7. Solitude


Blanche n'a tenu que quelques minutes en vol. Trois pour être précise. Cela n'avait même pas suffi pour atteindre les arbres, mais au moins, ils étaient loin des monstres. Enfin, ça, c'était avant qu'une meute de loups décide de les prendre en chasse.

Elle relança son sort. Sans succès. Ses pouvoirs étaient comme bloqués.

La jeune femme aux aguets, le petit toujours endormi dans ses bras, pressait le pas. Elle avait promis de ne jamais faire de mal aux loups à Fenrir. Et elle comptait bien tenir sa promesse. Surtout quand elle reconnut la louve en tête, la seule qui ne grognait pas sur ses invités indésirables.

- Roza, murmura Blanche.

La louve intriguée poussa un hurlement en levant la tête. Les sept mâles, plus petits que la louve géante, s'arrêtèrent, attendant les ordres. C'était marrant de voir cette femelle dicter leur conduite.

- C'est moi, reprit Blanche, la joueuse du Dieu Fenrir.

Le nom fit réagir Roza. Elle pencha sa tête, la langue pendante. Puis, elle s'en alla comme elle était venue. Un loup en particulier s'attarda avant de rejoindre son alpha, le regard mauvais. La jeune femme n'avait qu'à bien se tenir !

Comme si ses pensées avaient été entendues, la fenêtre bleue réapparut.

Premier niveau : Évaluation des compétences de base.
Objectif : Survivre.
Temps : Non Défini.
Récompense de mission : À voir.

Cette fois-ci, Blanche eut largement le temps de lire. Par contre, on se foutait d'elle ou c'était comment ? Elle avait déjà accompli ce premier niveau, il y a plus d'un mois de cela !

Est-ce pour cela que ses pouvoirs chèrement acquis faisaient des siennes ?

Encore une fois, la fenêtre devint rouge et un message d'alerte apparut.

Calcul en cours...

Le même qui lui avait signifié son tout premier bug de jeu, lorsqu'elle avait combattu des gobelins avec Argy en empruntant ses caractéristiques.

Encore une fois, la fenêtre du jeu disparut. Elle leva les yeux au ciel sombre, qu'à cela ne se tienne, elle n'était pas près de partir de toute façon. Sauf que le seul lieu à des kilomètres à la ronde potable était à des jours de marche !

Il ne lui fallut qu'une heure pour enfin arriver à la lisière des arbres alors que le jour se levait à peine. L'enfant toujours profondément endormi. Blanche ignorait depuis combien de temps il l'avaient torturé, mais l'odeur du sang empestait l'air, ravivant sa colère toutes les trente secondes.

La jeune femme n'avait pas eu le courage de regarder et elle attendait patiemment qu'il se réveil, valide sa quête pour qu'ils puissent le remettre sur pied de l'autre côté. C'était lui le mage blanc dans ce monde de fou !

Elle allait devoir compter sur les pouvoirs d'un enfant... Qui ne les avaient même pas encore eus.

Blanche marcha et marcha, ne s'arrêtant pas. Le froid ne se faisait plus sentir, son visage depuis longtemps engourdit, tandis que tout le reste, grâce à la cape et au petit, était chaud.

Le temps passa et la journée défila. Émerveillée par la beauté glacée de l'Outremonde, elle regarda cette terre sauvage, cette forêt immense, verte et blanche. Les couleurs vives, pures dans un monde dépourvu de pollution.

Avec tout ça, elle se rendait compte qu'elle y était tombée sous le charme. Mais ses amis lui manquaient. Même Glen et sa verdure, et se ronchon d'oncle D. Elle donnerait tout, ne serait-ce que pour les revoir un jour.

Suivant le cours d'eau, elle pressa le pas. Remotivée à bloc. Elle réussirait sa mission et rentrerait au bercail, peu importe la difficulté. Techniquement, tout ce qu'elle vivait était déjà du passé.  Elle avait réussi une fois, elle réussirait une seconde fois.

