13. Chocolat Chaud


Elle se réveilla en frissonnant à cause du froid. Sa conscience émergea à peine. Elle ne venait pas de quitter l'Outremonde ? La jolie rousse ne tarda cependant pas à comprendre. Nue dans la baignoire, secouée dans tous les sens, l'eau clapotante, se déversant au sol, le réveil fut tout sauf agréable.

- Blanche ! Blanche !

- Oui ! Oui ! Répliqua-t-elle en grimaçant.

Merde ! Elle avait super mal à la tête. Bon sang ! Sans compter sur son corps qui protesta comme jamais. Puis, elle se figea, les yeux toujours fermés. Blanche avait entendu une voix d'homme. Nue dans la baignoire. La salle de bain d'Eva, et le seul mec dans le coin, c'était... La jeune femme gémit. Pourquoi ça n'arrivait qu'à elle ? Elle ouvrit les yeux avec réticence.

Son visage était à quelques centimètres du sien, ses mains encore sur sa tête, l'encadrant avec fermeté. Merde, plus elle le voyait, plus elle le trouvait séduisant. La vache, comment faisait-il ? Il la regarda visiblement très inquiet.

- Tu vas bien ?

Pour toute réponse, elle frissonna davantage, alors que l'eau était encore chaude. Étrange.

- J'ai réchauffé l'eau, lui expliqua-t-il, en laissant tomber ses mains. Elle était gelée. Eva, c'est endormie et t'as visiblement oublié. Ne te voyant pas, je me suis permis d'entrer. Tu devais être vraiment épuisée.

La jeune femme baissa la tête, honteuse. La mousse avait disparu depuis longtemps et l'eau était transparente. Heureusement qu'elle adorait barboter en repliant ses jambes, mais cela laissait malheureusement tout le haut à l'air libre. Consciente de sa nudité, rougissante, elle croisa les bras sur sa poitrine, détournant la tête, sachant très bien qu'il avait déjà eu tout le loisir de voir ce qu'il y avait, eh bien, à voir.

Kiyan se releva alors en lui tournant le dos. Il attrapa un peignoir, rose bonbon, l'ouvrit et le lui tendit tout en prenant soin de garder la tête sur le côté. Désavantagée, elle se leva et retomba dans la baignoire tout aussi vite. Tout comme ses nouveaux pouvoirs, sa blessure au pied, ses diverses égratignures et bleus l'avaient suivi jusqu'à Epsilon.

Blanche grimaça de douleur, l'eau chaude ravivant son entaille, tandis que Kiyan s'était précipité pour la rattraper. Mouillant ses vêtements, il la colla à lui dans un mouvement brusque, l'encerclant par la taille. Figée dans ses bras, impossible de voir son visage, elle déglutit. Leurs peaux nues, séparées d'un fin tissu gorgé d'eau, lui faisaient un de ses effets... Tant bien que mal, elle essaya alors d'enjamber la baignoire avec le peu de dignité qu'il lui restait en faisant abstraction de son cœur qui battait la chamade.

Sauf qu'il la souleva alors comme si elle ne pesait rien et la reposa doucement sur le tapis moelleux de la salle de bain.  Encore fermement accroché à lui, Kiyan lui fit passer le vêtement sans la regarder. Sans faire exprès, au moment de passer à la seconde manche, sa main se déporta et frôla ses fesses au passage. Il eut alors une seconde d'hésitation avant de refermer rapidement le vêtement avec plus de force qu'il n'en fallait. Puis il la lâcha rapidement comme s'il venait d'effectuer quelque chose d'obligatoire sans la moindre envie. Du moins, c'était là, une pensée de Blanche.

- Merci, lui souffla la jeune femme en ligotant les pans à double tour, avant de s'assoir sur le rebord.

Elle en profita pour sortir sa longue crinière tout emmêlée qui la gênait, pour la faire reposer sur le tissu, qui ne tarda pas à se gorger d'eau.

- De rien.

