La dragonne cligna difficilement des paupières. Une nuée de points dansait devant ses yeux. Elle serra les poings, essayant de reprendre ses esprits, avant de se rendre compte que tous ses muscles semblaient endoloris. Elle grimaça et se redressa dans un bruit de chaînes.

— Qu'est-ce que... marmonna-t-elle, baissant les yeux vers ses poignets.

Ceux ci étaient retenus par des menottes qui l'empêchaient de se débattre. Attachée comme un animal à une barre de métal plantée dans le sol, elle sentit sa rage monter et serra les dents.

— Tu es finalement réveillée, prononça une voix familière. J'ai bien cru que l'on t'avait perdue.

Ces simples mots la remplirent d'une puissante vague de haine. Elle leva son visage vers Magneto et lui adressa le plus noir de ses regards.

— Détache-moi, espèce de lâche ! gronda-t-elle, tirant sur ses chaînes.

— Te détacher ? Oh non, ce n'est pas dans mes plans, ricana le mutant. Ta trahison servira d'exemple à tous•tes celleux qui souhaiteront se dresser contre nous.

Ash le regarda longuement avec dégoût.

— Tu es complètement malade, cracha-t-elle. Une trahison ?

Elle pouffa avec amertume.

— Je suis surprise que tu aies pu croire ne serait-ce qu'une seconde que je soie de ton côté. C'est pathétique.

La colère crispa les traits du maître du magnétisme.

— Ne m'oblige pas à te tuer, menaça-t-il.

— Fais-toi plaisir, répliqua Ash, l'aura sombre. Mais qu'est-ce que ça t'apportera ?

— Je n'aurais plus à te supporter. Tu ne fais que me ralentir.

— Tu n'as surtout pas assez de cran pour affronter les fautes que tu as commises.

Magneto fronça les sourcils, déstabilisé.

— Regarde-moi, Erik, ordonna Ash, la mâchoire crispée. Ce que tu vois, c'est la conséquence de tes erreurs. Ose me dire que c'est ce que tu voulais !

— Bien sûr que non ! répliqua-t-il avec véhémence. Je t'ai acceptée auprès de moi. Je n'ai jamais voulu que tu me trahisses.

— RAPPELLE-MOI QUI A TRAHI L'AUTRE EN PREMIER ! s'emporta la dragonne. HEIN ?!

La rage de son regard le fit reculer d'un pas. Mais il se redressa, plus fier que jamais.

— Tu n'as jamais pu comprendre, répondit-il. Tu n'as même jamais essayé ! Tu es restée enfermée dans tes idées...

Elle laissa échapper un rire acerbe.

— Ne recommence pas... Ça en devient lassant, à force.

— C'est pourtant la seule vérité. Tu--

— Tu penses avoir été le seul à souffrir des actes des non-mutant•es ?! Dois-je te rappeler tous•tes celleux que l'on a perdu à cause d'elleux ?! Veux-tu entendre leurs noms à nouveau, Erik ??

— Je me souviens parfaitement bien de leurs noms ! s'exclama le mutant. Angel, Banshee, Azazel, Darwin !

— ET MOI ?! hurla Ash, comme pour faire part de la puissance de ses émotions. Et moi, Erik ?? Ne sais-tu pas à quel point j'ai souffert ?

Magneto ne cilla pas, gardant les lèvres scellées pour la laisser continuer.

— Je ne suis peut-être pas morte... mais c'est tout comme, reprit-elle d'un ton vibrant de colère sans le lâcher du regard. J'avais une famille. Des parents. Une maison. Et la seule chose qu'iels ont réussi à faire en découvrant ma mutation, c'est me jeter dehors. Alors j'ai erré pendant des jours, avant d'arriver dans un temple. J'ai été accueillie par les moines qui vivaient là. J'ai cru que tout allait s'arranger, qu'ils allaient m'aider. Encore une fois, j'ai été bien naïve...

Erik ne bougea pas d'un pouce, attentif à son récit. C'était la première fois qu'elle acceptait de se livrer à lui.

— Ils m'ont droguée. J'étais à peine consciente la plupart du temps. Et ils en profitaient pour abuser de moi, et de ma vulnérabilité. Ils m'ont... Ils m'ont fait subir des choses atroces. Lorsque j'ai réussi à fuir, je me suis retrouvée au sein d'un cirque ambulant. J'étais exposée dans une cage, et traitée comme un animal dangereux. C'était sûrement ce que j'étais... Je pensais que je ne méritais que ça. La souffrance, et la douleur. Et le pire, c'est que j'en jouais. J'aimais voir la terreur dans les yeux des gens. Je pensais que je pouvais les détruire d'un simple souffle. Mais la vérité, c'est que j'étais prisonnière. Ils avaient facilement l'ascendant sur moi. Jusqu'à cette nuit-là, où j'ai commis un véritable massacre...

Elle souffla, hésitante.

