63. Jalousie Maladive



Le téléphone sonna plus d'une fois et raccrocha sans que personne au bout daigne lever le petit doigt pour appuyer sur un bouton. Blanche, bien embêtée, faisant les cent pas, essaya une seconde fois. Au bout de trois sonneries, ça décrocha enfin. Sinon, y avait mort d'homme ou du moins une porte en moins.

La respiration lourdingue de sa meilleure amie confirma qu'elle était bien de l'autre côté, sans pour autant avoir dit l'habituel « Allo ? ». Avec sa flemme légendaire, cela n'étonna pas la jeune femme.

- Eva ? Hésita cependant la rousse, en entendant un ronflement.

Elle avait décroché, puis s'était rendormie ?

- Mmmhh.

- Tu veux bien descendre, m'ouvrir la porte ?

- Quelle porte ? Gémit-elle en se retournant, faisant un boucan pas possible au téléphone.

- La porte de la résidence ! Je suis dehors, je peux pas rentrer, essaya de lui expliquer le plus rapidement Blanche.

De l'autre côté, nouveau bruissement.

- Blanche ? Merde, ton lit est vide.

Cette fois-ci, son amie était bel et bien alerte.

- Oui, je suis dehors. C'est ce que je me tue à te dire !

- Mais qu'est-ce que tu fais dehors ?! Non, me dis rien, j'arrive.

Elle raccrocha et Blanche attendit que sa meilleure amie lui ouvre. À partir d'une certaine heure, la porte ne s'ouvrait plus que dans un sens. On pouvait en sortir, mais plus y entrer.

Eva, habillée de son pyjama fétiche, d'un masque de nuit sur le sommet de sa tête et de ses pantoufles jaunes poussin, lui ouvrit la porte avec un regard noir.

- Putain de merde, Blanche ! T'as intérêt à avoir une bonne explication. Ta de la chance que le pion dort à poings fermés, avait-elle chuchoté sur un ton houleux.

Le pion ronflait bel et bien. Les deux jeunes femmes montèrent sans faire de bruit, mais pas non plus en jouant les commandos silencieux. Néanmoins, Évanescence attendit d'être à nouveau dans leur chambre pour la fustiger.

- Il est six heures du matin ! On a cours dans trois heures. T'étais où, bordel ?

Heureusement, c'était le seul jour de la semaine où elles commençaient à neuf heures à la place des huit habituels.

- Chez mon mec, grogna Blanche sans réfléchir avant de tomber encore toute habillée dans son lit.

- Quoi ?! Hurla Eva, décontenancé et quelque peu triste.

La rousse fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas la réaction de sa meilleure amie. Qu'avait-elle dit déjà ?

Ah. Merde !

- Chut ! Lui intima Blanche.

Les murs de la résidence avaient beau être épais, avec le silence qui y régnait, le son y était quand même amplifié.

- Quoi ?! Se reprit Eva moins fort.

Phénix fit semblant de sortir de sous le lit comme s'il avait passé la nuit là et monta faire un câlin à sa maîtresse. Ni vu ni connu.

- Jte raconterait tout demain, la reprit Blanche. Faut que je dorme au moins deux heures...

La fatigue la regagnait dans son lit. Il était si confortable, si moelleux... Comment résister à l'appel ? Une petite sieste ne lui ferait pas de mal. Si ?

- Ah non. Tu m'as réveillé, maintenant, je veux une explication. Et t'as intérêt qu'elle soit bonne.

Même en rogne, cela n'empêcha pas la brune de venir caresser la boule de poil, qui ronronna.

- Ok. Jte le dis, mais après tu me laisses dormir.

Eva acquiesça, méfiante. Blanche analysa l'aura de sa meilleure amie, celle-ci était floue et craqueler par endroit. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?

Chassant sa mauvaise impression, elle lui expliqua qu'elle avait fait la rencontre d'un charmant drakion.

- Où ça ?

- Dans la rue, complètement par hasard. Après, on s'est plus lâché.

Bizarrement, Eva ne la crue pas, mais laissa couler. Les fêlures se firent encore plus visibles.

- Il est comment ?

- Bleu.

Blanche sourit alors qu'Eva haussait un sourcil. Bleu ?

