18. Perturbations Olympiques


Blanche sentit le parfum ensoleillé du désert, du citron et d'une touche de grenade avant même de se retourner. Elle dut se retenir de sourire avant de le faire. Qu'elle ne fut pas sa surprise de voir son regard noir orageux alors qu'il s'était changé pour nager.

Tétanisée devant le combo mâle en colère qui le rendait foutrement sexy et sa tenue minime de short de bain, laissant apercevoir ses belles tablettes de chocolat dorées, elle se retrouva soudain acculée jusqu'à la vitre.

- Où est Sean ? Demanda-t-elle en essayant de prendre un ton un minimum normal.

Chose qu'elle savait complètement rater puisque non seulement sa voix avait été trop perchée, mais en plus, elle avait détourné le regard devant cette sublime vision.

- À la piscine. Je lui ai donné un de mes shorts et j'en ai profité pour me changer. Mais là n'est pas la question. Tu vas me dire enfin ce qui t'arrive, oui ou non ?

Il croisa les bras et attendit.

- Euh ?... Non.

- Par Babylone ! Blanche ! S'emporta-t-il.

Il fourra son poing dans la bouche pour étouffer son cri. Puis, il l'attrapa par les épaules, envahissant son espace, fléchissant ses genoux pour mettre ses yeux à hauteur. Yeux qui étaient si noirs, que la pupille avait pris toute la place, oblitérant tout le blanc de ses yeux. Waouh, que c'était beau !

- Blanche, je t'en prie, j'aimerais juste t'aider, murmura-t-il, la voix rauque.

Elle se mordit de nouveau la lèvre, regardant aux alentours, nerveuse, sur le point de faire une grosse bêtise. Mais, elle n'arrivait pas à lui dire non encore une fois.

- J'ai besoin que vous me promettiez de ne rien dire à personne. À personne et surtout pas à ma mère, exigea la jeune femme.

Il la lâcha alors, se redressa, puis passa une main dans ses longs cheveux. Il la regarda, les yeux redevenus normaux et il souffla. Par la suite, il les ferma avant de baisser la tête.

- Promettez-le.

- Je te le promets, lâcha-t-il avec douceur.

Blanche ne s'était même pas aperçue qu'elle avait retenu sa respiration et expira d'aise.

- J'ai fait la connaissance de quelqu'un qui m'a disons donner une seconde chance, lâcha-t-elle, en se grattant la tête.

Elle avait dû réfléchir à chacun de ses mots pour ne pas mettre en péril les règles. Ç'aurait été con de mourir maintenant.

- Où ça ?

Elle grimaça, mais souffla tout de même le mot :

- Un autre monde.

- Qui ça ? Exigea-t-il alors.

Elle le regardait et elle vit dans son regard, dans sa posture et dans sa soudaine pâleur qu'il avait une petite idée sur la personne en question.

- Un dieu.

Kiyan leva la main sur son visage, où seuls ses yeux ambrés, quoiqu'assombris, restaient vivaces. Cette fois-ci, Blanche sut avec certitude qu'il savait ce qu'elle était devenue, bien malgré elle. Le prix qu'elle avait dû payer pour la vie de sa fille. Son regard doré ancré dans le sien, il s'immobilisa. Puis, comme animer, tel un prédateur, Kiyan commença alors à faire les cent pas.

Nerveux, il la regarda. Il ouvrit la bouche, la referma et continua son manège. Enfin, dans un souffle, il prononça la question.

- Tu es...

Son ton était inquiétant, vide.

- Non, non, non, non, murmura-t-il. Non. Pas maintenant ! C'est trop tôt. Tu n'as que seize ans !

Mais c'était trop tard. Bien trop tard et il le savait.

Attendez... Comment ça pas maintenant ?

- C'était donc comme ça que tu... Et tu as dormi trois fois depuis... Ses cauchemars à répétition... Tu as dû en voir de toutes les couleurs... Alors, tu viens d'atteindre ta spécialisation...

Blanche avait du mal à le suivre, complètement abasourdie, alors qu'il continuait à marcher. Comment savait-il ?!

- Tu vas pas tarder à arriver ! S'exclama-t-il.

Bon sang ! Mais qui était-il ? Qui était donc cet homme ? Et où diable allait-elle arriver ? Elle essaya d'émettre un son. Peine perdue.

- Oh Blanche ! Murmura-t-il avec un soulagement évident mêlé à une immense tristesse.

Il s'élança alors vers elle, l'attrapa et la plaqua contre lui, d'une force qui lui coupa le souffle.

- Par Babylone ! J'attends ça depuis tellement longtemps et maintenant que nous y sommes enfin, je ne sais même pas par où commencer...

