64. Le Village Viking



Après sa discussion fort intéressante avec son familier, elle enchaîna sur sa première quête « tranquille ». La onzième. Elle n'avait qu'à aller pour la première fois dans le village viking et y passer quelques heures.

Dommage qu'elle dut la faire seule. Elle s'y voyait bien s'y promener avec l'équipe au complet.

Bah ! Enhardie par son nouveau plan, elle rassembla ses affaires et se précipita dehors.

Son excitation retomba bien vite, elle ne se sentait pas à l'aise. Tout le monde la dévisageait depuis qu'elle avait passé la nouvelle palissade. Complètement finie.

Les gardes à l'entrée, qui avait reconnu à sa tenue qu'elle devait venir de la caserne, la laissèrent passer sans poser de questions.

Elle traversa le village entier sans le moindre problème, jusqu'à une gigantesque berge où se tenait un port dans lequel d'immenses galères y étaient amarrées. Elle s'assit là près de l'eau où des enfants y jouaient accompagnés d'une jeune femme svelte vêtue de vêtements grisâtres et rêches.

Elle resta là pendant quelques minutes, attendant que sa mission se termine, regardant les alentours sans un mot.
Lorsqu'ils s'éloignèrent, elle fit de même et commença à flâner dans les rues du village.

Lorsqu'un bâtiment pas comme les autres attira son attention : c'était, à la fois, la plus grande maison du village et la plus basse. Beaucoup de monde entraient et beaucoup en sortaient.

Après quelques minutes, un jeune homme à l'allure étrange qui venait justement d'en sortir, mais plus propre que la plupart, s'arrêta devant elle, l'œil approbateur et intéressé.

- Je suis Vecz, l'un des frères de Rauõr. Il m'a parlé de toi, tu es la nouvelle Demi, pas vrai ? Celle qu'il appelle Demi-Portion ?

Blanche acquiesça à la fois surprise et consternée. Encore un surnom, débile. Celui-là elle aurait préféré l'oublier. Ainsi donc c'était lui Vecz. Seule particularité, contrairement aux nombreux vikings qu'elle avait croisé, il avait les cheveux aussi noirs qu'un corbeau et aussi court.

- Viens que je te présente au Chef.

Blanche le regarda. Maintenant qu'il le disait, il avait un air de famille avec le viking aux cheveux rouge sang. Elle haussa les épaules et accepta. Après tout, il valait mieux se présenter et puis ce n'était pas comme si, elle avait autre chose à faire.

- Quel est donc ce bâtiment ? Demanda la jeune femme alors qu'il lui tournait le dos.

- C'est la grande salle du Godi Erneksen. Tu peux y entrer, manger, boire. Nous sommes un peuple généreux.

Sans un mot de plus et sans l'attendre, il se mit en route. Blanche n'eut plus qu'à le suivre en soupirant. Elle se souvenait du même traitement que lui avait réservé Rauõr. Et quand on parle du loup, on y voit la queue...

En entrant dans la maison, elle vit le grand viking aux cheveux rouges assis à table à la droite du siège qui préside. La pièce était immense. Elle devait faire pas moins d'une cinquantaine de mètres carrés, soutenue par d'immenses poutres en bois. Juste derrière la chaise du chef qui était assis en face de l'entrée, se trouvait un immense feu dont la fumée montait.

Blanche leva les yeux et ne distingua pas le plafond, car les effluves du feu stagnaient au-dessus de leur tête, malgré un semblant de cheminée. À l'opposition de la table remplie d'hommes qui ressemblait à s'y méprendre à des armoires à glace se trouvait une estrade surmontée de deux trônes, l'un bien plus grand et imposant que l'autre. Derrière la dernière chaise, il y avait un mur avec un jeu de paravent troué de symboles celtes.

L'odeur de la viande fumée l'agressa, mélangée à de la mauvaise bière et la sueur. Quelque chose était en train de rôtir sur le feu. Blanche vit alors une femme sortir de la pièce de derrière. Elle était d'une grande beauté, enceinte jusqu'aux yeux. Habillé de la pièce de tissus, la plus claire qu'elle n'avait jamais vue, une robe longue, mais simple d'un blanc crème qui faisait scintiller ses cheveux d'or.