Sa voix était rauque et basse. Encore plus que d'habitude. Alors que Blanche regardait ses cheveux avec catastrophe, sans attendre, le professeur s'agenouilla et lui saisit le pied.

- Eh ! S'écria-t-elle sous la douleur, sans compter la gêne qui revenait au galop.

En effet, son mouvement avait failli la découvrir, révélant son sang qui avait coulé, endommageant le tapis.

- Ne bouge pas, la gronda-t-il, comme une enfant.

Murmurant plusieurs mots à la suite que la jeune femme ne put saisir, du néant jaillit alors de quoi désinfecter et la bander. Blanche, émerveillée par la magie, le laissa faire en gardant son vêtement le plus fermement possible. Elle en profita alors pour le regarder sans vergogne. Il était sublime.

Ces cheveux lâchés en boucles, elles aussi détendues, mouillées à leurs extrémités, reposaient sur sa chemise blanche et si trempée, qu'elle laissait apercevoir sa peau caramel à travers le tissu. Son torse, musclé, bien dessiné, ses manches de nouveau relevés, il incarnait le mâle à l'état pur.

Sa bouche s'ouvrit à demi alors que concentré dans sa tâche, il ne faisait pas attention à elle. Fort heureusement ! Elle commençait à avoir très très chaud en dessous de la ceinture... En fait, il en profita pour examiner ses autres blessures, celles qui étaient visibles sur ses jambes et ses mains, les sourcils froncés.

- Un chocolat chaud ça te dit ? La coupa-t-il dans ses pensées alors qu'il s'arrêta de la toucher.

Blanche hocha la tête, incapable de prononcer le moindre son. En fait, elle n'en voulait pas vraiment de cette boisson sucrée. Sa seule envie était de se tirer dans un trou de souris et de ne jamais en revenir.

Sauf que c'était également pour ça qu'il lui en fallait un. C'était l'excuse parfaite pour faire face. Sinon, elle avait peur de ne plus pouvoir se regarder dans un miroir et pire encore, de ne plus pouvoir le regarder, lui.

Il se releva en lui tendant le bras pour qu'elle puisse s'y accrocher. Mon Dieu, cet homme... elle s'y agrippa et le suivit hors de la pièce, encore enveloppé d'une chaleur humide, dont l'air sec hors de la salle de bain lui fit du bien.

La lumière de la chambre était fermée, mais la liseuse suffisait pour voir les traits d'Eva relâchés, profondément endormie. Sa meilleure amie s'arrêta et sourit à la vue de celle-ci, puis se retournant, elle aperçut Kiyan en train de la regarder intensément et non sa fille. Proche, trop proche, loin de sourire, il semblait être perdu dans ses pensées. Elle retira doucement son bras et longea tant bien que mal le court couloir.

Paraissant n'avoir rien remarqué, Kiyan lui emboîta le pas. Elle finit par lâcher le mur pour se tenir à la rampe quand il l'attrapa fermement par la taille. Sans qu'elle ne s'y attende, il ne s'arrêta pas là. Il passa son autre bras sous ses jambes et la souleva comme une princesse. Par réflexe, elle attrapa sa nuque avec force avant de retirer ses mains tout aussi vite, mal à l'aise.

Sans la regarder, il descendit les escaliers avec fluidité, comme si elle était aussi légère qu'une plume. Il faut dire que face à lui, elle paraissait toute petite malgré sa taille. Ne sachant que faire de ses bras, elle les ramena devant, se blottissant contre la chemise qu'elle mouilla bien davantage. Après les escaliers, il la porta jusqu'au bar, pas le moins du monde essoufflé, la hissant sur un tabouret.

Puis la laissant dans un silence de plomb, il alla de l'autre côté, dans la cuisine. L'îlot central les séparait tous deux tandis qu'il s'affairait à ouvrir portes et placards. Passant la main dans ses cheveux, il râla alors qu'elle ajusta son peignoir.

