(Dédicace à Elose7824, dont j'adore les écrits).

Blanche se matérialisa debout. Déséquilibrée, ne s'y attendant pas, sans compter qu'il faisait sombre, elle tomba tête la première sur un carré d'herbe fraîche, mouillée par la rosée du soir.

Note à elle-même, s'asseoir ou s'allonger avant de valider la mission. Elle se releva doucement, les sens en éveil, l'ouïe aux aguets. Elle s'essuya le visage à l'aide de sa cape. Rien, pas un bruit. Aux cieux, une lune plus grande et parfaitement lisse éclairait la plaine. Sans compter sur la géante gazeuse nuancée de rose. Le ciel était magnifique ce soir.

La fenêtre du jeu s'ouvrit alors, illuminant davantage les alentours.

Stats Acquises :

Force +345
Agilité +356
Rapidité +345
Sagesse +337
Intelligence +337

Drainage-Niveau5
Vol-Niveau5
Carnage-Niveau3
Repos-Niveau4
Nage-Niveau2
Aura-Niveau5
Peur-Niveau1

Sixième niveau : L'Est, Partie 2.
Objectif : Vous devez débarrasser le monde de la vermine. Cinquante gobelins.
Temps : Sans limite.
Récompense de mission : À voir.

- Cinquante ?! Rien que ça ? Grogna la jeune femme, pas si surprise que ça.

Blanche savait qu'elle devait rentrer à la caserne. Mais l'envie de passer le niveau dix le plus vite possible fut plus forte. Son instinct lui disait que c'était une bonne idée, malgré les nombreuses préventions de ses nouveaux amis. Et puis, ce n'était pas comme si elle ne savait pas comment revenir au plus vite dans ce monde de fou.

Donc, au lieu de prendre la route direction la caserne, elle rebroussa chemin vers la grotte. Où elle croisa une patrouille de gobelins qui venaient tout juste de la quitter. Elle liquida le premier avec son sort de prédilection et tua les deux autres de son épée. Ils n'offrirent aucune résistance.

Un seul coup bien placé. L'entraînement intensif de Derek avait porté ses fruits. Elle était bien plus rapide que ses adversaires, les pauvres n'avaient même pas eu le temps de dégainer.

À la seconde vague, en plus d'utiliser « drainage », elle utilisa également « peur ». L'effet fut immédiat, le sort ne tua pas, mais sa proie s'immobilisa en tremblant pendant une dizaine de secondes environ avant qu'il ne se remette à bouger. Quand elle monta au niveau deux, en plus de ne plus remuer, les réactions furent partagées entre ceux qui poussèrent un hurlement et ceux qui se soulagèrent inconsciemment. Le temps d'application s'allongea aussi. Au troisième niveau, les réactions furent les mêmes, en rajoutant une perte d'équilibre. La plupart tombaient à genoux tant la peur était grande.

Sa curiosité l'emporta sur son éthique.
Elle passa alors plusieurs heures seule devant l'entrée en augmentant ses capacités, en se soignant et en liquidant ses cinquante gobelins. L'exercice, la solitude, l'adrénaline et enfin l'impression d'avancer, d'être plus forte, l'exalta au plus haut point.

Elle comprenait enfin les gamers du monde entier. Une fois puissante, c'était bon de faire trembler ses ennemis. Désormais, un plus grand problème se posait : apprendre à se retenir. Ce serait con de prendre la grosse tête.

Une fois fait, elle s'éloigna au grand jour et retrouva l'endroit où elle s'était arrêtée avec Argy. La fenêtre bleue était vraiment une plaie et elle n'était pas vraiment satisfaite de ses progrès, mais c'était déjà ça de gagné.

Stats Acquises :

Force +357
Agilité +357
Rapidité +357
Sagesse +357
Intelligence +358

Drainage-Niveau5
Vol-Niveau5
Carnage-Niveau3
Repos-Niveau4
Nage-Niveau2
Aura-Niveau5
Peur-Niveau3

Objectif atteint !
Choix de récompenses... En charge.

Une minute après, les deux derniers mots disparurent pour laisser place à :

Mensonge-Niveau1
Poison-Niveau1
CoeurNoir-Niveau1

La dernière compétence l'intrigua et son descriptif encore plus.

Compétence passive, permet de se focaliser sur le combat, de garder le contrôle, la tête au calme et froide dans une situation critique. Le temps ralentit pour mieux comprendre la situation et établir une stratégie gagnante. Elle s'active automatiquement lorsque le système évalue un potentiel ennemi à proximité, sinon cette compétence peut s'activer comme un sort.

La jeune femme n'hésita pas un seul instant à prendre cette dernière, avant de se déconnecter. Si les gobelins n'étaient pas très effrayants, les orcs continuaient de hanter ses cauchemars. Et ce n'était qu'une créature de base, d'après Fen. Il y en avait d'autres bien plus terribles dans la nature.

Elle se réveilla épuisée. Comme si elle n'avait pas assez dormi. Bien au chaud, calée contre le corps de sa meilleure amie qui ronflait dans le noir complet, elle ne tarda pas à se rendormir. Cette fois-ci, elle suivit les conseils d'Argy et se dirigea d'abord vers la caserne, de nouveau en pleine nuit.

Septième niveau : L'Est, Partie 3.
Objectif : Vous devez débarrasser le monde de la vermine. Cent cinquante gobelins.
Temps : Sans limite.
Récompense de mission : À voir.