- Mais encore ?

- Canon.

- Blanche ?

- Oui.

- T'abuses.

- Sérieusement, il a les cheveux bleus, il est canon, super sympa. Il me plaît bien, il m'a demandé si on pouvait apprendre à se connaître bien qu'il soit plus âgé, mais je me suis dit pourquoi pas. J'ai envie de dire « oui » à tout en ce moment. Je sais pas, peut-être que ça me passera..., expliqua la drakionne.

Elle lui raconta sa leçon de danse et les détails croustillants. Le bébé djinn se reposa dans son lit en boudant, la tête rivée au plafond. Méditant sur les propos de sa meilleure amie.

- Depuis l'accident, j'ai l'impression que plus rien n'est comme avant...

- Oui, c'est vrai, confirma Blanche.

La brune se tourna alors vers sa colocataire et riva ses deux yeux d'un noir profond et Blanche y cru déceler quelque chose, comme un tourbillon de flamme noire...

- On sera toujours meilleures amies, n'est-ce-pas ?

Alors pour la première fois, Blanche lui mentit en la regardant droit dans les yeux. Elle savait bien que non. Elle jeta son sort par précaution.

- Pour toujours.

Cela rassura Eva qui lui sourit, son aura de nouveau rétablie, comme rien ne s'était passé...

- Au fait, j'ai demandé à faire réparer les toilettes...

Blanche éclata de rire et Eva suivit. Elles discutèrent quelques minutes, où elle lui apprit qu'elle avait une nouvelle voiture et sa meilleure amie, lui raconta en détail son rêve.

Un cauchemar avec miss blonde platine qui devenait sa belle-mère. Son aura tangua et Blanche y reconnu là le signe de sa jalousie.

Les pouvoirs d'Eva n'allaient pas tarder à se manifester... Elle s'aura bientôt qui est son vrai père.

Il ne fallut pas longtemps à Blanche pour s'endormir, épuisée et désemparée. Son inquiétude persista jusqu'en Outremonde.

***

La caserne était vide. Tout le monde était parti faire sa quête. La jeune femme en profita pour récupérer dans ce monde et alla dormir dans son lit. Les draps sentaient bon l'odeur d'Aaron, et lorsqu'elle s'endormit à nouveau, elle sut qu'elle avait vu juste avec sa théorie.

Lorsqu'elle était épuisée, sa fatigue se transmettait bien d'un monde à l'autre.

Mais rien ne réussit à lui remonter le moral. Elle resta un jour dans la caserne pour seule compagnie celle de Phénix. Avec le temps, le démon devenait le plus improbable des alliés et des amis.

Même si dans sa tête la voix de Fenrir résonnait qui lui rappelait de faire attention quant à la teneur de sa nature démoniaque, dans son cœur, elle avait déjà donné sa confiance à son familier.

- Elle a remarqué que je buvais, elle a vu pour les garçons, comment j'ai pu passer à côté...

Les garçons, petit surnom pour ses deux camarades de classe, amoureux d'elle.

De quoi tu parles ?

Blanche mordit sa lèvre avant de s'avouer :

- Je crois qu'Eva est jalouse, lui confia-t-elle, alors qu'elle se réveillait pour la deuxième fois.

C'est donc ça qui te trottes dans la tête. Eh bien, ce n'est pas étonnant. Tout le monde t'aime. Elle te veut pour elle toute seule. Après tout, tu lui as sauvé la vie. Et depuis, tu passes de moins en moins de temps avec elle...

Blanche jeta un regard à son familier alors qu'elle le caressait et choisit de ne pas relever le sous-entendu.

- Elle a passé son temps à sortir avec des mecs ! C'est elle qui m'a délaissé en premier ! Grogna la rousse.

Oui, mais elle a le droit, toi non. Elle doit être dépendante de ton attention.

- Pardon ? S'écria-t-elle au démon.

Celui-ci se retourna et se laissa gratter le ventre.

Soit elle essayait de te rendre jalouse, ou de s'intéresser plus à elle... Va savoir. À mon avis, elle doit cacher quelque chose. Peut-être qu'elle a dû découvrir quelque chose dont elle hésite à te parler. Tu devrais aller lire...