Il la relâcha, capturant ses joues comme hier au soir, les yeux remplis d'un immense chagrin, qui lui fit battre le cœur encore un peu plus fort pour cet homme. Chose qu'elle n'aurait pas cru possible tant il battait déjà à plein régime.

- Pardonne-moi... Lâcha-t-il avec une infinie douceur.

Stupéfaite, elle vit alors une unique larme se déverser de son œil caramel. Il la prit de nouveau dans ses bras avec l'énergie du désespoir. Blanche ne comprit pas très bien ce qu'il se passait et pour cause, elle n'avait jamais vu Kiyan dans cet état. Elle aurait été incapable de dire s'il savait pleurer une minute plus tôt.

- Si j'avais su...

- Comment ? Balbutia la jeune femme, perdue.

- Tu es... Enfin, tu sais bien ce que tu es, Blanche ! Tu peux voyager dans le temps, et tu es venue me trouver. Tu m'as tout raconté, ta vie, tes espoirs, tes rêves. Mais jamais, tu ne m'avais avoué comment tu es devenue... Si j'avais su, j'aurais pu empêcher cet accident ! Mais tu ne m'as rien dit ! Pourquoi ?

Blanche le regardait estomaquer. On aurait dit Sean 2.0. Elle n'arrivait plus à suivre ses propres pensées. Elle comprit qu'elle allait survivre assez longtemps pour voyager dans le temps. Ce qui était déjà énorme ! Et que dans l'un de ses voyages, elle allait retrouver Kiyan, ce qui était déjà pas mal. Pour le reste, elle était si choquée qu'elle ne trouvait pas les mots.

- Que puis-je faire pour toi, si je ne peux même pas t'aider ? Lui murmura-t-il d'un souffle.

Alors Blanche éclata de rire. Elle ne put s'en empêcher. Trop, c'est trop ! Puis le rire se mélangea à des pleurs, elle ne savait même plus si elle pleurait ou si elle riait. Elle s'éloigna et finit par s'asseoir dans le canapé. Puis cela finit par se tarir parce qu'elle voyait mal lui demander la seule chose dont elle avait irrésistiblement envie. Son prof, le père de sa meilleure amie, le meilleur ami de sa mère...

Trop compliqué. D'abord, le plus simple.

- J'aimerais parler à mon grand-père et retrouver mon père, lui dit-elle alors quand elle put enfin prononcer un mot, ce qui était plus que vrai, même si c'était le quart de ce qu'elle avait vraiment envie.

Kiyan s'agenouilla devant elle et il essuya alors délicatement ses larmes de ses pouces.

- Je t'emmènerai cette après-midi voir Winter. Quant à ton père, on ira le voir mercredi, Ok ?

Donc, il savait où était son père. Cela ne l'étonnait même pas : il avait dû faire des recherches à l'insu de sa mère. Mais est-ce que cela avait été pour elle ? Pouvait-elle même espérer que c'était pour elle ?

- Ok.

- Rien d'autre ? Lui demanda-t-il, alors.

Si. Mais...

- Qui m'a renversé ?

Il la regarda un instant sans comprendre, puis...

- Le conducteur ? Il a pris la fuite. Je l'ignore encore... Mais si je le retrouve, crois-moi, je te mettrai au courant.

- Ça aussi, je ne vous l'ai pas dit ? Enfin, je veux dire pendant mon « voyage temporel »... À moins qu'on ne l'ait jamais su. Vous me le diriez en premier ? Ou après ces fameuses autorités ? Le questionna-t-elle.

- La vengeance ? C'est ça que tu veux ? Lui demanda-t-il, troublé.

- Je veux connaître l'identité de la pourriture qui renverse une lycéenne et qui se barre en l'écrasant davantage, explosa Blanche.

La colère déforma alors les traits parfaits de Kiyan, ses yeux retournant à une noirceur absolue.

Elle se raidit. Elle venait d'en apprendre plus sur cet homme en quelques jours que toute sa vie. Quoi qu'il en soit, la colère retomba aussi vite qu'elle n'avait surgi du néant.

- Soit. Je te le dirais avant. Autre chose ?

Elle hésita un instant, puis elle se résigna. Voyant qu'elle n'allait rien dire de plus, il précisa.

- Pour l'histoire d'hier soir, j'y ai réfléchi, lui confia-t-il.

Surprise, Blanche ne saisit pas où il voulait vraiment en venir... À moins que ?

- Je connais quelques drakions que je pourrais te présenter. Là-bas, pouvoir se transformer serait plus avantageux. Je serais plus rassuré de te savoir moins en danger en permanence, reprit-il, les dents serrées.

Blanche hocha la tête déçue. Même s'il avait raison... Mais... Car oui, il y avait ce fameux « mais ».

