Elle prit le temps sur le banc d'essorer ses longs cheveux et en profita pour les natter. Enfin, elle entreprit de s'occuper de ses dents. Le bonheur qu'elle y ressentit fut incommensurable. Elle les brossa non pas une, ni deux mais trois fois.

Elle enfila ensuite ce qui semblait être un boxer en coton, une brassière de sport, des chaussettes épaisses, un pull rêche, le tout de couleur noire. Seul le pantalon cargo était d'un vert kaki. Elle avait même le droit à des bottes militaires toutes neuves à sa pointure ! Soudain, elle comprit l'endroit où elle se trouvait. Cela lui avait tout l'air d'être une ancienne caserne.

Prête autant que possible, elle passa alors dans la pièce suivante où un large réfectoire l'attendait. Une sorte de « mess ». La lumière ici était blanche et les néons clignaient à loisir. Les tables étaient rondes et les chaises à l'ancienne reliées directement à la table. Elles étaient toutes libres sauf deux d'entre elles, la toute première qui avait été changée en poste de télésurveillance avec un nombre incalculable d'écrans et celle du milieu où le brun l'attendait avec deux couverts dressés.

- Bah, merde alors ! C'est trop chouette ici ! Laissa-t-elle, échapper.

- Merci, on essaye de la décorer comme on peut, lui dit-il en lui montrant les moniteurs et quelques rayonnages. Alors bienheureuse de revenir à la civilisation ?

- T'as pas idée, soupira la jeune femme en ramenant sa natte devant.

- Waw, siffla-t-il, tu as les cheveux plus longs que mon mec !

Blanche pencha la tête et s'approcha plus près de la première table. Elle remarqua que les caméras filmaient l'extérieur et qu'elles étaient fixes, mais qu'il n'y avait aucun angle mort. Même celle sur le toit. L'odeur iodée s'atténuait dans l'enceinte du bâtiment, ce qui était plus agréable. Après le portail, elle y vit deux huttes dont l'une devait être celle de Rauõr et au-delà, au loin, dans une baie portuaire, on pouvait voir le village viking bordé de l'immense forêt.

- Rien à signaler, grogna Nicky, je déteste l'hiver, c'est morne et terne. Dommage qu'il vient juste de commencer...

- Quoi ? S'écria Blanche.

- Oui, pas de chance. T'as atterri à la pire période et les températures viennent tout juste de chuter. Fais attention, ici, l'hiver est rude et les tempêtes de neiges sont monnaies courantes. Heureusement qu'on t'a trouvé à temps...

Blanche fit la grimace à cette annonce. Elle s'imagina seule au monde, en haut d'un arbre, en plein milieu d'un blizzard. Elle était sûre qu'elle n'aurait pas survécu longtemps...

- Merci de m'avoir trouvé et de veiller sur moi.

- Y'a pas de quoi, sourit le jeune homme, alors qu'il montra la table du milieu d'une main, aller viens manger pendant que c'est chaud.

Il n'eut pas à répéter une seconde fois, Blanche distingua alors des...

- Des œufs ? Des vrais œufs brouillés ? Et ça, c'est du bacon ? Sérieusement ? Lui demanda la rousse.

- Il est sec, mais délicieux, grâce aux vikings. On les soigne avec la magie et parfois, on aide même à la construction de certaines choses en échange de la bouffe. Profite, car quand l'Elfe est là, c'est verdure pour tout le monde. On a beau lui dire que nos muscles de guerriers ont besoin de protéines, mais tu crois qu'ils nous écouteraient... Bah non, bien sûr que non. Le pire, c'est qu'on était quatre contre un, on aurait pu lui tenir tête. Mais voilà, monsieur fait sa diva et crois-moi, personne n'a envie de le foutre en rogne. Moi le premier.

Blanche se désintéressa de la conversation pour tout gober. Il y avait même des couverts qu'elle utilisait sans problème. Une fois rassasiée, elle prit le temps de savourer et de boire ce qui semblait être du cidre.

- C'est bizarre, pas vrai ? Il y a une minute, tu ne savais même pas comment te servir de tes couverts... Quand tu viens dans ce monde, tu oublies tout. C'est retour à la case départ. Mais quand tu montes ton intelligence, tu commences à te rappeler... Pas qui tu es, malheureusement, mais uniquement les trucs du quotidien, expliqua Nicky.

- C'est le meilleur repas que j'aie mangé depuis... Que je suis arrivée, reprit-elle en fronçant des sourcils. Comment ça se fait que je me sois réveillé dans un bâtiment en Outremonde comme celui-ci et qu'il y en ait un aussi ici ?

