8. Elizabeth V Blanche Drake
- J'étais à peine née, que j'étais déjà promise à un grand avenir, tout tracé. Père était très strict à ce sujet, je n'avais pas mon mot à dire, mes désirs et autres ne comptaient pas.
Elle fixa un point derrière sa fille et sans ciller, loin, très loin dans ses souvenirs, c'est les mains moites qu'elle essuyait sur son pantalon de pyjamas, qu'elle poursuivit. Les oreilles tendues, Blanche écoutait, car jamais, elle n'avait mentionné un éventuel grand-père devant elle. Ni quiconque d'ailleurs. La jeune femme, par égard pour sa mère, ne lui avait jamais rien demandé. Elle savait qu'elle le lui dirait quand elle se sentirait prête. Le jour était venu bien malgré elle.
- Je savais quelles études je devais faire, qui je devais épouser, quel métier j'allais faire, comme toute personne avec un patronyme comme le nôtre.
Elle déglutit, une colère sourde longtemps oubliée refaisant enfin surface, obscurcissant ses prunelles.
- Tout comme ma cousine qui était également ma meilleure amie, de deux ans mon aînée. Lorsque j'eus seize ans, ma cousine, Ely, devait alors se marier. Elle aussi, n'avait pas eu son mot à dire, connaissant peu son futur partenaire...
Un grand-père ? Et maintenant une cousine ? Blanche se doutait que sa mère n'était pas arrivée en ce monde par le saint esprit, mais tout de même...
- Naturellement, elle me choisit comme demoiselle d'honneur, alors pour son enterrement de vie de jeune fille, nous avions écumé les bars les plus branchés de la ville. Pour un peu plus de fun, assez peu consciente de ce que nous faisions à l'époque, nous avons fait en sorte de « perdre » nos gardes du corps respectifs, ce n'était pas la première fois pourtant, continua-t-elle en mimant les guillemets.
- Gardes du corps ? Ne put s'empêcher de demander Blanche.
Elle fit comme si sa fille n'avait rien dit. Reprenant le fil de son récit, on aurait dit qu'elle avait peur qu'elle ne puisse plus avoir de courage de dire la suite plus tard. La jeune femme reconnaissait à peine sa mère. Où était passée la tornade habituelle pleine d'énergie ?
- Jusqu'à atterrir dans un lieu de débauche, un club de striptease, ça c'était une première. Je n'en suis pas très fière. J'avais un petit coup dans le nez à une heure aussi... Tardive... Lorsque l'un des danseurs m'a proposé d'aller dans un coin plus tranquille, je n'ai pas refusé. Je voulais connaître autre chose que ce parcours pré-mâché qu'était encore à ce moment là, ma vie.
À ce moment du récit, elle commença à pleurer. Chose extrêmement rare car la Elsa que connaissait Blanche criait, gueulait, se plaignait assez souvent. Il faut dire qu'elle n'était plus un ange depuis... Eh bien, un certain bout de temps.
Mais voilà, pleurer était quelque chose que Blanche ne s'y attendait vraiment pas. Elle se leva pour la rejoindre, mais celle-ci secoua la tête en signe de refus, la paume ouverte, en signe universel de « stop ». Elle baissa un instant le regard vers ses pieds, soudain bien plus intéressant que tout le reste. Blanche comprenait ce sentiment, elle avait eu le même avec Kiyan, pas plus tard que ce matin... Les yeux écarquiller, Blanche sentit venir le pire.
- Tu as son... Magnétisme, murmura-t-elle. C'est ce qui m'a séduit chez lui, ça et son assurance. Il bougeait comme si le monde lui appartenait.
Elle évita soigneusement le regard désapprobateur de sa fille. Pas étonnant qu'elle n'avait jamais parlé de son paternel... Un stripteaseur ! Faut le faire quand même !
- Bref, quelques semaines plus tard, une forte crampe et Ely, m'ont conduite à aller vérifier ce que j'avais. J'ai acheté un test de grossesse dans une pharmacie avec de la monnaie, ni croyant pas trop. J'ai dû me réfugier dans les toilettes d'un restaurant, pendant mes heures de cours. J'avais bien trop peur que les domestiques ne me balancent à père.
La tête penchée vers ses genoux que Blanche avait repliés devant elle, la jeune femme balança sa tête de droite à gauche, mortifiée. Elle en avait des bonnes ! Des gardes du corps, des stripteaseurs et des domestiques ?! Mais enfin qui était sa mère ?!
- Quand le verdict est tombé, Ely a pris les devants. Elle m'a conseillé de fuir, et c'est ce que j'ai fait. C'est même la meilleure chose que j'ai faite, mon cœur, la meilleure chose après toi...
- Attends une seconde, s'entendit prononcer Blanche, les yeux écarquillés.
Quelque chose venait de lui revenir en mémoire avec une extrême précision, comme toujours. L'année dernière, elle avait vu un reportage sur la disparition soudaine de la fille de l'un des plus grands noms d'Epsilon. Elsa, c'était fâché quand elle l'avait vu dans ses favoris du mois, disant que Blanche ferait mieux d'étudier que de regarder ses conneries. La jeune femme n'avait alors jamais fait le rapprochement, jusqu'à aujourd'hui.
- Elizabeth IV Delancey Drake, murmura-t-elle dans un souffle.
Elsa écarquilla ses yeux reptiliens et déglutit.
- Oui, c'est moi.
Blanche se leva d'un bond, passant sa main dans sa longue crinière, soudain en proie à une excitation palpitante.
- Attends, attends, reprit la jeune femme, ébranlée. Drake comme dans le « PDG de Drake Industries » des États du sud ?
Le patronyme qu'elle entendait dans les médias au moins un jour sur deux ? Celui-là, à qui on avait donné son nom à la première université ? À des rues ? Ainsi que bien d'autres bâtiments publics, dont le célèbre Country Club WD ? Sans compter une ville entière !
- Oh putain ! Jura Blanche sous le choc. Je comprends mieux pourquoi tu n'as jamais voulu que l'on quitte les États du nord !
La rousse saisit l'importance de ce nom en pleine gueule. Son nom. Elle n'était rien d'autre que l'héritière principale de l'une des plus grosse fortune de ce monde. Mais pire encore, son propre « grand-père », était le PDG d'une des plus grosses compagnies économiques mondiale, et son père avant lui, l'ancêtre, celui-la même qui avait fondé la capitale de l'État principal du sud. Cela voudrait dire que Blanche avait ses entrées un peu près n'importe où...
- Putain de merde ! Se reprit-elle, quelques minutes après avoir fait les cents pas. Alors Winter est ton père ?
Hochement de tête de sa mère, nerveuse.
- Le William Drake, surnommé Winter, le PDG de Drake Industries, est mon grand-père ? Murmura-t-elle comme si le dire à voix haute aller l'aidé à s'en rendre compte plus rapidement.
Blanche fixa sa mère. Qui ne comprit que quelques secondes plus tard que la jeune femme attendait un nouvel assentiment. Nouveau hochement de tête. La jeune femme soupira alors, ses bras en tombèrent. Littéralement.
- On est dans la merde. Profond, conclut-elle.
Sans plus un mot, sa mère se rallongea dans le canapé, la tête levée vers le plafond. Tandis que sa fille se laissait aller à même le sol tout contre le fauteuil, juste en face, regardant le profil de la jolie blonde.
- Alors quoi, t'es une riche héritière ?
Elle tombait des nues. On aurait dit une mauvaise blague. Une très mauvaise plaisanterie. Comment diable cette journée avait-elle pu si mal tourner ?
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