21

Ash resta quelques jours en compagnie de Hank, censé retourner aux laboratoires. L'enseignante estima qu'elle en avait assez vu et resta dans la chambre d'hôtel qu'iels partageaient -- en effet, il laissait des poils partout.

N'ayant aucun moyen de contacter Logan, elle espérait simplement qu'il ne se languissait pas trop sans elle. Enfin, quand même un petit peu...

Remarquant sa contrariété, qu'elle n'essayait pas de cacher, Hank l'invita un soir au restaurant. Malgré sa notoriété publique, il reçut tout de même quelques regards en coin qui mit Ash en colère.

— Ignore-les, conseilla son ami avec douceur. Celleux-là sont des imbéciles.

— Ça n'empêche que ça ne devrait pas arriver, maintint-elle. Nous ne sommes pas des bêtes de foire...

De désagréables souvenirs refirent surface dans son esprit. L'appétit coupé, elle reposa ses couverts, la mine sombre. Hank déposa sa main sur sa joue et la força à lever les yeux.

— Quoi que tu décides, promets-moi de ne pas te mettre en danger, dit-il simplement.

La mutante fronça les sourcils.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Il lui offrit un sourire.

— Ash... Tu es ma meilleure amie. Nous avons partagé tant de choses que je te considère presque comme ma sœur, confia le Fauve. Je te connais par cœur.

Elle crispa la mâchoire, déglutissant difficilement, et détourna les yeux.

— Je ne peux pas faire ça à Charles... Il est tout ce que j'ai. Tout ce qu'il me reste. Sans lui, je...

Elle laissa sa phrase en suspens. Hank l'enveloppa d'un regard protecteur.

— Et... ce Logan, alors ? questionna-t-il.

Ash ne put s'empêcher d'esquisser un rictus.

— Comment as-tu deviné ?

— Ce n'était pas bien compliqué. Il suffisait de regarder tes yeux. Ils n'ont jamais autant brillé pour personne.

La dragonne fronça les sourcils, secouant doucement la tête.

— Parce que... c'est différent. Je crois, répondit-elle. Je ne m'attendais pas à grand chose, au début. Rien de sérieux, en tout cas. Et, au final, c'est juste... arrivé. Je me suis rendue compte que je n'y arrivais plus sans lui. Il y a eu quelques soucis en cours de route, mais... je crois qu'on se convient vraiment. Ça fait deux ans qu'on ne se lâche plus, confia-t-elle avec un rictus amusé. Je me sens épanouie dans cette relation. Avec Logan, j'ai l'impression que tout est possible.

— Je suis vraiment heureux pour toi, assura Hank en saisissant ses mains, déposant un baiser dessus.

Ash lui offrit un sourire ému.

— Merci, répondit-elle du bout des lèvres.

La mutante se rappellerait toute sa vie de sa première rencontre avec le Fauve. Iels n'avaient pas tissé de liens aussi forts immédiatement, mais c'était venu doucement, avec le temps, avec ce qu'iels avaient partagé au fil des jours. Iels étaient les seuls à être restés auprès de Charles après le démantèlement de la première équipe, et s'étaient considérablement rapproché•es à ce moment-là. Iels avaient passé des années à vivre ensemble, à suivre une éducation similaire, et étaient presque devenus inséparables. Puis, Hank s'était finalement lancé dans la politique et avait suivi son propre chemin. Tout comme Ash, qui avait choisi de rester auprès de leur mentor pour enseigner aux générations futures ce qu'elle avait appris de lui. Mais iels n'avaient jamais perdu contact. Leur amitié était aussi solide qu'autrefois, pour le plus grand bonheur du Professeur.

Iels revinrent à l'hôtel bras-dessus, bras-dessous, ravi•es par cette soirée qu'iels avaient passée.

