78. Tapis Rouge



Jen les attendait dehors. À leur arrivée, il ouvrit la porte de la limousine en un geste des plus basique. Mais Blanche n'était jamais montée dans une telle voiture de toute sa vie. Eva allait être verte de jalousie quand elle le lui raconterait.

Elle se baissa et entra, son grand-père l'attendait au fond, tapotant le siège à ses côtés, elle s'y faufila. Une fois assise, elle comprit le principe du mot même de confort. Kiyan ne tarda pas à les rejoindre, après avoir échangé quelques banalités, ils se mirent en route.

- Jax ne vous a pas dérangés, j'espère ?

- Pas le moins du monde, répondit Kiyan en souriant à Blanche.

Celle-ci, fit semblant de s'intéresser au-dehors, pour se retenir de rire.

Winter qui n'avait posé la question que pour faire la conversation, profita de l'inattention de Blanche pour la regarder de plus près. Il trouva sa petite fille magnifique. Son costume, assorti à sa robe, souligna la beauté de la jeune femme comme une évidence.

- Tu vas être la star de cette soirée, lui assura le vieux drakion.

- Je n'en doute pas. J'ai un cadeau pour toi, je profite que tu sois seul pour te l'offrir, il vaudrait mieux que tu le voies maintenant, à l'abri des regards.

Winter, surpris d'avoir un cadeau, acquiesça, ravi. Décidément, cette soirée commençait bien au-delà de ses espérances. Elle lui tendit la boîte, il posa sa flûte de champagne et l'ouvrit.

Ce qu'il y découvrit le figea pendant une longue minute. Kiyan, dont la curiosité était piquée attendit, à l'affût.

- Où as-tu trouvé, ceci ? Murmura le monarque, d'une voix enrouée par l'émotion, fixant encore l'objet.

- C'est l'une des miennes, révéla Blanche.

Winter leva la tête, fronça les sourcils. Il percevait la vérité dans ses propos, pourtant cela restait inconcevable. Comme sa petite fille encore innocente pouvait se transformer ? Cela n'avait aucun sens.

- Comment ?

- Tu me connais déjà, avoua Blanche. Mille-quatre cent quarante-six. Je me faisais appeler Dame Lilith. J'ai remonté le temps.

Kiyan sursauta. Son père, maintenant son grand-père. Blanche avait l'art et la manière de poser des bombes à tout bout de champ, quand ce n'étaient pas des pavés dans la mare.

Winter regarda la jeune femme, l'imagina avec des yeux rouges et des cheveux noirs, il regarda son cadeau, puis la jeune femme à nouveau.

- Tu as remonté le temps...murmura-t-il. Lilith... Tu m'avais mis en garde contre Sebastian. Je ne t'ai pas cru. J'aurais dû !

Il inspira, puis massa ses yeux, enfin, il sortit son cadeau de son étui, montrant à Kiyan ce qu'il soupçonnait déjà. Une écaille de drakionne diamantaire. Une toute petite, contrairement aux siennes. À peine quelques centimètres, mais aussi belle que les grandes.

Le Roi des Drakions regarda le Roi des Djinns et compris encore une fois la vérité.

- Tu le savais.

Kiyan ne prit même pas la peine d'acquiescer.

- C'est une drakionne diamantaire, ce qui veut dire que ta petite fille est ta vraie reine. La Reine de tous les drakions.

Les deux hommes se regardèrent sans un mot, puis le vieil homme se leva alors et s'assit sur le sol de la limo, Blanche essaya de le retenir, mais Kiyan l'en empêcha en posant simplement sa main sur sa cuisse. Les perles roulèrent sur leurs peaux, rendant l'expérience perturbante.

Winter ne dit rien, mais courba l'échine, baisant la chaussure de Blanche. La jeune femme fut horriblement gênée alors que le vieux drakion pleurait avant de remonter et de l'enlacer par la taille.

- Je suis tellement heureux ! Si ta grand-mère te voyait ! L'avenir de notre peuple est assuré et qu'importe si tu ne peux avoir d'enfants, tu es immortelle ! Tu régneras à jamais ! Ô quelle joie ! D'avoir tenu jusqu'à ce jour béni des dieux de la Création, pour voir enfin la Drakionne Diamantaire, s'asseoir sur le trône ! Ma propre petite fille. C'est une immense fierté !

- Par pour tout de suite ! S'écria la jeune femme, touchée par le bonheur de l'homme. Je suis désolée, grand-père, il va falloir que tu restes sur le trône encore un moment !

Winter éclata de rire.

- Eh moi qui pensais pouvoir enfin prendre ma retraite ! Je siégerai en ton nom autant de temps que tu le voudras !

Le drakion attrapa les mains de sa petite fille et les baisa de ses larmes et de ses lèvres.

- Mais pour l'instant, j'aimerais que cela reste secret, repris Blanche.

- Tout ce que tu voudras, dit-il en se rasseyant à sa place, les mains toujours enlacées. Ma Reine !

