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Dima habitait dans un immeuble, comme moi, mais la comparaison s'arrêtait là.
C'était une de ces nouvelles constructions modernes destinées à loger la nouvelle classe aisée du pays, toute en verre, acier et béton discret qui se dressait comme un bulbe ostentatoire d'architecture de pointe des années 1990.
Néanmoins, même là, les matériaux avaient commencé à faner, conférant à la construction un air obsolète et usité qu'elle n'avait pas lieu d'avoir.
Une large volée de marches menait aux portes – en acier trempé, comme partout en ville – dotées d'un système sophistiqué d'ouverture électronique.
Il fallut un bon quart d'heure à Dima pour trouver son passe – il jurait que quand il avait acheté son manteau, il n'avait pas autant de poches que maintenant – et j'en profitais pour en fumer une clope, que je finis dans l'ascenseur.
Il y avait de la moquette dans les couloirs, genre, le truc pelucheux, rouge et immonde qu'on voit dans les vieux casinos.
Sérieusement, pourquoi on met de la moquette dans les couloirs ?
Elle était impeccablement propre, en plus.
Une rangée de lumières tamisées éclairait le couloir et je regardais mon ami Dima, employé de mairie, la serviette de cuir à bout de bras, tanguer d'un mur à l'autre jusqu'à la porte marquée d'un 729 doré. Il fit tomber ses clés et jura à mi-voix.
La minuterie s'éteignit à ce moment et il me fallut une bonne minute de tâtonnements approximatifs dans le noir pour retrouver l'interrupteur.
Quand la lumière revint, je cherchais Dima des yeux et le vis à quatre pattes par terre, la serviette gisant deux mètres derrière lui.
— Bah... tu fais quoi, là ? que je lui demande.
— Les clés ! dit-il, légèrement paniqué.
— Aha, attends, je vais t'aider.
C'est quand je me retrouvais à quatre pattes à côté de lui, à chercher le trousseau de clés dans l'épaisse moquette rougeâtre que je me rendis vraiment compte à quel point j'étais saoul.
Quelques instants plus tard, il les avait enfin retrouvés et on put se redresser.
Quand la porte s'ouvrit, je sentis une bonne odeur de cuisine un peu froide et aussi quelque chose d'indéniablement féminin.
— Chuuuut, me dit sévèrement Dima en plaquant un doigt sur sa bouche.
J'entrais dans le couloir comme lui, sur la pointe des pieds.
À peine étais-je à l'intérieur que la lumière s'alluma. Je vis mon pote se figer.
Dans l'encadrement de ce qui semblait être une chambre sombre, se tenait un garçon d'environ huit ans, en pyjama aux couleurs de Winnie The Pooh et les cheveux ébouriffés.
Il se frotta les yeux, puis regarda son père, qui n'avait enlevé son manteau qu'à moitié avant de s'immobiliser.
— Papa ? Papa, mais qu'est-ce que tu fais ? demanda le marmot dans un croassement ensommeillé.
— Chhhhhuuuuut ! lui intima Dima en agitant l'index. Va dormir !
— Non, il a raison, Dimitri, dit froidement une voix de femme dans la pénombre. Tu fais quoi exactement, là ?
Elle sortit des ténèbres, emmitouflée dans un peignoir épais.
Ses cheveux noirs étaient ramenés en arrière, mettant en valeur son visage plutôt pâle et ses grands yeux verts. Elle était petite et pleine, potelée comme une sibérienne.
— Chhh, arrière, sorcière ! bêtifia Dima en enlevant enfin son trench coat. J'ai eu une journée difficile !
— C'est ton élocution qui est difficile, répondit-elle avec colère.
— Vera, la présenta Dimitri. Ma chère et tendre.
Elle sembla enfin me remarquer. Un de ses sourcils s'arqua.
Je devais être particulièrement déglingué pour qu'elle me fixe avec un air pareil.
— Et lui, c'est qui ? demanda-t-elle.
— Oleg Vassilievitch Soloviev, me présentais-je avec tout le sérieux du monde. Milicien, OMON, du Ministère des Affaires Inté... inté...merde.
— D'accord, d'accord, soupira la dénommée Vera. Et bien, Oleg Vassilievitch, vous ne voyez pas d'inconvénient à partir ? Il faut que je parle à mon mari.
Je haussais des épaules.
— Bien sûr.
Dima arborait un air choqué en se tournant vers sa femme.
— Mais ! On va pas le laisser rentrer comme ça ! Seul ! Dans le froid ! Alors qu'il n'y a pas de tramway ! Tu n'as pas de cœur, femme !
— C'est pas grave, le rassurais-je avant de partir. Au revoir.
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