Ash aurait aimé profiter un peu plus de ce temps avec son ami, mais sa maison lui manquait. Alors, le lendemain matin, elle prit un avion jusqu'à l'aéroport de Westchester, et paya un taxi pour qu'il l'amène au manoir. Elle porta son bagage à bout de bras et pénétra dans le hall. Elle fut immédiatement envahie d'une douce sensation de chaleur.

Elle prit la direction de sa chambre pour y poser son sac avant toute chose. Ouvrant la porte, elle esquissa un large sourire en apercevant Logan sur le lit.

— Hey, lança-t-elle. Je suis de retour.

Le mutant leva les yeux vers elle, visiblement crispé.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'amusa la brune en s'avançant vers lui, sulfureuse. Tu n'es pas content de me voir ?

— Ash... souffla-t-il tandis qu'elle venait s'asseoir sur ses cuisses, se penchant vers lui. Attends.

Elle fronça les sourcils et se figea, préoccupée par son ton désolé. Une lueur d'inquiétude anima son regard.

— Quoi ? questionna-t-elle. Qu'est-ce qui se passe ?

Logan se redressa et entoura sa taille d'un bras, prenant sa main de l'autre, sans lâcher son regard une seule seconde. La mutante commençait sérieusement à paniquer.

— C'est Jean, annonça-t-il alors de manière abrupte. On l'a retrouvée.

Ash sentit son cœur faire une chute de mille mètres dans sa poitrine.

— Quoi ? s'enquit-elle d'une voix blanche.

— Près de Alkali Lake. Nous l'avons ramenée ici.

Les doigts de la dragonne se crispèrent sur ceux de son compagnon. Son souffle se coupa brusquement, et son regard perdu se remplit de larmes. Logan dégagea les cheveux de jais de son visage.

— Ash... ? Tu--

— Où est-elle ?! coupa la brune en plongeant son regard dans celui du mutant.

Bien qu'elle s'efforce de le dissimuler, il pouvait facilement y lire son affolement.

— En bas, répondit-il. Mais, Ash...

Sans attendre plus d'explications de sa part, elle se précipita hors de la chambre et dévala les escaliers jusqu'au sous-sol. Son instinct la dirigea vers les labos, dont la porte s'ouvrit à son approche. Derrière, elle croisa les regards bouleversés du Professeur et de Storm. Cette dernière, les joues recouvertes de larmes, se jeta dans les bras de son amie. Ash posa enfin son regard sur le visage de Jean, dont les yeux étaient fermés. Agitée de tremblements nerveux, elle serra Ororo contre son cœur, la gorge nouée de sanglots incontrôlables.

— E- Elle... Elle est... Elle est...

— Oui, répondit Charles, visiblement préoccupé. Oui, elle est vivante.

Elle ne ressentit pas le besoin de savoir pourquoi, ni comment. L'affirmation de son mentor lui suffisait amplement.

Soudain, un visage apparut dans son esprit.

— E- Et Scott ? s'enquit-elle, la voix vacillante. I- Il doit être t-tellement heureux...

Aussitôt, la mine des autres se fit bien plus sombre. Charles s'apprêtait à répondre, mais Logan le devança, pénétrant la pièce à son tour.

— On a trouvé ça avec elle, expliqua-t-il en montrant les lunettes en quartz-rubis de Cyclope.

Ash s'en saisit et observa son reflet dans les verres rouges.

— Qu'est-ce ça veut dire ? demanda-t-elle, l'air engourdi, les sourcils froncés.

— On ne sait pas, répondit Storm, essuyant ses larmes sans lâcher la main de la dragonne.

Cette dernière sentit la saveur acide d'un mauvais pressentiment remonter dans sa gorge, mais déglutit sans dire un mot. Doucement, elle s'approcha de la table médicale sur laquelle Jean était allongée. D'un geste délicat, elle noua ses doigts aux siens, observant chaque détail de ce visage qu'elle connaissait déjà par cœur. Elle respira profondément afin de calmer ses sanglots.

— Je n'arrive pas à croire que tu soies là... murmura-t-elle.