- Il y a eu un problème, il y a longtemps, des bâtiments remplis de personnes, on atterrit en Outremonde et à l'inverse, beaucoup de verdure a atteint dans d'autres mondes avec leurs lots de créatures surnaturelles. Aaron appelle ça la « convergence ». Ce bâtiment est, d'après lui, une sorte de caserne. Pour des soldats d'un autre monde, la planque idéale pour nous autres. Argy l'a découverte il y a une centaine d'années environ. Le reste, j'en sais pas plus que toi. Bref, avec le don d'Aaron, ils ont vite fait de la remettre sur pied. Le seul truc qu'il ne peut pas faire, c'est faire apparaître de la nourriture ou des êtres vivants. Du coup, faire commerce avec les vikings nous est primordial. Par contre, je t'avouerai que boire autre chose que ce jus de chaussettes me ferait pas trop de mal...

- Eh beh ! Mais c'est quoi l'Outremonde en fait ?

- Qu'est-ce que ton Dieu, t'as dit au juste ? S'exclama-t-il, surpris.

- Pars du principe qu'il ne m'a rien dit, ça sera plus simple, grogna la jeune femme.

Ce qui eut le don de le faire rire. Nicky lui expliqua alors ce qu'il appelait la convergence. Soit sept mondes qui existaient parallèlement ensemble : Epsilon, les Enfers, le Paradis, les Limbes, Elementary, le Monde Maudit et l'Outremonde qui se sont littéralement rentrés dedans.

Les créatures surnaturelles et la magie se sont mélangées entre elles. Ce qui fait que désormais tous ses mondes ont désormais les mêmes espèces en leurs seins. Certains plus que d'autres, mais que l'Outremonde est le vecteur et qu'il doit être régulé, c'est donc aux joueurs de le faire, c'est leur nature d'être. Nicky expliqua que si ce monde venait à s'écrouler ou à être perturbé par ne serait-ce qu'un grain de sable, cela se verrait aussitôt dans les autres mondes.

- Je vois, murmura la jeune femme. Donc, de parfaits petits soldats avec des pouvoirs pour faire régner l'ordre.

- C'est bien résumé.

Nicky lui expliqua alors qu'ils avaient eu affaire à d'autres espèces : des vampires, des magiciens, des sorciers, des métamorphes, des faës qui regroupaient en général, les elfes, les fées, les pixies, les êtres de la forêt comme les nymphes, les dryades, les sirènes, sans compter sur les orcs, les gobelins et d'autres trucs encore pas top dans ce gout-là.

Ensuite, il lui fit un topo sur les stats, il lui expliqua que la force n'était pas seulement un supplément physique, mais également d'agressivité et de volonté. Ainsi, chaque statistique avait par ailleurs un effet de synergie. La force allait de pair avec la rapidité. Qui l'aurait cru ?

Ironie quand tu nous tiens. Les dieux n'avaient fait que reprendre les bases d'un jeu lambda. Bref, l'agilité mêlait précision et efficacité qui, avec la force, rajoutait des dégâts critiques. La rapidité, quant à elle, rajoutait une maîtrise totale du corps. Agilité plus rapidité, donnait l'acuité visuelle et auditive décuplée. Les deux mêlés à la force... Blanche avait vu juste, ils étaient de véritables machines de combat.

Sans compter sur l'intelligence et la sagesse. La première, en plus de leur indiquer la marche à suivre, conférait des indications de plus en plus poussées sur leur interface de jeu. La seconde, quant à elle, augmentait leurs pouvoirs spéciaux et faisait en sorte d'augmenter leurs chances, que ce soit en synergie, qu'en dégâts supplémentaires.

Nicky lui raconta qu'Aaron, le plus vieux d'entre eux, n'avait plus que trente secondes d'attente sur «drainage ». C'était apparemment la compétence à saisir le plus vite possible, tellement elle était dingue. Bref, si elle voulait en apprendre plus, il lui suffisait de consulter les livres de la bibliothèque qui étaient remplis de leurs notes.

Blanche eut donc un engouement renouvelé pour monter ses compétences et ses statistiques. Elle qui ne raffolait pas de tueries, ni de jeux en tout genre, sa voix intérieure lui disait d'affronter son adversité, surtout qu'il s'agissait désormais de son monde et de question de vie ou de mort. De plus, elle avait beau être la petite nouvelle, il était hors de question qu'elle reste en bas du classement. Elle avait souhaité toute sa vie d'avoir un but à sa hauteur, c'était chose faite.