DRAME

Nouvelle écrite à l'occasion de
«Graine De Wattpadien»
de
Purincessu

Cadeau destiné
à 
JuneTHPB

Le thème donné 
était
«Dramatique»

Maintenant chers lecteurs et lectrices,
laissons-nous céder 
à une autre vision du
DRAME

● ○ ● ○ ● ○ ●

On ne sait pas trop ce que c'est mais c'est là, on le sent, on le sait, et tu le sais, que c'est là. Le drame.


On ne sait pas ce que c'est mais ça porte un nom, et tout le monde l'utilise ce mot. Ça n'a pas d'image, ça ne se rapporte à rien, mais pourtant on peut s'y rattacher, ou y rattacher des choses, au drame. Le drame peut-être c'est violent. Ça se passe et on n'y peut rien. Ça fait mal parfois, ça choc même de temps en temps. C'est long parce que ça ne s'oublie pas un drame, ça reste, ça s'éternise, ça dramatise, le drame.

On ne sait pas trop ce que c'est le drame ; c'est dramatique de ne pas aimer le jaune ? C'est dramatique d'aimer les fraises ? C'est dramatique d'être en retard au travail ? C'est dramatique d'aimer Edith Piaf ? Et c'est dramatique de frauder dans le métro ? C'est dramatique d'aimer ? C'est dramatique d'aimer frauder dans le métro ? C'est dramatique d'aimer sa mère ? C'est dramatique d'aimer l'odeur de gasoil et du dissolvant ? C'est dramatique d'aimer le football ? C'est dramatique les OGM ? C'est dramatique de terminer l'encre de son stylo ? Dramatique de finir une gomme ? Je crois que c'est dramatique d'effacer en fait, c'est surtout ça. Et de ne plus avoir de quoi écrire, c'est dramatique ça. Et de boire le petit lait dans un yaourt ? D'aimer le fromage qui put, c'est dramatique ? Puis le gars qu'à pisser dans la rame. C'est dramatique des portes de métro qui se ferment ? Ça fait un de c'est bouquant ce truc. Le gars qui joue de l'accordéon à vingt-trois heure dans sur la ligne une, je sais pas trop si c'est un drame ça. La fille elle chante pour l'accompagne. Elle chante pour deux euros, et ça c'est dramatique. Le silence c'est le drame, alors elle chante pour tuer le drame. Puis l'autre qui donne pas d'argent, même pas dix centimes, c'est un drame, peut-être. C'est un drame qu'ils aient besoin de jouer et chanter pour vivre, enfin je suis pas sûr. En soit, c'est dramatique le théâtre. On appelle ça théâtre dramatique mais c'est pas si dramatique : tout le monde s'engueulent mais nous on rigole bien, on se marre, rien de bien dramatique. Et au pire on pleure, parce que c'est beau, et si c'est beau c'est pas dramatique, si ?

Moi je pleure là, les pieds dans la boue et une pelle dans la main droite, je pleure parce qu'il y a une question qui me trotte dans la tête et que dont je n'arrive pas à y répondre : c'est un drame de tuer quelqu'un ?

Il était vingt-trois heures vingt-quatre lorsque j'étais dans le métro, ligne une. Le gars jouait de l'accordéon, un air de La Môme bien trop connu, et la fille chantait. J'avais pas une pièce, et j'ai fait semblant de dormir à moitié pour faire éviter de croiser leurs regards, à ces pauvres gens sans sous. Je marchais lentement dans la rue jusqu'à l'appartement, j'ai croisé des couples qui puait l'amour et des célibataires qui sentait bon la fraise. J'avais envie de pisser.

Quand je suis arrivé dans l'appartement il faisait noir. J'ai mis mes clefs dans la poche de mon pantalon. J'ai pris un papier pour y écrire « acheter des yaourts et des tickets de métro » mais le stylo que j'avais dans la poche n'avait plus d'encre. Je me suis dit que je le ferai demain tout en sachant que d'ici une demi-heure je l'aurais déjà oublié. Demain, c'était donc foutu.

J'ai marché jusqu'à la cuisine et j'ai bouffé une pomme. J'avais pas fromage alors j'ai croqué dans une pomme. Elle ne m'a explosé dans la bouche, aucun jus, et elle avait pas de gout. Surement pleine d'insecticide ou de produits chimiques toxiques. Mais j'avais faim alors j'ai fermé ma gueule sur les pesticides et les autres trucs qui font des trous dans l'estomac, je ne suis pas descendu dans la rue pour gueuler sur les OGM, et j'ai bouffé ma pomme, comme tout le monde. Dans l'évier j'avais laissé un couteau et une assiette : je suis le genre de procrastination qui laisse la vaisselle sale pendant trois jours sur le coin de la table, me disant que je le ferai demain. Et comme pour mes yaourts et mes tickets de métro, demain c'était foutu. Demain c'est toujours trop tard. J'ai quitté la cuisine pour le salon et j'ai ouvert la fenêtre. J'ai allumé une clope et j'ai fumé. J'ai regardé l'immeuble d'en face : une gars regardait une match de football. Je haïssais le football. J'aurais pu tuer des gens comme ces joueurs qui gagnent des millions à tirer dans un bout de plastique. J'ai failli pensé « Moi aussi je peux le faire », jusqu'à ce que je réfléchisse et que je me dise que non, que déjà j'arrive pas à trouver un stylo qui marche et à faire la vaisselle après chaque repas, alors penser à frapper dans un ballon pas pensable. J'ai intérieurement fermé ma gueule et j'ai fumé ma clope. J'me suis quand même demandé si eux, les footballeurs, ils faisaient la vaisselle, puis j'ai laissé ma clope dans le cendrier et je suis allé jusqu'au bureau. J'ai soudainement pensé à mes tickets de métro alors je suis parti chercher un stylo qui fonctionnait. La lumière dans le bureau était restée allumé. C'est ce que j'ai pensé avant de voir un homme de dos qui fouillait les tiroirs de l'étagère.

