qui pourrait idéalement déboucher sur un nouveau point commun autour duquel ils pourraient créer un lien.

Sentant l'impatience de son coéquipier, il finit par répondre la première chose qui lui passe par l'esprit.

- Quelle est ta couleur préférée ?

- Ma couleur préférée ? Lando rit gentiment. On est plus en maternelle, Oscar.

Oscar se sent rougir de gêne.

- Je ne sais pas, ok ? J'ai dit ça au hasard. Juste, répond, s'il te plaît.

- Jaune, comme le soleil. Et toi ?

L'australien n'est pas surpris, cette couleur le représente à la perfection. Au risque de se répéter, Lando est un vrai rayon de soleil, totalement à son opposé.

Et quant à sa propre réponse, elle semble prendre vie le plus naturellement du monde.

- Bleu.

- Comme mes yeux ! L'anglais s'exclame avec fierté.

Malgré lui, Oscar porte de nouveau son regard vers les iris de son coéquipier et effectivement, il s'agit peut-être de la plus belle couleur qu'il n'ait jamais vu.

- Oui, j'aurais aimé avoir les yeux bleus.

- Tu sais, beaucoup de personnes ont les yeux bleus, ce n'est pas si exceptionnel.

- Mais les tiens... Ils ne sont pas aussi clairs que ce qu'on voit habituellement, c'est une couleur particulière.

Le regard surpris que l'autre pilote lui jette lui donne envie de s'enterrer sur-le-champ. Pourquoi diable a-t-il dit une chose pareille ?

Ça y est, Lando le prend probablement pour un fou, et il n'aura jamais l'occasion d'avoir une bonne relation avec lui. Il l'évitera désormais dans les couloirs, ne s'adressera à lui que par obligation lors des meetings ou des devoirs médiatiques, et dira à qui veut l'entendre sur le paddock que son coéquipier est quelqu'un de bizarre.

Bonjour l'ambiance.

Contre toute attente, un sourire amusé se dessine sur le visage de l'anglais.

- Bleu océan ?

Interloqué, Oscar bloque quelques instants avant de souffler :

- Oui, quelque chose comme ça.





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Ladies and Gentlemen, Le 1er chapitre tant attendu de Dream !

Je suis très heureuse et très fière de vous présenter ce nouveau projet, et j'espère que cette entrée en matière vous a plu.

L'intrigue de fond est assez originale, et je me demande combien d'entre vous auront compris où j'essaye d'en venir avec tout ça. Si ce n'est pas encore le cas, ça arrivera sans doute bientôt.

À noter que les updates ne seront pas régulières étant donné que je cherche d'abord à avancer mon Lestappen (chose à laquelle je vais enfin pouvoir m'atteler maintenant que mon obsession pour Dream a été satisfaite !).

Il s'agira d'une histoire courte, probablement une dizaine de chapitres.

Je ne vous donne aucun indice pour la suite comme je peux le faire avec Game car je tiens à mon effet de surprise, ne m'en voulez pas !

À bientôt ♥

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