Il attacha ses longues boucles brunes en un chignon bien serré et bien haut. Chose qu'elle ne pouvait pas faire avec la masse qu'elle se trainait quasiment jusqu'aux pieds. Puis, il entreprit de se déshabiller. Déboutonnant sa chemise, il encra son regard au sien. Hypnotisée, la jeune femme ne loupait pas une miette du spectacle, malgré sa gêne, il montra ses sublimes tablettes de chocolat. Il grogna encore un mot et fit alors apparaître un t-shirt noir qu'il enfila. Une fois leur échange de regard coupé par le tissu, Blanche en profita pour saisir la brosse à cheveux d'Eva qui était resté sur le comptoir et commença à démêler ses cheveux qui ne ressemblaient à plus rien.

Elle comprit alors que même les noeuds qu'elle se faisait en Outremonde la poursuivaient jusqu'ici. Sa contrariété augmenta d'un cran. Comme si ça ne suffisait pas d'avoir risqué encore sa vie. Bah, merde alors ! Maudits Orcs. Ses épaules se relâchèrent, dépitée. Elle avait tellement de choses à faire, songea-t-elle, en éliminant un noeud tout en regardant Kiyan leur préparer sa boisson chaude préférée. Blanche soupira, elle ne voulait pas mourir sans n'avoir rien vécu.

Dans son esprit, elle dressa sa liste de priorités : voir son grand-père, rencontrer son père, devenir une dragonne... Goûter à ces lèvres qui comptaient à la cuillère près le nombre de cacaos qu'elle aimait mettre dans son lait chaud. Quel goût pouvaient-elles bien avoir ?

Blanche n'avait jamais fait gaffe à ce genre de chose avant. Bien trop occupée à ne pas montrer ses sentiments, elle n'avait jamais fait attention au fait qu'il connaissait toutes ses petites manies. Elle s'arrêta de brosser en comprenant qu'il avait toujours su ce qu'elle préférait. Et apparemment, comme le prouvait ce soir, il venait souvent les voir dormir. Mais combien de fois s'était-il attardé à la regarder dormir, elle ? Pouvait-elle ne serait-ce qu'espérer l'impossible ? Alors que la mort planait sur elle à chaque fois qu'elle fermait les yeux ?

Sans un mot, il lui tendit sa tasse. Elle le remercia de nouveau avant de la saisir et dans boire une gorgée. Chassant ses pensées chargées d'espoir, elle se rendit compte que la boisson lui faisait un bien fou. Elle avait l'impression de n'avoir rien mangé de la journée avec son excursion en Outremonde. Puis, elle colla la tasse à sa joue en soupirant de bien-être.

Kiyan en profita pour se faufiler derrière elle. Il prit la brosse et entreprit de finir de démêler sa longue tignasse, chose qu'il n'avait pas fait depuis son entrée au collège. Doucement, jusqu'à qu'il n'y ait plus un seul accroc, il les noua dans une tresse bien serrée, sa masse redevenue douce et soyeuse sous l'expertise de l'homme. Elle en frissonna de plaisir et pria pour que celui-ci ne s'en rende pas compte. Il repartit alors derrière le comptoir pour boire à son tour son chocolat qui ne devait plus être très chaud.

- Tu m'expliques pourquoi j'ai galéré à te réveiller ? Et quand t'es-tu blessée au juste ?

Son ton était colérique, ce qui choqua la jeune femme. Kiyan était la patience incarnée... Il ne s'emportait jamais, ne criait même pas. Il était ferme certes, mesuré, mais son attitude était toujours exemplaire.

Blanche avait tellement envie de tout lui dire. Elle avait besoin de tout lui dire. La soulager un peu en partageant ses problèmes... Sans savoir que faire ou quoi lui indiquer. Que pourrait-elle bien lui révéler ? Sans qu'il ne le rapporte à sa mère ? En avait-elle même le droit ? Elle se mordit la lèvre en réfléchissant... Et si Eva l'apprenait...

