Charles avait rapidement déterminé l'endroit où Jean avait pu se réfugier. Le seul, après le manoir, où elle avait vécu des moments forts de sa vie. Lors du départ, Ash était en première ligne, bien décidée à récupérer son amie. Son esprit était embrumé par de nombreuses pensées parasites, comme la disparition de Scott. La révélation de Jean l'avait ébranlée. Si elle disait vrai, et qu'il était réellement mort, la brune s'en voudrait pour le reste de sa vie. Elle ne lui avait jamais présenté ses excuses après la dernière dispute qui les avait opposé•es. Elle ne s'était jamais réconciliée avec lui, comme lui en faisait toujours l'effort dès que le ton montait entre elleux. Et maintenant, il était probablement trop tard. S'il était définitivement parti, Scott l'avait quittée en étant persuadé qu'Ash pensait ce qu'elle avait dit. Et cette idée était bien trop brutale pour elle.

Mais au milieu de ce cercle constant de culpabilité, la dragonne voyait le visage de Jean de manière très nette. Pour le moment, elle était sa priorité. Même sur Logan, qui semblait toujours vexé de leur légère altercation. Il lui avait à peine adressé la parole, sûrement par peur de lancer des mots acerbes dépassant sa pensée. Ash respectait cela, gardant ses distances avec le mutant pour le moment. Elle devait régler ça avant toute chose. Après quoi, elle serait de nouveau toute à lui. Si jamais il voulait encore d'elle...

Storm gara la voiture dans un petit quartier tranquille. Ash détacha sa ceinture et ouvrit sa portière sans attendre. Elle était déjà venu chez les Grey, quelques années plus tôt, et retrouva rapidement ses repères.

— Ash, l'interpella le Professeur.

Elle se tourna vers lui, un sourcil haussé.

— Vous devez m'attendre ici.

Elle ne put s'empêcher de pouffer avec sarcasme.

— Pardon ?

— Je dois la voir seul, expliqua le télépathe sans lui accorder un regard.

— Pour qu'elle te réduise en poussière ? Ne compte pas sur moi.

Elle s'apprêta à tourner les talons pour se diriger vers la grande maison, lorsqu'elle entendit une voix familière.

— Tu avais raison, Charles.

La dragonne se tendit dans un réflexe et fit face au nouvel arrivant, lui offrant un regard assassin.

— Celle-ci est spéciale, reprit Magneto en s'avançant vers eux.

— Qu'est-ce que tu fous là ? s'enquit immédiatement Logan, agressif.

— Pareil que le Professeur, répondit Erik en levant les yeux vers lui. Je rends visite à une vieille amie.

— Laisse Jean tranquille, Erik, gronda Ash en se plaçant face à lui. Nous sommes venu•es pour l'aider.

— Moi aussi, très chère, répondit le mutant. Alors entrons, voulez-vous ?

La dragonne souffla, laissant échappant un nuage de fumée noire par ses narines, et prit la direction de la maison des Grey. Posté•es devant le porche, un groupe de mutant•es -- probablement venu•es avec Erik -- l'observaient d'un air menaçant. Cependant, aucun•e d'entre elleux ne fit le moindre geste pour l'arrêter. Elle les défia d'un regard flamboyant et passa devant elleux d'un pas décidé. Sans hésiter, elle tourna la poignée et passa la porte d'entrée. Elle observa tout autour d'elle tandis qu'elle pénétrait le hall, et se fit la réflexion que rien n'avait changé depuis la fois où elle y était venue. Mais plus elle avançait dans la maison, plus les choses devenaient inquiétantes. Les objets bougeaient tous seuls, les tableaux tremblaient sur les murs, les meubles lévitaient dans les airs.

— Jean ? appela-t-elle d'une voix forte, ignorant l'angoisse qui lui prenait la gorge.

Il s'écoula quelques secondes de silence total avant qu'elle n'entende la voix de son amie murmurer dans son esprit. Elle ne faisait qu'appeler son nom, mais Ash fut parcourue d'un frisson désagréable. Elle s'arrêta au milieu du couloir. Une main vint doucement saisir la sienne. Elle n'eut pas besoin de baisser les yeux pour reconnaître la poigne rassurante de son mentor. Malgré sa colère, elle était soulagée de l'avoir à ses côtés.

— J'ai un mauvais pressentiment, lui glissa-t-elle du bout des lèvres.

Il ne répondit pas, inspirant profondément. Iels échangèrent un simple regard, qui leur suffit à se comprendre. Charles s'avança le premier, Ash juste derrière lui. Dans le salon, Jean se tenait raide sur une chaise, le visage sombre.

— Je t'attendais, déclara-t-elle d'une voix caverneuse en levant les yeux vers le télépathe.

— Bien sûr, répondit-il. Je suis venu pour te ramener à la maison.

— Je n'ai pas de maison, répliqua la mutante, le regard débordant d'une haine inhabituelle.

— Si, dit le Professeur. Tu as une maison, et une famille.

— Jean ? Tu m'entends ? tenta Ash, parlant dans sa tête.

Elle n'eut aucune réponse. Même pas de voix lointaine, comme elle avait l'habitude de recevoir ces derniers jours.

— Il te juge incapable de contrôler son pouvoir, intervint Magneto.

— Erik... prévint le télépathe.

— Je ne pense pas que tes petites manipulations mentales vont continuer de fonctionner, Charles.

— Tu veux me contrôler ? murmura Jean entre ses dents, les yeux brillants.

— Non, affirma le Professeur.

— Mais si, contredit Erik.

