62. Deux Visites


Lorsque Blanche s'endormit, elle n'arriva jamais à la caserne. Deux personnes, sur une plage l'attendaient de pied ferme.

La même plage infinie de sa première rencontre avec Fenrir. Celui-ci était là d'ailleurs avec son éternel masque d'horreur. Sauf qu'il n'était pas seul. Et si la présence de son dieu référent, la rassurait, le pouvoir qui échappait par vague du second l'atteignait de plein fouet. Sa puissance était écrasante.

Plus que n'importe qui, plus que son père, son grand-père et même Sebastian.

Sa puissance était telle que ses genoux cédèrent, alors seulement elle sentit un changement. Tout à coup, c'était moins fort.

- Doucement, vieillard, ne me l'abîme pas, grogna le loup.

Le vieil homme avait de longs cheveux blancs et, malgré son âge avancé, était toujours aussi bien musclé. Si sa carrure imposante était entièrement masquée, la taille de ses avant-bras nus était remarquable.

- J'aime tous mes petits enfants. Malgré tout leurs défauts. Un peu trop, même, mais ose encore m'appeler ainsi et je te donnerais une correction dont tu te souviendras longtemps.

La voix du Dieu, nature incontestée de part son lien de parenté avec Fenrir et son absence d'Aura, était grave, chaude. Il posait ses mots avec dextérité. Le métamorphe eut un petit rictus en souriant, son œil doré pétillant d'amusement alors que son œil vert resta amorphe.

Le cache-œil sur le visage de l'inconnu, lui mis la puce à l'oreille.

- Odin, murmura Blanche, toujours au sol.

Même si la puissance de l'homme avait diminué, les jambes de la jeune femme ne répondaient plus.

- Moi-même. Mais appelle-moi grand-père.

Il bougea à pleine vitesse et d'un battement de cil, il se retrouva accroupit devant elle. Doucement, il posa sa main sur son visage et Blanche suivit son geste du regard.

Grand-père ? C'était là un véritable honneur. Mais elle n'eut pas le temps de s'attarder dessus.

- Il s'est battu corps et âme pour toi, si tenté qu'il en a une...

Blanche s'étonna encore une fois. Comme si elle avait arrêté depuis qu'elle s'était endormie. Il parlait de qui ?

- Mon petit-fils ne te dira peut-être jamais qu'il t'aime, mais il t'aime pourtant bel et bien.

Cette fois-ci, la rousse ouvrit béatement la bouche alors qu'Odin retira sa main de son visage. Bon là, c'était fort de café ! Libre, elle jeta un coup d'œil au loup qui s'était fait la malle.

Encore ? Dire au revoir, c'était trop demandé ?

Son attention se reporta sur la seule personne qui restait.

- Que se passe-t-il ? Demanda la jeune femme, soudain inquiète.

Il n'était pas venu pour déclarer la flamme de Fenrir, non ?

- Je suis venu t'apporter un peu de répit, une nuit sans rêve et une réponse à tes questions.

Blanche le remercia d'un sourire. Mais avant d'avoir pu lui dire quoi que ce soit d'autre, tout s'effaça et elle sombra.

Quand elle se réveilla dans leur maison, à Saphir et à elle, seul un mot résonnait dans son esprit :

Bientôt.

Le temps était bientôt venu pour elle de partir...

Et en parlant de partir, jetant un coup d'œil à l'horloge murale du salon, dont le tic tac était apaisant...

Ah bah non ! Elle se sentait reposée comme si elle avait dormi pendant des jours, pourtant, c'était loin d'être le cas. À peine une heure s'était écoulée.

Elle vérifia le jour sur son téléphone qui l'aveugla au passage. Ne voyant pas qu'une certaine personne la fixait du regard, assis sur le seul fauteuil disponible.

Elle se releva et fit un bond en arrière, tapant sa tête contre le dossier. Un craquement sinistre se fit entendre. Mince ! Le canapé ! Puis, elle éclaira l'individu caché dans l'ombre de la nuit noire. Ce tenant la poitrine, elle s'écria :

- Punaise ! Tu m'as fait peur.

Son soulagement était palpable. Fenrir qui n'avait pas pris la peine de dire au revoir était de retour.

