27. Jamais Deux Sans Trois Rois


Celui-ci la regarda où elle perçut une vive intelligence derrière ses yeux familiers. Ses cheveux étaient coiffés à la perfection dans un style sobre, mais chic.

Il fit un geste vers elle. Intriguée, elle le laissa faire, mais avant même de poursuivre, il laissa tomber son bras.

- Tu lui ressembles, murmura-t-il, trait pour trait à ma Lizbeth, sauf les yeux, reprit-il, ému.

- J'ai les yeux de mon père, lui affirma-t-elle alors.

Bon sang ! Que disait-on à son grand-père, que l'on rencontrait pour la première fois ?

- Comment ta mère...? Comment a-t-elle pu...?

Visiblement troublé, il essaya de reprendre contenance sans vraiment y arriver. Puis, il dirigea un regard meurtrier à Kiyan. Son aura s'assombrit d'un coup alors que la jeune femme eut un mouvement involontaire et plutôt rapide de protection. Elle se mit devant son professeur, dont l'hostilité qu'elle sentait dirigée vers son tuteur, ne lui disait rien qui vaille.

Sauf que Kiyan avança d'un pas, la protégeant à son tour de son corps.

- Tu savais ! Tu savais que j'avais une petite-fille et tu ne me l'as pas dit ?! Rugis littéralement Winter, blessé. Et ça se dit monarque !

Son rugissement ébranla Blanche au plus profond de son être. Monarque ? Qui ? Kiyan ? Elle regarda son profil.

- Elsa m'avait fait jurer de ne rien te dire, et puis je n'ai de compte à rendre à personne et surtout pas à toi, répondit son professeur avec verve, le port altier.

Winter inspira, puis doucement la chaleur regagna ses pupilles.

- J'ai une petite fille, murmura-t-il, surpris, n'en revenant visiblement pas.

Il souffla et ses épaules s'affaissèrent comme si un grand poids venait soudain de disparaître de ses épaules. D'ailleurs, il porta une main à son visage qu'il pressa dessus. Les yeux encore virés sur Blanche entre ses doigts.

- J'ai besoin de m'asseoir, dit-il à voix haute, atone.

Quelque chose lui disait que cela lui avait échappé. Blanche n'y fit pas attention et alla prendre une chaise de son côté droit. Non seulement, elle ne voulait voir personne d'autre depuis la baie, mais il ne fallait pas qu'on ne la voit plus que nécessaire. De plus, le vampire n'avait même pas bouger d'un pouce. Winter regagna sa chaise en se laissant tomber. Le coude plié sur la table, la main près de sa bouche, il fixait la jeune femme comme si elle sortait d'un rêve éveillé. Kiyan s'assit près d'elle et c'est ainsi qu'ils se retrouvèrent tous deux devant le vampire.

- Comment va ta mère ?

- Bien, j'imagine, répondit Blanche sans réfléchir, captiver par l'échange de regard entre les deux meilleurs amis.

- Tu imagines ? Releva cependant le roi des drakions.

- Elle m'a appris hier que j'étais une Drake, que les dragons existaient, la magie aussi et en option que j'avais un grand-père et un père avant de filer et de me laisser sur les bras de monsieur Ardachir, comme à son habitude, alors oui, répliquai la jeune femme. J'imagine.

Le silence qui suivit sa tirade était si épais qu'on aurait pu marcher dessus.

- J'y crois pas, murmura une voix, haut perchée et musicalement parlante, une œuvre d'art, avant de dire une bourde plus grosse que lui. Une princesse drakionne vierge.

Blanche jeta un regard à l'elfe, peu flatteur, le seul que méritait son intervention, bien qu'amusée. Tous les autres firent comme s'il n'avait rien dit, comme s'ils étaient habitués aux conneries qu'il pouvait débiter.

- Bien que cela ne vous regarde en rien, le tacla-t-elle. Et vous êtes ?

C'est Kiyan qui se donna la peine de faire les présentations. 

- Blanche, voici William Igniacio Nicolas Terence Heraclio Richard II Drake, dit Winter, roi des drakion, puis voici également, le roi vampirique, Mircea, que tout le monde appelle le roi Sebastian Greyson. Son garde du corps attitré et son chef de la garde, Matthew et son lieutenant, garde attitré à son fils le prince Benjamin, communément appelé Kysten, le seul vampire elfique de toute la création.