- Tu pourras ainsi te déclarer à la personne que tu aimes, sortir avec lui au lycée tout en sachant qu'au cas où...

Sortir avec lui au lycée ? Elle lui lança un sourire désabusé. Il croyait sincèrement qu'elle était du genre à apprécier un mec de son âge ? Qu'avait donc bien pu lui raconter Eva pour en arriver à une telle conclusion ?

- Ah. Il n'est pas du lycée, c'est ça ?

Blanche resta muette. Que pouvait-elle bien lui dire. Oui et non ? Ah les hommes ! Alors la jeune femme prit conscience d'une chose primordiale : que jamais, elle ne pourrait lui dire qu'elle l'aimait. Car elle savait que par honneur, cet homme serait alors contraint d'accepter ses sentiments, ne serait-ce que par obligation envers elle...

Et puis, si tel était le cas, elle le lui aurait dit lors de son « voyage temporel », non ? L'amertume l'envahit. Quelle seconde chance de merde !

- Bon, on fait déjà ça et après, on verra pour le reste, ok ?

- Ok, murmura Blanche.

Il s'assit sur le canapé et brusquement, il l'enlaça dans ses bras, encore une fois.

- Tu es morte, tu es vraiment morte... chuchota-t-il.

Ouais, elle s'en souvenait parfaitement en plus. Un long frisson remonta sa colonne vertébrale, puis en repoussant Kiyan d'un geste brusque, elle se précipita à la salle d'eau du rez-de-chaussée. Il lui attrapa les cheveux qui s'étaient fait la mâle pendant la nuit tandis qu'elle rendait son petit-dej dans la cuvette des toilettes. Heureusement qu'elle n'avait pas eu le temps d'en manger plus...

On l'avait tué. C'était un meurtre ni plus ni moins. Et savoir que ce connard vivait tranquillement... Elle avait un but désormais. Trouver son grand-père, son père, le moyen d'avouer son amour pour Kiyan d'une manière ou d'une autre et de faire en sorte que cette personne ne ruine plus jamais la vie de quiconque.

De nouveau, Kiyan fit de larges cercles apaisants dans son dos. Elle adorait ça. Une fois fini, elle se rinça la bouche, la brossa et lava son visage à l'eau froide, avant de s'asseoir sur le rebord de la baignoire sur laquelle il vint la rejoindre.

- Comment savez-vous pour tout le « truc » ? Le questionna la jeune femme.

- Je t'ai menti, lui avoua-t-il, sans la regarder, gêné.

Surprise, Blanche le dévisagea. Ce n'était pas son genre, pourtant !

- Papa ! Cria Eva au loin.

Cela les fit sursauter tous deux. Leur petite bulle venait tout simplement d'éclater.

- Je te le dirai plus tard, tu veux bien ?

Elle hocha la tête perdue alors qu'il restait là, malgré l'appel de sa fille.

- Eva ne doit surtout pas savoir.

Il la regarda droit dans les yeux, comme s'il pouvait sonder son âme.

- On est d'accord. Si elle savait...

- Elle s'en voudra pour l'éternité, conclut-il, en baissant les yeux vers son pied. Et ta blessure, au fait ?

Avec tout ça, elle avait presque oublié pourquoi ils en étaient arrivés là.

- J'ai monté « repos » au troisième niveau.

- Repos ? demanda-t-il avec une certaine hésitation.

- C'est juste un pouvoir qui me soigne juste en m'asseyant, lui révéla-t-elle.

- Donc, au lieu de t'aider hier soir, je t'ai juste empêché de te soigner efficacement...

Il lui jeta alors un sourire mi-figue, mi-raisin. Elle le lui rendit penaude. Il lui donna alors un coup d'épaule et elle ne s'y attendait tellement pas qu'elle faillît basculer dans le vide, s'il ne l'avait pas retenue. Leurs yeux se cherchèrent et se retrouvèrent figés.

- Papa ? Cria de nouveau Eva, plus proche.

Kiyan se détourna d'elle, puis se leva d'un bond sans se retourner une seule fois et alla rejoindre sa fille.

C'est marrant, murmura la voix de Fenrir. Tu l'appelles Kiyan quand il n'est pas là, mais sinon tu lui donnes du monsieur Ardachir. J'en serais presque jaloux si l'amour entre un djinn et une drakionne n'était pas possible...

Blanche râla pour la forme. Comme si elle l'ignorait. Voilà qui répondait à l'une de ses questions. Il était donc possible d'être à la fois un drakion et une joueuse. Mais bon quelque chose lui disait que c'était valable aussi entre une drakionne et un dieu. Elle lui fit aussitôt part.

Touché, enfant. Touché.

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