— Cela paraît incroyable, en effet, répondit gravement le Professeur. Il faut que nous en sachions plus. La masse d'eau qui s'est effondrée sur Jean aurait dû l'anéantir... La seule explication de sa survie serait que ses pouvoirs l'ont enveloppée dans un cocon d'énergie télékinétique.

— Elle va s'en sortir ? questionna Logan en s'approchant à son tour, posant une main rassurante sur l'épaule de sa compagne.

Charles leva les yeux vers lui avec un rictus.

— Jean est, avec Ash, la seule mutante de classe cinq que je connaisse, expliqua-t-il. Son potentiel est illimité. Sa mutation se situe dans la partie inconsciente de son esprit, et c'est là que réside le danger.

Ash ignora sans le vouloir le récit de son mentor, concentrée sur les traits endormis de son amie.

— Quand elle était petite, j'ai créé une série de barrières psychiques pour isoler ses pouvoirs de son esprit conscient, reprit Charles. En conséquence, Jean a développé une double personnalité.

Logan fronça les sourcils, intrigué.

— Comment ça ?

— La Jean consciente, celle qui contrôle ses pouvoirs... Et son double endormi, expliqua le Professeur. Une personnalité qui, lors de nos séances, en est venue à se nommer elle-même : le Phénix.

La brune étouffa un sanglot. Les visages convergèrent dans sa direction.

— Je te l'avais dit... souffla-t-elle d'une voix faible, bouleversée. Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée.

Elle plongea son regard flamboyant dans celui de son mentor.

— C'était la seule solution, Ash... Nous en avons discuté maintes et maintes fois, déclara ce dernier, visiblement navré.

— Non, rétorqua l'enseignante en secouant la tête, la gorge nouée. Tu te trompes.

— Je comprends pas, marmonna Logan. De quoi vous parlez ? Qu'est-ce que c'est, ça, le Phénix ??

Charles retint un soupir.

— Une créature purement instinctive, régie par le désir, l'allégresse et la fureur.

Ash resserra ses doigts autour de ceux de son amie inconsciente, semblant sur le point d'exploser.

— Sortez, ordonna-t-elle d'une voix caverneuse, semblant sortir des tréfonds de sa cage thoracique.

— Mon ange... pria le Professeur.

— Non ! s'écria-t-elle en se levant d'un bond sans lâcher la main de Jean. Vous allez la réveiller ! SORTEZ D'ICI !

Campée sur ses deux pieds, l'aura menaçante, elle dégageait une telle chaleur qu'ils furent obligés de s'éloigner.

— Ash, appela Logan d'un ton ferme.

— QUOI ?! rugit-elle en se tournant vers lui.

Une étincelle inquiète traversa son regard lorsqu'il aperçut la flamme ardente dans ses yeux. Son ombre même renvoyait une image démoniaque. Il semblait qu'elle puisse les calciner sur place rien qu'avec un regard. Il n'insista pas, et Charles et lui battirent en retraite.

Ash, transmit le télépathe dans son esprit. Tu sais que c'était le seul moyen...

— Sors d'ici, répondit-elle d'un ton sans appel, le défiant de toute sa silhouette.

Le Professeur acquiesça doucement, abattu, et la porte se referma derrière lui. Il ne fallut pas plus d'une seconde à la mutante pour s'écrouler au-dessus de son amie encore inconsciente, secouée de sanglots.

— Je suis désolée... balbutia-t-elle sans retenir ses larmes. Je suis désolée, mais je ne peux pas...

Elle saisit son visage entre ses mains, et le dégagea des quelques mèches de cheveux rousses collées à son front.

— Tu es magnifique, Jean, murmura-t-elle. Pardonne-moi...

Doucement, sa main se recouvrit d'écailles pourpres tandis qu'elle venait la placer au-dessus de la poitrine de son amie. Elle ne sut arrêter ses larmes. Ses griffes se plantèrent dans la peau de la télékinésiste.