Elle prit la route direction plein nord, et au bout de quelques minutes, elle entendit des bruits de pas derrière elle. Blanche s'arrêta, observant les alentours qu'elle distinguait de mieux en mieux. Toujours rien. Prudemment, elle reprit sa route. Mais si la joueuse n'entendit rien, elle se sentit tout de même observer, si bien qu'elle dégaina doucement son épée.

Tu comptes me faire quoi avec ça ?

- Phénix ! S'écria-t-elle. C'est pas cool ! Me faire flipper comme ça !

Quelque chose entre deux arbres se mouva avec grâce. Une chose qui grogna. Une bête qui avait un pelage d'un noir intense et deux yeux argentés qu'elle connaissait très bien.

- Phénix ? Demanda la jeune femme, étonnée.

Tu aimes ? Moi, j'adore.

Le démon s'avança et elle découvrit alors une magnifique panthère noire, bien plus grande que celle qui constitue la véritable espèce. Celle-ci devait faire au moins la taille d'un ours adulte.

- Bah mince alors, Phénix !

Il vint ensuite caresser son énorme tête sur le visage délicat de sa maîtresse. Celle-ci en profita pour le toucher. Il était beau et majestueux, à couper le souffle. Blanche rengaina son épée.

Tu vas avoir besoin de ta corde.

- Hein ?

La jeune femme était encore éblouie par l'immense créature qui se tenait devant elle et qui, bizarrement, ne voulait pas la manger. Le familier renifla.

Blanche, ta corde.

La jeune femme dut faire un effort considérable pour arrêter de le fixer avec émerveillement pour se concentrer sur son sac. Elle sortit son ancienne corde, celle qu'elle n'avait pas utilisée depuis son ascension dans l'arbre.

- Que veux-tu que je fasse avec ?

Passe là entre mes pattes de devant.

Dubitative, Blanche suivit alors à la lettre ses instructions. Elle mit la corde au-dessus de l'immense bête, un peu plus bas de sa nuque, puis en bas entre ses pattes de devant en les croisant au milieu et laissa du mou en hauteur. Elle en fit deux fois le tour. Ensuite, Phénix se posa en douceur sur le sol.

Retire ton écharpe et enroule-la autour de la portion de corde au-dessus.

Blanche obéissait et une fois finie, elle comprit alors ce qu'elle venait de faire.

- Tu plaisantes ? S'écria la jeune femme.

Te fait pas prier.

La jeune femme leva les yeux au ciel. Bordel de merde. Elle n'avait jamais fait de cheval, alors monter sur le dos d'une panthère... Elle vérifia son sac, bien accroché, ajusta sa cape et se cala comme elle pu sur le dos de l'immense bête. Son pelage luisant et doux ne lui laissait aucune prise, voilà qui expliquait l'usage de la corde. Il se leva sans la prévenir et elle attrapa, comme elle pu, son harnais de fortune.

Agrippes-toi bien. J'ai envie de me dégourdir les pattes.

Blanche hurla quand il bondit, serrant les cuisses. Mais Phénix savait ce qu'il faisait et au bout d'un moment, la rousse n'eut plus peur et au contraire profita du voyage. La panthère était chaude et malgré les basses températures qui revenaient tandis qu'il montait au nord, elle n'avait pas froid. Le vent fouettait fort, mais grâce à la cape et à l'agilité de sa monture, elle se sentait bien.

Tu vois que tu as bien fait de me débloquer en premier. Tu ne le regretteras pas.

La jeune femme ne prit même pas la peine de répondre alors qu'elle venait d'apercevoir la rivière. Le chemin qui lui avait pris des heures avec Argy à pied n'en avait prit qu'une sur le dos de Phénix. La splendide panthère sauta à travers les rochers sans même se mouiller les pattes.

Blanche ne tarda pas à voir la caserne. En haut sur le toit, une silhouette sombre se dessinait. Si le bâtiment dans la nuit était aussi lugubre qu'en journée, le reste n'en était pas moins beau. Pourtant, la magicienne savait à quel point il faisait bon d'y vivre. L'habit ne fait pas le moine.

À peine eut-elle descendu de Phénix qui venait de franchir le portail, que l'ombre sauta du toit et atterri avec souplesse devant l'entrée. Blanche reconnue sans peine l'aura de l'homme. Cette douce chaleur du désert lui avait tellement manqué.

- Neige.

- Aaron, le salua-t-elle, se rappelant à temps d'utiliser son pseudo.

Cela lui suffit pour illuminer son visage en un sourire éblouissant qui fit battre le cœur de la jeune femme à grande vitesse.

- Rentrons à la maison, lui dit-il, en lui tendant la main.

Blanche lui donna la sienne sans la moindre hésitation et il l'attrapa avant de la tirer dans ses bras. La rousse fut surprise par l'élan et la réception. Elle se sentit fondre tout contre lui, pourtant il était plus gelé qu'elle. Il avait dû attendre longtemps son retour sur le toit. Il la relâcha et ils entrèrent main dans la main à la caserne. Phénix en avait profité pour disparaître sans un mot.

Blanche s'arrêta dans l'entrée alors que la chaleur s'insinuait dans tout son corps. Ils retirèrent leurs capes et elle posa son sac. Elle fixa les superbes écailles de drakion, droites et nacrées.

- Ce sont les miennes, pas vrai ?

- Oh, murmura Aaron, puis il se reprit. Oui.

Blanche le regarda et pour la première fois, elle le vit rougir. Après, il redevient impassible, ressemblant davantage à son alter ego.

- Il faut qu'on parle, trancha-t-il.