L'eau d'une brillance inégalée lui rappela ses propres écailles, elle passa le temps en les contemplant, remontant de temps en temps ses mains pour maintenir le petit en place. Qui ne broncha pas.

En fin d'après-midi, elle aperçut des traces de civilisation près de l'eau. Depuis quand les vikings vivaient dans les terres ? Aussi loin de l'eau ?

Sauf que ce n'était pas des vikings. Blanche s'éloigna avant de se faire repérer. Ces créatures ressemblaient à des humains, bien qu'ils étaient légèrement vêtus pour un froid pareil. Aucun humain n'aurait pu survivre à ces températures.

La jeune femme accroupit à côté d'un arbre et observa la scène. Elle affina son regard, laissa voir par-delà les apparences... Des nymphes des bois ?! Des dryades accompagnées de naïades... Qu'est-ce qu'elles foutaient là ? Aussi loin du territoire d'Artémis ?

Système...

Système...

Blanche regarda la fenêtre apparue cette fois en rouge, passée au violet avant de revenir en bleue.

OK.

Ok ? Ok quoi ? Juste ok ? Elle attendit, mais rien d'autre n'apparut. Blanche soupira, se releva et enclencha vol. Cette fois-ci, cela fonctionna. Super ! Elle profita du tronc énorme pour s'envoler en toute discrétion direction la caserne, le petit toujours dans ses bras.

***

Aux alentours, il n'y avait personne. Pas de village vikings, pas un chat à l'horizon... Trouver à manger en plein hiver, voilà qui allait poser problème surtout avec un enfant en pleine croissance.

Blanche se posa dans l'enceinte de la caserne au-delà du portail. Fermer. Pour la première fois. Même en Outremonde tout se ressemblait sans l'être vraiment. Une nouvelle habitude dont elle avait du mal à s'y faire.

La porte gelée se refusa de s'ouvrir. Le système électrique en panne n'augurait rien de bon. Blanche activa sa flemme noire qui dégela instantanément la porte.

Elle y entra doucement dans un silence pesant, écoutant le moindre petit bruit à la ronde. Rien. À l'intérieur, cependant, il y faisait bon. Pas trop chaud, pas trop froid. Elle appuya sur l'interrupteur et la lumière s'enclencha avec un grésillement.

Mince alors. Le sol était jonché d'armes et de vêtements. Des objets un peu partout. Le hall d'entrée y était plein, mais dans une logique qui semblait montrer des corps qui avaient depuis longtemps disparu, ne laissant que des trous.

Ils étaient morts. Tous. Que diable s'était-il passé ? Une caserne remplie de militaires d'Epsilon disparut du jour au lendemain. Atterris ici sans que personne ne s'aperçoive ? Les militaires avaient dû cacher cette disparition.

Blanche referma la porte qui cliqueta. Pas grave, elle n'avait qu'à trouver l'ordinateur central ou bien sortir par le toit. En attendant, autant explorer le coin.

Elle entra dans le couloir. Le bureau d'Aaron était ouvert, à la place de la carte de l'Outremonde elle aperçut du couloir celle d'Epsilon. À mesure qu'elle avançait, elle fermait les portes et la lumière derrière elle.

Son chez elle était sinistre... Première étape : retirer toutes les armes qui traînent et les mettre à leurs places. Loin d'Argy à double tour. Elle gagna rapidement la salle de contrôle et l'armurie. Tout était en règle, les fournitures impeccables.

Elle passa en revu les vestiaires. Certains casiers ouverts, des souvenirs personnels... Qui pourrait l'aider dans son enquête. Mais le petit commençait à être plus que gênant pour bouger.

Elle monta à l'étage et qu'elle ne fut pas sa surprise de tomber sur un vaste dortoir d'un côté. Et des petites chambrettes de l'autre. Seule la chambre du fond était la même que dans ses souvenirs. Aaron avait fait du bon boulot avec sa capacité.

