9. L'Épopée du livre de bio
Wilma avait clairement l'impression d'être au beau milieu d'une guerre ouverte. Et encore, elle était certaine que dans ce cas-ci, les combattants étaient bien plus acharnés. En effet, Avery et Aaron n'arrêtaien pas de se lancer divers projectiles. Heureusement que contrairement à elle, ils savaient viser, parce que sinon, il y aurait eu beaucoup de victimes collatérales.
« Arrêtez ! finit-elle par souffler à son voisin.
Un stylo vert était passé à moins de cinq centimètres de sa tête rousse, la poussant à réagir, ce qu'elle se retenait de faire depuis le début. Et comme Madame Lysosome paraissait toujours aussi aveugle, la jeune fille avait décidé de stopper cette guéguerre inutile.
- Tu rigoles ou quoi ? C'est elle qui a commencé ! protesta Aaron avec un regard noir.
- Et alors ? chuchota Wilma. »
Levant ses beaux yeux gris au ciel, Aaron secoua la tête. La jeune fille soupira : comment pouvait-elle penser le raisonner ? Il tendit soudain la main vers la trousse de sa voisine, non sans frôler les doigts de celle-ci, la faisant sursauter. Il y attrapa un fluo orange, apparemment à court de munitions. La rousse n'osa protester et regarda, impuissante, le petit surligneur s'écraser dans la nuque d'Avery.
Telle une furie, celle-ci se retourna brusquement, mais son élan fut coupé par le professeur de biologie qui semblait enfin s'être réveillée.
« Avery et Aaron, ça suffit. Vous perturbez la sérénité de la classe ! »
Peu impressionné, le jeune homme fit un sourire moqueur. Le remarquant, Madame Lysosome se leva et avança vers lui. Son chignon déjà en équilibre précaire vacilla dangereusement et Wilma crut qu'il allait s'effondrer.
« Si cela vous faire rire, vous pouvez aller raconter combien c'est drôle au directeur, hum ? Avery, vous allez avec lui, puisque vous n'étiez pas en reste il me semble. »
La femme jeta un regard suspicieux à Wilma mais, ne trouvant rien à lui reprocher, elle laissa tomber. À quelques tables de là, Avery rassembla rageusement ses affaires, puis sortit en trombe de la salle, bientôt suivie par le pas assuré d'Aaron. Qui avait au passage emporté le livre de Wilma. Par mégarde ou intentionnellement ? Elle ne le saurait sans doute jamais.
Demander au professeur, à un de ses camarades inconnus ou faire comme si de rien n'était ? La première option étant beaucoup trop dangereuse, Wilma essaya d'attirer l'attention de Melville pour le demander de lui prêter son livre. Mais le pauvre était visiblement en train de tenter de repousser Maggie qui paraissait très décidée à lui faire la conversation.
Alors qu'elle allait abandonner et se résigner à suivre sans rien, pour ainsi récolter une mauvaise note en biologie, ce qui pousserait son père à la renier et à la chasser de sa maison, et à la laisser mourir sous un pont, quelqu'un lui tapota le bras.
« On peut te passer un livre si tu veux, proposa le garçon assit à la table d'à côté. »
Lisait-il dans ses pensées ? Étonnée, la rousse accepta et ne releva pas la tête du peu qu'il restait du cours de peur de s'attirer les foudres de Madame Lysosome.
La sonnerie retentit comme une délivrance pour Wilma. Elle marquait la fin de cette première journée de cours qui avait été vraiment épuisante : trop de nouvelles personnes, trop de nouvelles informations, trop de changement. À moins que ce ne soit tout simplement la fin des vacances qui, avouons-le, avait le don de déprimer n'importe qui. Sauf peut-être Avery.
Wilma se demandait d'ailleurs ce qui s'était dit chez le proviseur : il fallait qu'elle lui pose la question. Et qu'elle essaye au passage de la raisonner si elle en avait le courage. Ce qui était peu probable.
« Merci beaucoup pour le livre, dit-elle avec gratitude au garçon d'à côté en lui rendant son bien.
- Avec plaisir, tu es nouvelle ?
Elle hocha la tête.
- Alors bienvenue à Modesto, moi c'est Irwin.
- Wilma, se présenta-t-elle à son tour ».
Contrairement à ce que son prénom laissait supposer, Irwin avait des origines mexicaines. Sa peau dont le hâle n'était sans doute pas uniquement dû au soleil impitoyable de Californie faisait ressortir la blancheur de son sourire avenant. Ses cheveux noirs, légèrement trop longs, étaient ondulés et quelques mèches retombaient sur son front. Il avait des yeux d'une chaleureuse couleur noisette qui apparaissaient derrière des lunettes à monture noire. Il avait l'air vraiment gentil.
« Eh Wilma, tu viens ? »
Melville avait l'air désespéré. Quelques mètres plus loin, la petite Maggie, un sourire adorable collé aux lèvres, ne devait pas y être pour rien. Wilma le comprit aussitôt et le suivit hors de la classe.
Dès qu'ils eurent mis un pied dehors, Avery débarqua comme une furie.
« Une heure de colle ! se lamenta-t-elle. Avec lui en plus ! Tu nous imagines, lui et moi dans la même salle pendant une heure ? Je vais le tuer, ça va être noté sur mon dossier en plus...
- Non, ne t'inquiète pas, tenta de la rassurer Wilma. Ce n'est qu'une heure, rien de grave en plus.
- M'en fous, je vais le tuer quand même. À partir de maintenant, c'est la guerre. »
Ah, parce que cela ne l'était pas déjà ? songea la rousse sans oser le dire à voix haute. Elle échangea un regard entendu avec Melville puis posa une main compatissante sur l'épaule de la blonde.
« Bon, on y va ? dit l'asiatique. On va rater les bus.
- J'ai ma colle, s'écria Avery avec une moue boudeuse.
- Je t'accompagne, décida Wilma. Je dois récupérer mon livre. Mon père me ramènera. »
Avery les conduisit dans un dédale de couloir jusqu'à la bonne salle. La rousse essaya de retenir le chemin. Elle allait avoir besoin d'un temps d'adaptation pour s'habituer à ce nouveau lycée.
Quand elles arrivèrent, Aaron était déjà là et attendait devant la salle. Il était nonchalamment adossé au mur, les mains dans les poches, dans une posture ouvertement désinvolte. Un sourire moqueur se peignit sur son visage quand il vit que Wilma accompagnait son amie.
« On ne peut plus se passer de moi, hein ?
- Je... Non, je venais chercher mon livre, s'expliqua la jeune fille.
- Quoi ? tu peux parler plus clairement ?
- Elle veut son livre de bio abruti ! Si t'entends pas faudrait peut-être songer à te faire équiper !
Levant les yeux au ciel, il sortit ledit livre de son sac et le jeta presque à la figure de sa voisine de classe. Avery le fixait d'un œil noir. L'atmosphère était bien trop tendue pour Wilma.
- Bon, bah salut. À demain, dit-elle à l'intention de la blonde.
Et Wilma déguerpit sans demander son reste, abandonnant celle-ci à son triste sort.
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