Chapitre 2

Elle eut juste le temps de pousser un cri de surprise mais pas de se débattre ou de penser à une contre attaque. Rubis sentit le poids de ses adversaires sur elle. Elle sentit le sol se dérober sous ses pattes et sa vision se troubler quand elle heurta violemment le sol. La jeune dragonne eut le souffle coupé et ne put répliquer.

Elle tenta pourtant de se relever. Les gardes ne se laissèrent pas impressionner par sa vaine tentative. Cela ne servait à rien de se voiler la face : ils avaient l'avantage sur elle. Ils lui cognèrent à nouveau la tête au sol pour qu'elle cesse de présenter de la résistance. Ce que, bien sûr, elle ne fit pas. Pourtant, elle aurait du. Une contre deux, c'était la mort assurée. Mais elle se refusait à mourir pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait. Elle se refusait à se laisser enfermer et accuser pour un crime qu'elle n'avait pas commis et à cause de deux gardes au caractère exécrable ! Rubis entendit son propre bruit contre le sol quand ils la plaquèrent mais aussi sa tête tourner. Non elle devait rester éveillée. Les soldats la traînèrent vers un lieu qu'elle connaissait trop bien – et elle aurait préféré ne pas le connaître du tout – : les prisons. La dragonne fut prise de panique, on ne sortait jamais de prison sauf le jour de notre exécution. Ses forces lui revinrent et elle se débattit avec l'énergie du désespoir. Elle se releva avec force. Rubis pivota violemment en fauchant l'un de ses gardes et cracha une gerbe de flamme à la figure de l'autre qui s'écroula. Elle ne prit pas le temps de vérifié si elle les avait tués ou juste blessés. Elle s'élança dans les airs. Elle franchit la muraille et continua à voler pendant quelques minutes pour s'assurer qu'il n'y avait pas de garde royaux ses trousses. 

Elle s'arrêta soudainement. 

Où irait-elle ? 

Sans la protection d'une reine et avec la réputation d'être une tueuse et chef de Rebelles, elle n'irai pas loin. Enfin elle n'irait pas loin dans le royaume de la reine du Diamant. Dans les autres, la rébellion face à la domination de la souveraine longtemps incontestée ne devait pas être une si mauvaise chose. Si ? Non ? En fait elle n'en savait rien et ne préféra pas pousser ses réflexions trop loin. Chef de Rebelle... elle qui les avait toujours détestés ne supportait pas que l'on l'attribue à ces clandestins. Mais elle ne pouvait plus rien faire. 

Sa reine voulait sa mort. 

Rubis stoppa net et battit doucement des ailes pour faire du sur-place. Sa reine voulait sa mort... celle qu'elle avait toujours protégée, celle pour qui elle serait morte sur le champs de bataille, voulait la voir morte... Elle se fit violence pour ne pas laisser son cœur se serrer trop fort. Elle scruta le paysage dans l'espoir de voir... de voir quoi ? Que voulait-elle ? Ce qu'elle voulait c'était croire que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Elle se pinça mais rien ne changea. Elle était toujours là, seule, désorientée et misérable. C'est alors qu'elle aperçut un dragon couleur lave. Ce n'était pas normal. Il n'y en avait eu aucun lors de l'attaque et ces dragons-là n'avaient pas quitté leur royaume de pierre et de lave depuis bien des années. Pourquoi en trouvait-elle un là, maintenant ? La dragonne fondit sur lui toutes griffes dehors et le plaqua au sol, sans réfléchir. 

« Que faites-vous là ? rugit-elle. »

Le dragon se contorsionna pour l'apercevoir, pas gêné le moins du monde par son attaque. Au contraire, son regard se détendit dès qu'il la vit – ce qui ne plut pas du tout à la dragonne.

« Alors ? dit-elle en plongeant ses yeux dans les prunelles sombres de sa victime.

« Mission secrète, répondit le dragon tout simplement. »

Rubis plissa les yeux, elle ne l'avait jamais vu lors des combats mais alors d'où venait-il pour se permettre de lui manquer de respect ? Elle ne comprenait pas son petit sourire en coin. Comment pouvait-il sourire alors que le monde allait si mal ? Faisait-il, tout compte fait, partie de ces rebelles qui voulaient la mort de la reine Igéa ? Serais-ce pour cela qu'il souriait ? Si c'était le cas, que devait-elle faire ?