Bah, pour l'instant, ils n'étaient que deux. Elle installa l'enfant dans le lit double qui devait appartenir au plus haut gradé de l'endroit. Lui laissant sa cape de fourrure bien chaude. Argy ne broncha pas, bien trop épuisé.

C'est l'esprit tranquille qu'elle descendit à nouveau inspecter les lieux.
La salle de sport était obsolète... Avec sa force, la moitié du matériel ne servait à rien. Elle pourrait servir à Argy quelques semaines avant qu'elles ne servent plus à rien aussi.

Vivement qu'elle tombe sur Aaron ! Il lui était indispensable au quotidien. Surtout pour la cuisine et les câlins. Enfin, pour la cuisine d'abord. En pensant au mess, elle s'y dirigea.

C'était encore plus le bordel dans cette pièce. Entre les plateaux, les couverts... Heureusement qu'il n'y avait plus de reste depuis longtemps. Juste des tâches dont elle ne voulait pas penser à la provenance.

Elle fit le tour et entra dans la cuisine. Elle ne crut pas ses yeux lorsqu'elle tomba sur un mur entier de conserves et d'épices en tout genre à la place des rayonnages habituels. La joueuse se rua dessus, regardant les dates. La plupart n'étaient même pas périmées.

Elle souffla, rassurée. Avec ça et du gibier, ils n'allaient pas mourir de faim cet hiver ! Elle jeta également un coup d'œil au garde-manger et à la chambre froide. Blanche tomba des nues.

Tout était plein. Du riz, des pâtes, des sauces ! Des préparations à pancakes ! Des cookies, des gaufres ! Par tous les Dieux, elle faillit en pleurer. Il y avait même du bœuf séché... Et une multitude de rations !

Il lui fallut bien cinq minutes pour regarder dans le congélateur. Il était rempli à ras bord, encore glacé. De la viande, du poisson, des crevettes ! Il y avait même d'immenses langoustes. C'était Noël ! Et comme pour le lui confirmer, des bûches glacées et de la glace à profusion d'une multitude de parfums...

Ses yeux brillèrent. Elle avait hâte de voir la tête d'Argy ! Lui qui était sans souvenir allait goûter à de nouvelles choses.

Sur un nuage, elle continua sa visite. Dans le garage, une mustang inutilisable et des jeeps. Des outils, des motos. Des livres sur la mécanique et des manuels sur l'armée.

Le potager était inexistant. Cela posait un problème... Elle allait devoir y remédier. Sans nourriture fraîche, ils ne tiendraient pas longtemps.

Le groupe électrogène fonctionnait. Des barils de fioul entreposés dans un coin avec des réserves. De quoi tenir au moins six mois d'affilée. Sans une utilisation quotidienne pendant leurs absences... Presque deux ans. Et s'ils faisaient attention, peut-être plus. Elle avait deux ans en Outremonde pour trouver Aaron. Heureusement, qu'il lui avait donné des indices.

Elle allait devoir creuser du côté des elfes sylvestres. Blanche y avait déjà une amie là-bas, enfin, elle devait d'abord vérifier si elles se connaissaient déjà.

Avec un début de plan et des questions pleins la tête, elle commença par faire le ménage. Armée d'un sac et de bœuf séché, elle mit sous clef toutes les armes. Vers une heure du matin, épuisée et pleine de courbatures, la caserne enfin en ordre, elle rejoignit Argy dans le lit.

Elle contempla l'enfant avec ses cheveux argentés, lorsque la fenêtre de jeu fit de nouveau surface.

Quinzième niveau : Découverte partie 5/5.
Objectifs : Cueillir dix plantes comestibles.
Temps : Pas de limite.
Récompense de mission : À voir.

Blanche haussa un sourcil dépité et s'endormit, vanné, le sourire aux lèvres. Si la journée avait mal commencé, cette dernière avait bien fini. Très bien fini.

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