Blanche ne put retenir un hochement de sourcil. Un elfe vampire, en voilà une contradiction sur pattes.

- Enchantée, répéta Blanche. Plus pour certains que d'autres.

L'elfe pouffa, les bras croisés, dans une attitude insolente. Soudain, il tressaillit. La jeune femme regarda alors Sebastian dont les pupilles avaient viré au blanc avant de revenir au noir.

- Intéressant, murmura-t-elle.

Le vampire royal lui sourit alors, un sourcil relevé.

- Tu déteins sur elle à ce que je vois, dit le roi vampirique à son meilleur ami.

Sa voix était basse, riche et vibrante de pouvoir. Un plaisir pour les oreilles.

- Je comprends pourquoi tu insistais toujours pour ne pas me faire visiter ta nouvelle maison. Une fille ne te suffisait pas ? Il t'en fallait une deuxième ? Est-ce que toi et Elsa...

- Par Babylone ! Non, coupa Kiyan face aux mots durs de son meilleur ami. Je dépannais juste Elsa en faisant du baby-sitting, puis Blanche est naturellement devenue amie avec Eva. Les filles passent le plus clair de leur temps ensemble. Comment peux-tu...?

- Attendez une minute, rugit de nouveau le drakion, dois-je comprendre que j'étais le seul à ne pas savoir où se trouvait ma fille ?

Sebastian haussa les épaules. Kiyan quant à lui, fouilla dans sa poche pour s'en griller une.

- Du baby-sitting ? Que fait-elle au lieu de s'occuper de sa fille ? Continua le drakion, regardant la cigarette de Kiyan comme d'un moustique.

Comme personne ne sembla vouloir dire un mot, Blanche se jeta à l'eau.

- J'adore ma mère, avoua la jeune femme, mais elle n'a jamais eu la fibre maternelle, au moins en a-t-elle pris conscience et confié à quelqu'un de compétent mon éducation. Elle préfère se perdre corps et âme dans le travail et de ce que l'on m'a dit, elle tiendrait ce trait de caractère de vous, grand-père.

Le roi vampirique éclata alors d'un rire qu'il essaya de cacher sous une fausse toux, sans toutefois y parvenir. Apparemment, Blanche était à mourir de rire puisque des larmes de sang perlèrent de ses yeux redevenus améthystes.

- Le roi Winter Drake, appelez grand-père ! S'exclama-t-il encore riant. Si on me l'avait dit un jour, je ne l'aurais pas cru.

Blanche fit une grimace et jeta un coup d'œil à Winter. Elle n'avait pas le droit...?

- J'aime bien, lui répondit-il à sa question muette, celle qui l'autorisait à l'appeler ainsi.

Elle eut alors un sourire ravissant, puis sa mémoire absolue choisit ce moment-là pour lui rappeler que selon les légendes, le Roi Mircea avait été surnommé Vlad l'Empaleur ! Elle regarda le vampire d'un œil nouveau alors qu'il essuyait ses larmes avec un vrai mouchoir en tissu que lui avait donné son chef de la garde. Décidément ! Quel monde de fou.

- Quelle est ta couleur préférée ? Lui demanda son grand-père avec le plus grand sérieux.

La jeune femme éclata de rire à son tour, puisqu'elle ne s'y attendait pas. Cela devait être le but, puisque ses yeux pétillèrent d'amusement.

- Elle n'en a pas, répliqua Kiyan. Elle aime toutes les couleurs.

Maintenant, si pensa-t-elle : c'est un blanc nacré comme les perles. Mais inutile de le dire à voix haute, surtout pour ne pas faire mentir le professeur.

- De combien de temps disposez-vous ? Demanda Winter à Kiyan.

Celui-ci jeta un coup d'œil à sa montre, dont le cadran noir refléta ses yeux.

- Quelques minutes tout au plus, il se fait tard et il y a école demain, dit Kiyan.

Blanche fut ravie de découvrir quelques pâtisseries au centre de la table. Qu'elle attrapait sans s'en formaliser. Le sucre était son péché mignon et les desserts lui avaient terriblement manqué cette semaine.

