65. Soirée Pyjamas
Blanche dut attendre son dernier cours de la matinée pour lancer son plan. Elle avait eu la tête ailleurs toute la demi-journée. Même pendant l'interro de math. Qu'elle avait brillamment réussi, bien que ce n'était pas là, la question.
Heureusement, elle n'était pas en histoire actuellement, mais en science, sinon elle n'aurait jamais pu utiliser son téléphone sans réprimande.
Elle avait évité toute la matinée sa meilleure amie. Cela n'avait pas été dur, d'écouter Roberto parler voiture, alors qu'elle commençait tout juste à s'y intéresser.
Blanche soupira en sentant son regard sur sa personne. Maintenant qu'elle en avait pris conscience, elle remarqua d'autant plus que sa meilleure amie la regardait tout le temps.
Phénix était revenu s'installer sur ses genoux avec une bonne nouvelle, Asher serait bien de service ce soir, ce qui ne pouvait pas mieux tomber. Cela voulait dire aussi, que Kiyan ferait certainement une sieste pour lui donner un coup de main avant son cours de l'après-midi. L'envie de sécher l'après-midi, la titilla.
« Coucou, ça va ? Jte dérange pas ? »
Son fils d'une semaine lui avait manqué. Le comble ! Elle avait tapé sur les touches avec frénésie, attendant avec empressement sa réponse. Qui heureusement, pour son taux de stress ne tarda pas à venir.
« Coucou, tranquille, et toi ? Tu me déranges jamais. À vrai dire, je m'inquiétais, on t'a pas vu cette nuit. »
Blanche grimaça en mordant sa lèvre. Le décalage entre Epsilon et l'Outremonde commençait à bien faire. Elle n'arrivait pas à s'habituer.
« Devoirs en retard. J'ai passé la nuit à bosser à la bibliothèque. J'aurais besoin d'un service. »
Un mensonge de plus ou de moins...
« Tout ce que tu veux ».
« Viens me chercher à dix-sept heures à l'Académie. »
« Ça marche. Mais pourquoi faire ? »
« Soirée pyjama chez toi ».
Le texto suivant mit un peu plus de temps à arriver.
« Tu sais que je suis à l'université, M'man ? Ça me va que tu viennes dodo dans mon lit, mais y a qu'une seule excuse que je peux sortir à mon père vampire dans ce contexte. C'est ok pour toi ? »
Blanche leva les yeux au ciel. Encore une complication qui n'avait pas lieu d'être. De toute façon, c'était le cadet de ses soucis...
« Ça me dérange pas. À moins que tu aies déjà quelqu'un à qui cela pourrait justement déranger. »
« Nop, le calme plat. Je serai là à dix-sept heures ».
« Ah oui, ton père, celui avec lequel je suis apparemment mariée, n'est pas au courant et je compte pas lui dire. »
Elle remercia encore les dieux pour sa mémoire absolue. Nan, parce qu'entre Sebastian, père adoptif ici, et Kiyan/Aaron, père adoptif là-bas... Il y'avait de quoi perdre rapidement la boule ou les pinceaux.
« Aïe. Il va pas aimer. C'est noté. »
Voilà une bonne chose de faite. Elle jeta un coup d'œil à sa meilleure amie, qui copiait scrupuleusement la leçon du jour. Eva aussi n'aimera pas...
Le reste de la journée se déroula tranquillement, si bien qu'elle s'ennuya. Les études n'avaient plus aucun sens. Ce n'est pas en sachant la différence entre le silicium et le basalte qu'elle allait apprendre à devenir reine.
Elle regarda d'un œil, ses statistiques et sa toute nouvelle compétence.
Blanche avait jeté son dévolu sur « Malédictions ». Toutes créatures vivantes deviendraient, pendant dix secondes, un simple être humain.
Pour un sortilège, il y avait beaucoup de restrictions : le niveau du sort, détermine le niveau d'acceptation du monstre ou de la personne. Le temps d'activation aussi pouvait augmenter en fonction du niveau. Sans compter le temps d'attente entre deux activations...