« Ça ne me plaît pas cette réponse, siffla-t-elle en enfonçant ses griffes dans les écailles de son dos tout en préparant son jet de flamme. »

Le visage du dragon afficha une grimace, signe de douleur. Son sourire s'effaça pendant un moment.

« OK c'est bon calme toi, capitula-t-il, je suis juste venu faire un tour de reconnaissance pour voir si il n'y avait pas des Rebelles dans le coin. Histoire de sécuriser la zone quoi. Tu peux enlever tes griffes maintenant ? »

Voir si il n'y avait pas des rebelles dans le coin ? Donc il n'était pas avec eux. Mais sécuriser le périmètre ? N'aurait-il pas du déjà intervenir lors de l'assaut du palais ? Il lui mentait. Il mentait très mal.

« Bien tenté mais ça ne marchera pas ! siffla-t-elle. Je te prie de ne pas me prendre pour une idiote. Je sais que tu me mens. Surtout quand on sait qu'il vient juste d'y avoir une attaque.

-Ah bon ? fit-il d'un ton étrange. »

Il avait vraiment l'air surpris. 

Mais pourquoi ? Qui donc était-il pour ignorer une telle chose ? 

Mais il avait mentit... tentait-il d'obtenir des informations sur cette attaque ? Elle décida de ne rien lui dire, de ne rien lui laisser savoir. Elle ne lui donnerait rien. Il pourrait bien essayer, elle protégerait sa reine. A peine eut-elle pensé cela qu'elle fut prise d'un étrange sentiment de déstabilisation et d'incertitude. Elle ne savait plus si la reine du Diamant valait la peine d'être protégée. Elle ne savait plus si elle devait toujours la protéger.

« Non mais comment puis-je penser ça ! se rabroua-t-elle. Bien sûr que ma reine mérite d'être protégée. Sans elle, le monde vire au chaos. »  Mais aussitôt une autre pensée lui vint : Mais mon monde a déjà sombré dans le chaos, à cause de ma reine...

Mais avant qu'elle ne puisse réagir, le dragon se resserra en spirale avant de faire un saut dans les airs. Rubis s'accrocha, surprise, avant de tomber à la renverse. Elle siffla un jet de flamme que le dragon esquiva aisément.

« Va falloir faire mieux, lança-t-il avant de filer vers le Sud. »

Rubis siffla, se releva et prit son envol pour le suivre. Mais il était déjà hors de sa vue.

« Bizarre, pensa-t-elle, même en danger de mort aucun dragon ne peut aller si vite. »

Elle tourna sur elle même pour tenter de déceler des indices sur la direction qu'avait prise le dragon mais ne trouva rien. Il était sacrément doué pour sa cacher et ne pas laisser de traces. Elle était bien embêtée de ne pas savoir si il avait continué vers le Sud ou s'il avait tourné pendant qu'elle se redressait. Finalement, elle décida de prendre la direction du Sud. Elle menait au Royaume de la Fournaise, ce royaume dont on disait qu'aucun arbre ne poussait, dont il disait que les volcans crachaient tellement de lave que le sol en était recouvert par endroit, ce royaume où il faisait plus chaud que dans les déserts de sable et de canions du Royaume du Soleil. Ce royaume qui était celui des étranges et mystérieux dragon de Lave et où régnait la chaleur d'une fournaise. Elle doutait d'avoir vraiment envie de s'y retrouver. Mais... si elle ne pouvait pas rester là, autant aller dans un endroit où il y avait des dragons... même des Rebelles, même des dragons de Lave mangeurs de charogne. Enfin si elle trouvait des Rebelles elle ne les laisserait pas s'échapper. Elle les trouvait toujours aussi ridicule. 

Elle décolla en se disant que, si elle voulait changer de direction, elle pourrait le faire dès qu'elle le voudrait. Elle n'était pas dans l'obligation de se rendre dans le royaume le plus inhospitalier de Xanora. Cette fois, elle prit son temps pour survoler son royaume natal. Elle y était née, elle y avait vécu, elle y avait tout appris, tout aimé. Elle voulait profiter pleinement de ses derniers instants dans ce royaume. On disait autre fois qu'il avait porté le nom de royaume de la Lune car les pierres blanches du palais luisaient au clair de lune comme un astre du soir venu se poser sur le sol. Elle ne savait pas pourquoi ce nom était tombé dans l'ombre et elle avait longtemps voulu le découvrir. Elle s'était dit que, quand elle aurait fini ses études de guerrière, pendant ses jours de pause, elle pourrait chercher les réponses à cette question... mais dorénavant cela lui serait impossible. Encore un rêve brisé. Tout ça en une journée. A cause de deux stupides soldats et d'une reine qui ne l'avait pas écoutée. Comme les choses allaient vite !

