6

Ash reprit connaissance après plusieurs heures de sommeil. Dans la pénombre de sa chambre, elle n'aperçut pas tout de suite la silhouette de Charles, dont les yeux la veillaient depuis un bon moment.

Tu nous as fait une belle frayeur, mon ange, résonna la voix du télépathe alors qu'il s'approchait de son lit.

La mutante grimaça, portant ses mains à sa tête.

— Où suis-je ? demanda-t-elle d'une voix éraillée.

— Dans ta chambre, à l'institut. Tu as dormi pendant presque douze heures. Il y avait bien longtemps que tu n'avais pas usé d'autant de puissance... Ton corps n'a pas eu le temps de s'y réhabituer.

Ash resta silencieuse. Les images de la veille lui revenaient progressivement. L'attaque à la gare, l'enlèvement de Malicia... Erik.

Charles sentit son angoisse monter en flèche, et prit sa main dans la sienne.

Rien de ce qui est arrivé n'est de ta faute, lui dit-il de son éternel ton rassurant. Tu as fait ce qui te semblait être bien, et pour ça tu n'es pas à blâmer. Nous la retrouverons, Ash. Je te le promets.

La brune se redressa, serrant la main du Professeur entre les siennes. Les larmes qui brillaient au coin de ses yeux animaient l'éclat morne de ses iris noirs.

— Oui... Mais dans quel état ? murmura-t-elle faiblement, plongeant son regard abattu dans celui de son mentor.

⋇⋆✦⋆⋇

Jean repassa quelques examens médicaux sur son amie avant de l'autoriser à sortir. Encore troublée à cause des événements de la veille, Ash semblait ailleurs. Toutes ses pensées étaient tournées vers Malicia, qu'elle n'avait pas pu sauver, et vers Erik, qui la rendait folle de rage -- bien que cela ne sorte pas de l'ordinaire.

La mutante s'isola de nouveau sur le toit, le regard vers l'horizon. Le feu en elle crépitait doucement, alors qu'elle se perdait dans ses propres émotions. La rage se mêlait au doute, la peur à la détermination, la mélancolie à la culpabilité. Et au milieu de tout ça, une petite voix lui soufflait que son don était trop, ou pas assez.

Soudain, la lucarne à sa droite bascula sur elle-même. Ash faillit glisser du toit, surprise. Elle fronça les sourcils, se demandant qui pouvait bien avoir découvert son repaire secret. Ce fut le visage tendu de Logan qui apparut à la lumière, la cherchant des yeux. Lorsqu'enfin il la vit, Ash songea une seconde à s'échapper pour ne pas avoir à affronter ses reproches. Mais elle n'en fit rien, et le fixa d'un œil craintif.

— Le Professeur m'a dit que je te trouverais là, lui dit-il de sa voix bourrue, s'efforçant presque à la rendre plus légère.

— Qu'est-ce tu veux ? demanda la brune, la gorge nouée.

— Savoir comment tu vas.

Il grimpa sur les derniers barreaux de l'échelle, et vint s'installer à ses côtés en prenant toutes les précautions du monde, les muscles tendus.

— Disons que ça peut aller, répondit-elle tout en l'observant se concentrer pour ne pas tomber. Mais c'est moi ou tu as le vertige ? s'amusa-t-elle d'une voix douce.

— Ça va, te moque pas, grommela le mutant. J'ai toujours pensé que si nous étions fait•es pour atteindre de telles hauteurs, nous serions né•es avec des ailes.

Ash réprima son sourire railleur.

— Tu ne crois pas si bien dire... marmonna-t-elle entre ses dents.

— Apparemment, tu te serais bien défendue hier soir, reprit Logan sans faire attention. Dommage que j'aie raté ça.

— Non, crois-moi, ça vaut mieux comme ça, s'esclaffa-t-elle avec amertume.

— Pourquoi ?

Ash hésita un instant avant de répondre. Le vent qui soufflait sur son visage barrait ce dernier de quelques mèches de cheveux sombres, qu'elle écarta délicatement.

— Je t'ai montré ce que je pouvais faire avec mes flammes, dit-elle finalement. Mais ce n'est pas tout. Quand j'use de mon don... je change. Je me transforme. En quelque chose... que tu n'as pas envie de voir.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? questionna son interlocuteur, un sourcil haussé.

— Mon... Ma mutation n'en est pas vraiment une, expliqua la brune, ses yeux fixant le vide. C'est une malédiction. Ce n'est pas une métaphore, c'est un fait, ajouta-t-elle rapidement avant que l'autre ne puisse répliquer. Charles a beau dire le contraire, je sais qu'il fait ça pour me rassurer. Mais, tu vois... Je m'y suis faite. J'ai appris à cohabiter avec. Je l'ai fait mienne. Mais il y a certains jours où elle redevient un fardeau.

Logan la regardait attentivement, semblant boire ses paroles. Ash pouffa, secouant la tête avec affliction.

— Pardon, tu dois me trouver ridicule. Je ne sais même pas pourquoi je te raconte tout ça...

— Non, non, la coupa le mutant. Continue.