Je me suis arrêté net et je l'ai regardé se retourner vers moi. Il m'avait surpris, et je l'avais surpris. Le gars je le connaissais pas. J'ai vu dans ses yeux noirs qu'il avait peur, presque plus que moi. En fait je sais pas le quel de nous deux avait le plus peur, c'est pas comparable je pense. Alors j'ai fait un pas en arrière, sur le parquet qui grince, et lui un pas un avant. C'était comme un tango, si j'avançais il reculait et un inversement. Il a lâché lentement MacBook qu'il avait dans la main droite, celui que j'utilisais pour travailler, et il a lancé une regard circulair dans la pièce, sans bouger sa tête, uniquement ses yeux, pour voir ce qu'il avait sous la main, peut-être pour me le lancer, me frapper avec, j'en savais rien mais j'y ai pensé. J'ai pas crié, de toute façon personne n'aurait réagi ; je vois mal Bernadette, la petite vieille du dessus, descendre les escaliers en bois de l'immeuble pour venir me secourir, non non. Pauvre Bernadette. Parfois je l'entends pleurer son mari décédé le mois dernier. Elle pleure tellement fort, la pauvre, qu'elle ne m'aurait pas entendu crier. En plus je l'entendais écouter son vieux vinyle de Schubert qu'elle adorait écouter, un jour m'a-t-elle dit, lorsqu'elle n'arrive pas à dormir. Sur le moment je n'ai pas particulièrement fait attention au morceau et je me suis plus ou moins concentré sur cet inconnu dans mon bureau, évidemment sans crier. Et même si j'ai voulu crier, parce que sur le moment j'aurais voulu gueule, hurler aussi fort que je le pouvais, je ne l'ai pas fait non, rien, pas un son. Je n'ai pas pu, rien n'est sorti : j'ai ouvert légèrement la bouche et ce n'est un léger souffle qui s'est échappé de mes lèvres. Lui il était encore plus muet que moi, même pas de souffle, juste de la peur. Je voyais déjà un article paraître dans le journal comme si c'était une partie de Cluedo : Le propriétaire tué par l'inconnu dans le bureau avec le chandelier. Alors j'ai fait un deuxième pas en arrière, sans que lui ne bouge, jusqu'à courir jusqu'à la cuisine. Je l'ai entendu essayer d'ouvrir la porte pour sortir, puis repasser dans le bureau avant d'entrer dans la cuisine, il avait un presse papier dans la main gauche. Il m'a menacé avec un presse papier. Il voulait les clefs dans mon pantalon. Et moi j'ai paniqué. J'ai pris le couteau dans l'évier et je l'ai pointé vers lui. Il à fait un pas en arrière, moi avant, puis lui en avant avec son presse papier, et moi en arrière. Encore une fois, c'était l'heure du tango. Puis je lui ai balancé une bouteille de jus d'orange en plastique, lui m'a lancé un paquet de céréales, pour je lui ai envoyé le grille-pain en plein visage, lui une bouteille de vin (quel gâchis, c'était la bouteille que mon frère m'avait rapporté de bourgogne)... Un genre de balle au prisonnier avec tout ce qui nous tombait sous la main, jusqu'à ce qu'on n'ait plus rien et qu'on passe au corps à corps. On a tous les deux paniqués, prit par une bouffée d'adrénaline, et on s'est sauté dessus. Il m'a frappé au visage et au buste avec le presse papier, et moi au couteau dans son ventre. De grands coups de couteau que j'enfonçais le plus profondément possible. Je ne me suis pas arrêté, pas une seconde, jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. Et même lorsqu'il ne bougeait plus j'ai continué un peu, pour être sûr.

Et une fois que j'avais fini, sûr qu'il était bien mort, que j'avais du sang plein les mains, j'ai fermé les yeux pour écouter les dernières notes du morceau de Schubert que Bernadette écoutait : C'était le trio pour piano et violoncelle en Mi Bémol Majeur. Et sur l'avant dernière note j'ai inspiré toute l'air de l'appartement dans les poumons pour l'expirer à la dernière note. Finalement, c'était l'inconnu tué par le propriétaire dans la cuisine avec un couteau. Et oui, il y a des surprises.

