66. Il Manque Un 6


Quand elle finit par assister à son dernier cours de la journée, qui n'était sans nul doute son préféré, en compagnie de son prof fétiche qui pourtant l'ignora superbement, elle regretta Erik. L'oncle de son fils était de meilleure humeur que son père et de bien meilleure compagnie. Ironie quand tu nous tiens.

Que lui était-il arrivé en Outremonde ? Nul doute qu'il avait dormi entre treize et seize. C'était un tout autre homme que celui de ce midi. Nicky allait bien ?

Blanche soupira, ce qui lui valut un regard noir de l'homme. Quelle mouche l'avait piqué ? Argy l'avait balancé ? Non, trop peu probable... Alors qu'est-ce qui n'allait pas bon sang ?

L'homme les assaillit de contexte et les noya sous les devoirs. Cependant, elle avait pris de quoi écrire et avait commencé à noter son cours sous les yeux éberlués de ses camarades de classe. Mais, les yeux de Kiyan continuaient d'hurler : « Tu ne payes rien pour attendre ».

Bon, eh bien, il n'y avait plus qu'à attendre la fin du cours pour comprendre... Ah non, elle n'aurait pas le temps avant de filer.

Ni tenant plus, à un quart d'heure de la fin, il leur cola une interro surprise. Puis, il s'assit à son bureau et ferma les yeux, essayant de se calmer.

Roberto jeta un regard interrogatif à Eva, qui haussa les épaules. Blanche secoua la tête. Aucune des deux ne savait ce qu'il en retournait.

- Y en a qui on besoin de se vider, murmura Olivia.

Blanche écarquilla les yeux, surprise par l'audace de son amie, et déglutit. Kiyan n'ouvrit pas les siens, mais nul doute qu'il avait entendu lui aussi. Il serra sa mâchoire si fort, qu'un nerf était visible. Mais personne, à part elle, ne le remarqua, tous étaient à leur copie.

La jeune femme se mit à l'ouvrage et finit comme à son habitude avant les autres. Son professeur sembla s'être calmé entre temps et défilait désormais entre les rangs.

En voilà un qui vient d'apprendre pour tes fiançailles...

Blanche qui ne se s'attendait pas à ça, éclata de rire, sans penser aux conséquences.

- Mlle Callahan, nous vous dérangeons peut-être ?

L'ire courroucée jeta un nouveau froid dans la salle de classe. Monsieur Ardachir avait pourtant l'habitude de parler ainsi, mais jamais envers Blanche. Chose qu'avait bien entendu remarqué toute la classe. Mince lui qui venait de se calmer. Elle se contenta de quelques mots, en caressant le chat qui venait d'apparaître sur ses genoux.

- Excusez-moi, professeur.

- À condition, bien sûr, que vous partagiez avec le reste de vos camarades, la plaisanterie. Alors songerais-je à vous pardonner.

Elle rougit alors et pour la première fois de sa vie, elle ne sut que dire. Heureusement, la sonnerie retentit, lui épargnant un balbutiement gênant.

- Sauvez par le gong, s'amusa Kiyan, qui ne savait plus où donner de la tête.

Quand il s'agissait de Blanche, impossible de rester fâché avec elle.

Puis Argy débarqua, profitant d'un élève qui avait ouvert la porte, déjà prêt à partir depuis cinq minutes et qui resta pétrifié devant l'étudiant et l'homme qui le suivait comme son ombre.

Argy sur son trente et un, t-shirt en soie, jean de bonne facture, veste et chaussures en cuir, le tout en noir, les cheveux coiffés comme s'il sortait de chez le coiffeur avec sur le nez une monture en argent. Kysten, était assorti, avec sa tenue en cuir noir propre à tous les vampires, les lunettes de soleil en prime et ses cheveux plaqués en un chignon bas.

Tout deux imposaient le respect par leur seul présence et leurs démarches. Comme si le monde leur appartenaient.

L'élève ne bougea plus. Soudain, rester dans la classe ne lui parut pas une si mauvaise idée. Son instinct lui disait qu'il ne voulait pas rater ce qui allait suivre. Il se poussa donc dans un coin, profitant du spectacle imminent.

Certains plus pressés s'en allèrent avec regrets, on les attendait de pied ferme dans une luxueuse voiture à la sortie de l'Académie. Les autres furent du même avis que leur camarade de classe, à qui il ne manquait plus que le pop-corn.

- Mon oncle ! s'écria Argy en souriant, l'air coquin, en tapant l'épaule du professeur devant le reste de la classe, médusé. Je réquisitionne ma Blanche pour la nuit !

- Comment ?! Et puis quoi encore ? Et puis, comment ça, « ta » Blanche ?!
Lui répondit Eva alors que son père restait bizarrement muet, les lèvres légèrement entrouvertes.

Blanche colla un bisou sur la joue de sa meilleure amie, qui apprécia une seconde avant de la voir choquée saisir son sac et le bras de l'homme aux cheveux les plus platines qu'elle avait jamais vu.

- Papa ! S'écria-t-elle, n'en croyant pas ses yeux.

L'homme étrécit son regard, avant de souffler quelques mots, mécontent.

- Je t'appelle tout à l'heure. Tu as intérêt à décrocher, la menaça-t-il d'un ton ferme qui n'acceptait aucun refus.

Elle hocha la tête et salua ces amis avant de se retirer en galante compagnie. Avant de franchir la porte, elle eut le temps d'entendre quelque chose qui la fit de nouveau rire.

- La chance, il est canon, son mec ! Lança Olivia. T'avais aucune chance, vieux !

- Elle me l'aurait dit, si elle sortait avec le cousin d'Eva ! La rembarra Arthur. Elle nous l'aurait dit, non ? Continua-t-il en se tournant vers Roberto.