— Tout a brûlé, reprit-elle toutefois, déterminée à finir son récit. Et je me suis enfuie. Je me suis longtemps cachée. J'avais honte de ce que j'avais fait... J'étais un véritable monstre. Je n'avais nulle part où aller, ni personne vers qui me tourner. J'étais destinée à mourir seule. Mais je n'en avais aucune envie... Alors j'ai voyagé. J'ai atterri en Amérique. Et vous m'y avez trouvée.

Elle releva les yeux vers le mutant, qui la fixait sans dissimuler son émotion.

— Et tout ça, je ne m'en souvenais même plus jusqu'à hier, expliqua-t-elle. J'avais enfoui ces souvenirs profondément dans mon esprit. Tout a refait surface lorsque le Phénix a pris le contrôle de Jean. C'était comme revivre toute la douleur une seconde fois.

Magneto fronça les sourcils, prêt à répliquer. Mais Ash le coupa.

— Voilà pourquoi je n'ai pas le droit de m'en prendre aux non-mutant•es sans me remettre en question. Iels ont commis bon nombre d'atrocités, mais moi aussi. Et je ne me le pardonnerais jamais. Alors quitte à agir, je préfère que ce soit pour la paix. Autrement, nous continuerons de souffrir indéfiniment.

Son ton était sans appel. Erik chercha une faille dans son regard, en vain. Elle semblait y avoir longuement réfléchi, et ne lui avait jamais parue aussi sûre d'elle.

— Charles était-il au courant de tout ça ? demanda-t-il.

Ash sentit les larmes lui piquer le nez. Elle hocha tristement la tête.

— Oui, souffla-t-elle. Ce sont ces traumatismes qui m'ont empêchés de vivre pendant des années. Mais grâce à lui... j'ai pu les surmonter.

Le mutant baissa les yeux, visiblement peiné.

— Je suis désolé, dit-il simplement. Sincèrement. J'aurais aimé être présent pour toi également.

— Tu sais très bien que c'est impossible, marmonna Ash entre ses dents. Tu ne penses qu'à toi-même, Erik.

— Tu te trompes, défendit le maître du magnétisme avec un rictus nerveux. J'ai souvent pensé à toi.

La dragonne haussa un sourcil dans sa direction.

— Et tu penses que je vais avaler ça ? ricana-t-elle avec ironie.

— C'est pourtant la vérité.

— TU T'ES SERVI DE MOI, ERIK ! s'emporta la brune. Tu ne m'as approchée que par pur intérêt !! Et moi, je--

Elle s'arrêta net, ses yeux noirs remplis de larmes.

— Dis-le, lança aussitôt le mutant.

Elle lui offrit un regard assassin. Une larme roula sur sa joue.

— Tu aimes me voir dans cet état, hein ? cracha-t-elle avec hargne.

— Absolument pas, répliqua Magneto avec un léger sourire fébrile. Tu ne pourras jamais te rendre compte de l'intense affection que je t'ai portée. Que je te porte toujours...

— Tais-toi, gronda Ash entre ses dents.

— ... Et de l'admiration que je te voue depuis toutes ces années.

— Arrête !

— Tu refuses d'entendre la vérité ! Pourtant tu le sais tout aussi bien que moi ! Nous aurions pu allier nos puissances ; devenir les maîtres du monde !

— TAIS-TOI ! hurla la dragonne, sentant la rage monter en elle.

Pourtant, rien ne se produisit. Pas de chaleur étouffante, pas de flammes. Plus de brasier. Comprenant petit à petit, elle afficha un air horrifié.

— Qu'est-ce que tu m'as fait... ? souffla-t-elle, sous le choc.

— Tu ne m'as pas laissé le choix, répondit l'autre, l'attitude fuyante. J'ai paré toute éventualité de fuite ou de rébellion...

Magneto sortit un pistolet de son costume pourpre. Ash comprit immédiatement.

Il lui avait administré le sérum. Sa mutation avait entièrement disparue de ses cellules.

Elle sentit son cœur tomber en chute libre au fond de sa poitrine. Si elle n'était pas déjà à terre, elle se serait effondrée.

— Qu'est-ce que tu m'as fait... répéta-t-elle, encore inconsciente de ce qui se passait. Erik... Tu n'as pas... Tu n'as pas pu... ?

— Je suis désolé, Red.

C'était comme si tout son monde s'effondrait. Elle le regarda s'éloigner d'un air hagard, incapable de réagir.

— Non... Non, tu ne peux pas... souffla-t-elle. Tu ne peux pas me laisser comme ça... Erik !

Elle secoua la tête comme une démente, glissant ses doigts dans ses cheveux sombres.

— C'est... Ce n'est pas possible... Ce n'est PAS POSSIBLE, hurla-t-elle soudainement. ERIK ! TU NE PEUX PAS ME LAISSER AINSI !

Ses larmes lui brouillaient la vue, mais elle comprit qu'il ne reviendrait pas. Secouée de violents sanglots, elle laissa éclater son désespoir dans un long cri déchirant. Il résonna tout autour d'elle, comme pour venir la hanter, tandis qu'elle essayait de se persuader que ce n'était qu'un rêve.

Mais elle devait se rendre à l'évidence. Elle n'était plus mutante.