- Alors comme ça, Votre Grâce, vous êtes amoureux de moi ? Le taquina Blanche, de bonne humeur, oblitérant le sofa exprès.

Fenrir haussa un sourcil, se leva d'un bond, ramenant sur lui-même sa veste crème trois quarts et sur un ton maussade, lança :

- Ne dis pas de bêtises et suis-moi.

Blanche qui concrètement venait tout juste de se réveiller, haussa les épaules, vira le plaid et se leva à sa suite.

Mais le monde ne tarda pas à tourner et la seconde suivante, elle n'était plus dans le salon de sa maison, mais dehors dans une rue bien éclairée malgré la pénombre.

La chaleur la prit à la gorge. Heureusement, ne s'attendant pas à sortir, elle ne s'était pas vêtue de son manteau. Encore heureuse. On étouffait par ici ! Où avait-elle atterri ? Dans les terres du Sud ?

Les lampadaires jaunes, dans un vieux style, noir, avec des fenêtres en verres, surmontées d'un petit chapeau hexagonal, donnaient un petit charme à cette allée pittoresque.

Si Fenrir ne s'était pas arrêté, ce n'était pas le cas de Blanche qui admirait les maisons plus grandes et plus belles les unes que les autres. Elle dut courir avec sa nouvelle vitesse pour rattraper le Dieu métamorphe.

L'endroit où ils se dirigeaient donnait sur une impasse. La maison au bout était plus imposante, plus belle aussi. Plus... Tout. Bien sûr, c'est devant celle-ci que Fenrir s'arrêta.

Un homme plutôt décharné et dégarni sortit, habillé d'un costume que Blanche ne connaissait que trop bien. Le même que celui de Cassian.

- Maître, dit-il en s'inclinant, avant de porter son attention sur la rousse.

Sa réaction fut si forte que Blanche recula. Le vieil homme pleurait et s'inclina à nouveau, plusieurs fois. Elle jeta un coup d'œil à Fenrir.

- À l'évidence, Jeff t'apprécie plus que moi.

Puis il entra alors que Jeff gémissait des « maîtresse, je suis si heureux de vous revoir, maîtresse, vous êtes encore plus belle que dans mes souvenirs, maîtresse, vous nous avez tant manqué... ». Des maîtresses, en veux-tu, en voilà.

Elle entra à la suite du Dieu, le majordome sur les talons qui s'empressa de lui commander, à la première servante qui arriva, un thé corsé et des biscuits. Les préférés de sa maîtresse d'après lui.

Blanche soupira, chose rarissime, vous en conviendrez et secoua la tête de droite à gauche. À l'intérieur de la demeure, Monsieur s'était fait construire un véritable palais ! Avec un nombre incalculable de servantes toutes aussi dévêtues que le majordome était habillé.

Elles la regardèrent de manière hostile, chaque femelle d'une beauté indescriptible et unique dévisageaient Blanche, comme si elle était une nouvelle concurrente. Toutes néanmoins humaines.

- Excusez-les, maîtresse, continua la majordome juste derrière elle, elles ignorent qui vous êtes. Elles n'étaient pas là, la dernière fois que vous nous avez rendu visite.

La jeune femme opina alors que Fenrir s'installait à une petite table de café, regardant quelque chose sur son téléphone. Les chaises étaient hautes et Jeff la lui tira. Comprenant qu'elle devait s'assoir, elle le fit.

L'intérieur de la maison était à ciel ouvert, sur deux étages. La table de café était placée au centre, près d'une fontaine qui donnait sur une piscine spectaculaire, dont le sol était sableux. Blanche l'adorait déjà. Il y avait des sculptures sur chaque colonne qui soutenait l'ensemble, couverte de plante luxuriante en tout genre.

Les femmes qui restaient plus loin aux abords des chambres ou des pièces à vivres ne perdaient pas une miette du spectacle.

- Où sommes-nous ? Demanda la rousse.

Fenrir reposa son téléphone, alors qu'une femme venait à leur rencontre, un plateau chargé dans ses mains.

- Chez moi.

La serveuse portait un ensemble, un shorty ultra court en jean, qui aurait donné une crise cardiaque à son professeur d'histoire, une chemise rose nouée sur le devant, montrant son nombril et son piercing rose bonbon, assortie à ses escarpins vertigineux.

