77. Dans Le Grand Bain
Lorsque Blanche se réveilla, il faisait déjà noir dehors. Mais bon, avec l'hiver, cela ne voulait pas dire grand-chose. Elle sortit de la chambre et croisa Kiyan dans le palier, qui sortait de la sienne.
Blanche fut subjuguée par l'homme sur son trente et un. Son haut de costume, noir, présentait des arabesques blanches et argentées finement ouvragées, ouverte sur une chemise en soie satinée noire également, un mouchoir parfaitement plié argenté sur la veste et le pantalon, bien que banal, était d'un noir profond.
Le col de sa chemise ouverte et ses cheveux en hauteur, mi-attachés en un chignon du plus normal, lissés pour l'occasion et d'une brillance inouïe, faisait ressortir ses yeux dorés. Rasé de près, malgré les pattes d'oie, il semblait avoir à peine la trentaine ainsi.
- Ta robe et tes chaussures sont en bas, dit-il en jetant un coup d'œil à sa montre. Jax dort encore, le bureau est ouvert.
Blanche revint les deux pieds dans la réalité et comprit l'allusion. Cassie saurait que faire, et là-bas, elle aurait tout le temps du monde pour se préparer.
- Vous êtes... Tu es très beau, professeur, euh, Kiyan... Balbutia-t-elle, prise au dépourvu par la vague de désir qui la submergea.
Les yeux de l'homme s'écarquillèrent de surprise de la voir autant gênée. Tout ce qui s'était passé entre eux avec leurs alter-egos lui revint en pleine face comme un boomerang. Le silence s'éternisa entre eux, et Blanche en profita pour fuir, encore rougissante.
L'odeur de Kiyan et sa présence juste à ses côtés quand elle gagna l'escalier la poursuivit jusqu'en bas. La jeune femme n'en revenait pas, qu'il n'eut rien dit. Il aurait pu dire quelque chose... Ou la retenir. Genre, merci au moins.
Elle attrapa la housse de sa robe, sa boîte de chaussures, puis passa dans le bureau avant d'entrer dans son miroir avec la ferme attention de demander un verre à Cassian avec un bon petit dej.
Elle y trouva Phénix en train de faire bronzette. À poil pour changer, en plein milieu du jardin.
- Merde, met au moins un short ! Et t'étais-où ?
Sauf que ce n'était pas Phénix, mais la ressemblance était si frappante qu'elle en resta bouche-bée alors que l'homme se leva, mit une serviette et la regarda émerveiller.
- T'es pas Phénix.
- Affirmatif, répliqua l'homme qui ressemblait à deux gouttes d'eau à son familier, hormis les yeux d'un bleu pâle.
- Ça recommence, murmura la jeune femme. Pourquoi est-ce que ça recommence ? Hurla-t-elle au faux ciel, rameutant les phœnix.
- Maîtresse ? Demanda Cassian.
- Je ne te savais pas si pudique, marraine, pardonne-moi, s'excusa l'inconnu.
L'inconnu croyait qu'elle palabrait par sa faute.
- C'est qui lui ? Et pourquoi il ressemble à deux gouttes d'eau à mon Phénix ? Sans compter pourquoi il m'appelle marraine ? Être mère, ça ne suffisait pas ? L'univers a décidé de se foutre de ma gueule ?
Voilà. Il était temps. Blanche explosa comme un vent de marée. Le ciel se ternit et pour la première fois depuis longtemps, il se mit à pleuvoir sur le manoir. Blanche rit, puis pleura.
- Il a même pas dit merci ! C'était si difficile de dire merci ?! Et pourquoi je dois y aller à cette fête ? J'ai pas envie ! Et pourquoi c'est à moi de tout arranger ?!
Blanche continua de s'avancer en maugréant plus fort et en passant la porte de la maison. Elle balança la robe par terre ainsi que les chaussures. Cassie les rattrapa et courut les mettre à l'abri.
- Et pourquoi tout le monde sait qui je suis et moi non ? Hein ?! Pourquoi ?
Blanche se servit un cognac, alors que ses larmes coulaient encore.
- Mais fait quelque chose ! Murmura un peu fort, l'inconnu à Cassian.
Le majordome haussa les épaules, lissa son pantalon puis craqua son cou avant de daigner répondre.
- Et puis moi, je dois attendre patiemment qu'on m'explique qui ils sont, d'où ils débarquent et d'où je les connais. Même ici, on me poursuit... Continua Blanche.
- Il suffit d'attendre, dit Cassian.
- Ça lui arrive souvent ? Demanda le jeune homme alors que la pluie commençait déjà à s'arrêter et que les rayons du faux soleil perçaient à nouveau.