Elle releva la tête en regardant le père de sa meilleure amie qui la fixait. Figé, sa tasse encore sur le bar, il regardait les lèvres de la jeune femme, une lueur gourmande, qu'elle mordillait encore. Surprise, elle s'arrêta. Il inspira difficilement et releva les yeux avec une expression étrange sur le visage. Une que Blanche n'arriva pas à déchiffrer.

- Alors ? Reprit-il en se ressaisissant, encore rempli d'une colère sourde.

La rousse le regarda de nouveau en haussant les sourcils. Elle rêvait ou bien, il était fasciné par sa bouche ? Rougissante, elle but son chocolat d'une traite. Puis, se levant de son siège, la tête baissée, elle posa le verre dans l'évier, en prenant soin de ne pas trop s'appuyer sur son pied. Manque de bol, c'était pile du côté de l'homme. Vif, il attrapa son poignet avec une vitesse qui n'avait rien d'humain avant qu'elle n'eût le temps de partir.

Il tira néanmoins dessus avec une extrême douceur, ce qui l'amena face à lui. Sa main chaude sur la sienne, s'y attarda un instant. De son autre main, il releva son menton, la regardant dans les yeux. Puis de son pouce, il essuya sa moustache de lait, s'attardant délicatement sur ses lèvres.

- Quand tu seras prête, lui murmura-t-il, encore une fois. Je serai là.

Il la lâcha alors si soudainement que son peignoir bâilla. Elle s'empressa de le refermer avant de sortir de la cuisine. Prête pour quoi ? Pourquoi elle espérait que cette question eut une tout autre interprétation ?

- Bonne nuit, Blanche.

La jeune femme s'arrêta sur le seuil. Elle se retourna, grimaçante à cause de la douleur et lui lança un :

- Bonne nuit, Monsieur Ardachir.

Avant de finalement retourner à l'étage, s'appuyant avec force sur la rampe. Elle fila dans la chambre d'Eva, puis dans la salle de bain attenante, où il y faisait encore chaud et humide, mais propre. Le cœur battant, elle s'enferma à double tour avant de s'adosser contre la porte.

Qu'est-ce qui n'allait pas chez elle ?

Puis se rappelant ses derniers jours, elle éclata d'un rire nerveux avant de s'asseoir à même le sol et celui-ci ne tarda pas à se transformer en pleurs. Les larmes coulèrent silencieusement et lui déchirèrent le cœur. Elle enleva son bandage et regarda l'affreuse coupure, en ayant un nouvel éclair de génie.

- Repos, hoqueta-t-elle.

Son corps entier s'illumina alors d'un halo vert alors que ses lèvres s'arrondirent de surprise. Ce n'était vraiment pas discret ! Mais sous ses yeux, la blessure cicatrisa en quelques secondes. Une fois terminé, elle toucha son pied. Elle n'avait plus rien ! Elle vérifia ses égratignures... Rien. Sa peau était redevenue parfaite. Elle sentit poindre alors une nouvelle crise de larmes, pour une tout autre raison.

Pourquoi, sur tous les mecs du monde, fallait-il qu'elle craque pour le seul qu'elle ne pouvait pas avoir ?!

C'est larmoyant qu'elle enfila des sous-vêtements et un pyjama avant de sortir de la salle de bain et de ramper jusqu'au lit d'Eva, maussade.

Blanche dut réveiller celle-ci, car même épuisée, elle l'attrapa dans ses bras sans dire un mot lui offrant une étreinte réconfortante, avant de se rendormir tout aussi vite. Si seulement elle savait ! Elle la détesterait ! Combien de fois, s'était-elle plainte des autres profs qui tournaient et minaudaient devant son père, pour avoir ne serait-ce qu'une chance avec lui ?

La fatigue, la peine et sa tristesse durent avoir raison d'elle, car elle se réveilla de nouveau en Outremonde. Finalement, ce n'était pas si mal de tout oublier, cela lui éviter de se morfondre, surtout lorsqu'un tout autre homme séduisant l'attendait patiemment dans une puanteur épouvantable.

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