III . Jena, celle qui se bat...
Jena passa sa main dans ses cheveux et caressa du bout des doigts le petit pendentif qu'elle portait au cou. Un pendentif noir et dégageant une aura inquiétante qu'elle devait porter en tout temps. Elle frissonna imperceptiblement. Dans ses veines, la Malédiction coulait librement, cherchant sans cesse à asservir son esprit. Pendant cinq longues années, elle était restée dans les volcans. Cinq ans à subir tous les jours un traitement intensif pour la soigner définitivement. Cinq années qui au final, ne lui auront servies à rien. Si elle retirait le collier, peu importe combien elle était forte, la Malédiction aurait raison d'elle et, soit elle mourrait, soit elle rejoindrait leur ennemi.
" - Jena.. "
Le voix de son oncle la sortit de ses pensées et elle se retourna vivement.
" - Katie a retrouvé Mélissa.. Je pense qu'il est temps que tu les rejoignes. Ces cinq années t'ont été bénéfiques, mais le monde risque de périr prochainement si les quatre dresseuses ne se réunissent pas avant... "
Il s'interrompit et détourna le regard.
" - Avant quoi, Mon Oncle ? "
L'homme lui offrit un air grave, mais ne répondit pas. L'ambiance se fit pesante et l'air se chargea d'électricité. Le vieil homme était apparemment décidé à ne rien dire. Ce fut Jena qui abandonna.
" - Quand dois-je partir ? "
" - Demain matin. Les volcans se sont réveillés pour te chasser. Tu ne peux rester ici. "
Jena se releva et inspira un grand coup, sachant très bien que son Oncle ne répondrait pas à la question qu'elle était sur le point de poser.
" - Et... Et Cendre, Mon Oncle ? "
Contrairement à ce qu'elle pensait, l'homme ne se détourna pas et se contenta de lui lancer un regard froid.
" - Jena. Tu l'as perdu. Tu ne t'es pas montrée à la hauteur. Arrête de te bercer d'illusion. Il est mort. "
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La femme eut un petit sourire en coin en voyant leur arme ultime se traîner péniblement contre le sol, presque les larmes aux yeux. Elle éclata de rire lorsqu'il écarquilla les yeux en la voyant sortir son fouet.
" - Ne pleure pas, mon beau ! On va bientôt te laisser sortir ! J'espère que tu es prêt ! "
Et sur ces mots, elle lui caressa le haut du crâne. Jamais elle n'aurait cru que cet être si puissant serait domestiqué en si peu de temps. Ils y étaient allés fort, certes, mais il aurait dû être plus fier, plus rebelle. En quelques mois de torture, il avait fini par se plier. On lui avait pourtant dit que dresser un tel spécimen serait difficile, voir impossible. Elle devait être une bonne maîtresse alors.
" - J'ai une idée, Gentil Toutou ! Et si tu me léchais la botte, pour me prouver ton allégeance ? "
Elle ne put retenir un sourire sadique en voyant les muscles puissants de son animal se tendre sous la peur.
" - Je n'attendrais pas longtemps. "
Elle le menaça en faisant claquer son fouet. Immédiatement, "l'arme ultime" se jeta à ses pieds.
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Le regard perdu dans le vide, la jeune femme avançait lentement vers le palais. Son esprit était embrouillé. Mais quoi de plus normal ? Un mal hautement dangereux essayait à tout instant de prendre le contrôle d'elle. Depuis cinq ans, elle le combattait du matin au soir. Malgré que son pendentif coupe tout pouvoir de la Malédiction, elle ne pouvait s'empêcher de se concentrer sur le contrôle de son propre esprit, question d'habitude. C'est pourquoi elle sursauta lorsque l'on hurla son prénom.
" - Jena !! "
Soudainement piquée au plus profond d'elle-même, elle leva les yeux vers Katie et Mélissa, qui courraient vers elle. Une joie indescriptible monta alors en elle et elle en oublia la Malédiction. Tout ce qui importait se trouvait juste devant elle.