- Bien trop, si tu veux mon avis, reprit le brun.
- Je t'ai entendu ! Râla Blanche.
Cassian sourit, bien sûr qu'elle l'avait entendu et répliqua :
- Le manoir est votre exutoire et votre refuge, c'est normal d'y passer ses nerfs. Même en pyjamas. Qu'est-ce Kiyan a encore fait ? Demanda le phœnix perspicace.
Blanche se resservit et alla s'allonger pas très gracieusement sur le divan de l'énorme salon.
- Il était en tenu de soirée, avoua la jeune femme en rougissant. Je l'ai complimenté et il n'a même pas daigné me dire merci.
- Ah ! Lança Cassie qui venait de revenir. Voilà qui explique tout.
Cassian hocha la tête, lui aussi, comprenant tout, alors que l'inconnu lui semblait perdu.
- Quelqu'un peut-il m'expliquer ou bien dois-je deviner ?
Blanche le fixa, descellant sa réelle nature et son aura.
- Moi, ce que j'aimerais qu'on m'explique, c'est pourquoi un ange se trouve dans mon manoir, qui ressemble à mon démon et qui m'appelle marraine ?
Cassian se chargea alors de faire les présentations entre autres choses :
- Maîtresse, je vous présente Damon, le fils de Phénix et de l'archange Gabrielle, votre filleul, il nous vient du futur. Ta marraine a un faible pour les hommes en tenue de soirée, ce qui va poser problème puisqu'elle a un gala de prévu. Surtout qu'actuellement, c'est une adolescente avec des hormones en ébullition. De plus, Kiyan n'a pas dit merci.
Damon éclata de rire en même temps que Blanche. La pression retomba d'un coup.
- Ma marraine adolescente ! Alors là, comme je suis heureux d'être venu pour voir ça ! S'écria Damon.
- Phénix, père ?! Avec une archange en plus ? S'écria Blanche en même temps que Damon.
Les deux eurent alors un fou rire, alors que les phœnix souriaient heureux.
- J'aimerais être une petite souris et me glisser dans ta poche pour assister à tes débuts... Mais hélas, il est temps que j'y aille.
- Et moi, reprit la jeune femme, j'aimerais trop voir la tête de ton père quand je lui dirais qu'il a un fils !
- Mais malheureusement, cela risquerait de changer les choses, donc vous ne pouvez rien dire, conclut Cassian.
- Tout pareil, s'exclama Blanche. En tout cas, ravie de te rencontrer, Damon.
La jeune femme but alors son troisième verre, enfin prête psychologiquement à aller au Gala et pas à cause de la boisson qui n'avait aucun effet. Elle se leva d'un bond, avec l'envie de prendre une bonne douche.
- Prénom étrange pour un ange..., répliqua-t-elle, néanmoins.
- Ça, c'est ta faute ! C'est toi qui m'as appelé comme ça ! Répliqua le jeune homme en fonçant sur Blanche, lui offrant un gros câlin et un gros baiser sur la joue.
- Bah oui ! Bien sûr ! Je suis responsable de tout dans ce monde ! Râla la jeune femme pour cacher son embarras face à la démonstration d'affection.
Bien que ravie dans le fond.
- Pas que ce monde-là, rajouta l'abomination à moitié cambion et à moitié nephilim. Embrasse Tonton Kiyan de ma part.
Il la prit dans ses bras encore une fois, salua le frère et la sœur et s'en alla pour de bon. Le pire, c'est qu'il était resté en serviette tout ce temps. Et Blanche se fit la réflexion qu'il n'avait absolument rien à envier à son père.
***
Trois heures plus tard, Blanche emprunta de nouveau le miroir. Elle n'avait plus rien à voir. Sa robe blanche à lourdes perles reposait sur ses épaules, exit le soutien-gorge. Cassie avait fait le nécessaire pour que la robe ne bouge pas. Chaussée de hauts talons en soie blanche, l'arrière en rouge, elle s'était passée de bijou, emportant une simple pochette en perles blanches piquées dans son immense collection.
Dedans, il y avait de la place pour son téléphone et un cadeau pour son grand-père. Ses cheveux étaient soigneusement bouclés, où seules deux tresses à épi de blé encadraient son beau visage. Elle avait été surprise lorsque Cassie avait donné la brosse à cheveux à son frère. Cet homme était décidément plein de surprises.
Pendant que Cassian la coiffait, sa sœur lui avait fait un make-up digne d'un artiste. Elle lui avait mille produits sur la figure, pourtant elle ne sentait pas grand-chose sur sa peau. Rien ne tirait, rien n'était lourd. Le pire était que son visage avait été subtilement rehaussé, réchauffé et sublimé. Le tout en lisant. Blanche n'avait pas de temps à perdre.
