67. Le Passé D'Argy


Argy regarda sa mère, assise à son bureau qui analysait la chambre de l'étudiant. Sobre, élégante, décoré avec goût, mais aussi impersonnel que ne l'était une page de magasine. Tout le contraire de sa chambre à la caserne remplie de photos de famille et bien plus coloré malgré le manque de lumière.

Ce qui lui faisait croire qu'il aurait été bien plus heureux avec Kiyan. Même si elle venait de comprendre qu'il serait devenu un grand frère pour elle et non son fils, par la force des choses.

Est-ce pour ça ? Avait-elle choisi, pour lui, la mauvaise voix ?

Tandis que Blanche se posait des questions. Argy lui la regardait.

Si un jour, le jeune homme avait rêvé de voir sa mère ici, il ne l'aurait jamais imaginé aussi... À l'aise. Blanche se portait comme un charme même si elle n'avait pas vraiment compris comment elle était arrivée ici.

Elle avait un but, et rien ne l'en détournerait. De plus, elle mettrait tous les moyens en œuvre quitte à s'attirer les foudres du père et de la fille.

- Est-ce que Sebastian, sait ?

Munin partit, les phrases détournées étaient de retour.

Contrairement à Blanche, Argy était clairement mal à l'aise et la question n'aidait pas. Il ne prit pas la peine de répondre et détourna le regard. De ses doigts, il tritura sa couette, alors qu'il était assis dans son lit, adossé à ses oreillers en gris anthracite.

- Je sais qu'il y a ce truc qui nous en empêche mais... Sa reste ton père, commença Blanche. Non ?

- Nop, répliqua Argy sur la défensive. Enfin, si c'est mon père d'une certaine manière et je sais que dans son esprit tordu, vampirique et préhistorique, il m'aime mais... Il n'est pas comme Aaron. Mon papa, c'est lui. C'est ce mec là-bas dans le Nord qui m'a sauvé la vie une paire de fois. Tout comme tu es ma Mère.

Blanche hocha la tête, elle comprenait ce qu'il voulait dire. Il avait choisi ses parents. Mais lui, il avait eu la chance d'avoir le choix. Mais alors, pourquoi était-il ici ?

La rousse, elle devait se contenter d'Elsa, qui ne ressemblait en rien à l'image même d'une mère et d'un prince démoniaque qu'elle venait tout juste de rencontrer.

- Comment ça s'est passé ? Demanda-t-elle d'une voix douce. Pourquoi t'ai-je laissé avec Sebastian ?

Personne ne le lui en avait parlé, mais à force de réfléchir seule en Outremonde et des regards que lui jetait le reste de la famille, que quelque chose d'horrible avait dû arriver à l'enfant qu'elle avait fini par élever. Argy leva les yeux au plafond et le fixa.

- Comme dans un cauchemar. Mon père biologique est vivant, il est ici, à l'infirmerie, dans le coma. De temps en temps, je vais le voir. À chaque fois que je le vois, ça ne rate pas, je me souviens alors ce qui s'est passé.

Argy se frotta les yeux, essayant de retenir ses larmes. La voix empreint de douleur, il commença son récit.

- Il est rentré du travail fatigué. J'étais heureux, car en début de semaine, il nous avait promis à maman et à moi, d'aller au cinéma. Il avait même acheté les places en avance, alors j'étais presque sûr que nous irions.

Il sourit amer. Blanche s'approcha avec la chaise à roulettes et posa sa main sur son genou.

- Hélas, ma mère biologique, voyant à quel point il était fatigué, a insisté pour remettre ça à un autre soir. Bien sûr, j'étais déçu et je suis parti piquer une colère dans ma chambre.

Une larme solitaire coula sur la joue d'Argy.

- C'était là, la dernière chose que je lui ai dite. Des horreurs. Maman, je lui ai dit des horreurs.

Blanche le prit dans ses bras.

- T'inquiètes pas, elle sait que tu n'en pensais pas...

- Un mot. Oui, je sais. Tu me l'as déjà dit. Et comment tu le sais parce que tu es ma maman toi aussi.

La jeune femme sourit alors que l'homme plus vieux qu'elle se blottit dans ses bras. Il lui fallut quelques minutes avant de finir son histoire.

- Je l'ai entendue. Ma mère a hurlé. Son cri...

Sa voix trembla hanté par ce son.

- Je me suis précipité hors de ma chambre jusqu'à la cuisine et c'est là que je l'ai vu. Le tout premier vampire de ma vie en train de saigner à blanc ma mère. Elle était morte avant que son corps ne tombe par terre. Papa a surgi de leur chambre et quand ce monstre s'est rué vers lui, mes jambes ont bougé toutes seules.

Argy leva la tête et regarda la jeune femme sans ciller.

- Quand je suis revenu à moi, Sebastian me tenait dans ses bras. Apparemment, je l'avais supplié de ne pas me laisser seul. J'ai mis des mois avant de prononcer un mot, quand toutes mes nuits, je les passais avec toi.

Il la serra encore plus fort dans ses bras.

- C'est moi qui ai insisté pour rester avec eux. Pour être là et m'assurer que plus jamais il n'arrive la même chose à un autre. Et puis faut bien que quelqu'un surveille Sebastian pour Papa.

- Tu joues les espions ?

- Bah oui. Et puis t'imagines si j'avais vécu avec vous ? Deux gamines dans les pattes ?! Ma propre mère pour petite sœur ?! Non, merci !

Blanche sourit avec tristesse. Au moins, elle ne l'avait pas abandonné. Ni elle, ni Kiyan. Il était leur fils peu importe chez qui il dort.