— Je t'aime, dit-elle dans un souffle.

Progressivement, elle sentit le brasier monter en elle. Fermant les yeux, elle se concentra sur son but. La bouche tordue en une grimace de souffrance, elle fut incapable de s'arrêter de pleurer, consciente des conséquences de son geste. Pourtant, elle savait que c'était la seule solution si elle voulait éviter le pire.

Soudain, elle sentit une poigne ferme saisir son bras. Prise de surprise, elle rouvrit les yeux et croisa le regard furieux de la mutante allongée sur la table médicale. Sauf que ce n'était plus son amie.

— Jean... ? eut-elle le temps de murmurer avant d'être violemment projetée en arrière.

Elle s'écrasa brutalement contre l'armoire en verre, et tomba au sol avec un gémissement de douleur. Sonnée, elle mit un certain temps à se relever.

— Ash ?

La dragonne papillonna des yeux, le corps meurtri par sa chute.

— Oh, mon Dieu...

Des mains vinrent l'aider à se relever, et encadrèrent son visage. Ses yeux se plongèrent dans ceux de la rousse, qui la fixait avec affolement.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?! la questionna cette dernière.

Ash ne put en croire ses yeux. Elle aurait pu en mettre sa main à couper. C'était bien celle qu'elle avait connue, désormais, qui lui faisait face.

— Jean... souffla-t-elle, profondément confuse.

L'autre semblait tout aussi troublée. Dans un réflexe, elles échangèrent une étreinte soulagée. Ash se mit à sangloter dans l'épaule de son amie, réalisant ce qu'elle aurait pu faire.

— Je suis désolée... Désolée, désolée... gémit-elle.

— Pourquoi, désolée ? s'enquit Jean, perplexe. Ash, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que je fais là ?

Déconcertée, la brune plongea à nouveau son regard dans le sien.

— Tu ne te rappelles de rien... ?

— C'est... C'est très flou, avoua Jean, les yeux dans le vague. Je me rappelle de l'eau, et du froid... Et je me souviens de toi. Et...

Ash resserra ses doigts autour des siens, l'incitant à continuer. Jean réfléchit un instant, avant de se figer, l'air horrifié.

— Oh, mon Dieu... Je... Je...

— Quoi ?! s'inquiéta la brune. Dis-moi, Jean...

L'interpellée leva les yeux vers elle, le visage crispé, les yeux larmoyants.

— Ash... Je crois... Je crois que j'ai tué Scott, confia la télékinésiste, anéantie par sa découverte.

La dragonne ne sut quoi répondre sur le moment, sous le choc. Un frisson de terreur parcourut sa colonne vertébrale. Elle savait ce que ça signifiait. Elle était résignée. Elle devait agir avant qu'il ne soit trop tard.

Doucement, elle entoura la taille de Jean de ses bras, et dégaina ses griffes noires.

Je suis désolée, prononça-t-elle dans sa tête.

Désemparée, Jean l'interrogea du regard avant de sentir la pointe des griffes se planter dans sa peau. Elle écarquilla les yeux d'effarement.

— Ash... ?

— J'espère que tu me pardonneras, pria la brune, abattue.

Elle était persuadée de réussir, cette fois. Mais dès lors que les flammes commençaient à monter en elle, l'aura de Jean s'assombrit. Ses yeux changèrent, perdant cette étincelle chaleureuse et rassurante, devenant froids et durs. Dirigée par une force bien plus puissante qu'elle, la rousse planta à son tour ses ongles dans les bras de la dragonne.

— Te pardonner ? répéta-t-elle d'une voix d'outre-tombe.

Ash sentit son cœur s'arrêter. Et tout bascula. Le Phénix, ayant pris le dessus sur l'esprit de Jean, envoya tout valser dans la pièce, dont le corps de la brune, qui perdit connaissance. Après quoi, il détruisit la porte comme si ce n'était qu'un vulgaire panneau de bois, et s'éloigna à pas raides.

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