3. Nouveaux et Anciens Amis
Blanche regarda à deux fois sa nouvelle chambre... Adieu la technologie et bonjour aux uniformes archaïques. La joueuse s'extasia devant le lit et son bureau qui, à défaut d'être grands, étaient luxueux et confortables.
Pour un joueur, le lit c'était primordial, vu son sommeil de plomb.
Apparemment, les surnaturels aimaient que leurs progénitures soient installées comme à la maison. Le lit d'en face était déjà occupé, elle prit donc le côté qui était si vide qu'il semblait être dépourvu de charme.
Ely n'était peut-être pas une princesse, mais elle faisait partie de la famille royale et ça se voyait. Blanche n'aimait pas le rose, mais elle allait devoir s'y faire, la moitié de sa chambre ressemblait à une bonbonnière...
Elle sourit avant de se changer. Elle avait l'impression d'avoir passé des mois et non une semaine à soupirer. Il était temps de changer de méthode.
Sa tenue était rudimentaire. Une chemise, une cravate, une jupe à carreau... Blanche était revenue vingt ans en arrière. Difficile de ne pas le remarquer... Tout était trop... Passé ? Heureusement, elle pouvait au moins garder ses jolies bottines à talon et ses bijoux.
Elle découvrit avec bonheur que son téléphone marchait encore, surtout qu'elle avait, dans son sac, sa trousse de maquillage et un chargeur de secours. Elle regarda son album photo en se retenant de pleurer avant que la sonnette qui elle n'avait pas changé le moins du monde ne retentisse. Elle allait être en retard pour son premier cours d'histoire. La poisse.
Vu qu'elle en avait déjà loupé un lundi matin, ce serait bien de ne pas manquer le second, reporté au jeudi prochain à la même heure.
En parlant de second, elle comprit qu'elle n'allait pas tarder à avoir un second hiver sans passer par la case été. Cela lui mit le moral dans les chaussettes en plus de tout le reste.
La rousse se mit en route, sans la moindre idée du programme de cette année. Elle allait en baver pour changer, elle qui prenait soin de lire chaque été le programme de l'année suivante.
Plus d'Eva, plus de Phenix. Plus de Roberto, de Rémi... Elle était seule au monde.
Mais non.
Elle s'arrêta net. Cette voix était différente de tout ce qu'elle n'avait jamais entendu. Elle n'appartenait ni à son dieu, ni à son familier. Chaude, sarcastique, très basse et grave.
Une jeune fille lui rentra dedans en maugréant. Elle s'excusa à peine avant de reprendre la route, comme si l'incident était déjà classé, alors qu'elle avait mal.
- Incroyable, elle est en pierre ou quoi ? Maugréa la gamine en s'éloignant.
Quant à Blanche, elle regarda les alentours, se demandant d'où venait cette voix... Après quelques secondes, il fallut bien se mettre à l'évidence. Elle était affreusement seule autour de cette marée humaine.
Bah, qui que ce soit, il se manifestera à nouveau à son bon souvenir, le moment voulu. Et puis maintenant, elle était rodée entre Phénix et Fenrir... En attendant, elle devait se dépêcher.
Heureusement, la disposition des classes n'avait pas changé, contrairement à la décoration. Ce qui fait que la joueuse arriva bien plus en avance qu'elle ne l'aurait cru, si bien que son professeur n'était même pas encore arrivé.
Dans les couloirs et dans la classe, elle remarqua que si l'uniforme était de mise, il était loin d'être respecté.
Beaucoup de jeunes filles l'avaient quelque peu détourné en rajoutant des accessoires luxueux et les garçons le portaient négligemment. Sans compter la coupe réglementaire, le chignon plaqué qu'elle s'était efforcée de faire avec sa longueur n'avait absolument rien d'obligatoire.
Elle s'assit au fond à une place encore vide alors que tout le monde la dévisageait du regard.
Super ! Comme si elle avait besoin de ça. Elle n'était pas douée pour se faire des amis. D'habitude, c'était Eva qui faisait tout le boulot. Sauf qu'elle n'était pas là...
Elle prit son manuel et commença à le parcourir.
- Sérieux ?
Elle regarda la personne à sa droite, un jeune homme qui la dévisageait avec suspicion. Brun, un brin séduisant, des yeux chocolat. Pas de quoi en faire un plat, rodé à une beauté bien plus surhumaine.
- À peine arrivée, tu bûches déjà ?
Blanche haussa les épaules.
- J'aime pas les surprises. Beth, se présenta-t-elle.
Il n'eut pas eu le temps d'ouvrir à nouveau la bouche.
- Drew ! S'exclama une fille de l'autre côté.
Elle lui jeta un étrange regard et Drew pesta avant de fixer ses yeux sur le tableau comme s'il refermait les secrets de l'univers. Blanche haussa les épaules, en souriant d'avance. On dirait qu'elle allait avoir son baptême de bizutage en règle. Comme si elle allait se laisser faire.
La fille qui avait parlé était aussi banale que le prénommé Drew. Juste des cheveux à l'air libre, naturellement blonds et bouclés qui partaient en cacahuètes sans appareil chauffant de son époque et des lunettes à monture crocodile, écaillées à l'ancienne avec de grands verres.
Blanche sourit encore plus, amusée.
Clara entra à ce moment-là. Elle la reconnut sans peine grâce à ses yeux miroitants, son aura et ce petit truc que les sorciers ont en commun. Deux filles la suivaient. Des humaines qui ressemblaient davantage à des moutons avec leurs étranges ressemblances. Elles portaient une réplique parfaite des fringues de leur copine, jusqu'à ses bijoux, bien que légèrement en toc, contrairement à la sorcière.
