10. Créatures Magiques
Sur ses entrefaites, Eva et son père débarquèrent pour le dîner. Apparemment, Elsa les avait invités avant de se quitter au matin. Blanche avait eu tellement la tête ailleurs qu'elle n'y avait visiblement pas fait attention. Avec toute cette histoire...
La blonde qui avait zappé aussi commanda pizza. Du coup, Blanche n'avait même pas eu le temps de digérer ses nouvelles/anciennes origines, ni de poser d'autres questions, ni même d'en vouloir encore une fois à sa propre mère.
Ni de l'avertir pour ses yeux qui étaient restés en mode reptile. Pourtant, personne n'en fit la remarque. Était-elle la seule à les voir ? Ou bien les voyaient-ils depuis toujours, sauf elle ? Ou bien savaient-ils la vérité et le lui avaient-ils caché pendant tout ce temps ? La jeune femme ne savait plus où donner de la tête.
Besoin de s'isoler quelque peu, c'est elle qui accepta la corvée de vaisselle. Parce que oui, sa mère, mangeait une pizza avec assiette et couverts depuis toujours. Maintenant, elle savait pourquoi. C'est en secouant sa tête pour tenter de la vider un peu, qu'elle reprit son occupation.
- Tu vas mieux ? Lui demanda Kiyan, visiblement encore inquiet et bourru.
Blanche sursauta, ne l'ayant pas entendu approcher. Elle avait pris soin au dîner de paraître la plus normale possible. Visiblement, elle avait échoué. Le froid s'atténua comme par magie, dû à son unique présence. Il s'empara d'un chiffon et sans un mot, essuya sa vaisselle avant de la ranger.
- Bien mieux, merci.
Il lui attrapa le menton à la place du prochain verre et l'interrogea d'une étrange voix.
- C'est vrai, ce mensonge ?
Il scruta ses yeux. Merde, il était si proche ! Son parfum l'envahît et elle dut faire un effort considérable pour se concentrer. Elle prit alors le temps de réfléchir. En fait, oui. Même après tout ça, elle allait bien. Comme si tout était plus clair et qu'elle avait retrouvé quelque chose de perdue sans en avoir conscience.
- Oui, ça va. Vraiment.
Il la lâcha en souriant, visiblement épuisé. Lui non plus n'avait pas dû beaucoup dormir. Elle reprit la vaisselle, le cœur plus léger. Elle l'entendit bâiller et forcément ce phénomène se communiqua à elle. Les mains dans l'eau, Blanche ne put cacher sa superbe dentition qu'en détournant la tête. Elle l'entendit néanmoins rire.
- Tant mieux.
Ne sachant quoi lui dire de plus, elle se tue. Chose rarissime. Ce qu'il ne manqua pas de lui faire remarquer.
- Tu as pu fermer l'œil un peu depuis que tu es rentrée ?
- Euh, pas du tout.
- Je me disais bien que votre maison n'a jamais été aussi propre, rajouta-t-il.
Outrée, elle le regarda.
- Mais voyons, je fais souvent le ménage !
- Pas à ce point.
Ses yeux pétillèrent de malice. Ce qu'il était sexy ! Détournant les siens, d'yeux, elle se sentit immédiatement apaisée.
Elle l'entendit encore glousser, plus pour l'embêter que pour autre chose. N'empêche ça lui fit un bien fou.
- Eva, demande si tu veux dormir à la maison cette nuit ?
Blanche grogna. Comprenant son manège. Ce n'était pas Eva qui avait demandé, bien que cela arrangeait cette dernière.
- Elle va prendre la poudre d'escampette, pas vrai ? Lui demanda-t-elle droit dans les yeux, en parlant de sa mère.
Soutenant les siens, il eut un demi sourire.
- Elle a enfin fini par tout te dire.
- Vous étiez au courant... soupira-t-elle en se grattant le nez du revers de la main. Bien sûr que vous étiez au courant.
La troisième option. Pourquoi fallait-il que ce soit toujours la dernière et celle qui faisait le plus mal ?
- Je suis un djinn, on peut difficilement me cacher une telle chose. Même si je persiste à croire que tu en sais toujours plus que moi...
- Un quoi ?
- Un génie si tu préfères. Je peux exaucer les vœux et faire apparaître et disparaître à peu près tout et n'importe quoi du néant.
Blanche resta comme deux ronds de flan. Les mains dans l'eau, ressemblant peu à peu à des concombres.
- Super, ok, je vois.
Le mec pour qui elle avait le béguin n'était même pas humain... Elle supposa que cela valait mieux d'une certaine manière, puisqu'elle ne l'était pas non plus.
- Et Eva ? Elle sait ? Reprit-elle.
- Oui. Elle sera pleinement un djinn à sa majorité. Elle voulait te le dire, tu sais, lui dit-il avec une infinie douceur. Mais je l'ai empêchée.
Blanche le regarda droit dans ses beaux yeux dorés en faisant la moue. Elle ne pouvait même pas lui en vouloir.