Ce dernier préféra, sans nul doute, garder le silence. Tandis qu'une autre marmonnait dans sa barbe : « c'est pas mon cousin ! J'ai pas de cousins et je n'en veux pas. ». Qui lui valut un regard décontenancé de la part de son père. Quand elle saurait la vérité, il ne donna pas cher de sa peau.

Comment dit-on à sa fille adoptive qu'elle avait un grand frère adoptif, lui aussi ?

***

Dans la voiture, la présence de Munin perché sur l'épaule d'Argy assura le dialogue.

Pourquoi il était là ? Son gamin lui assura qu'il s'ennuyait. En effet, le corbeau imposant d'un noir magnifique avait la tête plongée sous son aile. Un dieu qui dort tout en gardant une oreille tendue.

Blanche ne connaissait pas ce dieu-là, pas très bien du moins, mais puisqu'il était à la solde d'Odin, et qu'apparemment, il appréciait son joueur, elle se dit qu'elle n'avait rien à craindre. À juste titre.

La mère et le fils assis derrière discutèrent de l'Outremonde, tandis que Kysten jouait les chauffeurs.

C'était là, son taff quotidien en tant que garde du corps personnel du Prince Benjamin, de conduire le gamin à l'université, de faire du shopping, de voir ses amis ou tout simplement de rentrer à la maison.

Après avoir échangé la teneur de leurs missions, enfin seulement du côté d'Argy, puisque Blanche n'en avait encore pipé mot, elle s'intéressa à l'elfe vampire. Peu encline à dire ce qu'il lui était arrivé au village des vikings.

- Tu fais quoi d'autre à part baby-sitter Argy ? Lui demanda-t-elle, curieuse.

Le joueur éclata de rire alors que son prince s'indigna d'un « Mamannnn !! ».
Le terme ne lui avait sans doute pas plu.

- Eh bien, je suis Lieutenant, ce qui veut dire que je supervise quelques opérations et assure la sécurité du bâtiment royal. Enfin, entre autres choses.

- Des opérations ?

- Les voyages inter-portails, le plus souvent, se mêla Argy.

- Hein ? S'écria la jeune femme.

Elle savait qu'il y avait quatre portails à Epsilon. Chacun dans une tour, qui donnait sur d'autres mondes. Mais elle ignorait que le Roi Sebastian s'amusait à opérer des voyages entre les mondes.

Ce n'était pas comme si c'était une promenade de santé d'y aller. Même pour des vampires.

Kysten soupira en jetant un coup d'œil à Argy, qui haussa les épaules.

- C'est ma maman, et puis tu sais bien qu'elle le gardera pour elle.

Kysten jaugea la jeune femme du regard, puis avec un demi-sourire, il accepta de lui parler de l'un des plus grands secrets du monde magique.

- Nos hommes se rendent souvent dans les autres mondes. Pour éviter de vider nos réserves de sang, de nous faire repérer aussi, nous nous approvisionnons sur place.

- Là où les buveurs de sang sont connus, rajouta Argy, amère.

Blanche ne comprit pas le problème alors que Kyst grimaçait. Autre le faite de se nourrir et de tuer des innocents. Son fils n'aimait pas les vampires ? Pourtant, ils vivaient avec eux ! Puis, elle pensa à un autre problème. Plus urgent.

- Mais vous n'êtes jamais monté dans le Nord non ?

L'elfe grimaça une nouvelle fois. La discussion ne l'enchantait guère.

Les joueurs ne peuvent en aucun cas traverser de portail conduisant en Outremonde. Ils existeraient alors deux fois dans le même plan. C'est interdit.

La voix du corbeau dans sa tête lui fit mal. Munin était loin d'avoir une voix agréable. Elle était stridente et même un brin stressante.

- Oui, reprit Kyst, heureusement que j'ai un alibi en béton pour refuser les excursions. Et non, le voyage dure beaucoup trop longtemps pour aller jusqu'au Nord, et la nourriture y est moindre. Sebastian se contente du continent Est et de l'île des Elfes Noirs.

Blanche interrogea Argy du regard.

- Il lui reste de la famille là-bas, chez les elfes Sylvestres et ils ne sont pas très ravis de son nouveau statut. C'est l'Enfer quoi...

Ah ! Kyst regarda la route, la mâchoire serrée. Attention, sujet sensible !

- Les elfes sont immortels, donc sa famille sera toujours présente. Enfin, tant qu'ils ne se font pas tuer. Du coup, le frangin a perdu au change. Le seul point positif d'être un vampire, il l'avait déjà.

Blanche compatit, assise derrière lui, elle posa sa main sur son bras.

- Au moins, tu en as gagné une nouvelle.

Kyst posa sa main sur la sienne et lui sourit à travers le rétro central.

- Oui et bien meilleure, lui confirma-t-il, avec tristesse.

Blanche eut soudain envie de l'aider. Elle se mordit la langue pour ne pas révéler le secret d'Ash. Elle se promit alors de trouver le moyen de les réunir tous les deux. Coûte que coûte.

Sur ses entrefaites, ils arrivèrent à la Tour du Nord. L'elfe l'enregistra dans l'accès au parking, pour qu'elle puisse y accéder sans problème la prochaine fois. Elle remercia l'elfe d'un baiser sur la joue.

Puis Kyst accompagna la mère et le fils jusqu'au dernier étage, avant de disparaître. Le penthouse, réservé à la famille royale, n'avait besoin d'aucune protection rapprochée. Cet étage était à lui tout seul un bunker bien fortifié.

Enfin seuls, Blanche eut envie de cuisiner son fils. Qu'avait-il contre les vampires ? Avait-elle bien fait de le laisser avec Sebastian ? Et pourquoi l'avait-elle fait au lieu de le confier à Kiyan ?

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