Derrière Clara, Ely et Will entrèrent. Celui-ci la sentit de l'autre bout de la pièce et sa démarche ralentit. Les sourcils froncés, il examina Blanche. Du coup, il attira l'attention d'Ely qui fronça à son tour les sourcils, mais pas pour la même raison.
Apparemment, Ely n'avait aucune idée de sa propre nature. Bizarrement, voir Will habillé en homme avait quelque chose d'étrange. Il était mieux en jupe. Elle leur sourit à tous deux, mais elle n'eut pas le temps de faire plus.
- T'es à ma place, lança Clara qui se posta devant elle, lui gâchant la vue.
Blanche jeta un coup d'œil à Drew, qui afficha une sincère surprise. Ce n'était donc pas sa place, juste un prétexte pour l'embêter. Sans un mot, elle se releva, prit son bouquin dans les mains et rangea la chaise.
Alors qu'elle se dirigeait à un autre pupitre, Clara lui barra la route, toujours suivie de ses deux acolytes.
- Tu ne t'excuses pas ?
Blanche dut se faire violence, dans un premier temps. L'envie de la remettre à sa place la démangea ensuite. Puis, elle s'approcha doucement, une soudaine idée en tête, avant de se présenter. La sorcière n'aurait jamais l'audace d'aller vérifier ses dires. Un petit coup de bluff. Elle activa mensonge sans remords.
- Je m'appelle Beth Time, je suis la nièce du DarkNight.
Le dernier mot, elle l'avait murmuré, juste assez audible pour les deux créatures surnaturelles de la pièce. Ely ne comptait pas, tant qu'elle n'était pas transformée. Clara devient alors blême, avant de déglutir. Alors que Will avait les yeux écarquillés. C'était quoi cette histoire encore ?
- Ah, fut sa seule réponse.
Puis, elle reprit contenance. Blanche dut le reconnaître, elle avait un peu de jugeote.
- Et qu'est-ce que tu fais là dans ce cas ?
- J'ai perdu ma famille, répondit Blanche d'un air triste, en essayant d'émouvoir son auditoire, un incendie.
Elle savait que secrètement tout le monde tendait l'oreille, à l'affût du moindre potin sur la nouvelle à se mettre sous la dent.
- Mon oncle, reprit la voyageuse temporelle, n'a pas vraiment le temps de s'occuper de moi, mais ça ne veut pas dire qu'il ne tient pas à moi...
La menace était à peine voilée. Mais Clara là reçut cinq sur cinq.
- Oh ma pauvre, s'exclama, comme prévu, l'une des bécasses juste derrière Clara.
La sorcière fut suspicieuse, mais leur prof entra à ce moment-là et elle savait quand s'arrêter. Blanche se retira et en profita pour s'asseoir devant Will. Tant pis pour la discrétion.
Elle se retourna, lui adressant un sourire. Il hésita à lui dire un mot, la bouche mi-ouverte, sachant très bien que son odeur lui avait déjà révélé qu'elle était de son espèce. Mais voilà, est-ce que la jeune femme était au courant de sa nature de Drakionne ? Alors que chez les siens, les femelles restaient dans l'ignorance jusqu'à leur majorité ? Ses pensées, sur son visage, se lisaient comme dans un livre ouvert.
Le temps de se décider, se fut trop tard.
Encore une fois, Blanche remercia en pensées le professeur qui s'évertua à faire l'appel. Mince alors ! L'appel ! Chose qu'on ne faisait même plus à son époque.
À la mention de son nom, cette dernière l'obligea à se lever et à se présenter.
- Beth Time.
- Une passion ? Demanda l'enseignante.
Pfff. Vraiment ? Blanche avait envie de lui répondre un bon vieux : « Qu'est-ce que vous en avez à foutre ? ». Mais elle n'était plus à son époque et devait se faire discrète.
- Euh... Lire ?
Elle voyait difficilement lui dire : « Jouer aux échecs en éclatant la tronche des gobelins ! ». Quelques-uns ricanèrent de la réponse à l'intonation de question et l'adulte laissa tomber, de préférence.
La professeur avait l'air d'être épuisée alors qu'elle n'avait même pas commencé.
Du cours, Blanche se fit discrète. Son enseignante, une dame à la trentaine bien sonnée, attendait un heureux événement. La pauvre était enceinte jusqu'au cou. Elle ne fit même pas attention au fait que Blanche ne prenait aucune note, contrairement au reste de la classe. Ce qui était pour le mieux.
Bientôt, elle devra se faire remplacer...
Et comme par hasard, sa matière était celle d'histoire...
La mage pensa à son mari, puis elle eut une autre petite pensée, cette fois-ci pour Erik, s'excusant au fond d'elle, mais alors très au fond, pour avoir utilisé son nom. Fallait pas qu'elle tombe sur lui, du moins pas tout de suite.
Le cours fut long et ennuyeux. Encore un point positif pour que Kiyan la remplace et vite.
Comme s'il y avait besoin de compter les points.
Super ! La mystérieuse voix était de retour. Elle ne savait pas qui s'était, ne pouvant poser de questions à voix haute, alors que visiblement, il avait accès à ses pensées. Mais en tout cas, il avait un humour déplorable. Aussi pourri que le sien aurait dit Eva. Cela eut bizarrement le don de l'apaiser.
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