" - Mélissa ! Katie ! "
Elle se mit à courir elle aussi et les cueillit dans ses bras dès qu'elles furent à portée.
" - Tu m'as tellement manqué !! "
S'exclama Katie en enfonçant sa tête dans le cou de son amie. Mélissa se contenta de sourire et de serrer fortement la Dresseuse du Feu contre elle. Les trois jeunes femmes rirent ensemble, sans aucune raison valable, et se détachèrent lentement les unes des autres.
" - Je suis tellement contente de vous revoir ! "
Sourit la Dresseuse du Feu. Les trois femmes s'engagèrent alors dans une longue et agréable discussion. Des chevaux de la garde les rejoignirent en quelques minutes et elles se mirent ensemble en direction du Palais.
" - Tu vas voir, notre petite Katie s'est trouvée un petit-copain adorable ! "
Curieuse, Jena essaya d'en savoir plus pendant tout le trajet du retour, mais aucune de ses deux amies ne voulait lui révéler quoi que ce soit. Ensemble, elles profitèrent du lent rythme des pas de leurs montures pour se remémorer les vieux souvenirs, bons comme mauvais, et se parler de leurs cinq longues années chacune de leur côté. Lorsque Jena leur expliqua à quel point la Malédiction était dangereuse et combien de fois elle avait due être attachée au centre des volcans pour ne pas qu'elle commence à tuer tous les habitants du peuple des flammes, le regard des deux autres Dresseuses dévia vers le sol. Des trois, la rousse était celle qui avait le plus souffert.
" - Je suis tellement désolée... "
Murmura Katie.
" - Tu n'as pas à l'être. Mais.. Qu'est-il arrivé à Romane ? Je me suis évanouie avant de voir ce qu'il lui a fait. "
Le "il" fit légèrement trembler les jeunes femmes, mais elles ne laissèrent rien paraître. Un silence gênant s'installa et ce fut la cadette qui se vit dans l'obligation de tout expliquer à Jena.
" - Il... Il a coupé ses deux ailes. "
Le silence revint, plus pesant encore.
" - Est-ce qu'elle est encore... en vie ? "
Murmura la Dresseuse du Feu.
" - Oui. Elle l'est. "
Se contenta de répondre Katie, un grand sourire sur le visage. Cette certitude, elle la tenait du plus profond d'elle-même. Elle le savait. Romane les rejoindrait en temps voulu.
Au bout de plusieurs longues minutes de discussion, les trois jeunes femmes atteignirent enfin le Palais. Labran fut le premier à les accueillir dans le hall, vite rejoint par quelques gardes et le Roi en personne.
" - Dame Jena ! Nous sommes heureux de vous revoir au palais ! "
Déclara le souverain avec un large sourire. Le Prince soupira et sourit à son tour à la rousse, sans un mot, avant de simplement faire demi-tour et retourner à ses occupations. Katie ne put cacher sa mine déçue, ce qui lui valut le petit rire de Mélissa. Décidée à changer de sujet, la Dresseuse des Eaux frappa ses paumes l'une contre l'autre et se retourna vers ses amies.
" - Il y a de superbes sources thermales dans le château ! Qu'est-ce que vous diriez de venir en profiter avec moi ? "
Evidemment, sa proposition fut acceptée et les trois femmes passèrent la journée entière à se détendre et à parler entre elles. Le soir n'arriva que trop vite et elles furent ravies d'apprendre qu'elles pourraient participer à un banquet en l'honneur d'une quelconque dame de la cour. Habillées de magnifiques robes de soirées, Mélissa et Jena se dirigeait vers la salle, tandis que Katie frappait timidement à la porte de Labran.
D'un bout à l'autre du Palais, tout le monde l'entendit. L'explosion ébranla les murs, fit hurler les dames. Les flammes commençaient déjà à se répandre et les témoins courraient dans tous les sens, espérant échapper à la mort. Katie fut la première sur les lieux, déjà revêtue de sa tenue de Dresseuse. Lance à la main, elle scrutait le petit nuage de fumée et de flammes qui s'élevait là où était atterri la chose qui avait ouvert sans la moindre difficulté le toit du Palais. Une ombre s'y découpait, ni particulièrement grande, ni particulièrement imposante. La jeune femme n'osait prononcer un mot, de peur d'empirer la situation. Prudente, elle se contentait de guetter les mouvements de la chose qu'elle ne pouvait identifier.