- Je ne me souviens même plus de son visage, s'il n'y avait pas les photos, reprit Argy, avec gravité. Elle était loin d'être aussi belle que toi, mais elle avait du charme.

Il sortit de ses bras, tira le premier tiroir de son bureau et lui montra la seule photo de son père et de sa mère biologique. Les cheveux argentés, il les tenait de son père. Il avait hérité tout le reste de la beauté de sa mère.

- Sebastian et Matthew, mon parrain, le Chef de la Garde des vampires, ont tué le vampire renégat. Je suis mort sur le coup, en sauvant mon père, mais il a quand même été touché à la tête.

- Je suis désolée, murmura la jeune femme.

- Moi pas, repris le jeune homme. Comme dit Kyst, c'est un mal pour un bien. J'ai gagné deux autres pères, dont l'un est meilleur que l'autre, une nouvelle mère, deux familles entières et un meilleur ami du tonnerre.

- Et maintenant, plus personne ne peut te faire du mal et tout le monde compte sur toi pour les sauver, continua la jeune femme avec un sentiment inconnu à la poitrine.

Serait-ce de la fierté ?

- Wep, la magie, c'est le pied, approuva-t-il en essuyant ses larmes.

- As-tu essayé ta compétence de soin sur ton père biologique ? Dit-elle en essayant de changer de conversation.

- Tu penses bien ! Hélas, elle n'est pas à son max. Munin, dit que je pourrais sans aucun doute le réveiller quand cette foutue compétence atteindra sept. On a pas tous un Fen comme toi, qui te dit « oui » pour tout, la taquina-t-il en souriant.

Blanche leva les yeux au ciel avant de lui refaire un câlin à ce garnement. Malheureusement, elle eut à peine le temps de le serrer encore une fois, qu'on sonna à la porte. Ébahis, par le carillon, elle regarda Argy se lever avant d'ouvrir à Kyst.

- Insonorisé, lui répondit-il à son interrogation muette.

- C'est l'heure de faire semblant, grimaça Kyst avant de sourire à la jeune femme qui lui répondit.

Il y avait deux façons de voir l'elfe-vampire. Soit, on le détestait, soit on l'aimait. Il n'y avait pas de juste milieu avec lui. Le joueur avait passé le reste de la soirée à la draguée jusqu'à leur point de rendez-vous. Elle avait fini par apprécier le personnage en rentrant dans son jeu pour la sacro-sainte horreur de son fils. L'elfe et la jeune femme s'amusaient à ses dépens.

L'heure suivante, elle comprit rapidement en quoi cela consistait de « faire semblant ». En effet, son parrain, qui n'était d'autre que l'homme qu'elle avait déjà croisé dans le bureau de son grand-père et garde du corps personnel du Roi, se chargeait également de donner un cours d'art martiaux à Argy.

- Benjy, concentre-toi ! Aboya son parrain alors qu'ils combattaient tous deux dans une sorte d'arène.

Celle-ci était constituée de macadam mou tout au fond et autour de gradin. Dont nombre personne y étaient assis.

Kyst qui avait pris le temps de saluer ses camarades fini par s'assoir à côté de la jeune femme qui regardait méduser Argy éviter avec lenteur les coups de son professeur. Blanche qui pourtant ne l'avait jamais vu combattre savait sans problème pourquoi il faisait genre de rien savoir faire de ses dix doigts.

En effet, avec un prof comme Derek, impossible que son niveau soit aussi bas. Seul humain parmi les vampires, elle savait que c'était un calvaire de faire croire aux autres qu'ils étaient nuls. Elle avait elle-même passé les deux dernières journées à doser sa nouvelle force.

Beaucoup le critiquait de façon détournée. Elle allait ouvrir la bouche quand soudain, son voisin lui donna un coup de coude.

- Pathétique, lui souffla Kyst, en lui coupant l'herbe sous le pied.

Puis, il montra son oreille du doigt et les autres vampires qui flânaient en regardant l'héritier se faire rétamer. Blanche hocha la tête. Message reçu cinq sur cinq. Les vampires avaient l'ouïe fine. Impossible de parler.

Elle passa donc son temps à échanger des banalités avec le meilleur ami de son fils qui était bien plus sympathique qu'on ne l'aurait cru. Et à écouter les autres. C'est dingue ce que l'on pouvait apprendre quand les autre vous croyais incapable de vous entendre.

L'heure suivante, après une douche et une remontrance, je cite : « J'ai l'impression que tu t'améliores pas, pire encore, tu es de plus en plus mauvais, si ce n'était pas déjà impossible d'être aussi mauvais ». La plus longue phrase qu'elle n'eut entendu de la bouche du Chef qui n'avait clairement pas l'air de l'apprécier. Ils finirent par aller dîner à trois, au restaurant de la Tour du Nord.

Apparemment, s'il avait eu l'accord de Sebastian pour que la jeune femme puisse venir chez lui, Argy n'avait pas réussi à faire renoncer à son père son propre dîner d'entreprise. Une histoire de gros client et surtout d'une grosse somme d'argent. Sinon, Blanche savait que Sebastian, aurait tout fait pour venir et tenter sa chance loin de son principal concurrent.

Si Kysten ne pouvait pas manger dans ce monde, il ne dit rien quand ses deux condisciples optèrent pour le burger au bœuf et qu'ils les mangèrent sous ses yeux. Le chef Dean, qui supervisait le chef humain pour l'occasion, c'était surpassé.

Ne pouvant rien raconter de croustillant, Argy lui raconta plutôt sa vie sur le campus de son université et de sa maitrise en médecine, ainsi que tout ce qu'il y avait à savoir sur le monde des vampires et des surnaturels.

De temps en temps, Kysten, rajoutait une remarque sarcastique et la jeune femme se laissa porter par le courant.

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