83. Une Question D'Honneur


Blanche fut interceptée par son père. Asmodee accompagné de sa clique démoniaque se trouvèrent bizarrement à quelques mètres des toilettes. Comme s'ils n'étaient pas là par hasard. Et comme la jeune femme ne croyait plus aux coïncidences...

- Laisse-le, gronda le prince de la luxure, il n'a que ce qu'il mérite.

Blanche, déroutée par ses paroles, s'arrêta et fixa l'homme. Ses pupilles écarlates, presque comme les siennes sur celles du portrait, criaient une vérité qu'elle connaissait déjà. Elle lui sourit avec tendresse.

- Je sais, lui dit-elle. Je sais tout.

Asmodee la regarda, puis soupira, résigné. Quand elle avait une idée derrière la tête, rien ne l'arrêtait. Il le savait mieux que personne.

- Lucifer arrive, l'avertit Phénix avec une grimace, tout de même, restant en retrait, avant de s'effacer à nouveau, entraînant son maître.

Blanche, qui ne savait pas encore qui était l'archange pour elle, se dépêcha d'entrer dans les toilettes des hommes. Un problème à la fois.

Elle trouva Kiyan debout devant un évier, se regardant dans la glace, le visage trempé. Ses mains étaient crispées, les jointures décolorées.

- Sors.

Sa voix puissante résonna dans l'espace clos. Pas un regard, juste un mot. Blanche leva un sourcil et croisa les bras sur sa nouvelle robe.

- Ton aura est encore plus sublime ce soir, murmura la jeune femme. Ocre sur un fond rose poudré. Une créativité mêlée à de la prudence, de l'amour et de la passion. Romantique, avec une douceur sans égal et pourtant audacieux. Une contradiction à toi seul. Arrogant, élégant, mystérieux... Tu es d'une telle complexité... Bien que sous la colère, elle est un peu trop sombre à mon goût.

La jeune femme s'avança de quelques pas et s'arrêta quand il tressaillit.

- Ne t'approche pas !

- Pourquoi ? Lui demanda simplement la jeune femme.

- Parce que j'ai envie de déchirer cette robe en milliers de petits morceaux.

Blanche éclata de rire. Elle qui ne s'attendait pas à une telle réponse. Il la regarda alors pour la première fois depuis qu'elle était entré dans la pièce. Elle était si belle ! La jeune femme essuya une larme de joie, surprise de la trouver là.

Pour la première fois de la soirée, elle était enfin elle-même à ses côtés. Même Saphir, qu'elle commençait à plus qu'apprécier, même Kysten avec son câlin et Asher avec ses inquiétudes. Quant à Erik... Même pas en rêve.

- J'ai pas de sous-vêtements, alors évite, s'il te plaît.

Kiyan esquissa un sourire et se mit dos au miroir, croisant lui aussi les bras. Il savait qu'elle mentait... Au moins à moitié. Blanche attendit, mais son professeur ne pipa mot.

- Mais tu pourras toujours plus tard. Après tout, ce n'est qu'une robe.

Force est de constater qu'elle préférait celle que lui avait offerte de bon cœur son grand-père. Même si Kiyan entendit la vérité dans ses paroles, sa colère redoubla, ne retenant comme un idiot que la fin.

- Ce n'est...

- Qu'une robe. Peu importe le symbole, je suis déjà mariée et très heureuse en ménage, coupa Blanche, qui commençais à en avoir marre.

Kiyan écarquilla les yeux, à nouveau d'humeur égale.

- Tu le penses vraiment ? Murmura-t-il, ravi au fond.

- Bien sûr ! Entre toi, Fenrir et Saphir, j'en ai plus qu'assez !

Les yeux de Kiyan étincelèrent de nouveau orageux. Quoi ? Qu'avait-elle dit encore qui ne fallait pas ?

- Aaron et moi, ce sont deux personnes bien distinctes, gronda-t-il, les pupilles entièrement noir.

Ah ! Ce n'était même pas la mention des autres idiots ?

- Eh bien, désolée, mais moi, je le vois pas comme ça, argumenta-t-elle en réfléchissant. Je dirais que vous êtes les deux faces d'une même pièce et j'aime autant Aaron que toi.

- Tu te trompes.

- Ah bon ? Dans ce cas, expliquez-moi, professeur, pourquoi protéger le meilleur ami de votre alter, s'il n'est pas également le vôtre ? Il me l'a dit, vous savez, Erik. J'aurais dû m'en douter que c'était lui. À qui d'autre aurais-je pu donner les clés de ma voiture ? Pas à vous. Après tout, on ne se connait pas, n'est-ce pas ?

La résignation de la jeune femme souffla sur les braises incandescentes de la colère de l'homme. Le vouvoiement le prit au dépourvu. Il pensait que cela était révolu.

- Quand je pense que j'ai mis la vie d'Eva en danger ! Continua Blanche, qui se mettait à son tour en colère contre elle-même.

Le guerrier ferma les yeux.

- Elle ne craignait rien, soupira l'homme. Tu t'en étais assurée. Alacazar vous suivait, il aurait pu tout empêcher depuis le début. J'avais un mauvais pressentiment... Je m'étais toujours débrouillé pour être toujours là. Il m'a convaincue qu'avec lui, vous ne risqueriez rien. Je lui ai fait confiance. Et voilà où nous en sommes. C'est à se demander à qui va réellement son allégeance.