Un rouge à lèvres rose poudrée, mais naturel, dit « nude », un peu de poudre nacré et rosé sur ses pommettes et ses taches de rousseurs. La seule fantaisie : un eye-liner noir stylisé et un mascara qui lui faisait des yeux de biches.
Blanche récupéra son téléphone qui n'avait pas quitté la poche de son blouson. Elle s'assit sur le canapé, attendant Kiyan et consulta ses messages.
Kysten avait hâte d'être à ce soir. Il aurait quinze minutes de pause pour danser avec elle. Wiwi avait hâte de la raccompagner chez lui. Erik lui souhaita de se casser une jambe. Elle ne voulait pas savoir qui il avait bien pu torturer pour avoir son numéro...
Jax se réveilla enfin en entendant le martèlement des touches.
- Qu'est-ce que...?
Il se releva et fixa la jeune femme. Son expression laissait croire qu'il avait été frappé par la foudre.
- Bonsoir, lança Blanche, qui continua de taper sans regarder son clavier.
Elle vérifia tout de même son message avant de l'envoyer.
- Bonsoir ?!
Le garde du corps fit un bond, jeta un coup d'œil au-dehors.
- Foutu djin à la con, rugit-il.
Kiyan qui avait entendu, comme tous les voisins, voir tout le pâté de maisons, si cette dernière ne possédait pas un sort d'isolement, descendit les escaliers en regardant ses mains. Il avait passé à ses doigts quelques bagues tape-à-l'œil.
Lorsqu'il releva la tête en bas des escaliers en tirant ses manches, il s'arrêta devant le portrait de la jeune femme. Le trentenaire avait, lui aussi, sublimé ses yeux d'un trait de crayon noir, faisant le tour de l'œil. Son regard s'illumina, ardent, plein de promesses silencieuses, la dévorant au passage.
Blanche eut l'impression soudain d'être toute nue. Malheureusement ou heureusement, selon le point de vue, Jax se rappela à eux lorsque son téléphone sonna. Celui-ci décrocha, les sourcils froncés par le spectacle dont il avait été témoin. Il avait eu la désagréable sensation de tenir la chandelle. Impossible, entre ces deux là non ? Le tuteur n'aurait pas des vues sur sa protégée, enfin ! Il chassa cette idée incongrue.
- Allo ?
- On est devant, lui signala son binôme.
- On arrive.
Il raccrocha et Blanche se leva.
- Il y a une salle de bain à côté de la piscine, l'apostropha Blanche. Tu devrais aller te rafraîchir, tu as des traces de sommeil sur le visage.
Jax leva les yeux au ciel, mais fila tout de même dans la salle de bain. Ce soir, il était de service à un Gala. Il devait faire bonne figure, mais si son patron l'interrogeait, il lui dirait sans aucun doute la vérité.
Kiyan profitant qu'ils soient seuls, s'approcha de Blanche. Il lui prit délicatement une mèche de cheveux et se baissa pour respirer son parfum.
- Toi aussi, tu es magnifique ce soir.
Blanche piqua un fard.
- Tu as le bonjour de Damon.
- Qui donc ? Répliqua son professeur, en la saisissant par la taille.
Doucement, il lui fit faire quelques pas de danse, serré contre lui.
- Aucune importance, murmura la jeune femme, agréablement surprise.
Elle dansait avec Kiyan ! C'était officiellement le deuxième plus beau jour de sa vie ! Le premier étant la découverte de son fils et d'apprendre qu'elle était mariée à l'amour de sa vie.
- Je voulais être ton premier cavalier, à défaut de ne pouvoir danser avec toi tout à l'heure.
Il fredonna ravi avant de la faire tournoyer puis de la lâcher avec délicatesse. Jax était de retour.
- On peut toujours rester là, murmura la jeune femme, déçue de savoir qu'il ne danserait plus avec elle, ce soir.
- Certainement pas ! S'écria le garde. Tout le monde dehors, on nous attend !
Et comme pour montrer l'exemple, il sortit le premier, s'assurant de la sécurité extérieure. Les deux amoureux soupirèrent de concert, se sourirent mutuellement, puis Kiyan mit son par-dessus, avant de tendre celui de Blanche, l'aidant à se vêtir.
Profitant de l'instant, il la toucha plus que nécessaire, ravi de la sentir frissonner à son contact. Il passa même ses longs cheveux au-dessus, respirant une dernière fois son odeur préférée, celle d'un fraisier.
- Allons-y.
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