— Non, je veux t'aider.

— M'aider ? répéta Jean, l'air absent. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

— Absolument rien, répondit Magneto.

— Erik, arrête !! s'exclama brusquement le télépathe.

— Non, Charles, pas cette fois. Tu l'as toujours bridée !

— Et depuis quand ça te concerne ? questionna gravement Ash, sentant la colère monter. Tu n'étais pas là. Tu n'as jamais été là pour elle. Tu n'as pas ton mot à dire.

— Je ne suis là que pour son intérêt, répondit fermement Erik.

— Non, rétorqua la brune, l'aura brûlante. Comme d'habitude, tu n'es là que pour le tien !

Soudain, les portes de la maison claquèrent dans un grand vacarme. Les meubles de la pièce se mirent violemment à trembler.

— Jean, regarde-moi, ordonna Charles. Regarde-moi !

— Sors de ma tête ! gronda la mutante, l'écartant brusquement.

— Je pense que tu devrais l'écouter, Charles ! fit Erik.

Ash dégaina ses griffes et les plaça au niveau de sa gorge.

— Plus un mot, grinça-t-elle, le regard flamboyant, le souffle ardent.

Erik l'observa d'un œil brillant.

— Fais-moi confiance, reprit le Professeur, ignorant le maître du magnétisme. Tu es un danger pour toi, et pour les autres. Mais je peux t'aider !!

La dragonne tourna son visage vers Jean, l'air anxieux. Son amie semblait lutter avec acharnement contre son double, le visage crispé. Les larmes roulaient sur ses joues pâles.

— Regarde Scott ! fit Charles, affrontant la puissance du Phénix. Tu as tué l'homme que tu aimais parce que tu n'arrivais pas à contrôler ton pouvoir !!

— ARRÊTE ! hurla-t-elle avec souffrance.

Une vague de pouvoir vint les atteindre avec une grande intensité. Ash traversa la porte vitrée menant à la cuisine. Elle eut le réflexe de protéger son visage de ses bras, mais une vague de douleur parcourut sa colonne lorsqu'elle atterrit contre le plan de travail. Elle se recroquevilla en grimaçant. La puissance la clouait au sol, et ce malgré ses efforts pour se relever. La maison s'éleva dans les airs, portée par le pouvoir inoui de la télékinésiste.

— JEAN ! cria-t-elle dans sa tête. ARRÊTE ÇA ! TU VAS FAIRE DU MAL À QUELQU'UN !

Mais ses tentatives furent vaines. L'esprit de la mutante semblait complètement fermé. Ash vit avec horreur Charles se soulever de son fauteuil. Elle continua d'appeler le nom de son amie, sans résultat. Elle ne réagit même pas à sa voix. Ses yeux se teintaient de noir, prouvant que le Phénix la possédait peu à peu. Il s'écoula quelques longues secondes, pendant lesquelles Ash crut voir la fin. Finalement, la vague de pouvoir s'accrut d'un coup. Elle comprit que quelque chose allait arriver, et en eut des sueurs froides.

— Mon ange... prononça clairement la voix de Charles dans son esprit. Je t'aime. Ne l'oublie pas.

Soudain, son corps disparut, réduit en poussière en un quart de seconde. Ash écarquilla les yeux de terreur, et hurla le nom de son mentor. Puis, tout revint à la normale. La maison retomba sur ses fondations, et les murs cessèrent de trembler. Mais Ash ne sortit pas de son état de choc. Ses griffes s'enfoncèrent dans le sol, alors que ses yeux noirs fixaient le vide. Elle était complètement détruite.

Charles. Celui qui l'avait accueillie. Aidée. Celui qui lui avait tant donné. Qui l'avait tant aimée. Probablement la personne la plus importante de sa vie. Disparue en un battement de cils.

Elle sentit la rage monter en elle, sans pouvoir l'apaiser. À vrai dire, elle ne voulait pas l'apaiser. Ses yeux se mirent à brûler d'une flamme ardente. Les mains tremblantes, elle s'installa sur ses genoux, crispant ses doigts sur son crâne. La douleur était telle qu'elle la ressentait aussi physiquement que psychologiquement. Elle n'avait jamais expérimenté tant de souffrance. Et celle-ci se changeait peu à peu en brasier, qui montait en elle sans qu'elle ne puisse le contenir.

Plus loin, Logan l'aperçut et esquissa un geste dans sa direction.

— J'éviterais, si j'étais toi, prévint Magneto, soutenant Jean.

Le mutant lui lança un regard noir, et s'approcha de la dragonne avec prudence.

— Ash ? Regarde-moi.

Mais elle ne l'entendait pas. Elle n'écoutait que sa rage folle, et la douleur du deuil qui se mettait en place dans son esprit.

Il toucha son épaule. Et elle explosa.

Une colonne de flammes monta autour d'elle, alors qu'elle poussait un terrible hurlement de souffrance. Sa silhouette démoniaque se forma dans le brasier. Envoyé valser sur quelques mètres, Logan écarquilla les yeux en avisant ce qu'il se passait. Les immenses ailes noires de la dragonne apparurent dans son dos. Storm et Logan observèrent le phénomène sans savoir réagir, le cœur déchiré.

Finalement, la mutante prit son envol. L'impressionnante boule de feu qu'elle formait s'éleva dans le ciel et disparut à l'horizon en quelques secondes seulement.

Complètement abattu•es par la disparition de leur mentor, et de leur amie, Logan et Ororo se laissèrent tomber au sol, déversant leur affliction dans une longue étreinte secouée de sanglots.