Ash lui offrit un semblant de sourire.

— Ce que je veux dire... c'est que j'ai peur de ne pas être à la hauteur, reprit-elle en levant les yeux.

— Pourquoi tu ne le serais pas ? questionna Logan, perplexe.

La brune fronça les sourcils. Aucune réponse ne lui venait à l'esprit.

— Je n'en sais rien.

— Tes craintes ne sont pas fondées, répliqua son nouveau partenaire en haussant les épaules.

Ash haussa un sourcil dans sa direction, froissée par ses paroles.

— Je te demande pardon ?

— Tu m'as bien entendu. Tu n'as aucune raison d'avoir peur.

— Excuse-moi, s'insurgea l'enseignante, mais qui es-tu pour me dicter ce que je peux ressentir ou non ?

— C'est simplement ce que je constate, se défendit l'autre en levant les mains, sourcils froncés. Et d'après ce que je vois, tu t'inquiètes pour des raisons qui ne sont pas fondées. T'as pas su arrêter ce Magneto ? D'accord. Mais qui a réussi à ta place ?

Ash ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais rien ne lui vint.

— Tu n'as pas pu empêcher Malicia de partir non plus, soit. Dois-je te rappeler qu'elle était sous ma putain de responsabilité, cette gamine ? Et j'ai pas eu plus de succès que toi. Résultat, on a dû aller la chercher, et là encore, j'ai pas su la protéger. Qui est le plus à blâmer, à ton avis ?

La brune se sentit légèrement brusquée par son ton rude, bien qu'elle sache qu'il n'était pas directement dirigé vers elle.

— Logan, je--

— J'ai pas fini, coupa le mutant. T'es la seule qui m'a accompagnée, parmi tout le monde dans cette baraque. Ça en dit long sur toi. Je m'en fous que tes pouvoirs viennent d'une malédiction, ou je sais pas quoi. Ce qui compte c'est que t'as pas hésité à agir pour sauver la petite. Même contre l'autre type qui contrôle le métal. Et ça, c'est putain de courageux.

Ash resta silencieuse, considérant son discours, se concentrant sur chacun de ses mots ; pour au final se rendre compte qu'ils résonnaient en elle de manière évidente.

— Je vais partir à sa recherche, reprit Logan. J'aurais besoin d'une conductrice. Si jamais ça te tente...

La mutante releva les yeux vers lui. Malgré ses traits tirés, son regard brillait d'une nouvelle lueur déterminée. Sans dire un mot, elle hocha la tête. Logan posa une main sur son épaule.

— Parfait.

⋇⋆✦⋆⋇

La nuit tomba petit à petit, recouvrant d'un voile noir les reflets orangés du coucher de soleil. Le couvre-feu des élèves arriva rapidement, et les couloirs de l'école se denuèrent de tout bruit. Ash se préparait à partir, essayant de chasser toute culpabilité qui s'emparait d'elle. Il fallait qu'elle le fasse. Cette fois-ci, elle se sentait prête. Personne ne se mettrait en travers de sa route.

Excepté, peut-être, le Sénateur qui lui tomba littéralement dans les bras à la seconde où elle ouvrit la porte.

— Je cherche le Dr Jean Grey, parvint-il à dire avant de s'effondrer.

Ash s'agenouilla auprès de lui, prise de panique. Elle hurla le prénom de Jean, alarmant au passage la plupart de ses collègues. L'homme fut porté jusqu'au sous-sol, tandis que Jean prévenait le Professeur. Ils vinrent tous les deux après quelques minutes, durant lesquelles Ash et Logan ne pouvaient s'empêcher d'échanger de brefs regards. La brune le forçait à attendre encore.

— Sénateur Kelly, salua le télépathe en s'approchant de la table médicale. Je suis le Professeur Charles Xavier.

Le Sénateur leva les yeux vers lui, visiblement mal en point.

— J'avais peur que... si j'allais à l'hôpital, ils...

— ... vous traiteraient comme un mutant ? termina Charles, presque railleur. Nous ne sommes pas ce que vous pensez. Pas tous.

— Allez le dire à ceux qui m'ont fait ça, répliqua Kelly.

Il avait beau être affaibli, et épuisé, chacun•e put sentir la rage qui s'émanait de ses paroles.

Charles pinça les lèvres, et de se déplaça juste derrière la tête de l'homme allongé.

— Sénateur, j'aimerais que vous vous détendiez, lui dit-il en se penchant au-dessus de lui, posant ses mains de part et d'autre de son visage. Je ne vais pas vous faire de mal, assura-t-il en fermant les yeux.

Ash ne le quitta pas du regard, essayant de capter la moindre de ses réactions. Soudain, il releva la tête, visiblement sous le choc.

— Jean, j'ai besoin des résultats de tes examens, dit-il, troublé.

L'interpellée s'y pencha immédiatement.

Le Professeur quitta la pièce, suivi de près par Ash et Logan.

— Que se passe-t-il ? demanda la mutante, perplexe. Qu'as-tu découvert ?

Charles s'arrêta, les yeux dans le vague.