Je me suis levé et j'ai regardé son corps étendu là, sur le carrelage blanc de la cuisine dont une flaque rougeâtre avait lentement coulé entre le grille-pain et les bouts de verre trempé dans ce bon vin des caves de Bourgogne. J'étais essoufflé. J'ai lâché le couteau sur le sol et je me suis adossé au plan de travail. Je me suis dit que ce n'était pas si grave Putain de merde de salope de chiasse, j'ai tué un gars, je viens de tuer un gars ! que la Justice comprendra J'ai pas envie de finir mes jours en taule moi ! et que je mènerai une belle vie Pas envie de finir mes jours entre un jeune transsexuel qui a fait du trafic de drogue et un vieux qu'on qui trafic d'armes avec des pays en guerre, ça non. Du coup j'ai enjambé son corps et je suis retourné à ma fenêtre pour fumer ma clope. Elle ne s'était pas éteinte. J'ai mis le fauteuil face à la double fenêtre ouverte et je me suis confortablement installé pour fumer, une petite couverture jaune sur les jambes pour ne pas avoir trop froid. Après deux ou trois bouffées de fumée inspirées et expirées, j'ai repensé au mec dans la cuisine : j'ai passé la tête par-dessus mon épaule et j'ai vu son bras en sang dépassé de l'encadrement de la porte. J'avais même pendant un instant oublié les traits de son visage que je ne pouvais pas voire d'ici. Qu'est-ce que je vais bien faire de toi mon cochon me suis-je. Je vais quand même pas te jeter dans la Seine, hein ? Je parlais à voix haute et, c'est con à dire oui, mais j'attendais une réponse de sa part. Je l'avais imaginé se lever, s'asseoir près de moi (mais pas sur les nouveaux canapés, j'ai pas envie qu'il les tâche de son sang) et qu'il me donne un plan pour me sauver. Puis tout à coup l'illumination, l'idée du ciel, et du siècle. C'était fortement inspiré des livres d'Agatha Christie ou des séries policières jouées par des américains au talent tellement caché que peine perdu on a arrêté de chercher. J'allais, écoutez-moi bien, j'allais l'enterrer. Où, avec quoi, aucune idée. Mais j'ai pris la couverture que j'avais sur les genoux et je l'ai enroulé dedans. Il était presque plus beau mort que vivant : ça peau était plus clair, plus lisse, et ses lèvres violettes... ça m'a presque donner envie de l'embrasser pour m'excuser. J'ai descendu les escaliers jusqu'à la voiture et je l'ai mis dans le coffre. Ensuite je suis remonté, j'ai tout nettoyer dont le couteau, le sol de la cuisine, et j'ai rangé grille-pain et toutes projectiles utilisés lors de cette bataille. Puis j'ai pris mon manteau, mon portefeuille, et je suis parti.

J'ai roulé deux heures, peut-être un peu moins parce qu'il faisait nuit et qu'il n'y avait personne sur la route, mais j'ai roulé, j'ai pleuré aussi, j'ai chanté des vieux tubes sur RadioNostalgie, j'ai bien rit avec Rire&Chansons, j'ai bien déprimé avec TSFjazz, sans réellement savoir où j'allais. Machinalement je me suis en fait dirigé vers la maison de ma mère, en pleine campagne d'Eure-et-Loir. Sur la route je me suis arrêté à une station-service pour acheter des bonbons à la framboise. J'avais envie de framboises, oui. Et lorsque j'ai payé je me suis demandé si le caissier qui mâchait son chewing-gum savait qu'il parlait à un tueur. Evidemment que non mais je me suis demandé quelle serait sa réaction s'il le savait. Aurait-il eu peur ? Aurait-il fait un pas en arrière, un peu de tango comme l'autre, s'il savait qu'un homme mort était dans mon coffre ? Puis j'ai payé mes bonbons et j'ai repris la route jusqu'à la maison de campagne. Je suis entré dans la propriété, je suis allé dans l'ancienne cabane à cochon où il y a les outils de jardinage, j'ai pris une pelle puis j'ai repris la voiture. Je me suis arrêté moins de dix kilomètres plus loin, près d'une forêt, au pied d'un champs, et j'ai sorti la momie de son sarcophage. Dans le coffre ça puait la mort, vraiment, au sens propre du terme. On est allé plus loin (quand je dis On vous vous douté bien qu'on n'y est pas allé main dans la main en sautillant, pauvre homme) et j'ai creusé son trou, le plus profond possible, il fallait qu'il rentre en entier avec ses grandes jambes. Et quand j'avais finis je l'ai jeté dedans et je l'ai rebouché, mon trou, bien tassé la terre pour faire ça propre.

Et voilà où on en est. Le temps que je vous raconte tout ça j'ai le nez qui coule, je pleure plus, j'ai bien les pieds dans la boue et une pelle dans la main droite, et j'ai toujours cette question qui me trotte dans la tête et dont je n'arrive pas à y répondre : alors, c'est un drame de tuer quelqu'un ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top