8. L'attaque du stabilo
Lorsque Wilma entra dans la classe de biologie, ses cheveux flottèrent au vent et les rayons du soleil caressèrent sa peau, lui donnant un éclat doré saisissant. Ce qui était tout de même étrange sachant que les volets de la salle étaient fermés pour que le vidéoprojecteur puisse fonctionner correctement et qu'aucune fenêtre n'était ouverte. Mais la jeune fille n'était plus à une incohérence près !
Aaron était déjà là, à plaisanter avec les filles qui se trouvaient à la table de derrière. Elles lui mangeaient littéralement dans la main, c'était d'un ridicule consommé. Il y avait fort à parier qu'elles n'en avaient pas conscience, mais elles ricanaient à chacune de ses réflexions à la pertinence légendaire. Enfin, Wilma n'était pas en reste puisqu'elle ne pouvait s'empêcher de fixer le beau jeune homme d'une manière insistante. Il finit par s'en rendre compte et se tourna vers la rousse. Il lui adressa alors une moue moqueuse absolument craquante.
La demoiselle rougit légèrement d'être prise en flagrant délit et baissa la tête. Se faisant, ses cheveux lui tombèrent devant les yeux et cachèrent son visage. Rouge pivoine, elle s'assit à sa place à côté d'Aaron.
Avery, qui l'avait abandonnée pour aller aux toilettes, arriva peu après elle, à grands pas. Si Wilma avait dû la comparer à quelque chose en cet instant, cela aurait été un char d'assaut : elle fendait la foule sans que quiconque ne se dresse sur son chemin. Pourtant, elle ne semblait pas très menaçante. Même l'aura qu'elle dégageait était plutôt calme : elle n'avait pas l'air de vouloir bombarder quelqu'un à coups de ballon de beach-volley dans la figure.
« Ça va Wilma ?
- Oui, pourquoi ?
- Je sais pas... T'es toute rouge. C'est pas Aaron qui t'a fait chier, dis-moi ? »
Pourquoi toujours sauter à une conclusion en rapport avec le charmant jeune homme à sa gauche ? Sans doute parce qu'il avait un irritant petit sourire sur son visage.
« Que veux-tu, Avery, je crois que la rouquine est tombée sous mon charme... En même temps qui ne le serait pas ?
– Quelqu'un qui voit au-delà de ton joli minois de fouine, peut-être ? siffla la blonde.
- C'est vrai que toi tu te targues d'y arriver.
– Excusez-moi...
– Bien sûr ! Y'a que les neuneus qui peuvent trouver une ordure comme toi attirante !
– Excusez-moi...
– Ah la la Avery... Que ferais-je sans toi pour m'insulter ? Je m'ennuierais un peu sans doute.
– Excusez-moi ! »
Les deux jeunes se tournèrent d'un même mouvement vers Wilma qui les regardait d'un œil mi-gêné, mi-sévère.
« Est-ce que vous pourriez éviter de parler de moi comme si je n'étais pas là ? Ça ne met pas à l'aise et ce n'est pas très poli. »
Pour la première fois depuis qu'elle l'avait rencontrée, la rousse put voir apparaître dans les yeux de la blonde quelque chose qui voulait dire : « mais elle sort d'où cette fille ? ». Elle renonça donc à leur servir le petit discours qu'elle avait préparé. De toute manière, la professeure venait d'arriver. Madame Lysosome — Wilma avait retenu son nom ô combien étrange — était tout aussi atypique que son patronyme le laissait supposer. D'une stature haute, mais maigrichonne, la femme d'une quarantaine d'années avait de longs cheveux auburn entortillés en un chignon si volumineux qu'il semblait défier les lois de la gravité, et de petites lunettes rondes perchées sur un nez aquilin. Elle avait assorti son sarouel anthracite avec une paire de Doc Martens à motifs floraux, tandis qu'une ribambelle de bracelets cliquetants parachevait le tout.
Wilma était certaine de n'avoir jamais vu de professeure aussi atypique. Mais apparemment, tout était possible et, en regardant ses camarades, elle constata bien vite qu'elle était la seule à être perturbée.
« Bonjour, commença l'adulte d'une voix excessivement calme. J'espère que vous avez passé de bonnes vacances et que vous êtes à présent dans une optique de travail serein et efficace. Sans plus perdre de temps, je vais vous demander d'ouvrir vos livres à la page douze... »
Le coup de coude que Wilma se prit dans les côtes manqua de la faire gémir de douleur.
« Mais... bégaya-t-elle en se tournant vers son voisin.
- Sors ton livre la rouquine, j'ai pas le mien.
- On nous les a donnés ce matin, fit-elle remarquer.
- Ouais, bah j'ai la flemme. »
Considérant qu'il s'agissait d'une excuse suffisante, Aaron se détourna de la rousse qui, n'ayant pas vraiment le choix, sortit son livre de biologie. Elle regarda au passage vers Avery qui, elle le savait, aurait envoyé bouler le jeune homme avec une remarque bien placée et une ou deux insultes fleuries.
« Ah bah tu vois quand tu veux, souffla Aaron lorsque les pages furent tournées jusqu'à celle indiquée par Madame Lysosome »
Wilma voulut lui faire les gros yeux, mais le découvrant bien plus proche d'elle que prévu, elle retourna bien vite à son livre avant de se remettre à rougir. Pourquoi fallait-il que cet être si détestable ait une plastique si séduisante ? Une énigme de la vie auquel elle tâcherait de répondre en même temps que le mystère de la domination du monde par les chats et le mythe qui voulait qu'on ouvre toujours la boîte de médicaments par le mauvais côté. Mais il fallait peut-être qu'elle revoie l'ordre de ses priorités.
Soudain, au moment où elle ne s'y attendait pas, la rousse entendit Aaron couiner. Elle se tourna vers lui et remarqua qu'il tenait dans sa main un fluo rose. Qui n'était vraisemblablement pas à lui. Il n'avait pas l'air très content. Puis en vint un second, un effaceur, qui glissa malencontreusement dans le tee-shirt du jeune homme. Celui-ci grogna et commença à se tortiller pour le récupérer.
Wilma regardait du coin de l'œil Aaron, dont la musculature qui n'était pas du tout désagréable à admirer et ressortait grâce à ses mouvements. Mais elle cherchait tout de même pour faire illusion la personne à l'origine de cette attaque pour le moins agressive. Étrangement, Madame Lysosome ne remarquait rien. Comme si quelqu'un lui avait mis des œillères pour qu'elle ne s'en rende pas compte. Ou alors, elle était aveugle et elle le cachait ! Hypothèse à approfondir.
Avery avait, quant à elle, un sourire sardonique sur le visage, l'air de dire : « ça ne fait que commencer mon mignon ». Wilma ne savait pas quel lien unissait ces deux-là, mais on ne pouvait dire qu'ils ne s'entendaient pas très bien. Oui, la jeune fille était une adepte des euphémismes.
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