La jeune femme s'assit sur le trône le plus petit, accompagné des trois enfants de la plage, assis à ses pieds, jouant avec des objets en bois.

- Que nous apportes-tu, mon fils ?

Blanche reporta alors son attention sur le plus puissant des hommes du coin. Le chef rougeaud, les cheveux noirs et les yeux noirs, la regardaient tout en mangeant et buvant. La rousse vit alors la jeune femme de la plage servir le chef tandis que deux autres femmes habillées de la même façon, portant des affaires grisâtres en laine et rapiécés, servaient le reste de la tablée.

Apparemment le code vestimentaire donnait le ton. Ils devaient s'agir d'esclaves, ce qui eut le don de faire rager la jeune femme. Pire encore, certains hommes à table se trouvaient bien grossiers avec elles.

- Une femelle, grogna le jeune homme à ses côtés, qui interrompit net ces pensées rageuses.

Son ton avait changé, toujours aussi mielleux, il la regarda maintenant d'un air mauvais. La ressemblance entre le Chef avec son jeune fils était frappante. De même pour Rauõr, qui venait de poser le reste de son repas pour fixer la jeune femme. Son regard était inquiet, sur ses gardes.

Le Chef éclata de rire brusquement, faisant sursauter Blanche.

- Je vois bien que c'est une femelle, fils. Aurais-tu une annonce à nous faire ?

Blanche fronça des sourcils en regardant tour à tour les deux hommes. Quand elle comprit enfin ce qu'il sous-entendait, elle ne put retenir une grimace.

- Je suis Neige. La femme d'Aaron et la mère d'Argent, se présenta-t-elle d'elle-même.

Cela l'embêtait d'être représenté en étant la femme de, et la mère de, et non pas en tant que Reine des Joueurs. Mais c'était un secret qu'elle devait garder. Le silence se fit dans la salle. Plus personne n'émit le moindre soin, ne mangea, ni ne bu.

Rauõr claqua sa langue sur son palais. Il ne s'était pas attendu à ça. Et puis comment est-ce possible ? Cela faisait à peine quelques mois pour lui, qu'il connaissait la jeune femme.

Elle avait déjà mis le grappin sur Aaron ? Où était-ce ce que leur chef lui avait conseillé de dire ?

La jolie femme, assis sur le trône, rit alors.

- Votre Chef a donc une femme ? Dit-elle en souriant.

Techniquement, c'était elle la reine. Elle opina en grimaçant.

- Que fais-tu ici, Demi-portion ? Demanda Rauõr, bourru, en jetant un coup d'œil mauvais derrière lui en direction de la femme du Chef.

- Ton frère a tenu à me présenter à votre père, éclaira la jeune femme. En bonne voisine, j'ai accepté.

Rauõr grogna avant de boire un verre, avant de frapper à l'épaule, l'homme à ses côtés. Celui-ci, qui comprit visiblement le message, se leva avant de sortir non sans jeter un mauvais regard à la jeune femme.

- Assis, ordonna Rauõr en lui montrant du regard la place sur le banc qui venait comme par miracle de se libérer.

Elle n'était pas un chien ! Elle se renfrogna avant de soupirer, les épaules raidies puis, elle finit par se plier à son ordre. Elle n'était pas chez elle ici, sinon elle aurait déjà massacré la moitié des brutes présentes.

Vecz s'installa en face alors que le viking qui avait exigé si gentiment de s'asseoir lui servait un verre. Cette fois-ci, elle n'y trempa que les lèvres, ayant appris de ses erreurs du passé. Sauf que ce n'était qu'une sorte de bière rance qui fit augmenter sa résistance au poison. Elle en prit donc de bon cœur et se resservit sans problème.

- Voici mon père, le Godi Blàr Ereknisen, la présenta alors Rauõr.

La jeune femme qui était assise sur le trône, se leva et profita des présentations pour se mettre derrière son mari.

- C'est bien la première fois que l'on te voit. D'où viens-tu ? Demanda le Chef.

- Je reviens de voyage, expliqua la rousse.