Le vieil homme, déjà dingue de sa petite-fille, éprouva un amour inconditionnel et incroyable. Blanche remarqua les filaments et, pour la première fois, elle n'eut pas besoin du level up de sa capacité pour en comprendre le sens. Ses filaments signifiaient tout simplement l'amour !

Elle regarda Kiyan. Dans son aura, ces dernières étaient si nombreuses et si grosses, qu'elle en pleura de bonheur. Heureusement, que Cassie lui avait mis un mascara waterprof ! Winter lui-même, subjugué, ne remarqua pas que ces larmes de joies n'étaient pas dues qu'aux siennes.

Blanche serra son grand-père dans ses bras, heureuse comme jamais. Kiyan l'aimait ! D'un véritable amour ! En avait-il conscience ? Ou bien se voilait-il la face ? Pourquoi donc ne le lui disait-il tout simplement pas ?

Les questions de Blanche ne trouvèrent pas de réponses pour le moment. Ils étaient arrivés en bas de la Tour du Nord, là où les festivités avaient lieu.

Revenir ici, quelques heures à peine après l'avoir quitté, la laissa perplexe. Elle n'avait même pas envisagé que la soirée eut lieu chez les vampires. Pourtant, c'était bien l'intitulé de la fête énoncé par Kysten...

La voiture s'arrêta en bas du gigantesque escalier d'entrée recouvert par un immense tapis rouge pour l'occasion où d'innombrables journalistes attendaient pour l'occasion.

- Tu es prête ? Lui demanda Kiyan.

- Pas vraiment, mais bon, quand faut y aller...

Sauf que Blanche n'imaginait pas ce qui allait lui tomber dessus. Avec tout ça, elle avait oublié que si son grand-père était le Roi des Drakions, il était avant tout le PDG de la plus grande start-up du monde. La Drake. Et si elle était la princesse héritière des Drakions, elle serait aussi l'héritière de l'empire financier, la plus riche du monde.

***

Winter et Blanche descendirent seuls de la limousine. Kiyan préféra prendre l'entrée de service. Dans le monde des humains, il n'était qu'un professeur. Et ce soir, le monde entier allait apprendre qui était sa femme. Loin de lui. Il n'avait pas le droit d'être à ses côtés.

Si Blanche était née princesse, lui n'était qu'un usurpateur. Roi des djinns par le titre, non par la nature, Kiyan était né de basses naissances. Celle de l'Antique Babylon, fils d'un simple jardinier qui travaillait dans l'une des sept merveilles du monde : les fameux jardins suspendus.

Il avait appris à lire et à écrire uniquement parce qu'une femme de haute naissance s'était éprise de sa beauté en parcourant les allés aux plantes.

S'il n'était pas mort en sauvant sa petite-sœur, se sacrifiant corps et âme à un si jeune âge, jamais il n'aurait connu une autre vie que la pauvreté et la misère. Même intelligent, sans le précieux sang noble, dans un monde aussi dangereux et cruel...

Il était la tâche sur la pureté de Blanche. Du moins, il en était convaincu alors qu'il la regardait par la fenêtre de la voiture qui se déplaçait lentement, briller de mille feux pour la première fois sur un tapis rouge.

Les perles reflétaient la lumière des flashs, la faisant irradier. Elle était tout simplement magnifique. Il la regarda s'éloigner, le cœur lourd.

Quant à Blanche, la joueuse avait surtout l'impression de se mettre à nu. Mal à l'aise, s'accrochant au bras de son grand-père pour ne pas tomber, mitrailler de toutes parts, elle commençait à avoir mal aux yeux, mal aux oreilles et mal à la tête.

Elle n'avait qu'une hâte : franchir la porte de la Tour.

Mais malheureusement, les assauts des journalistes, bien que retenus par des vampires de la garde royale spécialement mise en place par ce soir, étaient de plus en plus difficiles à retenir alors qu'ils s'éloignaient de plus en plus. Comme si les journalistes avaient peur qu'ils s'échappent sans avoir balancé ne serait-ce qu'une info, toute petite soit-elle, à se mettre sous la dent.

- Monsieur Drake ! Monsieur Drake ! Qui est la jeune femme qui vous accompagne ?

- Monsieur Drake ! N'est-elle pas un peu jeune pour vous ?!

- Directeur Drake ! Votre entreprise a encore grimpé à la bourse, avez-vous quelque chose à déclarer qui pourrait expliquer ce revirement soudain ?

Winter décidant d'aller vers le plus poli, soit le jeune homme qui avait juste demandé qui l'accompagnait, lui déclara, sous le champ de vision du caméraman qui l'accompagnait, l'identité de la jeune femme en question.

- Voici, Elizabeth V Blanche Drake, ma petite-fille retrouvée et l'héritière de mon empire.

Ces quelques mots furent des ravages, parmi la presse à scandales. Heureusement, sur ordre de leur Roi, Jax et Jen commencèrent à faire leur boulot et emmenèrent leurs protégés aux portes. Derrière eux, l'annonce de la star de cinéma, montante d'une série à gros budget avec des dragons, entra enfin, détournant leur attention.