- Alors les yeux de maman, c'est normal ? Je veux dire cette lueur reptilienne...
- Oui, je suppose que comme maintenant, tu es au courant, ta perception a changé elle aussi.
- Mes yeux aussi vont..? Demanda-t-elle, en pointant deux doigts sur ses propres prunelles, en louchant.
Kiyan ne put retenir un sourire en coin.
- Certainement. Tous les Drakions ont des yeux plus ou moins reptiliens.
- Qu'est-ce que je dois faire ? Je veux dire : y a-t-il des règles à suivre ?
- Non, pas vraiment. La seule chose que tu dois te demander c'est plutôt que souhaites-tu faire ?
Surprise, elle le regarda. Lui proposait-il de lui réaliser un vœu ? Bredouillante, elle se lança.
- J'aimerais pouvoir aimer qui je veux. Avoir une vraie relation et ne pas devoir coucher avec des inconnus, marmonna-t-elle.
Cela lui échappa. Le Djinn la regarda, perdu. Alors, elle lui expliqua, avec autant d'impassibilité qu'elle le pouvait, ce qu'étaient les fameuses « chaleurs drakoniques ». Elle n'avait jamais eu de secret pour cet homme et cela n'allait pas commencer maintenant.
- Peut-être que tu tomberas amoureuse d'un dragon, conclut-il, en haussant les épaules.
- Peu probable, marmonna-t-elle à nouveau.
Mince, la fatigue supprimait tous ses filtres. Se priver de sommeil pour ne pas risquer d'aller en Outremonde n'était pas une si bonne idée en fin de compte. Là tout de suite, affronter un orc plutôt que de continuer cette discussion n'était pas une si mauvaise idée...
- Pourquoi ? Lui demanda-t-il en s'accoudant au plan de travail à l'inverse d'elle, les bras croisés, les manches levées.
Par Babylone... Comment de simples avant-bras pouvaient être aussi sexy ?
- Je crois que je le suis déjà, s'expliqua-t-elle en fixant l'évier, gênée, se sentant devenir rouge comme une écrevisse.
- Et ce n'est pas un dragon, murmura-t-il pour lui-même. Que comptes-tu faire ?
- Bonne question, maugréa-t-elle.
- Quand tu sauras, je t'aiderai avec plaisir.
Dans sa bouche, les mots prirent alors un autre sens pour la jeune femme. Ce qui n'était vraiment pas le moment. Elle allait juste se manger un putain de râteau en plus d'un mal de crâne et d'un ego à cajoler. Non merci.
Il s'en alla ensuite sans un mot, quelques minutes plus tard, voyant que Blanche n'allait pas s'épancher davantage. Elle finit sa tâche en trainant des pieds.
Puis la soirée touchant à sa fin, elle mit son manteau en même temps que les Ardachir. Il était inutile de discuter, car sa mère, nerveuse sur le pas de la porte, l'embrassa pour lui dire au revoir. Elle fit de même. Souriante, Elsa la fit promettre de l'appeler tous les soirs de cette semaine. Sans doute avait-elle pris peur que sa fille la rejette, après tout. Blanche sourit doucement, elle la savait pourtant plus intelligente que ça. Et puis depuis qu'elle risquait un peu beaucoup trop sa vie ces derniers temps, d'après elle, ça remettait beaucoup de choses en perceptive.
- Je t'aime, maman.
Les yeux brillants, Elsa la serra une dernière fois dans ses bras avant qu'Eva n'attrape sa meilleure amie et la tire jusqu'à chez elle, juste à côté.
- Je t'aime aussi mon bébé, l'entendit-elle cependant murmurer dans la nuit.
Blanche dormait assez souvent chez Eva pour avoir des pyjamas à elle dans sa penderie, un côté de lit dans sa chambre et même son gel douche dans sa salle de bain, puisqu'elles aimaient les mêmes choses. Blanche utilisait ce dernier en ce moment même. Mais elle avait beau en mettre, elle se sentait sale en repensant à ce qu'elle avait fait. Sa conscience la taraudait. Elle avait liquidé un orc, sans la moindre hésitation. La peur ? Le danger ? Il allait la tuer après tout. Mais... Il restait un être vivant. Un être avec une âme...
Elle se savonna et se rinça, elle avait alors juste l'impression d'être propre, mais bon, c'était toujours ça de gagner.
Du coup, elle avait décidé d'utiliser la baignoire. Tant pis si pour une fois, elle faisait attendre sa meilleure amie, elle ne lui en voudrait probablement pas. Et oui, elle profitait un peu de la situation. Si elle ne le faisait pas maintenant, quand pourrait-elle le faire ? Elle, qui était déjà morte une fois ?
Avec tout ça, elle avait oublié de prévenir sa mère pour la visite de l'ahuri de cette après-midi. Bah, c'était trop tard de toute manière. Elle laissa alors ses pensées vagabonder.
Sauf que, ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était qu'avec la chaleur et la fatigue, Blanche s'endormirait nue dans cette fichue baignoire.
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