La chevelure de la blonde était longue néanmoins pas assez comparé à celle de la joueuse.

- Qu'est-ce que je fais ici ? Reprit-elle alors que la jeune femme, plus âgée qu'elle, la servait. Merci.

La serveuse, subtilement maquillée, haussa un sourcil parfaitement épilé, attendant, elle aussi, la réponse du maître des lieux.

- C'était nécessaire pour savoir où me trouver.

- Pour ça, il suffisait juste de me donner l'adresse, lui répondit-elle avant de pousser un gémissement.

Ce gâteau au miel était une tuerie ! Fenrir sourit, la regarda et attendit qu'elle finisse patiemment, pour lui passer le pouce sur ses lèvres, retirant les miettes. Un simple prétexte.

Puis, il suçota son propre doigt avec gourmandise. Blanche déglutit puis avala un peu de son thé. Avant de tousser. Il était passé de travers.

- Belle, laisse-nous.

La serveuse qui n'avait pas bougé s'inclina avant d'obéir. Mais celle-ci, comme toutes les autres, s'arrêta à la lisière du patio.

- Avant que tu ne poses la question, ma demeure est un centre de charité, reprit le Dieu comme si de rien était avant de lui tendre un verre d'eau. Un foyer pour femme en détresse.

Blanche allait de surprise en surprise. Elle s'était attendue à beaucoup de choses, mais pas à ça.

- Comme tu le sais ou peut-être pas encore, je m'occupe des Métamorphes. La plupart de ces femmes avaient, pour compagnon l'un d'entre eux. Du jour au lendemain, mordus, ils deviennent violents. Alors leurs femmes, leurs filles, trouvent refuge ici.

Le dieu arrêta là son explication, attendant un retour, il croisa ses mains au-dessus de la table. Troublée par ses magnifiques yeux vairons, elle balbutia quelques mots.

- C'est très gentil de ta part.

Fenrir pencha sa tête sur le côté et lui révéla son plus grand secret.

- J'ai une fille, née louve. Bien que son esprit soit humain, disons, elle a été condamnée à vivre éternellement sous forme animale.

Fenrir père ? Elle était abonnée au forfait « surprises ! ».

- J'en suis navrée, murmura Blanche.

Fenrir sourit tristement avant de reprendre son visage sinistre.

- C'est pour ça que tu as tout le temps l'air de vouloir tuer quelqu'un ?

Pour toute réponse, il éclata de rire. Aussitôt, l'animosité ambiante s'accentua. Elle attendit qu'il finisse avant de reprendre.

- Elles sont toutes dingues de toi ou quoi ?

Fenrir sourit démesurément.

- Et bien, tu ne tomberais pas follement amoureuse de l'homme qui te sauve toi ?

- Tu sais bien que non, s'amusa Blanche. Du moment que tu n'en profites pas.

- Juste un peu, promis Fenrir. Un tout petit peu.

Blanche passa une excellente nuit en compagnie du loup. Assise sur une chaise, elle découvrit bien plus qu'un homme cruel derrière la façade. Bien qu'elle sût qu'il était capable de bien des atrocités, la vie n'était pas toute blanche ou toute noire.

Et pour le moment, elle n'avait rien vu de ses massacres. Donc, faire l'autruche une nuit et profiter un peu, ne ferait de mal à personne.

Quand l'aurore pointa le bout de son nez, une nuance de rouge, de rose et d'un bleu tendre qui donnait l'impression d'avoir été filtré tant la lumière était vive et pourtant douce, l'heure de rentrer sonna.

Fenrir matérialisa à nouveau un portail et la laissa franchir le seuil qui menait aux pieds de son dortoir, non sans l'avoir embrassée sur la joue.

- J'attendrai le jour où tu m'embrasseras de ton plein gré avec impatience.

La jeune femme avait levé les yeux au ciel avant de passer le portail et lui avait envoyé un bisou de la main comme elle le faisait avec Eva.

Justement en parlant de sa meilleure amie, elle soupira avant de voir le temps d'attente de ses compétences. Même si elle avait passé une semaine au manoir, visiblement ça ne marchait pas.

Elle allait devoir la réveiller pour rentrer dans la résidence. Eva et réveillé dans la même phrase ? Que n'importe quel dieu lui vient en aide...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top