— Le plan d'Erik. C'est plus grave que ce que j'ai imaginé...

Ash échangea un regard avec Logan, qui paraissait tout aussi soucieux qu'elle désormais. Leur petite escapade pouvait attendre.

— Erik a mis au point une machine, dont le Sénateur a fait les frais, expliqua Charles une fois que les autres les eurent rejoints à l'étage. Elle émet des radiations qui développent une mutation chez les humains ordinaires.

— Mais celle-ci n'est pas naturelle, ajouta Jean, revenue avec son rapport sur les examens. Le corps de Kelly la rejette. Ses cellules ont immédiatement commencées à se décomposer.

— Quels effets a-t-elle sur les mutants ? questionna Scott.

— Apparemment, aucun, répondit le Professeur. Mais je crains que cela ne nuise à toute personne normale qui y serait exposée.

— Non-mutante, corrigea Ash entre ses dents serrées.

— Toute personne non-mutante, reprit Charles. Excuse-moi.

Ash lui offrit un semblant de sourire.

— Pourquoi Magneto s'intéresse à Malicia ? demanda Logan.

— Je ne sais pas, soupira le télépathe.

Le mutant jeta sa veste en cuir sur le dossier du canapé où était assise Ash. Cette dernière leva brièvement les yeux vers lui, faisant fonctionner sa logique à toute vitesse.

— Attendez, intervint Scott. Tu as dit que cette machine puisait son énergie en Magneto, et qu'elle l'affaiblissait.

— Oui, confirma Charles, semblant comprendre où il voulait en venir. En fait, elle l'a presque tué.

— Malicia a la capacité d'absorber l'énergie de tous•tes celleux qu'elle touche... ainsi que les pouvoirs de celleux qui en sont dotés, rappela Ash, plongée dans une profonde réflexion.

La réponse s'imposa dans l'esprit de chacun•e, mais seul Logan l'exprima à voix haute.

— Il va transférer son pouvoir à Malicia et l'utiliser pour alimenter la machine.

Ash se leva d'un bond.

— Nous devons y aller. Il faut faire quelque chose pour empêcher ça.

— C'est exactement ce que j'étais en train de penser, répondit Charles. Cyclope, toi et Storm, préparez le jet. Je vais trouver Malicia. Jean, trouve un uniforme à Logan.

— Attends, il ne vient pas avec nous, n'est-ce pas ? s'insurgea Scott.

— Si, affirma le Professeur.

— Désolé, mais il va compromettre la mission ! protesta Cyclope, indigné.

— Ce n'est pas moi qui ai refait le toit de la gare, mon pote, répliqua froidement Logan.

— Non, mais tu es celui qui as poignardé Malicia dans la poitrine.

— Scott, grinça Jean, alors qu'Ash roulait des yeux ostensiblement.

— Pourquoi tu prends pas ta petite mission, et te la mets--

La fin de sa phrase se perdit dans l'arrivée intempestive de Storm, qui ouvrit la porte en grand, un air affolé sur le visage.

— Le Sénateur Kelly est mort, annonça-t-elle gravement.

Le silence tomba comme un couperet. Ash se tourna brusquement vers son mentor, l'interrogeant du regard.

— Je vais la trouver, fit ce dernier, avant de lever les yeux vers Scott et Logan, qui se fixaient en chiens de faïence. Réglez ça.

Il quitta la pièce dans la seconde. Ash le rattrapa d'un pas rapide.

— Charles ! Attends, l'interpella-t-elle.

Le télépathe s'arrêta au milieu du couloir, sans oser se tourner vers elle.

— Je sais ce que tu vas me demander, observa-t-il. Mais je tiens à te le dire... je pense que c'est une mauvaise idée.

Ash serra la mâchoire, et se redressa.

— Je n'allais rien te demander du tout, argua-t-elle. Je comptais t'informer de ma décision.

Charles leva les yeux vers elle, inquiet.

— Tu sais ce que ça implique. Es-tu sûre de toi ?

Elle secoua négativement la tête, les yeux flamboyants.

— Je ne suis sûre que d'une chose, rétorqua-t-elle. Cette fois-ci, je serais prête. Et rien ne m'empêchera de l'affronter.

Le visage du Professeur se décomposa lentement, tandis qu'il plongeait son regard dans le vide. Ash s'agenouilla auprès de lui et prit sa main dans les siennes pour y déposer un baiser.

— J'ai toujours redouté ce moment, avoua-t-il d'un ton fébrile. J'ai essayé d'empêcher que vos routes ne se recroisent... J'aurais tout fait pour éviter de t'infliger ça.

Ash lui offrit un regard rassurant.

— Je le sais. Mais cette mission est la mienne. C'est le seul moyen que j'ai, si je veux enfin avancer. Il est hors de question que je reste sur le côté à nouveau.

Charles caressa tendrement sa joue, les yeux brillants, et embrassa son front, avant d'y apposer le sien.

Quoi qu'il se passe, je suis avec toi, lui souffla-t-il.

Merci pour ça, répondit Ash avec émotion.

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