L'ombre se mit alors à avancer vers elle. D'abord lente et peu menaçante, puis soudainement rapide et mortelle. Avant qu'elle ne puisse réagir, les lèvres d'un homme murmuraient à quelques centimètres de son oreille.
" - Meurs, Petite Dresseuse. "
Les griffes fusèrent vers sa gorge, mais d'une impressionnante pirouette, elle réussit à esquiver.
" - Qui es-tu ?! "
Elle hurla en plongeant son regard dans celui de son adversaire. Celui-ci éclata de rire. Un homme. Juste un homme. Un bel homme, même, elle se devait de l'avouer. Il était assez grand, aux cheveux noirs comme la nuit et aux yeux aussi rouges que le sang, aux lèvres fines, mais déformées en un rictus de haine pure. Katie ne put s'empêcher de penser qu'un simple homme ne pouvait pas être capable d'une si fulgurante rapidité ou d'une telle force. Alors qu'elle l'étudiait pour savoir à quelle race il appartenait, deux ailes de chauve-souris firent leur apparition dans le dos du jeune homme, qui fusa de nouveau vers elle, mortel. Cette fois-ci, elle ne put esquiver, ce fut la lame d'une faux qui vint contrer les griffes de son adversaire.
" - A terre ! "
Hurla Jena en plaquant la jeune femme sur le sol. De géantes flammes noires et bleues s'abattirent là où elles s'étaient tenues quelques secondes plus tôt.
" - Ne bouge pas... "
Murmura la Dresseuse du Feu. Lentement, les flammes commencèrent à disparaître et l'homme s'approcha. Dans un sourire, Jena se releva vivement et tenta de toucher son adversaire avec la lame de sa faux. Elle ne faucha que le vide. Katie se releva à son tour et chercha leur adversaire des yeux. Des ailes de chauve-souris... Un regard rouge comme le sang... Si une queue et des cornes apparaissaient, elle n'aurait plus aucun doute.
Un Damné.
Frères jumeaux des démons, mais au sang croisé à celui des humains. Plus dangereux, plus vifs, plus mortels.
" - Attention !! "
Elle hurla à Jena lorsque la bête se jeta sur elle. Un combat violent s'engagea alors, entrecoupé de soudaine apparition de flammes bleues. Alors que la faux percutait pour la dixième fois d'affilé les griffes de son ennemi, celui-ci éclata de rire. Deux cornes poussèrent au sommet de son crâne et ses yeux se mirent à luire.
" - Attention Jena ! C'est un damné !! "
" - Un quoi !?! "
La Dresseuse de Feu réussit avec peine à esquiver le coup de son adversaire. Il semblait beaucoup plus rapide et vif qu'avant. Ses coups avaient redoublés de précision.
" - Un damné ! Il va devenir invincible s'il se transforme entièrement ! Ne le frappe pas là où tu ne feras que le blesser ! Plus son sang coule, plus sa puissance augmente ! Il faut que tu le tues d'un seul coup ! "
Dans un grognement Jena encaissa la douleur causée par la coupure sur sa joue et essaya de trancher le cou du damné. Erreur. Malin, il para l'attaque avec son bras. Le sang afflua immédiatement et leur adversaire éclata de rire. Ses yeux devinrent plus rouge encore et une queue poussa doucement dans le bas de son dos tandis que ses cornes s'allongeaient.
" - Merci, Roussette. "
Et sur ce, il fonça sur elle. Jena ne put esquiver. Il était beaucoup trop rapide !! Elle ferma les yeux avant que les griffes ne s'enfoncent dans son ventre. Le coup ne vint pas.
" - Nisu, à toi. "
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