Elle regarda son familier comme si une seconde tête lui était poussé et pas des plus belles.

- Tu es en train de me dire que ma meilleure amie m'aurait caché encore un secret et que cette fois-ci, elle aurait sciemment choisi de me le cacher ? Qu'est-ce qui pourrait être encore pire que la découverte du monde magique ?

Blanche se massa la tempe en proie à une migraine.

- On se croirait dans une mauvaise série B, où l'héroïne a peur de dire à sa meilleure amie, un terrible secret pour ne pas perdre son amitié.

C'est toi qui l'as dit, pas moi. Le plus marrant, c'est que l'objet de tous ses tourments est folle amoureuse de son paternel.

Blanche gémit alors à haute voix.

- Je suis foutue, déclara-t-elle. Elle refusera de me voir avec son père. De un, parce qu'elle supporte pas qu'une femme l'approche et de deux, parce qu'elle me veut pour elle seule et son père aussi !

Tu es baisé.

Un long rire raisonna dans sa tête, d'une voix grave et rauque qui n'appartenait pas à son familier, mais à son dieu. Elle acquiesça en pensant qu'elle allait devenir folle, entre les deux nouvelles voix dans sa tête et la complexité de la situation.

Et c'est à ce moment-là qu'elle regrette de pouvoir voir les auras...

Elle ne put donner tort à familier.

- Tiens, pendant que j'y suis, aurais-tu trouvé quelque chose sur ce que père à demander ?

Son familier tressaillit avant de lui répondre.

Tu sais bien que non, sinon tu l'aurais su même avant lui.

La jeune femme ne sentit aucun mensonge, pourtant elle restait persuadée que le sujet le mettait mal à l'aise. Alors, elle choisit une autre approche.

- Toi aussi, tu me caches quelque chose...

Le chat se retourna avant de se mettre assis tout en baissant les oreilles.

Ça va pas te plaire. Le gars qui devait épouser ta mère avant qu'elle ne se fasse la malle, est grosso modo un grand ponte de l'aristocratie drakonienne. Il a pas mal de partisans dans sa poche et comme il a un fils... Ton grand-père n'a pas pu dire non à une potentielle alliance...

Par alliance, ce n'était tout de même pas ce qu'elle pensait, si ?

- Concrètement, ça veut dire quoi ?

Que si Winter veut te nommer héritière du trône, tu finiras fiancé au fils en question.

- Je vois, l'interromps la jeune femme qui en avait eu assez.

Elle en avait marre d'avoir tout le temps raison.

- Ça fait à peine quelques jours que j'ai vu mon grand-père... Ils me prennent pour quoi une pouliche que bonne à pondre des œufs ?

La jeune femme secoua la tête alors pour tenter d'éclaircir son avenir qui lui paraissait bien sombre.

- De toute façon, techniquement, je suis déjà mariée... Et j'ai déjà pour compagnon drakion un putain d'Alpha.

Puis, elle rajouta :

- Mais cela ne ferait de lui que le Roi consort, non ? Il n'aurait aucun pouvoir décisif !

Exact. Mais pas l'enfant de cette union.

Des enfants ? Encore fallait-il pouvoir en faire... Une idée géniale lui apparut soudain. Son nouvel état pourrait bien lui servir.

- Ils ne savent pas que je ne peux pas avoir d'héritier et s'ils l'apprenaient...?

Son familier esquissa un sourire diabolique.

Ils ne voudraient plus de toi. Ils leur en faut un, issu de la famille royale pour régner, c'est tout ce qui les importe.

- Mais comment le leur dire ? Et si j'utilisais l'accident ?

Il faudrait falsifier le rapport médical et le faire fuiter.

- Tu saurais faire ça ? S'exclama la jeune femme, radieuse.

Non.

La joie de Blanche s'évapora comme neige au soleil.

Mais nous connaissons tous deux qui pourrait. Qui a accès à la technologie à la fois des sorciers, des faes et des vampires ? Qui mesure deux centimètres à tout cassé et qui serait plus que ravis de t'aider ?

La jeune femme retrouva alors toute sa bonne humeur. Il n'y avait qu'une seule personne qui correspondait à sa description. Il était temps de se faire inviter à la tour du Nord.

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