Son regard se fit triste et perdu. Blanche s'avança à nouveau et cette fois-ci, il la laissa faire. Doucement, la jeune femme remonta une mèche des cheveux de l'homme et lui caressa la joue, enfin sèche. La frôlant à peine, mais cela eut le don de les faire frissonner tous deux.

Oh et puis merde ! Elle avait vu son grand-père et son père. Blanche avait trouvé son tueur. Dans sa liste, il ne lui restait plus qu'un objectif. Un peu de courage, merde ! Elle baissa les yeux et chercha ses mots avant de se lancer.

- J'ai eu le béguin pour vous, professeur, dés la première fois où je vous ai vus. Si je me suis lié d'amitié avec Eva, c'était uniquement pour vous voir plus souvent, lui avoua la jeune femme.

Elle laissa sa main tomber, prenant la sienne avant de reprendre. Kiyan se laissa faire, ne croyant pas à ce moment de confidence.

- Je me disais que maman vous inviterait plus fréquemment si elle avait une bonne excuse. Puis, j'ai finalement fini par aimer à la fois la fille et le père. Quand j'ai compris que je vous aimais vraiment, j'ai eu peur qu'il n'y ait plus que de l'amitié entre vous et maman. Mais ça n'est jamais arrivé.

Kiyan n'émit pas le moindre son. Blanche, rouge comme une tomate, finit par le regarder alors que le temps s'égrenait. Il avait l'air surpris. Blanche haussa les sourcils... Depuis tout ce temps, il ignorait qu'elle l'aimait réellement ?

- Comment ? Balbutia-t-il, la main et la voix tremblantes. Et Sebastian ? C'est bien parce que tu l'aimes que tu lui as confié notre fils ?

- Eh puis quoi encore ?

Elle lui raconta alors les raisons de leur fils, comme il disait si bien. Encore une fois, il ne se rendait pas compte que c'était techniquement le fils d'Aaron et non le sien. C'était comme s'il ne l'admettait pas. Ou seulement quand cela l'arrangeait. Effarée, son aura trembla et s'illumina, les filaments rouges s'intensifièrent. Blanche sourit devant tant de beauté.

À son tour, il lui raconta dans quelles circonstances, après sa disparition, il avait appris qu'elle avait été autrefois l'amante de Sebastian. Chose qui parut à la rousse, improbable et lui donna la force nécessaire pour enfin dire les mots.

- Je ne l'aime pas, c'est vous que j'aime, professeur.

Kiyan ouvrit la bouche et avant même qu'il ne puisse répondre, son téléphone sonna. Il laissa sonner puis décida de vérifier tout de même le correspondant.

- Eva choisit mal son moment, murmura l'homme en serrant la main de la jeune femme.

- Qu'y a-t-il ? S'inquiéta Blanche.

- C'est l'heure. Elle se transforme en djinn. Il faut que je la ramène à la maison, soupira le guerrier.

La mage noire soupira de concert. Décidément, ils n'avaient eu que dix minutes ensemble.

- On rentre ? Demanda Kiyan en souriant.

Malgré tout, il était très heureux de savoir ses sentiments réciproques.

- Je vais chez Wiwi ce soir, mais vas-y, toi.

Heureux qu'elle soit revenue au « tu », il fixa la jeune femme néanmoins avec inquiétude, sachant encore qu'elle allait poursuivre sa route sans lui, à élaborer un nouveau plan.

- On se voit cette nuit et demain, la rassura la jeune femme.

Kiyan sourit, l'embrassa sur le front. Puis, il descendit son visage, jusqu'à sa bouche, lui remontant le menton et fourra sensuellement son pouce entre ces lèvres de manière très suggestive. Il en profita pour murmurer quelques mots à son oreille avant de s'en aller, sans un regard en arrière.

Cinq minutes plus tard, c'est Phénix qui ouvrit la porte des luxueuses toilettes, cherchant sa maîtresse. C'était lui qui avait tenu la porte, empêchant les invités d'entrer pendant tout ce temps.

- Il vient de partir avec Eva et Sean. Tu peux sortir.

Voyant que Blanche ne bougeait toujours pas, il s'approcha d'elle. La rousse avait les yeux brillants.

- Qu'a-t-il dit ? Demanda le démon.

- Il a dit que si ce n'était pas une question d'honneur, vu qu'il m'aime aussi, il m'aurait fait l'amour, là, ici, sauvagement et que même si tout le monde nous aurait entendus, il n'aurait pas eu le moindre regret.

Elle avait débité tout cela à vive allure comme si elle n'y croyait toujours pas. Le démon sourit, puis la taquina :

- L'honneur ? Au diable l'honneur ! Si tu veux, je suis là, moi.

Sachant pertinemment qu'il ne le pensait pas, cela lui rappela le fait que son familier aurait prochainement un fils avec une archange et cela lui rappela également que l'un d'entre eux l'attendait. Elle éclata de rire et finit par sortir des toilettes.

Quelle vie ! Et pour une fois, elle se dit que ce n'était pas si mal, au final.

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