Et pour le monter, cela nécessitait également des conditions particulières.
Des créatures de base au début, puis au niveau quatre, des créatures intermédiaires et au niveau sept, des créatures puissantes, sans compter le niveau neuf. Uniquement des boss de donjon pour pouvoir démunir des créatures légendaires.
Jamais un sort n'avait été aussi complexe. Mais le labeur en valait le coup, si elle pouvait faire devenir même un dieu en humain pendant quelques minutes.
De plus, contrairement à ce qu'elle aurait cru, les statistiques sans sa compétence de drainage stagnaient.
Le jeu commençait fichtrement à ce corser.
Eva la laissa tranquille jusqu'à l'heure du déjeuner.
- Elle a été bizarre toute la journée, se confia Eva à Roberto en chuchotant.
Blanche regarda alors ses deux amis juste devant elle au self, chacun avec leur plateau, qui n'avait aucune idée qu'elle pouvait désormais entendre le moindre bruit de l'autre côté de la pièce.
La rousse sentait poindre une énième migraine. Si elle n'avait pas besoin de sa dose de sucre et de protéines, elle aurait déjà pris la tangente en direction de son cours secret de self défense. La cantine était le pire endroit au monde pour une personne aussi nouvellement sensible qu'elle. Ses oreilles saignaient.
- Elle fait peut-être enfin sa crise d'adolescence, répliqua le jeune homme en haussant les épaules.
- Ahah, railla Eva.
- Je vous entends, répliqua la jeune femme qui était juste derrière eux avec Arthur.
Cela eut le don de les faire taire.
Néanmoins, elle en fut ravie. Si le reste de la pièce était bruyant au niveau de ses amis, un silence quasi absolu régnait en maître, entrecoupé par des regards inquiets.
Blanche ne s'en formalisa pas pour un sou, avant de partir voir Erik. Elle n'avait pas encore franchi la porte que tous les trois conspiraient déjà sur son état mental ainsi que ses absences de plus en plus remarquées.
La personne égoïste et « je m'enfoutiste » qu'ils connaissaient avait changé. Maintenant, pour eux, il y avait du mieux comme du pire. Elle s'intéressait à eux, mais uniquement quand elle était là. C'était-elle faite d'autres amis ? Avec qui elle passait le reste de son temps ? Que faisait-elle ?
***
Sauf qu'Erik n'était pas seul. Elle haussa un sourcil.
- Il s'est tapé l'incruste, fut la seule réponse qu'elle obtint de son professeur particulier à sa question muette.
Kiyan assis sur une chaise sortit tout droit du néant, la salua d'un signe de tête. Atteler à la réplique exacte de son bureau, il reporta son attention sur l'ordinateur, seul objet authentique.
Blanche le salua en retour en s'approchant, quand son sociopathe préféré fondit droit sur elle sans lui laisser la moindre ouverture.
Après quelques échanges qui s'approchaient davantage à des échauffements, il passa à la vitesse supérieure.
Mais voilà, Blanche était perturbée. Kiyan était là. Même s'il ne la regardait pas vraiment, jetant que quelques coups d'œil pour voir ses progrès, il était là.
Après la troisième mise au tapis, D. s'énerva. Il lui fit reprendre le mouvement. À faire, cinquante fois donc. Malheureusement, cela lui laissait tout le loisir pour être ailleurs.
- Tu me fais quoi là ? Aboya Erik, alors qu'il corrigeait sa posture.
- Désolée, j'étais dans mes pensées, répliqua la jeune femme en reprenant à la perfection son mouvement.
- Prétentieuse et arrogante, l'insulta l'homme.
- Je te permets pas, chanteur du dimanche ! Brava Blanche.
Erik, surpris, campa sur ses deux pieds, jambes écartées avant de la plaquer facilement au sol. Elle n'avait même pas essayé de l'éviter, sachant pertinemment qu'il aurait aussitôt remis ça jusqu'à qu'elle soit à terre. Elle commençait sérieusement à le connaître.
- Chanteur du dimanche, moi ? Répéta le blond.
Blanche fit la moue.