- Quel âge as-tu ? Murmura son grand-père qui la contemplait, ne manquant aucun de ses faits et gestes.

- Bientôt dix-sept, lui répondit-elle, une fois la bouche vide.

- Dans six mois, grogna Kiyan.

Winter appuya sa tête sur son poignet et la regarda avec béatitude.

- J'ai tellement de questions que je ne sais même pas par quoi commencer, Blanche. 

Il la regarda à nouveau, puis déclama :

- Ce prénom ne te va pas du tout !

- À qui le dites-vous ? Gémis, la jeune femme. Mais hélas, je ne réponds qu'à celui-là, la force de l'habitude, je suppose.

- Eh bien, je vois que tu ne tiens pas de ta mère...

- J'aimerais bien vous dire que je tiens plutôt de mon père, encore faut-il l'avoir rencontré avant...

Il se frotta la tête, perplexe.

- Oui, c'est vrai. Tu ne le connais pas encore... Qui est-ce ? Et par Saphir, comment cela se fait-il que tu ne saches pas qui est ton père ?

Blanche regarda Kiyan.

- Je ne suis pas encore certain... se lança le djinn, évitant tout contact, les yeux rivés vers le sol.

- Je vois, eh bien, quand tu le sauras, j'aimerais aussi le savoir, Altesse, grinça Winter, peu dupe.

Blanche jeta un regard Kiyan qui en dit long. Il ne perdait rien pour attendre. Mais pour l'instant, elle savourait les quelques minutes passées avec son grand-père. Elle se rendit compte qu'elle l'appréciait et apparemment, c'était réciproque.

- Mince alors ! J'ai une petite-fille ! S'écria-t-il en se levant d'un bond.

Avant de se rassoir tout aussi tôt en reprenant la pause. Blanche sourit, amusée par son manège. Il s'avança et de son index, il lui toucha la joue. Comme pour s'assurer qu'elle était réelle. Une fois, deux fois, la troisième fois, elle tapa son doigt. Elle en fut mortifiée.

- Désolée, c'était un réflexe ! S'excusât-elle.

- C'est un très bon réflexe, répliqua son tuteur, visiblement stupéfait du comportement de Winter. Ma parole, c'est que vous êtes complètement gaga...

- Pourrions-nous nous revoir ? Avec ta mère ? Reprit Winter, ignorant expressément Kiyan.

- Pourquoi pas ? Il faudrait que je lui demande.

Même si elle se doutait de la réponse.

- Qu'est-ce qui a bien pu motiver ta mère à te parler enfin de moi ? Reprit-il avec curiosité.

- L'âge, je suppose, répondit Blanche, innocemment, tout en prenant une seconde pâtisserie sur l'un des plateaux encore sur place.

Tous savaient pertinemment qu'elle mentait comme une arracheuse de dent, mais puisqu'ils n'étaient pas sûrs qu'elle savait que des créatures aussi puissantes qu'eux pouvaient discerner le vrai du faux, ils ne surent comment réagir.

Kiyan leva les yeux au ciel avec un demi-sourire sur les lèvres.

- À chaque fois que je me dis que tu ne peux pas faire mieux, tu fais en sorte de me contredire...

La rousse haussa les épaules avec désinvolture tout en grignotant l'éclair.

Kysten éclata alors de rire. Un rire champêtre, léger et cristallin.

- Mon petit doigt me dit que ses prochaines années risquent d'être fort intéressantes !

Sebastian soupira.

- Il est toujours aussi amusant ? Lui demanda Blanche.

- Intenable, surtout, répliqua le Roi, renfrogné. Vous le voulez ? Je vous le donne volontiers.

- Eh ! S'indigna l'elfe vampire.

L'humeur de tout le monde se fit plus légère et même Matthew avait arrêté de bougonner.

- Quoi que, maintenant que j'y pense, s'exclama l'elfe excité, me feriez-vous l'honneur, Votre Majesté, de prétendre être votre cavalier au Gala Vampirique que nous organisons ce week-end ?

Blanche regarda Kysten bouche-bée. D'abord, elle crut que l'elfe avait invité son tuteur, bien que peu probable, puis comme il la regarda en attendant visiblement une réponse de sa part, elle planta. Comment ça « Votre Majesté » ? Il ne lui proposait pas ça à elle au moins ? Si ?

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