Elle vola toute l'après midi sans s'arrêter. Les arbres se faisaient de plus en plus petits, les forêts moins denses. Elle voyait au loin, très loin, la terre sèche et rocheuse du Royaume de la Fournaise. Elle tourna la tête vers les forêts et les pleines luxuriantes qui s'étendaient derrière elle. Voulait-elle vraiment les quitter pour de la roche, de la lave et des charognes d'animaux morts à cause de la trop grande chaleur ? Mais cela ne valait-t-il pas mieux que de finir en prison en attendant la mort ? Si... elle fut bien forcée de le reconnaître et d'accepter la réalité. Elle devait relativiser. Ce royaume ne pouvait pas être si terrible que cela ! Elle n'avait qu'à regarder les dragons qui lui en avaient parlé, tous des dragons venus des autres clans (sauf ceux de Glace qui ne s'aventuraient jamais là où elle vivait car la chaleur les insupportait. Ils mettaient du temps à s'adapter). Elle revit le corps du dragon de Lave qu'elle avait attaqué quelque heures plus tôt. Il ne lui avait pas paru si maigre que cela. Il avait même eu l'air bien nourrit et il était d'une force remarquable. Elle avait deux explications à cela : soit il avait vécu hors de son royaume – ce qui était très peu probable – soit les conditions arides du royaume de la Fournaise étaient exagérées.

Le soir venait à tomber quand elle se sentit trop fatiguée pour continuer à voler. Il restait quelque arbres de-ci, de là mais ce n'était rien en comparaison des forêts qu'elle avait connues toute sa vie. Elle était si fatiguée qu'elle ne prit pas la peine d'y songer plus longtemps. Elle entra dans la première grotte venue, ne pensa même pas à chasser et s'endormit malgré la chaleur étouffante. Elle n'avait plus de doute : elle était bien arrivée au Royaume de la Fournaise. Il ne lui restait plus qu'à s'adapter. Enfin demain... là elle allait dormir. Longtemps. Tout le temps qu'il lui faudrait et qu'elle voudrait.

Le lendemain matin elle se réveilla en sursaut. Elle manqua de se cogner au sommet de la grotte. La chaleur était insupportable. Elle n'avait pas baissé de la nuit, chose que Rubis ne s'expliquait pas. Elle eut un trou de mémoire pendant un moment. Mais où était-elle ? Il ne lui fallait pas longtemps pour que tout lui revienne.

« Ah oui, pensa-t-elle amère, je me souviens. »

Elle scruta le paysage. Il était désolé. Elle n'y avait pas bien prêté attention en arrivant. Mais là, sous la lumière du soleil levant, elle voyait très bien la roche rouge qui s'étendait devant elle à l'infini, comme une mer desséchée. Ravalant une plainte elle se leva. Elle n'avait aucune envie de vivre ici. Quelle idée farfelue avait bien pu lui passer par la tête quand elle s'était dit que se serait une bonne idée de vivre ici ?

C'est alors que son estomac gargouilla, lui faisant oublier ses pensées. Elle sentit alors la faim l'envahir. La dragonne se rua hors de sa grotte et huma l'air à la recherche de gibier. Mais au lieu de sentir une odeur alléchante, elle sentit une forte odeur de métal en fusion. Rubis oublia aussitôt sa fatigue et sa faim pour se jeter dans la direction de l'odeur de métal fondu. Pourquoi ? Elle ne savait pas. Son instinct peut-être ? Elle arriva devant une forge qui ne comportait qu'une seule fenêtre et une porte. Elle ne l'avait pas vue parce que, de dos, la forge ressemblait à une petite colline de pierre. Mais quand on en faisait le tour, on voyait une fenêtre et une porte. Elle se demanda si elle était vraiment en train d'analyser une forge (chose tout à fait normale dans un royaume). Visiblement oui. Mais pourquoi donc ? 

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