- Chanteur tout court, même moi, je sais reconnaître une belle voix quand je l'entends, tu devrais chanter plus souvent, continua-t-elle, alors que si ses yeux pouvaient tuer, elle serait déjà morte depuis longtemps.
- Comment est-ce...?
Il leva les yeux au ciel avant de répondre à sa propre question. Ce tournant vers l'objet de son courroux.
- Toi ! Je savais que j'allais regretter de te l'avoir offert un jour ou l'autre.
- Tu as perdu ton pari, j'ai gagné, répondit l'homme en fermant l'ordinateur.
Erik secoua la tête, puis, il sourit amusé. Comment ses deux hommes pouvaient-ils être amis ?
Si c'était elle qui aurait fait la remarque, il n'aurait pas si bien souri. La preuve en est qu'il profita du moment pour la mettre de nouveau au tapis. La plaquant de tout son poids. Cet homme était un monstre !
Erik la délivra et contre toute attente, il lui offrit sa main pour la mettre debout. Blanche hésita une seconde avant de se laisser tirer vers le haut.
- C'est bon pour aujourd'hui, clama Kiyan.
Apparemment, c'était le seul élan de bonté qu'elle aurait, puisqu'il s'en alla alors sans dire au revoir comme à son habitude.
Elle resta alors en tête-à-tête avec le père de sa meilleure amie. Ce n'était pas la première fois ces derniers temps, pourtant elle se sentit gênée comme jamais. Kiyan la regardait intensément. Blanche n'avait pas bougé, elle n'avait rien à faire et ne sachant que faire justement, elle dansa d'un pied sur l'autre.
- Heu, bah, je vais y aller.
- Non.
Non ? Étonnée, elle le regarda. Il croisa ses jambes et par-dessus, il en fit de même avec ses mains. Puis il fit apparaître une chaise en face de la sienne. Et pas derrière le bureau, non, juste à ses côtés.
Blanche résignée s'avança et s'y assit. Bon sang, qu'est-ce-que ce grenier est vachement poussiéreux en fait...
- Une petite souris est passée pendant la nuit et m'a vidé mon frigo...
Son ton parut amusé aux oreilles de la jeune femme.
- Ah ! Fut tout ce qu'elle réussit à dire tout en évitant son regard et en se grattant la joue.
De la jambe, il cogna son pied au sien, ramenant son regard sur lui. Il souriait et par tous les dieux quel sourire !
- Blanche ?
- Oui ?
- Que faisais-tu as la maison ?
Blanche ouvrit la bouche, songea à mentir, puis la referma avec un sourire crispé.
- Tu veux pas me le dire ?
La rousse hocha négativement la tête en se mordant la langue.
- Ou tu peux pas me le dire ?
Elle confirma en fermant les yeux. Pour une fois, c'est lui qui soupira. Et ironiquement, elle ne put retenir un rire, soulagée après tout ce qu'elle venait de vivre.
Kiyan commença à rire avec elle, juste heureux de la voir ainsi. Leur rire se transforma en fou rire, libérant une tension dont ils n'avaient pas conscience. Ils partagèrent un moment complice et discutèrent de tout et de rien.
Comme s'ils étaient à la maison comme avant tout simplement. Leur complicité que jalousait Eva, toute retrouver, ne dura qu'instant. L'alarme retentit annonçant le début des cours de l'après-midi.
Blanche se leva.
- On se voit en cours, et pour l'amour de Râ, prends de quoi noter, râla Kiyan, lui-même dégoûter que ce moment n'est pas duré une éternité.
- Promis, professeur, susurra Blanche, souriante, toute malignité retrouvée.
Il se leva à son tour et avant qu'elle ne disparaisse, Dieu sait où, il l'attrapa dans ses bras. Elle se crispa un instant, toujours pas fan des câlins, puis se détendit. Il l'embrassa sur le sommet du crâne avant de la laisser filer.
Avec tout ça, Blanche avait oublié de lui parler de sa soirée pyjama. Elle rit d'avance en songeant à sa réaction de toute à l'heure.
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