- Es-tu une guerrière, toi aussi ? Lui demanda-t-elle en fixant ouvertement la hache qui dépassait de son dos.

Blanche acquiesça. Elle jeta un regard étrange à Rauõr qui n'avait pas pris la peine de faire le reste des présentations.

- Voici ma femme Hvítr, Loeknir.

- Enchanté, répondit Blanche.

Puis, elle demanda en aparté à Rauõr.

- Que veut dire Loeknir ?

- C'est un titre honorifique : cela veut dire femelle importante.

Elle hocha la tête, peu ravie d'un tel qualificatif, mais cela restait techniquement un titre, avant de boire à nouveau.

Sa fenêtre choisit alors cet instant pour se manifester. Elle était restée assez longtemps comme ça. Il était donc temps de partir. Sauf que la jeune viking n'était pas de cet avis.

- Dommage, j'aurais préféré que tu sois une guérisseuse comme ton fils, cela aurait expliqué pourquoi je ne t'ai pas vu sur le champ de bataille, ni participé à la reconstruction du village.

Oulà ! Blanche vit l'intelligence et son animosité percer derrière le regard de la jeune femme. Wep, il était temps de se faire la malle.

- Mon mari n'aime pas me mettre en danger plus que nécessaire. Si vous voulez bien m'excuser, il est temps que je rentre, reprit-elle en se levant.

Le chef éclata de rire pour la distraire alors que Vecz lui lança une dague en plein visage. Elle immobilisa le temps grâce à sa nouvelle vitesse et rattrapa la dague, toujours en l'air à quelques centimètres de son visage. Puis, elle relâcha son pouvoir, la main en hauteur fixé sur le manche.

Tout le monde s'immobilisa à part Rauõr, qui lui servit un autre verre.

- C'est une guerrière, mais c'est surtout une sorcière. On va payer cher cet affront !

Blanche pencha la tête avant de boire. Alors que Vecz, se leva.

- Fenrir est peut-être ton dieu, mais il n'est pas le mien. Thor nous protègera de sa colère.

- Et que fais-tu d'Aaron ? C'est sa femme que tu as tenté de tuer.

Vecz sourit, l'air mauvais. Plus proche du dieu métamorphe qu'il ne le croyait.

- On saura enfin ce qu'il vaut en combat. Tuer des monstres, il s'est y faire, tuer des hommes par contre, il en est incapable !

- Je n'en serais pas si sûre si j'étais toi. Fen perd rapidement son calme pour moi, quant à mon mari... Je n'ai pas besoin de lui pour te tuer, répliqua Blanche.

- Tu n'as pas le droit à la parole, femme ! Éclata Vecz.

- Je n'ai pas besoin de ta permission.

Elle se leva en jouant avec le poignard a pleine vitesse. Cela fit son petit effet.

- Je pourrais supprimer ce village entièrement sans lever le moindre petit doigt. Mon fils soigne tout le monde ici, n'est-ce-pas ? Et s'il s'arrêtait ? Le dragon bleu est un de mes plus vieux amis, et si je lui demandais de cracher sa glace en direction de votre village ? Peut-être que les orcs feraient de bien meilleurs voisins...

Elle laissa les mots imprégner l'esprit de tous les vikings présents. Si elle devait jouer la méchante pour se faire respecter et bien soit. Puis, elle soupira devant le regard de Rauõr. À lui, elle devait la vie.

- Mais si on gardait, c'est dix dernières minutes entre nous ? Je suis d'humeur généreuse. Un service pour un service.

Le viking aux cheveux rouges hocha la tête pour la remercier. Devant la mine fantomatique du jeune Vecz, qui venait de comprendre ce qu'il venait de faire, de la tête d'enterrement du Chef et de celle furieuse de son épouse, elle enfonça le clou.

- Et ça, dit-elle en regardant le poignard finement ouvrager. Je le garde. Disons que c'est un cadeau de bienvenue.

Elle s'en alla alors sans que personne eut la brillante idée de la faire chier davantage. Dommage, elle était désormais d'une humeur massacrante. Il était grand temps de regagner l'autre monde.

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