Par chance ! Winter remercia l'éminent sorcier qui faisait partie du conseil et acteur à ses heures perdues, d'un signe de la tête. C'était tout benef pour cet opportuniste ! Avoir le remerciement d'une personne aussi importante que Winter...

Blanche fut heureuse de traverser enfin le sol de la réception de la Tour. Quasiment vide à cette heure et surtout silencieuse !

Plusieurs vampires les attendaient, dont l'une d'entre eux, qui n'avait pas l'air ravie d'être là. Pourtant, cette dernière les escorta jusqu'à l'un des ascenseurs conduisant à la salle de bal.

- Nausicaa, pour vous servir, Vos Majestés.

- Naus, c'est un plaisir de te revoir, s'écria Winter. Je te présente Blanche, ma petite fille. Naus est la Sous-Chef des armées de Sebastian et la femme de Matthew, l'homme brun que tu as vu chez moi, la dernière fois.

Blanche surprise regarda deux fois la vampire blonde qui monta avec eux dans l'ascenseur.

Vêtu de l'uniforme des vampires, Nausicaa était l'être de la nuit bien stéréotypée. Sexy, stylée, maquillage de qualité, un manteau de cuir, elle était d'une beauté mystérieuse à couper le souffle. Blonde comme une poupée, venant assurément de l'Ouest, elle avait ce charme de haute naissance et un port altier.

La joueuse se fit la réflexion que c'était là l'assurance que Blanche se devait d'apprendre en tant que future reine. Au travers du miroir, elle sentit le regard de la vampire emplie de dédains à son encontre.

Blanche épia son aura. Elle n'en avait jamais vu une aussi complexe ! Verte de jalousie, une pointe de rose pour une importante coquetterie, du violet pour une étroite arrogance et du noir un peu partout comme des zones d'ombres, presque malade d'une douleur sans égale.

C'était la première fois qu'elle en voyait une pareille, si sombre. Naus était foncièrement mauvaise. Comment diable une personne aussi horrible qu'elle pouvait être la femme de Matt ? Pour la première fois, elle songea à transformer la vampire en serviteur pour souffrir moins. Elle plaignait sincèrement le parrain d'Argy.

L'ascenseur s'ouvrit alors et Blanche entra dans une pièce qui lui fit tout oublier. Si grande, si belle, si riche... Elle en fut subjuguée ! La salle de bal des vampires était indescriptible. Immense, elle faisait bien la taille de trois étages réunis.

L'engin mécanique s'arrêtait en haut d'un sublime escalier en verre transparent qui descendait dans la salle de réception. Celui-ci avait un balcon qui donnait sur la pièce, montrant une partie à l'extrême droite fermée, composée de toilettes et de boudoirs. Quelques salons privatifs.

Puis au milieu, toujours sur la droite, il y avait des tables rondes qui pouvaient contenir aisément une dizaine de convives et au bout un bar-restaurant, délivrant nourriture et boisson. De loin, elle aperçut Dean, fidèle à son poste et à ses cocktails.

Au centre de la pièce, une immense fontaine constituée de marches d'escaliers, pleines de verdure, de plantes aquatiques en pierre poreuse qui semblait soutenir toute la pièce. Au centre de la fontaine, une sirène en marbre blanc plongeait en un saut de l'ange, touchant de ses deux mains où seuls les doigts étaient dans l'eau, son épaisse chevelure en marbre rosé avec de jolies veines incrusté de rubis.

À gauche, un orchestre donnait sur une piste vide de tout danseur. Vers l'avant, des gens debout discutaient, le sourire aux lèvres, ravis de se retrouver. À l'extrême gauche, un balcon pour les fumeurs donnait sur une immense baie vitrée fermée, mais qui par magie s'ouvrait à intervalles irrégulières.

Au plafond, des lustres de cristal illuminaient l'espace sur une fresque en mosaïque représentant une histoire seul connu de certains initiés. Des feux aux murs étaient accrochés un peu partout, ramenant de la chaleur.

Dans la pièce, il faisait bon. Et bizarrement, ses oreilles fonctionnaient comme avant. Elle n'entendait rien à quelques mètres. Un sort sûrement qui permettait de discuter en toute tranquillité des oreilles indiscrètes.

Beaucoup de gens avaient relevé la tête à leurs arrivées. Observant, la petite nouvelle. Si Blanche ne connaissait pas le quart, voir Erik dans un coin près de son frère qui lui souriait, Kysten accolé à un mur qui la regardait tout en continuant de faire son job et de surveiller Argy juste à côté qui lui faisait « coucou » comme un enfant, lui fit chaud au cœur.

Kiyan qui n'était pas encore arrivé et qui allait rater l'entrée de la jeune femme, contrairement à Sebastian qui la regardait. Puis, l'orchestre s'arrêta de jouer et le silence se fit. Tout le monde leva alors les yeux. Puis un vampire qui s'approcha de la balustrade déclama comme un héraut :

- Ses Majestés, William, Winter Drake, Roi des Drakions et sa petite-fille, Elizabeth Blanche Drake, Princesse Héritière.

Enfin, Blanche, inspira puis posa son pied sur la première marche de l'escalier avec assurance.

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